
Guy LHEUREUX
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Descriptif auteur
Poète et Peintre amateur d'origine picarde.
Inspecteur Formateur d'Enseignants (20ans en Anjou), Chercheur Universitaire (adhérent à l'AESCE) en Pédagogie (Saint-Cloud), Psychologie (Nantes), Philosophie (Tours), en Sciences Humaines (Université Rennes2)
-Instituteur 20ans dans le Nord de la France et Inspecteur -Formateur 20 ans en Anjou
-Docteur en Philosophie (Université de Tours), Titre : Quels liens philosophiques et pratiques entre le sacré, la laïcité et la spiritualité.
-Études supérieures en philosophie (Université Amiens) Études en psychologie (DEA Université Nantes) Études supérieures en pédagogie (E.N.S. Paris)
Peintre amateur élève de Laurent Noël et de Françoise Vandiedonck, cocréateur de salons d'art modeste, adhérent au Groupe Artistique Trélazéen .
Poète amateur ayant publié en diverses revues, adhérent de la Plume Angevine. cocréateur de revues éphémères (La Bonde, Poévie).
Chercheur universitaire adhérent régulier à l'A.E.C.S.E.(Sciences Humaines)
Structure professionnelle : 21 rue Camille Gaspalon 49800 Trélazé (France)
Titre(s), Diplôme(s) : Docteur en Sciences Humaines (Rennes 2); DEA Psychologie (Nantes); Maïtrise Philosophie (Amiens) ; CAIEN ( ENS St Cloud); CAEEAA (Amiens); CAEI (Amiens)
Fonction(s) actuelle(s) : Inspecteur Honoraire de l'Education Nationale
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AUTRES PARUTIONS
ESSAI en SCIENCES HUMAINES :
" Les valeurs Humaines peuvent-elles sauver le Monde " (Éditions des Écrivains, 2019) [sous-titre : l'éveil de la société française aux valeurs humaines peut-elle sauver notre modèle démocratique et humaniste?]
Article et dessin dans "Fenêtres sur Plumes" (Editions du Petit Pavé)
Plusieurs textes et poèmes dans Revue:
"La Plume Angevine" et dans revue "Empreintes" (La Taverne-Aux-Poètes)
Articles, Poèmes et Textes publiés dans la Revue Nantaise "Le Pot à Mots"
- OUVRAGE EN POESIE (et dessin)
Titre : "70 poèmes et 70 dessins pour te dire que je t'aime" ( Éditeur PUBLIBOOK, Paris)
- PROJET LIVRE EN PHILOSOPHIE / " La Laïcité Française est-elle sacrée? "
LES ARTICLES DE L'AUTEUR
CONTRIBUTION A L'AMELIORATION DU SERVICE PUBLIC D'EDUCATION Propositions d'un chercheur au Sénat et à l'Assemblée Nationale
Mettre en place une pédagogie de la bienveillance, à l'aide d'une "vie scolaire bonne", où chaque éducateur s'efforce de redonner du sens à notre existence partagée, dans une scolarité où les savoir-être sont aussi importants que les connaissances à acquérir...
Améliorer le service public d'éducation en apprenant la communication non-violente, en développant une pédagogie de la bienveillance, en apprenant aux enfants à se calmer et se centrer, en expérimentant un vivre- ensemble qui développe le respect mutuel, l'attention aux autres, et l'éveil aux valeurs humaines (EVH)
Suite aux événements de janvier 2018 et aux grèves de 2019, un chercheur angevin (a) propose plusieurs stratégies éducatives nouvelles à tous les enseignants du pays pour reconstruire laïcité, démocratie et valeurs humanistes. Il les a envoyées au Sénat Français, à l'Assemblée Nationale, et au Ministre Actuel de l'Education (i).
Une éducation à la CNV (communication non-violente) en classe permettrait de diminuer de 80% les actes délictueux entre enfants, comme observé dans les écoles des pays européens qui la pratiquent. (b).
-Un éveil au yoga traditionnel à l'école afin d'apprendre à se calmer, se centrer (c) pour être plus attentif pendant l'apprentissage. Seules 600 écoles en métropole le pratiquent, voir le site du RYE (d).
-Une éthique scolaire minimale, tissée de démocratie et de laïcité, pourra être enseignée chaque jour en classe pour forger des bonnes habitudes, rappeler tabous sociaux et interdits moraux, les règles du vivre-ensemble, mais aussi éveiller à l'écoute mutuelle vraie ((restituer ce que l'autre a exprimé précisément avant de préparer sa réponse).
-Enseigner et éduquer aux valeurs humaines afin de construire l'humanitude du futur citoyen transversalement, dans chaque discipline: paix, solidarité, coopération, bonté, respect des différences (tolérance, non racisme), respect des autres....(enfants, adultes, parents, enseignant), fraternité, service désintéressé, patience, entraide,etc) Chaque valeur sera définie, expliquée, illustrée, pratiquée, exemplarisée, mise en action,et évaluée. Cet esprit de paix est enseigné en Europe (Suisse, Belgique, Suède, Finlande, Hollande), peu d'E.I.P. en France (60 Écoles Instruments de Paix). -(g) -
Éveiller au respect de l'environnement, respecter toutes les formes de vie, la terre, l'air, l'eau, l'espace, l'atmosphère, la nature, par une meilleure connaissance des équilibres et des besoins, apprentissage du jardinage, éveil au non-consumérisme (explication et illustration des dérives du "toujours plus", de l'avidité, & expliquer les bienfaits de la sobriété et du contentement [in livre de P. Rabhi: (e). ]-
-Développer et éveiller à une spiritualité laïque (f), hors de tout dogme ou religion : ouvrir les qualités de cur des enfants, réconcilier la laïcité et le sacré (le corps de l'autre est sacré, le respect de ceux qui nous ont donné la vie est sacré, le respect et la tolérance des croyances religieuses sont sacrés, la terre et l'eau sont sacrés), redécouvrir l'émerveillement devant la beauté, accorder autant d'importance à l'être qu'au savoir ou à l'avoir, mettre au repos son mental et ses pensées pour mieux écouter ses ressentis.
- La mise en oeuvre d'une pédagogie de la bienveillance, et d'une "vie scolaire bonne", utile et agréable, où l'attention aux autres et la coopération sont promues, où le respect des valeurs morales est accepté et appliqué par tous les acteurs de l'école, où chaque éducateur s'efforce de redonner du sens à notre existence partagée, dans une scolarité où les savoir-être sont aussi importants que les connaissances à acquérir, afin de redonner goût aux apprentissages.(g)
Notes :
Notes Informatives
-(a)auteur de : "Éducation morale et éthique scolaire hier, aujourd'hui et demain : une éthique minimale et une spiritualité laïque comme alternatives" (L'Harmattan, 2014)Ce livre fut préfacé par Mr Hessel et postfacé par Mr Rabhi. Lheureux Guy est Docteur en Sciences Humaines (Université de Rennes2 : consulter la note de bas de page h) et Doctorant-Chercheur en Philosophie (Université de Tours)
-(b) Lire l'ouvrage de Rosenberg initiant à la CNV : " les murs sont des fenêtres"
-(c) Le livre de Snel pour apprendre aux enfants à se centrer envoyé gratuitement à toutes les écoles suédoises par leur ministère ("être attentif comme une grenouille"
-(d) Consulter les documents de M. Flack sur le yoga à l'école (site du RYE) et lire l'ouvrage de Coulon & Flack : "le yoga à l'école : des enfants qui réussissent"
-(e) La sobriété heureuse de Pierre Rabhi (Actes Sud) explique le sens et la pratique de ce vivre ensemble citoyen.
-(f)Voir les définitions proposées de la spiritualité laïque sur le site http://recherche-lheureux.e-monsite.com/) (en lien avec les pensées de Foucault, de Ricoeur, et des philosophes français d'aujourd'hui)
-(g) Contribution de Stéphane Hessel dans sa préface du livre (a).On peut la découvrir (la lire) sur le site de l'auteur.
- (h) Pour télécharger gratuitement cette recherche universitaire sur la spiritualité laïque et l'éthique minimale pour servir d'alternatives à la morale scolaire traditionnelle : ouvrir le lien suivant (cette thèse a été téléchargée plus de 11.100 fois entre mars 2014 et mars 2019) : [ https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00775897 ]
-(i) les liront-ils et en tiendront-ils compte, that is the question !)
Contribution d'un chercheur universitaire au Sénat Français : Comment améliorer le fonctionnement du service public d'Education?
1.- Une éducation à la CNV (communication non-violente) en classe permettrait de diminuer de 80% les actes délictueux entre enfants, comme observé dans les pays européens qui la pratiquent. Comme l'équipe arrivante de B. Obama s'y est initiée, les enseignants français peuvent l'apprendre (2) dans chaque région.(stages de 12h proposés par les associations CNV).
2. - Un éveil au yoga traditionnel à l'école afin d'apprendre à se calmer, se centrer (3) et écouter sa respiration pour être plus attentif pendant l'apprentissage. (600 écoles en métropole le pratiquent). Des outils et une formation sont proposés par le R.Y.E.(groupe de recherche du yoga à l'école). La Suisse et la Belgique qui pratiquent cet éveil voient leurs élèves réussir plus facilement et diminuer les violences en et hors de la classe.(4)
3. - Une éthique scolaire minimale, tissée de démocratie et de laïcité, doit être enseignée chaque jour en classe pour forger des bonnes habitudes, rappeler régulièrement tabous sociaux et interdits moraux, règles du vivre-ensemble, les différents respects des autres (enfants, adultes, parents, enseignants & différences, éveiller à l'écoute mutuelle vraie ((restituer ce que l'autre a exprimé précisément avant de préparer sa réponse).
4. -Enseigner et éduquer aux valeurs humaines afin de construire l'humanitude du futur citoyen de façon transversale, dans chaque discipline : la paix, la solidarité, la coopération, la bonté, le respect des différences (tolérance, non racisme), la fraternité, le service désintéressé, la bienveillance, la patience, l'entraide,etc) Chaque valeur sera définie, expliquée, illustrée, pratiquée, exemplarisée, mise en projet -action,et évaluée. L'esprit de paix est enseigné dans plusieurs pays d'Europe (Suisse, Belgique, Suède, Finlande, Pays Bas), peu d'E.I.P. en France (Écoles Instruments de Paix).
5.- Éveiller au respect de toutes les formes de vie, de la nature, de l'environnement, par une meilleure connaissance des équilibres et des besoins, apprendre à jardiner, éveiller au non-consumérisme (explication et illustration des dérives du "toujours plus", de l'avidité, et les bienfaits de la sobriété et du contentement (5). Apprendre à respecter la terre, l'air, l'eau, l'espace, l'atmosphère.
6.- Développer et éveiller à une spiritualité laïque (6), hors de tout dogme ou religion : ouvrir les qualités de cur, des enfants, réconcilier la laïcité et le sacré (le corps de l'autre est sacré, le respect de ceux qui nous ont donné la vie est sacré, le respect et la tolérance des croyances religieuse sont sacrés, la terre et l'eau sont sacrés), redécouvrir l'émerveillement devant la beauté, accorder autant d'importance à l'être qu'au savoir ou à l'avoir, mettre au repos son mental et ses pensées pour mieux écouter ses ressentis.
7. - La mise en uvre d'une pédagogie de la bienveillance, et d'une "vie scolaire bonne", utile et agréable, où l'attention aux autres et la coopération sont promues, où le respect de valeurs morales est accepté et appliqué par tous les acteurs de l'école, où chaque éducateur s'efforce de redonner du sens à notre existence partagée, dans une scolarité où les savoir-être sont aussi importants que les connaissances à acquérir (cf.conclusions du livre cité en 1) pour redonner goût aux apprentissages.
Notes :
1) Inspecteur de l'Éducation (20ans) Instituteur (20 ans) ; Docteur es Sciences Humaines et Chercheur Universitaire, auteur d'ouvrage : "Éducation morale et éthique scolaire hier, aujourd'hui et demain : une éthique minimale et une spiritualité laïque comme alternatives" (L'Harmattan, 2014, préface de Stéphane Hessel, postface de Pierre Rabhi)
(2) Lire l'ouvrage de Rosenberg initiant à la CNV : "les murs sont des fenêtres" (éditions Jouvence)
(3) Le livre de Snel pour apprendre aux enfants à se centrer a été envoyé gratuitement à toutes les écoles suédoises par leur ministère ("être attentif comme une grenouille")
(4) Consulter les documents de Micheline Flack sur le yoga à l'école (site du RYE) et lire l'ouvrage de Coulon & Flack : "le yoga à l'école : des enfants qui réussissent"
(5) La sobriété heureuse de Pierre Rabhi (Actes Sud) explique le sens et la pratique de ce vivre ensemble. Voir les définitions proposées de la spiritualité laïque sur le site heuristique du chercheur dont l'adresse est : http://recherche-lheureux.e-monsite.com/
La laïcité est-elle une exigence morale??
