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Jacques Meurice

Jacques Meurice

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Jacques Meurice

Descriptif auteur


Né en 1938 à Wavre (Brabant Wallon) Ordonné prêtre en 1962 à Tournai.
Vicaire à Soignies de 1962 à 1967.
Prêtre ouvrier en sidérurgie (machiniste) à Charleroi en 1967.
Echanges et Dialogue en 1968.
Présence et Témoignage.
Hors les Murs.
Marié en 1972.
Délégué syndical FGTB
Membre du conseil d'entreprise.
Commission de régularisation des étrangers.
Ecrivain.

Structure professionnelle : Rue de la croix, 31, B.6200-Châtelineau
Belgique.

Titre(s), Diplôme(s) : Prêtre

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AUTRES PARUTIONS

"Jésus sans mythe et sans miracle.L'évangile des zélotes"
Editions Golias. Villeurbanne. 2009

LES ARTICLES DE L'AUTEUR

La mort d'une religion

Publié par le quotidien La Libre Belgique le 20.02.2018
Publié par NSAE le 18.03.2018
Publié par le Comité de la jupe. 04.2018

LA MORT D'UNE RELIGION


Eh oui ! les religions sont comme les êtres humains, elles naissent un jour, elles vivent, grandissent, prospèrent, puis elles sont malades et un jour aussi, elles meurent et disparaissent. Leur vie est seulement habituellement plus longue que celle des hommes, elle se compte en siècles plutôt qu'en années, à tel point que beaucoup d'adeptes et de fervents adhérents ont souvent été persuadés de leur immortalité. Au cours de son histoire, l'humanité a cependant connu bien des exemples de mort de religions. A Babylone on en a déjà fait l'expérience, puis les religions des Hittites, des Egyptiens, des Grecs, des Celtes, des Etrusques, des Romains, toutes y ont passé. Certaines ont vécu plus de trois mille ans, mais la moyenne se situe plutôt vers les deux millénaires. Il y a quelques exceptions comme pour confirmer la règle : le Judaïsme en est une, le Bouddhisme aussi, mais le Bouddhisme est-il vraiment une religion ?

Pourquoi la religion catholique échapperait-elle à ce qui paraît être une loi universelle ? Le cardinal Martini, jadis archevêque de Milan et père du Concile Vatican II, a parfois dit que l'Eglise catholique avait dans la société un retard de deux siècles au moins. Maintenant il faudrait bien lui en reconnaître trois. Quand les peuples ou les nations ont à surmonter des obstacles importants comme des guerres, des invasions, des migrations obligées, il n'y a qu'une seule règle et chance de survie, c'est l'adaptation. S'adapter aux changements c'est sauver sa vie. C'est, semble-t-il, ce que l'Eglise catholique n'a pas su ou pu ou voulu faire, depuis quelques siècles. Elle n'a pas accepté les grandes révolutions, ni en France, ni en Italie, ni en Russie, ni en Espagne, et les petites seulement où et quand cela l'arrangeait. Elle n'a jamais été pour le progrès par les lumières ou par la science. Prisonnière de ses dogmes et d'une morale dite naturelle, elle n'a pu accepter spontanément Darwin et l'évolution, Voltaire et le goût des libertés, Marx et le socialisme, Einstein et la relativité, Gandhi et l'autonomie des peuples dans la paix, Renan, Loisy et le Modernisme, Freud et la psychanalyse, pour n'en citer que quelques-uns. Elle a toujours refusé d'envisager le droit au divorce, à l'avortement, à l'homosexualité, à la pilule contraceptive, à la procréation médicalement assistée, au mariage pour tous, au suicide, à l'euthanasie. Elle s'oppose avec obstination à l'ordination des femmes, au mariage des prêtres, à la franc-maçonnerie et à la liberté de pensée. Bref, elle a multiplié à l'infini les blocages et les refus.

Ce n'est pas seulement la pédophilie d'un certain nombre de prêtres qui pose problème, c'est aussi et surtout le décalage d'avec la vie. Pourquoi la fréquentation des églises a-t-elle baissé de façon aussi catastrophique depuis la dernière guerre mondiale ? Pourquoi les sacrements ne font-ils plus partie des signes sensibles de la vie pour beaucoup ? Pourquoi les vocations sacerdotales et religieuses sont-elles devenues si rares, alors que les O.N.G. continuent à recruter parmi les jeunes ? Tant de questions qui sont restées sans réponse, qui bien souvent n'ont même pas été posées, car il y a une sorte de silence orgueilleux et totalitaire de sa hiérarchie qui s'est appesanti sur les difficultés de l'Eglise. Le problème est sérieux, le pape François en est conscient, mais beaucoup refusent encore de le comprendre et de l'envisager. Nombreux sont ceux qui ont été tentés par des échappatoires. Les paroisses ont été désertées et certains ont trouvé leur chemin dans des communautés de base, dans des mouvements charismatiques, des équipes de recherche spirituelle. Le tissu ecclésial s'est diversifié à l'infini pour correspondre aux aspirations particulières, mais en divisant allégrement le peuple de Dieu, peut-être ainsi devenu adulte, mais échappant à sa hiérarchie. Un membre de l'Opus Dei n'est pas un membre de Sant Egidio, tant s'en faut. Un membre de l'Emmanuel, n'est pas de Jérusalem ni des Béatitudes. Un membre de Taizé n'est pas du chemin neuf, ni légionnaire du Christ. Un dignitaire de l'Ordre de Malte n'est pas un théologien de la libération. Cela semblerait vouloir dire que maintenant une telle diversité est offerte à tous, que chaque croyant doit pouvoir y trouver sa voie, sa vérité, sa vie ? Cela pourrait aussi signifier l'éclatement d'une religion en un grand nombre d'options dont certaines sont, au pire, antinomiques. A quoi peut servir une religion si elle ne rassemble plus ?