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Au carrefour d'une actualité où se croisent un véritable convoi de réformes touchant le système tout entier, de la maternelle à l'Université, et une mutation socio-économique et culturelle de grande ampleur, il est difficile de vous parler de tout ce qu'il serait important d'aborder en ces temps de morosité sociale, de creux démographique et syndical, de cavalcades textuelles et ministérielles qui ont tissé un patchwork éducationnel instable où tout paraît à la fois important et dérisoire. Bien périlleux aussi apparaît pour un simple serviteur du système, de résumer tous ces textes tramant depuis vingt mois d'un voile nouveau et bigarré la façade du système éducatif français. Aussi ai-je décidé de vous parler de ce qui fait depuis Ferry le chapeau classique de notre enseignement, et l'incontournable objectif de chaque instituteur, la formation du citoyen et de l'homme. Pourquoi notre école doit-elle éduquer à la laïcité vraie, alors que l'Instruction Civique et la Morale ont beaucoup plus évolué dans les quinze dernières années que dans les quatre-vingts précédentes,& que le législateur a repoussé le chapitre de la morale à la dernière page des instructions officielles?
L'ÉDUCATION LAÏQUE EST-ELLE UNE EXIGENCE MORALE...POUR TOUS LES FRANÇAIS ?
1re partie: De la laïcité de combat à l'apprentissage de la tolérance
1.LE REFUGE DES RELIGIONS
D'aucuns s'étonneront que l'on ose encore parler de laïcité à l'école en 2008, mais n'est-il pas préférable d'en parler à "froid", huit ans après la querelle "savarienne", et après plus de vingt ans de clivages ou le concept s'est construit davantage sur l'opposition d'une religion à une autre, la contradiction antinomique de deux philosophies et façons de penser ? Critiquer l'autre partie était de tradition et de bon ton, et faisait "exister" celui qui ainsi s'exprimait: chacun finalement ne se reconnaissant et ne se définissant qu'en s'opposant.
Les conditions sociales et historiques ont profondément changé. On reparle de laïcité de tous côtés, autant chez les chrétiens que chez les athées, car le renouveau religieux se dessine, car les intégrismes montent dangereusement, car il y a absence alarmante de projet éthique de société : notre système français ne porte plus de valeurs dans lesquelles nous nous reconnaissons.
Les lieux de vie et de rencontre sont désespérément vides de ces idées qui réunissaient les énergies et faisaient germer les bénévolats ou les flammes. Les êtres humains en général, ou les hommes, en particulier, cherchent désespérément une identité introuvable, et se précipitent comme en refuge dans la religion sous toutes ses formes.
Le renouveau charismatique fait peur sans que personne n'alerte le grand public. L'opinion continue à prolonger au maximum ces années d'illusion ou la frime et l'artificiel ne sont disputés qu'au fric, à la bureaucratie et à l'indifférence générale.
2.CONCILIER L'OBLIGATION DE RÉSULTATS & L'APPRENTISSAGE DE LA TOLÉRANCE.
Une récente enquête de l'IFOP sur les habitudes de vie des Français révèle que les quatre valeurs les plus fortement représentées seraient foncièrement négatives:
-1- l'importance considérable consacrée à l'argent, le royaume de sa majesté-fric.
-2- le caractère indispensable du "chacun pour soi" (L'homme est un loup pour l'homme) (1) : réussir dans la vie est synonyme d'individualisme, de dépasse¬ment ou de rejet des autres.
-3- l'incapacité flagrante de communiquer entre nous, entre générations, mais aussi entre mari et femme, entre parents et enfants, ou entre personnes des mêmes familles professionnelles ou sociales.
-4- la consommation abusive et passive de télévision et d'émissions abêtissantes,
sauce américaine, ou l'addiction aux écrans (ordinateurs, télévisions, etc.).
J'y ajouterai 4 éléments paraissant importants :
L'absence progressive de morale scolaire ou familiale.
L'incapacité de l'individu de gérer son temps et
La difficulté pour l'homme de définir des priorités : les hommes et les femmes ne sont-ils pas toujours en train de courir après eux-mêmes ou après quelqu'un? Par habitude, le "qui suis-je" n'a-t-il pas toujours couru après le "qui voudrais-je être ?"
L'incapacité à distinguer nos désirs et nos besoins réels : le consumérisme à tous crins a accentué le phénomène de "l'enfant-roi", mais aussi la dictature enfantine ou adolescente du "tout- tout de suite" dans les familles où l'autorité n'est pas représentée.
Aussi l'absence progressive de morale, le royaume de l'individualisme, le dictat du fric et le "struggle for live" doivent-ils conduire l'éducateur à sauvegarder dans son travail quotidien les valeurs sociales et morales de base : enseigner encore et toujours l'instruction civique et éthique, devenue une condition sine qua non de survie morale du citoyen dans une fin de siècle qui peine à se définir.
La société de consommation sommant l'École de faire réussir tous les enfants qui lui sont confiés, l'obligation de résultats doit pouvoir être conjuguée avec l'apprentissage de la tolérance, la reconnaissance des différences, l'acceptation du métissage dont parle Serre dans le Tiers-Instruit (2), et qui continue à forger la grandeur des maîtres d'École Publique. Si tel Collège catholique se refuse à accueillir "les Turcs et les handicapés", c'est son affaire: cela n'empêche pas les collègues de l'établissement public du coin d'ouvrir ses portes à tous sans distinction. Il faut et il faudra inlassablement à nos instituteurs apprendre et faire apprendre à accepter les camarades handicapés (3), à respecter les différences ethniques, religieuses, raciales, à prendre l'autre comme il est, mais pour autant le former sans le conformer, lui apprendre les principes moraux qui lui permettront demain d'aider indifféremment un turc, un arabe, un blanc, un myopathe, ou un camarade plus laid ou plus lent. Bref, donner à nos élèves les mêmes moyens pour se comprendre, s'accepter et communiquer tout en promouvant dans un dynamisme de laïcité vraie, la constitution de leurs différences dans un authentique projet de société plurielle.
Car il ne s'agit pas de se tromper: la course "éducativo -économique" vers un meilleur métier pour la progéniture, la lutte pour faire "son trou" en écrasant l'autre, la difficulté à communiquer entre les personnes ne doivent pas nous faire oublier nos obligations d'éduquer à la laïcité vraie, au respect des libertés, même si cette éducation est difficile, contraignante, et mesurée. Même si elle exige de nous-mêmes, qui que nous soyons parents, éducateurs, ou professeurs, édiles, élus ou instituteurs, des vrais modèles, des comportements imitables, car mimétisme et modélisation doivent être notre permanente attitude, dès que nous pourrions être "copiés" par ceux qui nous connaissent et nous regardent.
1.PRENONS GARDE DE NE RENDRE INDIGENTS LES FUTURS HOMMES QUI VIVRONT AU MILIEU DE DIVERSITÉS IDENTITAIRES ET DE MINORITÉS AUX INTÉRÊTS DIVERGENTS:
Les individus de demain doivent pouvoir bénéficier d'une formation intellectuelle de haut niveau qui leur donne la possibilité de comprendre, d'argumenter, de vivre nos différences dans une société ou l'institution garantisse la liberté d'expression, dans le respect des tâches, des fonctions, et des hommes qui les exercent, forts de leurs convictions : ne nous trompons pas de combat! N'est¬-ce pas aujourd'hui surtout que l'École Publique devient réellement laïque? Auparavant, la laïcité fonctionnait comme une idéologie, en opposition à une autre, représentée schématiquement par l'Église Catholique. On substituait une religion à une autre, avec les mêmes illères et les mêmes travers, les mêmes exclusives des deux côtés.
..On ne jugeait pas les hommes qui parlaient, mais les étiquettes et les appartenances qu'ils étaient censés incarner dans les représentations collectives et individuelles des auditeurs. Cela a dû fonctionner pendant près d'un siècle, de 1886 aux environs de 1975. Ce qui est en train de changer, c'est que la laïcité devient un espace politique et philosophique au sens large avec ses idées de tolérance, d'acceptation des différences, et d'ouverture aux autres.
Si, dans la réforme Haby, on avait déjà l'idée d'une communauté éducative, dans la réforme Jospin, l'ouverture complète, le partenariat, et autre chose a été ajouté: l'enfant au centre du système éducatif; l'acceptation de toutes les religions dans l'École, les différences ethniques, culturelles, raciales.
La laïcité vraie, ce n'est pas le combat contre telle église, mais l'éducation des convictions et l'acceptation de la pluralité et de l'authenticité des arguments rationnellement construits dans une neutralité de débat.
Éduquer, c'est aider à construire une personnalité et une identité : l'éducation, "c'est le lieu même où l'on va mettre cette identité à l'épreuve de la similitude", écrit Mérieu dans un récent ouvrage (1).
Béresniac, dans la dernière réunion- débat du C.N.A.L. en janvier dernier, exprimait la même idée lorsqu'il définissait la laïcité comme un paradoxe qui permet d'éviter toute tentation d'exclusion, l'homme hésitant bien sûr entre le bien commun et universel, et le souci d'identité personnelle, l'aspect incopiable et unique de tout individu. Rien ne serait en effet plus néfaste que de conformer une identité personnelle en construction à des dogmes ou des idées préconçues d'intolérance, de vérité unique ou d'irrespect pour des pratiques culturelles, sociales, religieuses différentes des nôtres !
1.IL EST TEMPS DE PRÉPARER LA SOCIÉTÉ PLURIELLE
Rien ne serait plus affligeant que de laisser des établissements ou des écoles constituer des ghettos de qualité ou de conformité, ou d'appartenance à un même rejet, où l'on verrait s'inféoder des groupes de pression qui pourraient exclure certains de nos enfants jugés trop différents, décourager des familles à cause de différences sociales, raciales, professionnelles, idéologiques ou religieuses, ou encore de cette expression plus radicale de la différence que constitue le handicap physique ou mental. Je suis intimement persuadé que tout cela doit trouver sa place dans une même École pour qu'on apprenne à se connaître et vivre ensemble, quitte à ramer ou à suivre une route à contre-courant de celle de quelques contemporains.
Donner plus à ceux qui ont moins, apprendre le respect des gens différents, obliger tous les centres de formation et établissements d'éducation bénéficiant d'une aide d'État, quelle qu'elle soit, de former les élèves dans cette optique, qui nous rappelle les concepts d'ouverture, de partenariat et d'empathie largement développés dans les récents textes ministériels : puisse un jour l'État, selon des modalités appropriées même si elles sont difficiles à définir, imposer l'obligation de diversité, de métissage, de tolérance, et imposer également un recrutement respectant les différences sociales, religieuses, culturelles, ethniques, ainsi que la proportion d'handicapés appelés à suivre leur scolarité sur les mêmes bancs.
Je suis convaincu que nos établissements publics remplissent sans réserve cette fonction de socialité et d'humanité incontournable et qu'ils contribuent quelque part à éviter les îlots de résistance et de révolte.
Puissent les établissements qui se réclament de liberté comprendre qu'il est temps de préparer cette société plurielle dans laquelle nous vivons déjà sans être entraînés par des mécanismes d'exclusion (par l'argent ou le refus d'autres religions) ou d'irrespect qui tissent à court ou moyen terme les brûlots de révolte et de brutalité dont nous pourrions faire l'économie, et dont les médias nous abreuvent trop souvent.
Les éducations sectaires et autres apartheids religieux ou ethniques sont propres à diviser, à dresser des individus et des groupes les uns contre les autres alors même qu'ils seraient tout à fait prêts à se connaître et à se respecter dans d'autres contextes. Il est plaisant, écrit Langaney, d'entendre "des démocrates chrétiens en appeler à la laïcité de l'École à propos de quelques foulards coraniques quand ils ont étf de tout temps les ennemis de ladite laïcité contre laquelle ils défilaient il n'y a pas si longtemps aux côtés du Front National" (2).
Nos instituteurs et nos professeurs ont à ce niveau un rôle essentiel à jouer dans l'apprentissage de cette "flexibilité": il devrait être écrit quelque part dans la Charte des Droits des Enfants, que ces derniers puissent jouir d'une éducation qui ne conforme point leur façon de penser, et qui leur apprenne la tolérance et le pluralisme. ..Ce débat laisse certes nombre de questions ouvertes, et peut rendre perplexes les politiques, les religions, les écoles et les morales. Il faudra bien une confrontation des points de vue sur la bioéthique, par exemple... Doit-on toujours se taire ne rien dire ou ne rien faire sous prétexte de neutralité ? La neutralité la plus intéressante n'est-elle pas la neutralité de débat? Ainsi que le propose la revue "Projet" qui vient d'éditer un intéressant fascicule intitulé "laïcité au pluriel" auquel je vous renvoie.
2.DES CONVICTIONS, NON DES CROYANCES
La seconde question actuelle est celle de savoir si l'École doit ou non instruire l'élève sur les différentes religions, afin que l'enfant puisse être informé des diverses écoles de pensée religieuse, et que sa "culture religieuse" ne soit pas unique-ment réduite aux savoirs véhiculés par la religion de papa/maman ou par la tradition catholique française, ou le seul creuset philosophique ou métaphysique qui lui a été imposé pendant sa "jeunesse" par ses tuteurs ou son bassin éducatif.
La question, aussi délicate soit-elle, doit être l'objet d'une réflexion collective, dans le cadre de cette "laïcité vraie" dont nous venons de parler, à savoir, avec les lorgnettes de la tolérance, du droit à la différence, et dans le cadre d'une société plurielle et d'une neutralité de débat. ROUSSEAU, dans l'Émile, nous spécifie que l'enfant ne peut être orienté vers une philosophie avant d'avoir atteint l'âge de raison, c'est-à-dire à 13 ans ou après.
L'Éducation démocratique aux diverses religions ne peut donc débuter avant le Collège : proposer une initiation dans le cadre strict d'une éducation culturelle neutre et contradictoire nécessite une formation à la transmission des idées qui apprenne sans conformer, qui instruise sans influencer, qui apporte des savoirs et des outils permettant aux élèves de se forger non des croyances, mais des convictions. Que notre élève puisse opter selon sa personnalité, sa formation intellectuelle, son histoire personnelle, et ses diverses "tranches de vie" sans qu'une quelconque persuasion, sans que le moindre embrigadement ne soit possible: rude et périlleuse tâche en l'occurrence !
En tous les cas, il me semble qu'elle ne concerne nullement nos écoles primaires et maternelles. On pensera ce que l'on voudra d'une instruction religieuse déjà orientée dès la plus tendre enfance, au moment où l'esprit n'est pas encore formé et ne possède pas les outils pour se défendre, pour argumenter, pour se forger ses propres convictions: pour l'instant, elle est réservée aux parents qui volontairement lais¬sent à d'autres adultes le soin d'assurer ce qu'on appelle le caractère propre ou l'instruction catéchétique, le Dictionnaire du Français contemporain définissant le verbe catéchiser comme "inspirer des opinions et inciter à agir d'une certaine manière".
Mais ces parents connaissent- ils la formation de ces catéchistes ?......Connaissent-ils le programme et le dis¬cours de ces personnes, leurs références en psychologie de l'enfant?
Existe-t-il des personnes compétentes et hiérarchiques pour vérifier que cette instruction respecte l'enfant et tient compte de sa fragilité et de sa malléabilité, pour contrôler réellement ce qui se passe pendant ces séances d'instruction religieuse ? Les parents peuvent-ils débattre du contenu et de la forme de cette "éducation" avec ceux et celles qui sont chargé(es) de ces séances ? Bien des interrogations persistent, et la question n'est pas simple.
L'École Publique est tout à fait capable d'apporter aux enfants cette éducation à la tolérance, ce respect de toutes les différences, cette chance de grandir dans la diversité. Cette École Publique doit pouvoir permettre aux élèves qui lui sont confiés de se frotter à des origines variées, des traditions, des cultures et pensées plurielles en respectant comme elle le fait des principes judéo-chrétiens de fraternité, de tolérance, et de coopération dans la différence, ces habitudes tissant jour après jour la trame d'un métissage vrai. Cette École Publique que j'ai toujours fréquentée, où j'ai grandi, qui m'a éduqué. Cette École Publique qui m'a nourri. Cette École Publique dont je suis fier d'être un enfant.
Guy LHEUREUX
Inspecteur Honoraire de l'Éducation Nationale (Poète et peintre Amateur, Chercheur en Sciences Humaines)
Notes :
(1)Mérieu Philippe : "Enseigner, scénario pour 1 nouveau métier
(2) cf. Bulletin de l' A.N.C.E., juillet 1990 (3) Article de presse édité par la revue "ANJOU LAÏQUE" N°20 (journal de la Fédération des uvres Laïques du Maine-et-Loire
PLAIDOYER pour la défense de l'école MATERNELLE française au XXIè siècle
"Pour éduquer et instruire les plus petits de nos élèves, placez donc dans les écoles les professeurs les plus diplômés et les plus intelligents, et ceux qui expriment le plus l'amour et la sollicitude" (Platon, repris par Einstein et par Alain!)
1. Il faut absolument conserver les bons points actuels de l'école maternelle française...2. Il faut défendre la Maternelle Française parce que c'est l'école la plus importante dans toutes les scolarisations imposées et proposées à l'enfant entre son état d'élève et son statut d'adulte....3. Comment peut-on conserver ces atouts pour que l'École Maternelle en France reste ce qu'elle est ? 4. Qu'est-ce qu'on peut améliorer, changer, faire évoluer dans l'École Maternelle Française aujourd'hui, en 2014 ?
POURQUOI EST-IL NÉCESSAIRE DE PROMOUVOIR et DÉFENDRE L'ÉCOLE MATERNELLE FRANCAISE AU DÉBUT DE CE 21ème SIECLE ?
A. C'est un lieu de respect de l'enfant et de ses besoins.
B. Les enseignants prennent le temps pour faire ce qu'on a à faire.
C. Les personnels s'inscrivent dans un état permanent de recherche et d'autocritique sur leur action.
D. Les apprentissages y sont permanents et importants. Le jeu, par exemple, occupe une place privilégiée, car il permet d'apprendre la vie, les règles et la loi, le respect et la place de chacun.
E. La place des arts y est aussi signifiante que l'accès quotidien à la culture.
F. C'est là qu'on y apprend la règle et le respect des lois et des autres personnes, mais aussi de soi-même.
G. Le corps y est appris, respecté et développé autant que l'esprit et la réflexion. La connaissance de la physiologie, l'utilisation et l'usage de son corps, sa maîtrise progressive participent de la construction de l'être humain, et représentent des fondamentaux indispensables pour acquérir ensuite la savoir-lire et le savoir-écrire.
H. La maternelle est la fondation indispensable du reste de l'édifice : tous les acquis et savoirs inculqués en maternelle sont incontournables pour que l'école élémentaire puisse faire son travail ensuite : si l'enfant n'a pas atteint les objectifs inculqués à la maternelle, il ne pourra suivre normalement l'enseignement prévu de 6 à 11 ans.
I. C'est un lieu d'écoute, d'échange et d'expression avec les parents et les partenaires. On ne peut enseigner, et gérer une classe maternelle, sans un dialogue permanent et continu avec les parents, sans une concertation avec les différents partenaires associés de la Petite Enfance.
J. C'est le seul lieu institutionnel en France où le tout-petit enfant peut être accueilli gratuitement, et y grandir tout en apprenant, et où des professionnels formés s'occupent spécifiquement de la scolarisation des enfants jeunes de 2 à 6 ans.
K. Parce qu'il est prouvé tant scientifiquement que statistiquement qu'elle remplit d'une façon complète et brillante tous les objectifs qui lui sont assignés, tant par l'administration que par ses consommateurs ; tant par les politiques que par les évaluateurs nationaux et internationaux.
L. Parce que le cognitif est lié en permanence à l'affectif : on ne peut accéder aux savoirs, développer les savoir-faire, éduquer à la socialisation, construire l'esprit scientifique, sans que l'enfant soit aimé, respecté, et satisfait dans ses besoins élémentaires et affectifs. Il faut que l' enfant se sente bien, qu'il baigne dans une atmosphère de reconnaissance et d'amour, de bien-être physique et psychologique, de confiance et d'expression pour qu'il ait envie d'apprendre, de jouer, de dessiner, de construire, de parler et d'échanger, d'utiliser son corps pour effectuer des exercices, etc..
A. En effet, c'est la première école qui transforme le petit d'homme en élève et en être socialisé : premiers débroussaillages sociaux et scolaires, premières obligations, premières intellectualisations et réflexions
B. De même, c'est la structure sociale la plus importante qui permette à l'enfant de pouvoir accepter et apprendre la déprivation de sa mère, et qui ainsi :
-d'une part elle permet l'accès au savoir possible
-d'autre part elle permet de triangulariser les rapports humains
-de même permet à l'élève de respecter les autres enfants et les adultes,
-de surcroît, elle permet de les accepter comme tels et de reconnaître les rôles et autorités et fonctions des éducateurs parents et enseignants.
C. Enfin, c'est la seule école que l'enfant est obligé de réussir s'il veut devenir un homme, un adulte, et un être socialisé, car elle permet, développe et favorise :
l'accès aux langages et aux échanges, à la relation et communication
la sortie du cordon ombilical et la possibilité de prendre de la distance par rapport à l'affectif,
l'apprentissage du frottis à la loi et de respect des normes et des règles
la systématisation sociale des points de repère au niveau espace et temps qui autorisent une identification vis-à-vis de lui-même et des autres
les premiers rudiments éducatifs permettant de vivre ensemble
l'utilisation raisonnée de son corps et de ses fonctions physiologiques : gestes, déplacements, éducation sensorielle, latéralité usuelle, rythmes et besoins, etc.
D. In fine, c'est l'école qui sert de fondation et d'assise pour toutes les autres écoles, aussi se doit-elle d'apporter des bases solides, durables, qualitatives, et fonctionnelles. Elle apporte à l'enfant tous les indispensables et fondamentaux physiques, sociaux, psychologiques, psychoaffectifs et physiologiques et sanitaires sans lesquels aucune autre école ne pourrait fonctionner ou effectuer son travail ou remplir ses rôles ou ses fonctions.
A. En respectant l'autonomie professionnelle et la liberté pédagogiques dont jouissent les enseignants depuis plus de 40 ans.Une recherche universitaire que j'ai menée dans le cadre d'études universitaires patronnées par Mme Florin, spécialiste internationale de la Petite Enfance, a conduit à conclure que trois raisons principales avaient conduit cent cinquante maîtresses du Maine-et-Loire (75% des sondées) à choisir la Maternelle plutôt que l' Elémentaire : l'autonomie laissée à l'enseignant dans la gestion de sa classe, la conscience du rôle indispensable et fondamentale de cette école dans la croissance et le développement, et l'épanouissement du petit enfant, et la reconnaissance réelle de leur identité professionnelle par les parents, les autorités et les professionnels des tout-petits.
B. L'absence du carcan des programmes correspond à un prix à payer très lourd à payer en disponibilité, imagination, nécessité de savoir en permanence où on en est, ce qu'on va faire, comment il faut réagir, quoi proposer aux refusant, aux opposants, aux originaux, aux solitaires, aux immatures, aux petits génies, aux caractériels ou aux repliés, faute de quoi on est vite submergé, débordé, et l'impérative nécessité de maintenir les équilibres, la sécurité des enfants, la sérénité des actions et des décisions oblige à des choix, une rapidité d'analyse et une vision globale et prospectiviste du futur pédagogique ou éducatif immédiat.
C. En reconnaissant le professionnalisme spécifique, global, polyvarié et incopiable des enseignantes de cette école ; leur identité professionnelle est pétrie de rôles, de fonctions, de motivations, de qualités, de critères de formations, de personnalités, de particularismes et d'images qui sont uniques, où l'originalité se complète avec la capacité d'imaginer et de se renouveler, où la technologie des gestes graphiques et la capacité d'observation se complète d'une connaissance très pointue des techniques et une nécessité vitale de créativité et d'inventivité. La créativité positive des respects des besoins et de gestions des moments et des articulations est une obligation permanente dans les gestions quotidienne des groupes, des individus et des actions, et des moments, des événements prévus et imprévisibles
D. En refusant d'agir en fonction des pressions sociales et économiques qui essaient de détourner de leurs rôles les enseignants de cette école, mais sous le seul fil rouge de l'intérêt de l'enfant : refuser de "faire de l'efficace", s'inscrire en faux contre "la rentabilité", l'épanouissement de la personne n'a rien à voir avec l'ergonomie d'une entreprise.
E. En n'essayant pas de copier ou d'imposer les mêmes évaluations qui sont imposées ou utilisées à l'école élémentaire, car il ne s'agit pas du même métier, du même public, des mêmes objectifs, donc la démarche, les buts et les usages de l' évaluation ne peuvent y être appliqués. Il s'agit d'abord de revenir à l'étymologie du mot (évaluer = mettre en valeur), de ne pas oublier qu'aucun enfant n'est comparable à un autre tant au niveau de ses qualités, de ses compétences, de son degré de maturation que de ses temps d'adaptation, de son développement psychoaffectif, ou encore de son degré d'autonomisation, etc. Il n'est donc comparable qu'à lui-même, dans le temps.
F. En essayant au maximum de respecter les rythmes biologiques et les besoins physiologiques des jeunes enfants, sans oublier qu'on ne peut éduquer ni instruire avant d'avoir respecté et répondu aux besoins sanitaires, physiques et psychologiques des élèves.
G. En maintenant des conditions de travail favorisant la poursuite des objectifs et respectant la spécificité des tout-petits, sans essayer de "cadrer" ou d' "harmoniser" avec le primaire : faute de quoi l'école maternelle française serait en grand danger :
Les conditions d'encadrement doivent être moindres qu'en élémentaire, car les enfants y réclament plus de soin, plus de temps, plus d'attention, plus d'imagination, de création, parce qu'on y fait plus de choses, parce que les enfants y sont plus vite fatigable, parce que les méthodes et les relations y sont souvent individualisées, à cause des fragilités fonctionnelles et personnelles, etc.
Les qualités des enseignants doivent y être importantes et exceptionnelles, car il s'agit d'une école beaucoup plus importante que les autres, avec des fondamentaux qui assurent la fondation de l'être social, aux forges de la loi qui permettent aux autres maîtres d'après de pouvoir faire leur travail, etc.
Les objectifs, les méthodes, les résultats, les procédures, la définition des priorités, le faisceau des relations et communications interpartenariales y sont fondamentalement différents et variés.
Les buts éducatifs et pédagogiques sont essentiellement et existentiellement divergents, les appréhensions y sont globales, les procédures tranversalisées en permanence.
Cinq secteurs peuvent faire l'objet aujourd'hui d'une remédiation qui améliorerait le fonctionnement, la gestion, l'animation, la professionnalisation et les résultats de l'école maternelle d'aujourd'hui : à savoir :
A. Redéfinir rigoureusement et précisément les objectifs, les procédures et les priorités éducatives et pédagogiques de l'école maternelle, en concertation avec les formés, les formateurs et les personnels spécialisés de la Petite Enfance ;
B. Assurer aux futurs maîtres et enseignants de l'école maternelle une formation initiale qui soit solide, importante, longue, théorique et pratique de qualité, en l'adaptant à la spécificité des élèves et des tâches de cette école ; en formant à la psychologie, à la relation, au partenariat, à l'écoute et à l'observation, à l'utilisation de l'intelligence divergente et fluide, à la communication non-violente (CNV), au yoga scolaire d'intériorisation (700 classes le pratiquent aujourd'hui !),etc.
C. Proposer et organiser pour tous les enseignants des écoles maternelles une formation continue de qualité et suffisamment adaptée et conséquente et massive, eu égard aux retards et lacunes ayant présidé pendant quinze ans consécutive à l'absence presque complète des propositions formatives à destination des personnels concernés.
-
LHEUREUX GUY
(1) LHEUREUX Guy fut Instituteur 20ans, Inspecteur-Formateur 20 ans, et Chargé de mission 8 ans sur les Maternelles en Anjou. Il est Docteur es Sciences de l'Éducation et Chercheur en Philosophie de l'Éducation, mais aussi peintre et poète amateur.
Vers une historiographie des évolutions de l'éducation morale républicaine.
"Aucun éducateur ne peut donc assumer son uvre éducative en se passant de morale. Pour enseigner la morale, l'éducateur doit pouvoir jouir d'une autorité reconnue par les élèves. : "Quel que soit son domaine de compétence, un éducateur doit faire passer chez ses élèves une leçon de morale humaine et pas seulement un savoir ou un savoir-faire dans tel ou tel domaine. Il doit leur communiquer, non seulement une compétence dans une discipline, mais, pourrait-on dire, la "moralité" de l'apprentissage (comme il y a la "moralité" qu'on tire de la fable)".1 (Vincent DESCOMBES, le Raisonnement de l'Ours)
L'idée d'un déclin de la morale dans notre société semble assez généralement admise aujourd'hui, dans les médias et par le sens commun : on parle d'affaiblissement des valeurs, de difficultés à juguler la violence chez certains jeunes, d'un laisser-aller de certains parents qui disent ne plus pouvoir faire face au comportement agressif de leurs enfants, au point que certains écrivains prétendent même constater une "mort de la morale". C'est un thème très communément partagé. Si cette déploration n'est pas nouvelle, car il semble qu'on la constate à toutes les époques et presque à toutes les générations, de telles rumeurs alarmistes et persistantes nécessitent que l'enquête soit menée sur l'histoire et l'évolution de l'éducation morale, en reconstruisant son évolution depuis la fin du XIXe siècle en France jusqu'à la période postmoderne actuelle, où il semble indéniable que s'exprime, pour le moins, une forte demande d'éthique et de meilleure identification des valeurs.
Du coup, notre enquête historiographique ouvrira sur de possibles perspectives de reconstruction de l'éducation morale scolaire républicaine.
des évolutions de l'éducation morale républicaine.
L'idée d'un déclin de la morale dans notre société semble assez généralement admise aujourd'hui, dans les médias et par le sens commun : on parle d'affaiblissement des valeurs, de difficultés à juguler la violence chez certains jeunes, d'un laisser-aller de certains parents qui disent ne plus pouvoir faire face au comportement agressif de leurs enfants, au point que certains écrivains prétendent même constater une "mort de la morale". C'est un thème très communément partagé. Si cette déploration n'est pas nouvelle, car il semble qu'on la constate à toutes les époques et presque à toutes les générations, de telles rumeurs alarmistes et persistantes nécessitent que l'enquête soit menée sur l'histoire et l'évolution de l'éducation morale, en reconstruisant son évolution depuis la fin du XIXe siècle en France jusqu'à la période postmoderne actuelle, où il semble indéniable que s'exprime, pour le moins, une forte demande d'éthique et de meilleure identification des valeurs.
Du coup, notre enquête historiographique ouvrira sur de possibles perspectives de reconstruction de l'éducation morale scolaire républicaine.
Un constat paradoxal ?
Si l'on simplifie, ce qui voudrait se donner dans l'ordre du constat conduirait à prendre acte d'une agonie générale de l'éducation morale française aujourd'hui, qui serait ainsi passée d'une intention prioritaire et d'un projet constitutif au moment de la construction républicaine, notamment dans la mission de l'Instruction publique, à sa déconstruction puis à sa suppression presque complète dans les années soixante-dix. Cette préoccupation accèderait alors au rang de problème commun et de question vive :
"La traditionnelle éducation civique était éminemment morale, selon l'heureuse expression du ministre de l'Éducation nationale Jean-Pierre Chevènement en 1985. Dix ans plus tard, François Bayrou, comme ministre, mais aussi comme homme politique et citoyen a été seul à plaider pour la restauration d'une véritable éducation morale à l'école, sans succès." (Loeffel, 2009, p. 12).
Mais si la question de la laïcité reste passionnément débattue et plus que présente dans les médias en France, il peut sembler paradoxal aujourd'hui de voir le nombre relativement peu élevé de recherches et de publications scientifiques sur la question d'une morale commune. C'est ce qui motive en premier lieu notre programme d'enquête, visant notamment à faire le point sur les discours consacrés à l'éducation morale.
Quelques indices d'une "érosion" de la morale
Prairat soutient l'idée que nous assistons, dans cette période postmoderne, à une érosion de l'autorité éducative (Prairat, 2010). Le lien entre autorité des éducateurs et éducation morale n'est pas à démontrer. Mais il faut sans doute distinguer cette idée de celle d'une crise de la jeunesse comme celle qui était apparue à la fin de la décennie 1950, et dont faisait état par exemple la revue des Cahiers Pédagogiques (en particulier le n°3 de décembre 1957), revue qui la présentait dans son jeu énonciatif comme un fait sociologique de refus de la présentation du monde (Riondet, 2011).
La confusion actuelle de nos repères moraux apparaît sur fond d'une lancinante crise culturelle et sociale. Ce constat général, qui semble très partagé, y compris dans les milieux intellectuels, pourrait être résumé comme suit :
- invasion d'une société de consommation et de l'idéologie du profit qui entraînent indirectement des formes nombreuses et diverses de délinquance (fraudes, endettements, détournements de fonds, délinquance civile ) ;
- évolution rapide de techniques qui brouillent le jugement (jugement que l'école échoue à former) ;
- violence quotidienne dans les médias, les rues, l'école, la société ;
- retour de l'intolérance et du fanatisme religieux - circulation de drogues avec conséquences physiques et morales sur les jeunes.
Du coup, il est indiscutable qu'après avoir disparu des programmes scolaires (après 1968), l'éducation morale et la question de comment éduquer moralement un enfant sont progressivement revenues à l'ordre du jour, simultanément à la multiplication d'actes de violence dans les écoles et hors de l'école, même s'il ne faut pas confondre l'inquiétude concernant les faits de violence, l'érosion de l'autorité, et la question de l'éducation morale. Dans les grands médias de presse (par exemple Le Monde), le nombre d'articles s'inquiétant de la violence scolaire, depuis 1970, est supérieur à dix par an, en moyenne (Boulmot, 2011). Cette préoccupation touche aussi durablement les rapports de genre, au point que des enquêtes sur les violences sexistes commencèrent à être diligentées sous le gouvernement Jospin à partir de 2000. Le problème paraît fondamental dans la mesure où il touche toutes les catégories sociales, et donc forcément l'école. Parce qu'il concerne les valeurs, il nous engage à ouvrir une réflexion conjointement philosophique et didactique.
On pourrait alors conjecturer qu'il faut soutenir les valeurs fondamentales de l'éducation républicaine, en rappelant qu'elles sont notamment le contraire de l'indifférence à autrui. En effet, si l'on pose qu'il y a une crise contemporaine de l'éthique, ce déficit de moralité peut être imputé au fait que l'individu est plus tourné vers lui-même que vers les autres : "le problème éthique contemporain vient du fait que tout tend à favoriser notre logiciel égocentrique alors que notre logiciel altruiste ou communautaire est sous-développé " (Morin, 2004, p.198). Sans nous éclairer forcément sur ce qui peut en être la cause, cette idée facilement partageable nous oriente de façon évidente vers l'hypothèse d'un déficit de formation aux valeurs humanistes dans la société actuelle. Mais, comme y insiste Reboul, ces valeurs ne devraient peut-être pas être inculquées "de l'extérieur", car elles résident dans l'éducation elle-même et elles en sont le sens (Reboul, 1992).
Faut-il voir la violence "partout" ?
Avec cette érosion de l'autorité pour toile de fond, le grand public éprouve des difficultés à identifier les causes et à comprendre le mal observé un peu partout, les incivilités, la violence et la déviance qui semblent persistantes au XXIe siècle. Et chez les jeunes scolarisés, les sanctions qu'elles entraînent semblent souvent provoquer un sentiment d'injustice et engendrer parfois de fortes réactions. Les journalistes tentent de se faire l'écho de ces inquiétudes et de ces tensions qui traversent la société. L'école risque-t-elle de devenir un lieu de non-droit ? Pour aborder la question de la violence à l'école (c'est-à-dire selon le public la violence dans l'école et la violence de l'école), il faut voir l'école comme un espace pédagogique devant tenir compte de différents éléments fondamentaux :
- l'existence d'une injonction paradoxale scolaire qui propose d'aller à l'école pour réussir mais ne pas en être sûre;
- le fait qu'avec la violence à l'école, c'est la société qui rentre à l'école avec ses problèmes sociaux ;
- une vision de l'adolescence et de ses rapports à l'autorité définie ici comme un pouvoir sans la force ;
- une nécessaire évolution du métier d'enseignant dans un cadre collectif qui n'élude pas la part éducative de l'exercice.
Si la tentation est grande de défendre l'école contre les "barbares" que seraient les enfants des milieux populaires, on ne peut faire l'économie de l'hypothèse que l'école coproduit les violences scolaires en maintenant une compétitivité sélective élitiste et une représentation naturelle de l'autorité, plutôt que de se fonder sur un sentiment de justice et de démocratie que pourraient ressentir les élèves.
Mais paradoxalement, les incivilités et les violences au sein même de l'école se sont développées aussi vite qu'enflait le discours sur l'instruction civique. Et même si la politique du Ministère de l'Intérieur, depuis quelques années, a accentué la répression et pénalisé davantage les violences des jeunes, dans le même temps les actes de délinquance de ces jeunes dans l'école et dans les quartiers ont augmenté de 47% pour les seuls mineurs. Le Sénat avait attiré l'attention sur l'aggravation de la violence à l'école dans une commission d'enquête 2001/2002, considérant l'école comme une digue fissurée : "partant du principe que l'éducation restait l'antithèse de la brutalité, l'école a longtemps bénéficié d'une image d'îlot préservé de toute délinquance. Cette image a aujourd'hui vécu. La délinquance existe au sein de l'école et la difficulté de celle-ci à assurer les missions qui lui sont confiées est souvent citée parmi les causes de la délinquance". Le même rapport se fait alarmant, en parlant de la destruction du sanctuaire que doit être normalement l'école républicaine : "Le prestige dont jouit l'école au sein de la société française est ancien. Lieu de transmission du savoir et véhicule des valeurs démocratiques, elle est à la base d'un consensus national et l'objet de tous les respects. Cette situation est aujourd'hui remise en cause, non seulement par la dégradation des conditions d'enseignement et d'éducation, mais encore parce que l'école elle-même est devenue un lieu d'expression de la délinquance. Le développement des violences en milieu scolaire questionne évidemment le fonctionnement d'un système éducatif qui, pour le noyau qui n'y réussit pas, est un facteur de désintégration" (ibid.). Certains craignent finalement que ne s'installe l'exaltation d'un chacun pour soi : la compassion serait le meilleur baromètre pour mesurer le vrai degré de civilisation d'une société.
À l'inverse, l'exaltation infantile du chacun pour soi et la rapacité généralisée signalent que rôde une sorte de barbarie ratatinée. Ce constat, présenté dans des termes sans doute plus lyriques que scientifiques, se veut celui d'un mal et d'une cruauté qui caractériseraient notre société : "La haine déferle pour un rien, un oubli, un frôlement de voiture, un regard, une distraction d'autrui, un confrère qui vous fait de l'ombre ( ) L'égoïsme, le mépris, l'indifférence aggravent partout et sans trêve la cruauté du monde humain. L'excès de cruauté nourrit de lui-même par saturation l'indifférence et l'inattention ( ) Ce mal de l'humain sur l'humain vient de la haine, de l'incompréhension et du mensonge. Il est nourri par la barbarie de l'esprit (...) Les cruautés entre les relations entre individus, groupes, ethnies, religions, races demeurent terrifiantes" (Morin, 2004, pp.216 et sq.). Toutes ces remarques pousseraient donc à assimiler l'érosion de l'autorité à un déclin de l'éducation morale et à un développement des incivilités et de la violence parmi les jeunes. Le constat que se multiplient des formes de violence serait à imputer à une érosion de l'autorité, aggravée par un affaissement de l'éducation morale. S'il peut paraître hâtif de poser une telle concaténation logique, on ne peut exclure qu'il y ait un lien effectif entre ces trois idées.
Les parents s'estiment-ils dépassés ?
Dans le rapport que nous citions plus haut, un verdict prévisible est annoncé. Selon ce rapport, beaucoup de parents ne joueraient pas leur rôle : "titulaires de l'autorité parentale, les parents sont les premiers responsables des comportements déviants de leurs enfants, comportements qu'ils se sont révélés incapables de prévenir et de réprimer. Pourtant, leur responsabilité n'est pas égale. Dans certaines familles, les parents rencontrent parfois des difficultés telles qu'ils craquent. D'autres se révèlent pervers et à l'origine des faits dont leurs enfants sont accusés". Mais sans doute le chômage accentue-t-il les difficultés des parents : "le chômage atteint des niveaux élevés et concentrés sur certains quartiers. Les résultats du recensement de 1999 indiquent que le taux d'activité des zones urbaines sensibles est de cinq points inférieur à la moyenne nationale, sans que ces zones n'aient par ailleurs été les grands bénéficiaires de la croissance. Quand l'emploi existe, il y est en outre davantage précaire qu'ailleurs. Les contrats à durée déterminée, l'intérim ou les emplois aidés entraînent un niveau de vie plus faible et l'incertitude sur l'avenir. Pour beaucoup de familles, l'urgence reste la gestion de préoccupations immédiates, notamment le gîte et le couvert. Cette situation fait de certains parents, malgré eux, le triste exemple d'une insertion sociale en apparence vouée à l'échec". Pour les mêmes raisons, les logements délabrés (comme y avait déjà insisté Marx dans le Livre I du Capital), contribuent à saper le travail éducatif : "le nombre élevé de logements dégradés, insalubres, voire tout simplement trop exigus, la pénurie de logements adéquats sapent le travail éducatif des parents. En effet, ces derniers se trouvent contraints d'envoyer leurs enfants dehors pour des raisons de commodités, voire de sécurité. Dans ce contexte, la supervision parentale ne se fait plus. Les mauvaises conditions de logement instaurent, dans la prise en charge des enfants, une concurrence dangereuse entre les parents et la rue".
Le fait que les familles soient insuffisamment accompagnées aggrave probablement leurs difficultés : "les obligations des familles sont établies par la loi, et d'un point de vue général par la culture. Le développement paisible de l'enfant se fait avant tout dans la famille, lieu où il puise ce qui est nécessaire à son développement harmonieux. Cette obligation de résultat n'étant pas facile à remplir, la société a pour devoir d'aider les familles les plus fragiles. Cependant, les dispositifs qui organisent cette assistance ne sont pas tous adaptés et conduisent même parfois à des effets pervers". En effet, c'est finalement par "absence d'être" que les adolescents peuvent entrer en déviance et en délinquance. La plupart des personnes entendues par la commission d'enquête ont constaté qu'une proportion importante de mineurs délinquants présentait des troubles sérieux du comportement. Or, non seulement ces troubles ne sont pas repérés de manière précoce mais ils suscitent le désarroi de l'ensemble des institutions.
Le journal La Croix, dans un article spécial, énonce le désarroi parental : "les enfants d'aujourd'hui se fichent de tout, ils ne respectent plus rien." entend-on souvent à propos de cette génération qui serait, à en croire ses aînés, sans foi ni loi. Pourtant, de telles accusations ne datent pas d'aujourd'hui. Sous la plume d'Hésiode ou de Socrate, on peut en trouver de semblables, voire de plus sévères à l'égard de la jeunesse de leur temps. Reste que, derrière ces plaintes, on devine une inquiétude, une désespérance de nombreux adultes qui pensent qu'une vie qui n'est pas guidée, balisée par quelques valeurs morales est vouée à l'errance et à ses malheurs". On voit donc bien quel pourrait être le tissage entre injustices économiques, crise sociale, désarroi des parents, érosion de l'autorité, effondrement de l'éducation morale, et incivilités, déviances, délinquances.
Enseigne-t-on aujourd'hui plus que l'on n'éduque ?
C'est dans ce contexte, que la ministre de l'Éducation avait commencé à sonner en 1997 le retour de l'Instruction Civique et Morale. En école élémentaire, les enseignants devaient désormais privilégier l'enseignement de la civilité, à travers des valeurs comme la tolérance et comme la responsabilité : cette éducation fut donc renforcée en école et collège, elle devint obligatoire au Lycée. La polémique sur la distinction supposée entre une mission d'enseignement et une mission d'éducation s'en trouvait relancée.
Plus précisément, lors par exemple d'une conférence sur les missions des enseignants, l'Inspecteur Général de l'Éducation Nationale Jean-Pierre Obin soutenait qu'il y a un déficit d'éducation au profit de l'instruction, et que l'on ne forme plus le caractère mais que l'on remplit les têtes. Dans la même optique, beaucoup de formateurs d'IUFM ont considéré que si l'école révèle le souci d'associer deux missions, instruire et éduquer, l'éducation viserait l'amélioration de la personnalité, et l'instruction ne chercherait qu'à transmettre des savoirs sans souci de retenue éthique. Chez certains "pédagogues", on risquait alors d'assister à une surenchère : restaurer la fonction éducative des enseignants (qui aurait disparu au profit des contenus didactiques), et former à la politesse dès l'École Maternelle. Mais d'autres dénoncèrent l'incohérence d'une Institution qui ne respecte plus les règles qu'elle imposait aux élèves. Paradoxalement, certains dénoncèrent l'absence d'activités éducatives dans l'enseignement, et expliquèrent que le respect de ce droit à l'éducation n'existait plus vraiment dans l'école d'aujourd'hui, constatant que nombre d'enseignants préféraient imposer les règles par la force plutôt que d'en faire l'objet de négociations, ne visant donc pas l'épanouissement de la personnalité humaine et du sens de sa dignité.
Il s'agit du coup de souligner l'importance de la détermination de la place de l'éducateur, qui ne peut rester neutre, et doit choisir une philosophie de l'éducation en fonction d'un système de valeurs et d'une conception de l'homme, et de s'interroger, même, sur ce que devrait être une déontologie spécifique des enseignants (Prairat, 2010, 2011).Jusque là, la discussion semble enfermée dans un dualisme de l'instruction et de l'éducation, comme si les deux termes contraignaient l'école publique à choisir entre deux modèles (l'un plutôt didactique, l'autre plutôt pédagogique), avec en arrière-plan deux conceptions différentes de l'autorité du professeur.
Il nous a donc semblé utile, dans cette perspective d'enquête concernant l'éducation morale scolaire, de recueillir la parole des professeurs eux-mêmes pour les confronter à ces éléments de constats. La série des questions suivantes vise ainsi à mettre en forme interrogative l'évocation précédente de constats massifs que nous avons recueillis dans une première phase simplement exploratoire de notre programme d'enquête (en vue de réaliser un questionnaire d'enquête).
1. Les enseignants de l'école primaire partagent-ils les constats assez répandus que nous venons de rappeler : démission ou laisser-aller des parents fréquents ; augmentation régulière des incivilités voire de la violence juvénile et scolaire ; absence de modélisation et d'exemplarité des adultes (parents ou maîtres) ; absence de charte négociée ou d'accord écrit entre les maîtres sur leurs obligations morales et leurs devoirs face aux enfants et aux familles ?
2. Les professeurs d'école se perçoivent-ils, aujourd'hui, comme des éducateurs ou strictement comme des enseignants ? Font-ils une différence entre ces termes (en termes de mission), ou bien n'en font-ils pas, et pourquoi ?
3. Les textes officiels de l'Éducation Nationale après mai 1968 passent sous silence la question de l'éducation aux valeurs (la laissant dans l'implicite du métier), et n'obligent à rien concernant morale et humanité, se plaçant seulement dans la suggestion, dans le conseil sans jamais se placer dans l'obligation ou dans la prescription : que peuvent en penser les enseignants, au vu des réalités scolaires ?
4. Les enseignants ont-ils été formés ou ont-ils imaginé, et expérimenté des stratégies permettant de juguler la violence dans leur classe ou leur école ?
5. La construction de l'usage chez l'élève et l'acceptation de l'obéissance, sont-elles liées à des stratégies autoritaires (règle orale imposée par l'adulte dans la classe et sans concertation avec la classe) ?
6. Les normes morales des maîtres seraient-elles différentes, les valeurs minimales qui permettent le vivre-ensemble ne seraient-elles pas identiques entre les tous enseignants ou très différentes d'un professeur à l'autre ?
7. Les principes moraux et les règles internes en classe, supposées devoir être appliqué(e)s, constituent-ils "une morale minimale" sans laquelle les maîtres ne pourraient exercer leur métier ? (exemples : politesse, ponctualité, obéissance à un adulte qui a toujours ou souvent raison face à l'enfant, respect du corps des autres, prescription du vol, de l'insulte et de la violence physique visible).
8. N'y a-t-il pas des pratiques pédagogiques habituelles chez des professeurs concernant directement la sensibilisation aux valeurs humanistes dans le cadre des diverses leçons données ? Existe-t-il des pratiques de référence à la morale ou aux règles de conduite dans certaines disciplines ? (mathématiques, français, découverte du monde, etc.) Si oui, quelles valeurs sont-elles mobilisées ?
9. Existe-t-il éventuellement des séances régulières d'apprentissage du "vivre ensemble", ou d'ateliers de discussion ?
10. Certaines valeurs morales ne font-elles que rarement ou jamais l'objet d'une éducation systématique imposée aux enfants : le goût de la vérité, la paix, l'action juste, l'attention aux autres, le service désintéressé à autrui, la bienveillance, l'acceptation des différences, etc. ?
11. L'absence de définition ou de présentation des priorités existentielles et du sens de la vie sont-ils des problèmes abordés en classe : qui est-on, d'où vient-on, quelle peut être la destinée de l'homme ?
12. Y a-t-il, aux yeux des enseignants, un lien entre l'augmentation de la violence juvénile à l'école et la violence des médias (télévision, jeux électroniques) : la présence massive de la violence dans les journaux, au cinéma et à la télévision à des heures de grande écoute fait-elle du mal aux enfants ?
13. L'école cautionne-t-elle les pseudo-valeurs véhiculées par la société de consommation, ou font-elles l'objet d'une critique ou d'un débat en classe (par exemple : attrait de l'argent vite gagné, individualisme nécessaire pour réussir, importance du paraître et non-importance de l'être, recherche de plaisirs vulgaires immédiats, etc.)
14. Y a-t-il nécessité de restaurer l'éducation à la morale et aux valeurs en France ? Sous quelles formes, de quelle façon, avec quelles pratiques, à quels niveaux ? Pour quels objectifs, avec quelles méthodes ?
Ces constats et interrogations nous conduisent à devoir faire le point sur les principes moraux et les valeurs qui ont été enseignées depuis cent ans, entre les années Jules Ferry (fin du XIXe siècle) et les années François Mitterrand (Fin du XXe siècle), afin de savoir sur quelle construction culturelle et éducative se fonder avant d'examiner la situation actuelle et de réfléchie à de possibles perspectives pour demain.
Il nous faudra donc développer des suggestions pédagogiques pour reconstruire une éducation morale, en pensant les pratiques complémentaires de l'éducation morale et de ce que nous pourrions appeler un éveil éducatif à l'éthique en école primaire. Ce programme proposera une reconstruction de l'éducation scolaire, constituée d'abord par le respect des normes morales incontournables, mais aussi par :
- la construction d'une première conscience éthique chez l'enfant ;
- la mise en place de pratiques éducatives renouvelées, liées à :
- une éducation à la citoyenneté ;
- un éveil à des valeurs éthiques que nous considérons comme fondamentales du point de vue de ce que signifie philosophiquement la république ;
- une recherche de solutions aux problèmes moraux récurrents (lutte contre la violence, apprentissage à mieux vivre ensemble, critique de toute domination et toute nuisance aux autres...).
Nous aborderons également la question des techniques éducatives susceptibles de permettre une évolution des comportements ou habitudes sous forme d'une éducation liée à un éveil à la spiritualité laïque des enfants, et qui sera liée à :
- l'introduction de pratiques nouvelles repensées et organisées scolairement à l'aune d'un éclairage éducatif et philosophique exempt de tout dogme ;
- l'organisation d'un éveil aux valeurs humanistes où l'enfant est acteur et partenaire ;
- l'introduction de pratiques permettant de lutter contre la violence et de développer l'éveil à l'esprit pacifique.
Nous proposerons que ces propositions s'appuient sur quatre principes philosophiques et politiques qui pourraient être vus comme une expression de l'idéal démocratique, dans la mise en place des pédagogies concernées :
- l'exigence de respect du principe de laïcité dans l'ensemble du champ éducatif ;
- le rejet de toute forme de violence, de compétition, et d'évaluation discriminante et de nuisance envers l'enfant ou l'élève, quelles que soient ses difficultés ;
- la restauration de l'autorité éducative, mais le refus de toute forme de dictat sur l'enfant ;
- l'exigence de justice, d'équité et de solidarité.
Nous poserons donc la question de l'ouverture de cette réflexion sur un possible enseignement de l'éthique à l'école et sur l'éthique à pratiquer pour les adultes (parents, éducateurs, enseignants) responsables des enfants.
André Malraux disait que dans un univers passablement absurde, il y a quelque chose qui n'est pas absurde, c'est ce qu'on peut faire pour les autres. Cette valeur qu'est l'altruisme n'est-elle pas utopique dans ce monde dominé par l'individualisme ? Oui, mais sans utopie, peut-on progresser ? L'altruisme n'est-elle pas une façon de se faire du bien pour se sentir mieux ? C'est le passage d'une éthique du moi, d'une morale de l'individualisme, à une éthique du nous, à une morale du don de soi et de la bonté. Pour l'avenir, cette redécouverte de l'altruisme laisse entrevoir une transformation des mentalités, rien de moins qu'un changement de paradigme.
Le culte du moi représente une manifestation excessive d'une centration sur ses propres besoins (ou peut-être sur ses propres désirs ?) souvent sans égard pour ceux des autres. Peut-on construire une harmonie entre le moi et le nous ? Évidemment, l'altruisme est aujourd'hui une valeur marginale, difficile à vivre dans un contexte de compétition et de concurrence....
...Mais Gilbert Cesbron n'a- t-il écrit cette belle idée :"demain est le prénom de l'espoir"!!! Et Simone Weil, philosophe franco-autrichienne décédée à 30 ans, a aussi publié une très belle phrase : "l'attention à l'autre est une des formes supérieures de la générosité"
Notes :
Lheureux, G. (2014) "Éducation morale et éthique scolaire hier, aujourd'hui et demain : une éthique minimale et un éveil à la spiritualité laïque comme alternatives ? (éditions L'Harmattan)
Loeffel, L. (2009). Ecole, morale laïque et citoyenneté aujourd'hui. Lille : Editions Septentrion.
Morin, E. (2004). La méthode - n°6-, Éthique. Paris : Seuil.
Prairat, E. (2010). L'autorité éducative, déclin, érosion, ou métamorphose. Nancy : Presses Universitaires de Nancy.
Prairat, E. (2011). De la déontologie enseignante. Paris : PUF.
Reboul, O. (1992). Les valeurs de l'éducation. Paris : PUF.
Peut-on envisager comme alternatives à l'éducation morale traditionnelle : un éveil à la spiritualité laïque et une éthique minimale en écoles françaises au XXIe siècle? <em></em><em></em>Cet article est la contribution du chercheur au Colloque International de Nantes des 28 et 29 novembre 2013 sous l'étiquette :"éducation et formation".
Ce sont des propositions concrètes et suggestions que G. Lheureux, ancien enseignant et formateur d'enseignants, propose dans sa thèse en sciences de l'éducation présentée récemment à l'université de Rennes 2. Le chercheur constate d'abord le décalage entre la mort progressive de l'éducation morale traditionnelle, la demande sans cesse croissante d'éthique et de restauration des valeurs morales par la société elle-même dans laquelle les parents se sentent désemparés. Les médias dénoncent aussi une augmentation des violences ordinaires. Ce déficit d'éthique à tous les niveaux de la société semble avoir gangrené toutes les strates de l'école pour de multiples raisons:
-1- L'autorité des adultes français paraît s'affaiblir chez les éducateurs pour toutes fonctions (parents, instituteurs, professeurs, éducateurs) ;
-2- l'absence d'outils efficaces pour la résolution des conflits et de la violence qui paraissent s'installer durablement dans le paysage éducatif à tous les échelons ;
-3- la rareté fréquente de leçons d'éducation morale ou de chartes d'éthique dans les classes publiques et privées depuis les années 68/70 ;
-4- la suppression de la formation pédagogique des maîtres et professeurs depuis plusieurs années ;
-5- la judiciarisation excessive des parents contre les enseignants pour des petits délits habituellement résolus en gestion interne à l'établissement.
-6- plusieurs autres raisons majeures et sociétales, telles des habitudes culturelles ou sociales néfastes, comme le consumérisme à tous crins, le "chacun-pour-soi", le "tout- tout de suite" et l'addiction des jeunes aux écrans ou à la compétition.
Cadres théorique et méthodologique
Le cadre théorique est précis et il se compose d'une revue de questions sur la morale scolaire et l'éthique, la spiritualité laïque, la question des sanctions et l'autorité; mais également des définitions des termes et des divers concepts, supports psychologiques ou pédagogiques des concepts, comme les liens entre éducation et morale et éthique, ainsi que les apports théoriques des philosophes (Rousseau, Dewey, Foucault, Pena-Ruiz, Ricur ou Ogien), des pédagogues et chercheurs (Descombes, Prairat, Go, Favre, Barbier, De Vergely, Lipovetsky, ou encore Stiegler ).
La méthodologie est donc plurielle: questionnement de recherche élaboré après un pré- sondage, historiographie de l'éducation morale des années Ferry aux années Mitterrand- Sarkozy, enquête nationale auprès des enseignants français du 1° Degré sur leurs choix, leurs propositions et leurs priorités éthiques et morales ; propositions concrètes de stratégies et activités nouvelles, relevés de résultats et de conclusions de l'enquête.70% des maîtres interrogés sont favorables au yoga et 80% à l'éveil à l'esprit de paix ; la spiritualité laïque exempte de tout dogme est acceptée par 76% des instituteurs, dont une forte majorité souhaite une application de la non-violence à l'école. L'éveil à l'humanisme et l'éducation du comportement sont choisis à 95% en comparaison avec la construction des savoirs (48%). Enfin, les quatre raisons qui expliquent la violence entre enfants sont prioritairement la disparition des valeurs morales dans la société, le constat de parents démissionnaires ou dépassés, l'influence néfaste des médias, le délitement de l'autorité éducative.
Propositions présentées pour l'école du XXIe
Le chercheur propose donc deux stratégies à installer dans les écoles françaises du premier degré pour servir d'alternatives à l'éducation morale traditionnelle. D'abord, une éthique minimale renvoyant à la définition concertée des règles du vivre ensemble, pour réapprendre les interdits fondamentaux, restaurer une pratique démocratique en classe et dans l'école, proposer des ateliers de philosophie et la refonte des stratégies d'évaluation, une lutte contre toute forme de violence et de nuisances internes à l'école
Ensuite, un éveil à la spiritualité laïque présentée dans la recherche qui suggère une rééducation au "sacré laïc", une utilisation de la "communication non violente" (C.N.V.), l'éducation à des pratiques nouvelles (yoga scolaire, assise silencieuse, arts martiaux), un développement de l'intelligence divergente, un éveil aux valeurs humaines ou (et) humanistes, telles la paix extérieure et intérieure, et la non-violence, comme valeurs humaines essentielles dans nos écoles. Et enfin une pédagogie de la bienveillance qui accorde autant d'importance au savoir-être qu'aux connaissances...
Ces ensembles propositifs ne peuvent pas être présentés et illustrés sans rappeler qu'ils s'inscrivent dans une double perspective philosophique, constituée par deux fondamentaux qui éclairent ces suggestions : l'attachement à la laïcité et à l'exercice de la démocratie.
Plutôt qu'une éducation morale imposée sans participation active de l'enfant, nous suggérons une formation éthique minimale, dont les principes et les règles sont expérimentés dans l'action et intériorisés par l'enfant quand il choisit de les adopter par conviction et autonomie, après les ateliers de réflexion et les échanges mutuels sur les situations vécues. Quels contenus ? D'une part, les tabous fondamentaux, ensuite les règles incontournables du vivre ensemble, de plus le réapprentissage de la démocratie et de la laïcité.
-1- l'apprentissage à la démocratie, lié à une recherche de la résolution des conflits, une expression personnelle des enfants, non téléguidée par une autorité magistrale de type autoritariste, mais fonctionnant sous un type participatif, qui assure une formation citoyenne et civique, tout en évitant les errements d'une morale à l'ancienne, caractérisée comme impositive, autoritariste ou non coopérative, qui laissait peu de place à l'expression libre et citoyenne des élèves.
-2- le réapprentissage des règles du vivre ensemble, habitude essentielle dans le panel proposé, comme l'exemple des 5 basiques de la politesse qui sont appris en maternelle ("bonjour, au- revoir, merci, s'il vous plaît, excusez moi") Mais aussi le civisme : Dans l'ouvrage 50 activités pour enseigner l'éducation civique et morale, O. Brenifier qui propose 3 objectifs en cycle 3 liés au civisme,et renvoyant aussi aux ateliers d'échanges "philosophiques" : apprendre à approfondir, apprendre à problématiser, apprendre à conceptualiser.
-3-la reconsidération des procédures d'évaluation à l'école afin de proposer de nouvelles stratégies où l'erreur est acceptée et bienvenue, et où on peut enseigner sans récompense ni punition, où on cesse de répandre de la violence ordinaire avec les comparaisons intempestives semant rancunes ou humiliations, ou les remarques maladroites qui blessent les apprenants les plus en difficulté
-4-rééquilibrer l'importance des objectifs éducatifs des savoirs avec ceux du savoir-être, but aussi très important, car on ne remplit pas seulement une tête, on éduque aussi un individu : l'école est un lieu de construction et de formation des êtres humains et futurs adultes. Apprendre à arbitrer les conflits doit aussi rentrer dans cette perspective, tout comme la formation de la personnalité ou l'éducation du caractère. Ce n'est pas seulement une constante dans les traités éducatifs ou philosophiques chinois ou indiens, c'est aussi une demande des professeurs interrogés dans le sondage effectué: les objectifs du travail de l'enseignant réaffirment son rôle d'éducateur sans aucune ambiguïté :
-1. Construire des savoirs 42%
-2. Éduquer le comportement, former la personnalité 79%
-3. Former un être humain équilibré et tranquille 80%
-4. Construire un individu avec "une tête bien faite" 60%
-5. Apprendre à vivre ensemble (lien social harmonieux) 92%
-6. Enrichissement culturel et artistique 62%
-7. Apprendre à amasser des biens et de l'argent 5%
-8. Développer l'autonomie et favoriser l'autodiscipline 78%
-9. Éveiller l'humanisme (respect, solidarité, paix) 93%
-10. Ouvrir les qualités de cur des élèves 91%
Les rôles de formateur et d'éducateur, dans l'optique d'une éthique minimale, ne peuvent échapper à aucun enseignant, ce que rappellent philosophes et chercheurs de Rousseau à Dewey, de Foucault à Stiegler ou de Descombes à Mérieu. Les enseignants consultés expriment ce même souci de réhabiliter la fonction morale et éducative afin de rééquilibrer les tâches morales et éthiques des professeurs, aussi importantes que les tâches d'enseignement proprement dit
D'abord l'école doit absolument revenir à des valeurs supérieures et non conforter les pseudo valeurs véhiculées par une société de consommation, laquelle est incapable de juguler le développement de la violence, ni faire preuve de discernement concernant son propre avenir. Un exemple comme celui de l'environnement porteur d'inquiétude montre que l'agriculture intensive et l'industrie polluante empoisonnent l'air que nous respirons et l'eau que nous buvons, et nuisent à la santé des habitants. La valeur supérieure ici, c'est le respect des éléments premiers de notre univers.
La première étape de cette spiritualité est donc un éveil aux valeurs humaines et humanistes, valeurs spirituelles supérieures aux valeurs matérielles développées par le consumérisme, comme le développement de l'esprit de paix. Nous rappelons que la solidarité et la fraternité, comme la non-violence sont des valeurs humaines essentielles dans l'école de demain. En effet, si l'on pose l'hypothèse qu'il y a une crise contemporaine de l'éthique, ce déficit de moralité pourrait être imputé au fait que l'individu est plus tourné vers lui-même que vers les autres : "le problème éthique contemporain vient du fait que tout tend à favoriser notre logiciel égocentrique alors que notre logiciel altruiste ou communautaire est sous-développé " (Morin p.198). Sans nous éclairer forcément sur ce qui peut en être cause, cette idée facilement partageable nous oriente de façon évidente vers l'hypothèse d'un déficit de formation aux valeurs humanistes dans la société actuelle.
Quelles valeurs humaines et humanistes éduquer et enseigner
L'éveil à la Paix, valeur essentielle, indispensable à construire et à forger dans la conscience éthique de l'enfant au vu des agressivités et violences qui envahissent la société. Moteur des écoles françaises appelées "Écoles Instruments de Paix", cette valeur éducative et humaniste peut être enseignée dans des situations pratiques, et à partir d'expériences concrètes, et servir de fil rouge transversal à l'enseignement.
La solidarité et la coopération seront aussi des habitudes que chaque professeur peut forger au fil des occasions pédagogiques afin de développer l'entraide entre élèves, et expérimenter l'efficacité positive de l'interdépendance, la bienveillance avec les camarades, et l'esprit démocratique dans le fonctionnement coopératif de la classe et de l'école Quand une proposition transversale est faite aux élèves et aux maîtres de concrétiser dans l'action une valeur humaniste telle la solidarité, l'enseignant peut croiser l'éveil à la bienveillance et la solidarité avec les mathématiques, par exemple au CM2.
La non-violence qui s'apprend dans des centaines d'écoles en Europe grâce à la C.N.V. (communication non violente) initiée par M. Rosenberg grâce auquel les antennes fournissent des outils et des formations pédagogiques, stratégie qui permet de réduire les violences échangées entre enfants de façon importante.
Mais aussi éduquer aux autres valeurs humaines, comme la conduite juste, le service désintéressé, l'altruisme et la compassion, mais encore la vérité, la justice, la droiture, ou l'amour universel
- L'enquête départementale auprès des instituteurs sur ces valeurs leur a fait choisir pour une grande majorité trois valeurs humanistes indispensables : la solidarité, l'honnêteté et la tolérance en trio de tête des réponses des enseignants du 1e degré :
A. Entraide, bienveillance, solidarité, qualités de cur: 309 oui s/320 réponses (96%)
B. Dire la vérité, honnêteté, intégrité, droiture : 299 oui s/320 réponses (93%)
C. Tolérance, acceptation des différences, non- racisme : 285 oui s/320 réponses (85%)
- Concernant les objectifs éducatifs, leurs réponses ne souffrent pas d'ambiguïté : 4 objectifs de type éducatif recueillent un pourcentage important des réponses :
Ouvrir les qualités de cur des enfants : 93% ;Éveiller humanisme et valeurs humaines : 93% ; Développer autonomie et autodiscipline : 93% ; Apprendre à vivre ensemble : 92%
La seconde étape propose des activités éducatives et pédagogiques nouvelles.
En effet, un des buts prioritaires d'une école en bonne santé est une recherche systématique d'une société et d'une école luttant contre toutes les formes de violences, externes et internes aux écoles. Cet objectif nous conduit à proposer des actions développant la non-violence dans les rapports interindividuels, comme l'initiation à la CNV. Comme aussi la proposition d'une initiation au yoga et à l'assise silencieuse,
Pourquoi le yoga et l'assise silencieuse ? Ces pratiques favorisent l'intériorisation, l'écoute, le calme, la concentration, le discernement, qualités non développées suffisamment et peuvent combattre les mauvaises habitudes des élèves influencés négativement par la société d'aujourd'hui : éparpillement, dictature des désirs sensoriels au détriment de la prise de conscience des besoins réels. La recherche permanente sur le yoga à l'école depuis 15 ans et les 700 classes qui le pratiquent en métropole témoignent des bienfaits importants, tant liés à la concentration, au calme qu'à l'amélioration de la santé, des résultats et des comportements scolaires (les enseignants liront avec intérêt le livre de M. Flack et de J.Coulon, 2008)
Pourquoi la Communication Non-Violente (C.N.V.) ? Appliquée dans de nombreux pays européens, africains,ou américains, elle apporte une baisse très importante des actes d'agressivité et de violence, favorise nettement un vivre ensemble apaisé, développe la compréhension mutuelle entre enfants. La CNV favorise aussi certaines qualités humaines chez l'enfant telles l'empathie, la sympathie et la vraie écoute mutuelle,
Une 3e étape pourrait réhabiliter le lien entre la laïcité et le sacré dans notre société.
La troisième étape d'une spiritualité laïque à l'école sera de se réapproprier la notion de sacré laïc par les élèves, les enseignants et tous les partenaires. Le respect de la vie est sacré. Le respect des parents et des éducateurs est sacré. Le corps d'un enfant est sacré. Le caractère éminemment respectueux des sujets et des objets caractérise le concept de sacré employé dans l'enseignement. Le respect de la nature, de l'eau et de la terre doivent être considérés comme sacrés, car ils conditionnent le maintien de la vie sur terre, aussi ce caractère sacré de l'environnement doit faire partie de l'éveil éducatif à l'école. Il en est de même du respect entre garçons et filles, comme le respect des enfants par les adultes et des adultes par les enfants.
Le souhait récent de sanctuarisation de l'école est exprimé par nombre de parents et de politiques : cette position conduira toute école à être considérée comme un "lieu sacré" et protégé" dans lequel les enfants ou les élèves sont protégés de toute arrestation policière, par exemple. Ceci renforce ce besoin social et cette nécessité de redéfinir aussi ce "avec quoi on ne transige pas, et que nous devons "sacraliser" dans nos habitudes de vie, notre vivre ensemble et dont les rappels pourraient être proposés dans une charte ou un contrat mutuel et inter partenarial lié aux règles pour lesquelles tous les partenaires s'engageraient à les suivre comme fil rouge des conduites et comportements
Pour Reboul, l'éducation conduit forcément au sacré, car elle pose et vise des valeurs humanistes : "éduquer, c'est apprendre à respecter les droits d'autrui, de la collectivité et enfin les droits de l'homme, qui transcendent toute collectivité : c'est initier à ce qui demeure, au-delà de toutes les variations culturelles ou religieuses, sacré." L'éducation touche au sacré, non-religieux bien sûr ; mais le sacré de la culture, de la raison et de l'homme est concerné: ici l'humanisme est donc posé comme socle, fin et certitude, première transcendance culturelle : "notre engagement classique et humaniste est indéniable ; mais il n'y a pas de philosophie sans engagement".
C'est aussi l'avis de Houssaye : "À partir des valeurs, on voit donc l'humanisme définir à la fois le sens de l'école, le contenu de l'école et la pédagogie de l'école. Sur une base d'un lien indissociable entre rationnel et sacré, le but de l'éducation devient clair et absolu : transmettre et permettre d'acquérir les valeurs universelles et l'héritage culturel. Le respect d'un héritage et l'éveil d'une conscience ne vont pas l'un sans l'autre."
C'est aussi la société humaine qui est sacrée. C'est ce sacré qui, déplacé sur l'enfant, interdit que l'on frappe un enfant : c'est bien le déplacement du sacré sur la personne qui interdit le recours aux châtiments corporels. Reboul souligne que, sans le sacré, une morale n'est pas une morale : pour que chacun respecte chacun, ne faut-il pas admettre, au-delà de la solidarité du groupe, une valeur sacrée qui concerne tous les hommes : la valeur des hommes ?
Mort de la morale dans l'école et la société : est-ce sérieux ?
A. Trop d'éthiques tuent l'éthique. D'aucuns pourraient penser que il n'y aurait pas "mort de la morale" mais au contraire une inflation de l'éthique dans tous les secteurs de la société. L'observateur tranquille peut alors penser que l'inflation des éthiques tue l'éthique elle-même.
En effet, s'il y avait une "éthique" tout court, propre à soi et intérieure, les hommes ne se seraient pas sentis obligés de créer de nombreuses éthiques, telles une éthique religieuse, une éthique médicale, une éthique politique, une éthique économique, une éthique sociale, etc.
B. La science, l'église et la société de consommation "tuent la morale" et annihilent l'éthique.
La science a depuis longtemps tenté de s'approprier le domaine de la morale en mettant en avant ses progrès dans certains domaines, comme le recul de l'âge de la vie, l'amélioration de la santé des personnes Ce qui l'a conduit à vouloir annexer la morale sous la houlette du domaine scientifique. Dans son gros ouvrage sur la morale sort de l'ombre, le philosophe Paul Baladier rappelle que la science a dévalorisé la morale et la philosophie morale, en montant en puissance sa rationalité scientifique et technique, instituant un système de pensée efficace, féconde, et convaincante dans son aptitude à approcher le réel pour l'observer, le connaître et l'ordonner au bien de l'humanité : "cette raison instrumentale fondée sur la considération de ce qui est, ne pouvait pas ne pas apparaître comme rivale redoutable par rapport à une morale avec une raison de ce qui doit être" Jean Ladrière, sans utiliser les mêmes arguments, parle aussi de déstabilisation de l'éthique et du prestige de la raison morale par la raison scientifique dont la renommée est énorme dans la société actuelle. Les progrès de tous ordres aux niveaux scientifique et technologique ont conduit un certain public à attendre de ce progrès la réalisation des attentes humaines, comme le bonheur, la suppression de la souffrance, ou l'harmonie sociale., nous précise l'auteur de L'éthique dans l'univers de la rationalité.
L'église s'est attribué le domaine de la morale en prétendant détenir la vérité révélée, et en semant l'angoisse et la peur pour conserver son influence et son pouvoir sur ses fidèles De plus se prétendre détenteur de la morale au moment où l'église est critiquée et contestée n'est pas chose simple pour les moralistes chrétiens Avec les cas toujours plus nombreux de délinquance pédophilique émanant du clergé, ou la désertification des églises par les fidèles qui ont difficulté à admettre l'intolérance vis-à-vis des divorcés ou l'incapacité des chrétiens de confessions différentes à s'entendre entre eux pour un cuménisme minimal bien compliqué à développer
C. La société de consommation a tué la morale en magnifiant le consumérisme, qui lui-même a permis le développement de l'individualisme et du "chacun -pour- soi", développant le culte de l'argent comme valeur-phare, contraire aux valeurs humaines et morales qu'une éthique développant l'humanisme s'efforce de développer. La dépendance aux désirs personnels et sensoriels facilite davantage l'envie et la jalousie que la solidarité ou le partage. "Cette crise des désirs a entraîné d'autres crises, comme le consumérisme, le "chacun pour-soi" et l'individualisme, la paix et la tranquillité ont disparu et on observe un grand mal-être partout, même dans l'école" s'offusque Pierre Rabhi dans l'ouvrage collectif récent Se changer pour changer le Monde.
Pourtant enseigner et éduquer ne peuvent se faire sans moraliser !
L'école, le collège et le lycée en France n'éduquent pas souvent aux valeurs humanistes ni ne les enseignent systématiquement dans un cours d'éthique ou de morale qui serait régulier et inscrit au programme. Même si l'État est en partie responsable, car il est le définisseur et l'écriveur officiel des programmes, les enseignants aussi, tout comme les parents ont leurs responsabilités, car il leur, revient, aussi, d'assumer une éducation morale, comme tout éducateur qui se respecte.
Nombre de grands auteurs ou philosophes ou chercheurs rappellent qu'on ne peut enseigner sans morale, tels des penseurs comme Dewey, Descombes ou Ricur. Pour Dewey, dans Démocratie et éducation (1975), éduquer c'est non seulement enseigner mais aussi moraliser. L'éducation et la morale sont inscrites dans le même acte pédagogique, car au sens large du terme, la morale, c'est l'éducation elle-même.Pour Paul Ricur, qui a écrit cette belle phrase, exprime la même chose: "la vie bonne doit être pensée et mise en actes avec et pour les autres, dans des institutions justes."
Ou encore Descombes, qui rappelle avec conviction, dans le raisonnement de l'Ours, qu'aucun éducateur ne peut donc assumer son uvre éducative en se passant de morale. Pour enseigner la morale, l'éducateur doit pouvoir jouir d'une autorité reconnue par les élèves : "Quel que soit son domaine de compétence, un éducateur doit faire passer chez ses élèves une leçon de morale humaine et pas seulement un savoir ou un savoir-faire dans tel ou tel domaine. Il doit leur communiquer, non seulement une compétence dans une discipline, mais, pourrait-on dire, la "moralité" de l'apprentissage (comme il y a la "moralité" que l'on tire de la fable)".
L'opposition entre les concepts "éthique" et "morale" tient-elle la route ?
Le premier réflexe laisse penser qu'il ne s'agirait que d'une opposition de surface, car les deux racines (latine et grecque) renvoient à des significations voisines. Éthique et morale sont donc deux notions proches. La tradition catholique préféra parler de morale, et la tradition protestante d'éthique. Aujourd'hui, le terme "morale" semble dévalorisé. On le remplace souvent par celui d'éthique, considéré comme plus moderne. L'éthique peut être considérée comme le synonyme d'origine grecque de la morale, avec une connotation moins péjorative, discipline qui réfléchit sur les finalités, les valeurs de l'existence, la notion de "bien" ou sur des questions de murs. Tout problème moral ou d'éthique devrait être examiné sur trois plans :
-le plan des principes, celui du devoir, de la déontologie (étudié par Kant);
-le plan des préceptes, des prescriptions sociales (étudié par Durkheim); -le plan de la responsabilité, celui des applications dans la vie, dans l'action et la relation (étudié notamment par Ricur).
Il y a une forte tendance actuelle à distinguer entre morale, corps doctrinal relatif aux jugements du bien et du mal et prescrivant impératifs et interdictions, et éthique, ligne de conduite que la personne se donne à elle-même en accord avec ses valeurs et sa conscience. Du coup, le domaine de l'éthique est forcément celui du questionnement, comme le rappelle Ricur, de la délibération sur ce qu'il est juste et bon de faire, d'une interrogation sur le sens et la valeur de nos actions, d'une clarification exigée sur ce que nous croyons "bon" de faire.
La notion d'éthique enveloppe donc l'idée d'une pluralité des biens, et d'une hiérarchisation dont le sujet doit prendre la responsabilité. Pour Ricur, l'éthique relève du bien, la morale recouvrant plutôt le domaine de l'obligation, et en cela la distinction éthique/morale pourrait être utile. Le scientifique J. Bernard (1907-2006) proposa d'ailleurs une définition dans laquelle il rappelait les deux origines étymologiques de l'éthique : le terme ithos, qui signifie la tenue de l'âme, le style, au sens de l'expression "le style, c'est l'homme, et le terme ethos, complémentaire du premier, peut désigner l'ensemble des normes nées du respect dans la mesure. L'éthique est une science qui prendrait en considération à la fois l'ithos et l'êthos. Elle suppose une action rationnelle, et en cela elle peut être considérée comme le propre de l'homme.
Le rejet du terme de morale est prégnant.
Longtemps, le terme de morale et tout son cortège passé entraînent lever de boucliers ou opposition farouche Aussi, à entendre Laurence Loeffel, chercheuse émérite sur l'éducation morale, il fut un long temps entre les années cinquante et quatre-vingts, où aucune institution ni plus personne ne voulait entendre parler du terme de morale. Ce qui a fait les beaux jours de l'éducation à la citoyenneté et l'éducation aux valeurs dites civiques Donc les chercheurs constatent une certaine "mort de la morale" qui coïncida aussi avec un développement du consumérisme et une explosion de la violence. On comprend bien que le chacun pour soi, la dictature de sa "majesté - fric" et le "tout -tout de suite" n'ont pas favorisé le calme et la paix, ou le développement des valeurs humaines à l'école, dans les familles les écoles et la société.
La distinction entre éthique et morale peut aussi être effectuée entre imposition de principes et soumission à des règles (moralisation) ou libre choix d'une conduite (êthos). Ceci rejoint la distinction dont parle Francis Imbert (Imbert, 1987, pp.9-12) entre la "mise en forme d'habitudes" (loi-code ou loi institutionnelle) et la "loi symbolique" sous-entendant un engagement volontaire de la conscience. Conche considère ainsi la morale comme imposée parce que universelle, alors que l'éthique est choix de vie de la personne : "Pour échapper à l'obligation morale, il [...] faudrait cesser d'être homme. L'éthique est affaire de choix [...]. La morale n'est pas affaire de choix. Elle est donc justifiable universellement."
N'est-ce pas utopique de proposer une éthique de valeurs nobles dans une société aux valeurs marchandes et consuméristes ?
Premiers essais de réponses.
Non, car l'utopie fait avancer les positions et réfléchir sur les certitudes ou interroger des habitudes éducatives anciennes. Non, car il faut bien essayer de comprendre les raisons de cet délitement progressif de l'autorité éducative, ainsi que l'explique Eirick Prairat. L'auteur de l'autorité éducative en effet soutient l'idée que nous assistons, dans cette période postmoderne, à une érosion de l'autorité éducative (Prairat, 2010), et le lien entre l'autorité des éducateurs et l'éducation morale n'est pas à démontrer.
Les enfants, non plus soumis aux modèles ni à des valeurs supérieures, contestent les enseignants quelquefois relayés par les parents ; ces conditions difficiles mettent en difficulté l'acte éducatif lui-même, l'école se trouvant de facto simplement cantonnée dans un rôle de "transmission des connaissances". Cette évolution est préjudiciable à l'image de marque de l'école et à la réputation des enseignants ; l'interdiction des sanctions et le refus de l'autorité minent l'édifice et conduisent à une perte de confiance dans l'institution et dans le système scolaire, la méfiance des parents et enfants se trouvant renforcée par une crise sociale (Morin, 2000).
Non, il n'est pas utopique de restaurer l'autorité morale des enseignants. Car il faudra bien trouver des solutions à la violence constatée tous azimuts dans les lieux ou espaces éducatifs, et non se contenter de plans qui ont échoué depuis plusieurs décades. Non, car les éthiques et morales et valeurs mises en place dans certains pays d'Europe conduisent à des meilleurs résultats que le conservatisme républicain qui est le nôtre depuis un certain temps. On peut notamment observer qu'une pédagogie de la bienveillance et du respect réellement mutuel permet à des pays voisins de la France d'observer à la fois moins d'actes délictueux et des élèves plus heureux réussissant mieux, ce qui nous permet de réfléchir à l'interrogation: pourquoi ne pas essayer, chez nous ?
Deuxièmes essais de réponses en forme d'interrogations à développer.
Plusieurs interrogations sont liées à cette question essentielle, renvoyant à l'utilité de l'école, et au sens de notre vie, et à l'importance des objectifs nationaux, et aussi aux choix politiques qui seront effectués ici et maintenant et dans le futur proche.
1.La question de la morale laïque aujourd'hui est-elle une question dépassée, ou une interrogation escamotée sur une pratique désuète ?
2.Peut-on enseigner sans prendre conscience que l'on éduque moralement et tenir une classe sans prendre conscience de l'importance de ce double rôle d'enseignant et d'éducateur ?
3.Est-il plus important de donner l'envie d'aller à l'école, d'être heureux en classe plutôt que de remplir le cerveau des enfants de savoirs qu'ils n'utiliseront que partiellement ? L'apprentissage du savoir-être et du vivre ensemble dans la paix et dans la joie n'est-il pas au moins aussi prioritaire que la construction des connaissances ?
4. L'introduction d'une meilleure atmosphère, de pratiques nouvelles favorisant une vraie spiritualité laïque et un mieux-être social de l'enfant et du maître pourraient-ils permettre une forme de "réenchantement de l'école" ? N'est-ce pas ici soit un pari, soit une utopie sérieuse, les deux perspectives ne pouvant que donner envie d'agir et de redéfinir, dans un climat de coopération et de débat démocratique réel, les valeurs minimales auxquelles tout esprit républicain, laïc et démocratique est attaché ?
5. La formation initiale rénovée permettra -t- elle aux professeurs nouveaux de proposer des solutions pédagogiques nouvelles aux défis d'aujourd'hui et de demain ?
6. L'évolution de l'école vers plus d'humanité et de respect, moins de violence et d'individualisme s'autorisera -t- elle à influencer en mieux-être une société des adultes qui aurait besoin, nous le croyons sincèrement, de s'engager plus rigoureusement vers le respect de la planète, une plus grande humanité dans les rapports interindividuels, d'un affaiblissement du "chacun pour-soi" et du "tout- tout de suite" au profit d'une communauté plus solidaire qui développerait prioritairement dans ce XXIe siècle balbutiant les besoins davantage que les désirs sensoriels et consuméristes ??
L'utopie ne permet-elle pas d'imaginer une école heureuse et épanouissante produite par une société favorisant la sobriété heureuse, les conduites justes et l'intérêt commun ?
Essai de conclusions
À la suite des constats effectués dans les écoles de France, compte tenu de notre contexte éducatif, culturel, et des phénomènes sociétaux tels l'individualisme, la montée des violences et la demande importante d'éthique dans notre espace scolaire, la recherche doctorale présentée suggère donc, en alternatives à l'éducation morale traditionnelle, plusieurs stratégies de restauration ou d'évolution: la formation d'une première conscience éthique de l'enfant grâce à une éducation éthique minimale et une restauration de l'apprentissage de la démocratie, un éveil à la spiritualité laïque, composé d'un part d'une éducation aux valeurs humaines, d'autre part de pratiques pédagogiques nouvelles ou peu usitées en France et d'une réconciliation entre les concepts de sacré et de laïcité. Ces activités sont toutes susceptibles de juguler la violence et de développer des qualités humanistes, éveil éducatif nouveau et retour du sacré dans l'espace laïc scolaire. Elles permettront non seulement de favoriser un vivre ensemble imprégné de paix et de calme, mais également d'initier une pédagogie de la bienveillance qui fera émerger une amélioration de l'autorité éducative et de l'écoute, un espace laïcisé de tolérance promouvant le respect mutualisé, une évolution humanisante des pratiques de l'évaluation, et un souci du bonheur de l'enfant à l'école.
Ces propositions sont ici croisées par deux fils rouges basiques de fonctionnement, la gestion démocratique des apprentissages et la consolidation d'une laïcité réaffirmée dans son champ d'humanité, de rigueur et de tolérance. Encore faudra-t-il ne pas oublier une formation solide, initiale et continuée des professeurs, qui leur permettra de relever ces défis, et réformer les gestions pyramidales et hiérarchiques du système éducatif pour y installer plus de clarté, d'harmonie, de cohérence, de solidarité, toutes au service d'une vie bonne dans une administration à la fois juste et humaniste. Encore faudra-t-il que ces propositions soient mises en mesure dans des programmes rénovés qui puissent accorder autant d'importance au savoir-être qu'à la construction des savoirs, en harmonisant les didactiques de la cognition avec les apprentissages comportementaux dans un système social, éducatif et scolaire délibérément imprégné de paix et de non-nuisance, de bienveillance et respect mutuels.
Lheureux Guy Docteur en Sciences de l'Éducation
Inspecteur de l'Éducation Nationale
Notes :
NOTES ET INDICATIONS
1. L'auteur fut instituteur 20 ans (Nord de la France) et Inspecteur -Formateur d'enseignants vingt ans (Anjou)
2.Thèse soutenue en décembre 2012 (Rennes 2) codirigée par MM. Gérard Sensevy (Brest) et H.L. Go (Nancy) Elle est lisible s/dossier"archives ouvertes": http://tel.archives-ouvertes.fr/docs/00/77/58/97/PDF/ 2012theseLheureuxG.pdf
3. On pense ici notamment à l'apprentissage coopératif de type Freinet dans l'école expérimentale de Vence ; voir sur ce sujet l'ouvrage de H.L. Go : Freinet à Vence, 2004 (Presses Universitaires de Nancy)
4. Ouvrage de pédagogie pratique réalisé par 4 co-auteurs : François Braud, Oscar Brenifier, Sylvie Espacier et Nicolas Olivier-Moreau : 50 activités pour enseigner l'éducation civique et morale (2011). CRDP Midi-Pyrénées.
5. Voir Edgar Morin, in "Les sept savoirs nécessaires à l'éducation du futur (Seuil Paris)
6. Rosenberg B. M. (2005) Les mots sont des fenêtres. Introduction à la Communication Non-Violente (La Découverte)
7.Le yoga en milieu scolaire: des enfants qui réussissent, de M. Flack & J. Coulon, chez Desclée de Brouwer (2005)
8. Mais aussi les Droits de l'Enfant, qui sont sacrés et respectables autant que les autres droits et devoirs, tels que définis dans une Convention Internationale Relative aux Droits de l'Enfant - CIDE - (UNICEF, 1989).
9. Reboul O. (2006) Les valeurs de l'éducation. (pp.114-115)
10. Valeurs et Éducation in Éducation et philosophie : approches contemporaines. Paris : ESF, (1999)
11. Valadier P. (2008), La morale sort de l'ombre, aux éditions Desclée de Brower, page 11.
12. Rabhi P. Lire la sobriété heureuse (2011)[éditions Actes Sud]
13. André C., Kabat -Zin J., Rabhi P., & Ricard M. (2013) Se changer, changer le monde, Éditions L'Iconoclaste
14. Ricur, P. (1990) Soi-même comme un autre (Seuil, Paris)
15. Descombes, V. (2007). Le raisonnement de l'Ours et autres essais de philosophie pratique. Paris : Seuil. (417/418)
16. Il fut le premier président (de 1983 à 1993) du Comité Consultatif National d'Éthique des Sciences de la Vie et de la Santé, créé par décret le 23 février 1983.
17. Expression que revendiquait Nietzsche.
18. Loeffel, L. École, morale laïque et citoyenneté aujourd'hui [PUS,2010] Mme Loeffel a mené des recherches sur les sources intellectuelles de la morale laïque scolaire, tout particulièrement sur ses enracinements spiritualistes et religieux. Ses recherches ont porté également sur l'éducation du citoyen. Voir également les deux ouvrages Enseigner la démocratie, [Paris : A.Colin, 2009], mais aussi Repenser l'enfance (avec Alain Kerlan), [Paris:Hermann, 2012].
19. Imbert, F. (1987) La question de l'éthique dans le champ éducatif (PI Matrice, Vigneux)
20. Conche, M, "Droits de l'homme, droits de Dieu", n° spécial du Nouvel Observateur, Hors série de janvier 2002.
21. Prairat E. (2010) L'autorité éducative,(sous-titre : "L'autorité éducative, déclin, érosion, ou métamorphose" (P.U.N. Nancy).
22. Ce sont en tout cas les thèses déployées par deux philosophes humanistes qui ont des points communs malgré leur écart dans leur temps et dans leur culture : Pierre Rabhi (cf. La sobriété heureuse, France, 2012) et Juddi Krishnamurti (cf. Réponses sur l'Éducation" (Stock 1982)
23. Outre la consultation indiquée en 1, on pourra consulter cette recherche sur l'ouvrage qui sort en janvier 2014 chez l'Harmattan "L'éducation morale hier, aujourd'hui et demain : éthique minimale et spiritualité laïque comme alternatives ?" et qui présente l'ensemble des résultats des deux sondages(préfacé par S. Hessel et postfacé par L. Loeffel, P. Rabhi, T. d'Ansembourg, & P. Viveret (Coll. Sciences de l'Éducation, 2013)