Il y a quelques années, en tant que prêtre ouvrier j'ai publié un livre intitulé Adieu l'Eglise. Beaucoup en ont conclu que je partais, déçu ou rejeté, et peu de lecteurs ont compris qu'en fait je disais adieu à une Eglise qui semblait, elle, s'en aller, quitter la vie des gens, s'éloigner d'un monde du travail qui cependant vivait, plus qu'on ne pouvait le penser, de façon presque naturelle, des valeurs chrétiennes. De là à dire que l'avenir du Christianisme, du message chrétien, se trouve désormais ailleurs que dans une religion et n'a véritablement plus besoin de liturgie, de sacrements, de prêtres et d'églises ! Pourquoi pas ?

Jorge Bergoglio voudrait ouvrir l'Eglise, mais pour en faire une démocratie, cela ne suffit pas, il faudrait inventer des syndicats de diacres, de prêtres, d'évêques et peut-être de cardinaux, il faudrait y créer des partis, des élections, y favoriser une liberté d'options et de parole. Il y a peu de chances qu'il y parvienne, aucune religion n'a d'ailleurs jamais été une démocratie, et puis l'opposition de la Curie, des conservateurs et des intégristes encore nombreux l'en empêchera certainement. Alors, l'Eglise ? Elle va continuer à se dégrader lentement, très lentement car le poids des institutions va dans le sens du maintien des traditions, jusqu'à la dernière goutte de sueur et d'énergie. Même si des groupes ont l'impression que des morceaux d'Eglise rajeunissent et font rayonner leur témoignage, le constat d'ensemble ne laisse aucun doute. Ce n'est pas en important massivement des prêtres d'autres régions du monde, ni en organisant à grands frais des rassemblements massifs qu'on va sauver l'institution. Les paroisses sont désertées, des églises sont à vendre, les séminaires ferment, les couvents se vident et se transforment en maisons de repos, les religieux et religieuses de différents ordres ou congrégations fusionnent. Il n'y a plus que les brasseries monastiques qui sont en pleine expansion et parfois jouent un rôle social régional qui n'est pas négligeable.

Une religion qui meurt ce n'est pas nécessairement triste et désastreux. On a bien souvent récupéré les pierres des temples abandonnés pour en faire des maisons pour le peuple. Espérons seulement qu'il y aura toujours quelques hommes et quelques femmes pour penser que le Christianisme c'est autre chose qu'une religion, c'est une philosophie, une sagesse de vie, un sens de l'existence.


Jacques MEURICE, prêtre ouvrier e/r



Adieu l'Eglise, chemin d'un prêtre ouvrier, Edit. L'Harmattan, Paris, 2004.
Jésus sans mythe et sans miracle, l'évangile des zélotes, Edit. Golias, Villeurbanne, 2009.

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Le dogme cancer de l'Eglise catholique

Publié par NSAE 12/2015, Unitariens, Collectif P-O Fr 01/2016, La Libre Belgique 02/2016.

Le dogme, cancer de l'Eglise catholique.

L'Eglise catholique est malade, gravement. C'est un cancer qui la menace d'étouffement progressif. Ce cancer c'est le dogme. Le dogme pour celui qui le professe c'est une certitude. La certitude de posséder la vérité, ou au moins un morceau de celle-ci. Un dogme cela ne se discute pas. Avant sa proclamation peut-être, après plus jamais. Cela s'accepte ou se rejette. Il n'y a pas d'alternative au dogme, pas d'aménagement, pas de révision ni de réforme du dogme. Quand un groupe d'êtres humains se lance dans la pratique du dogme, il se prépare à se séparer de beaucoup d'autres êtres humains qui, pour diverses raisons, ne s'y soumettent pas. Le dogme entraîne l'exclusion. Le dogme se multiplie aussi. Un dogme en entraîne d'autres presque à l'infini. Il provoque une insatisfaction qui se traduit par de nombreux ganglions, c'est-à-dire beaucoup d'autres dogmes complémentaires ou dérivés. Le grand tort de l'Eglise catholique c'est de ne pas s'être méfiée du dogme.

Et pourtant, rien de plus étranger à la pensée du Christ que le dogme. Sans doute, à son époque, Sadducéens et Pharisiens en alignaient un certain nombre, de plus en plus précis d'ailleurs, mais c'est une caractéristique de Jésus d'avoir pris ses distances vis-à-vis de ces positions. Que dist-il du sabbat pendant lequel on ne pouvait venir en aide à son prochain, ou des peuples et des gens qu'il ne fallait pas fréquenter? Que dit-il des sacrifices rituels pratiqués au temple de Jérusalem, des multiples prescriptions dont le respect était garant de la soi-disant identification des honnêtes gens, des bien-pensants? "Malheur à vous, Pharisiens, qui acquittez la dîme de la menthe, de la rue et de toutes les plantes potagères et qui négligez la justice et l'amour de Dieu..."(Lc,XI,42). Le Christ préférait sans aucun doute la vie avec ses détours, ses conversions, ses échanges, sa relativité, à l'absolu, la rigueur, la fixation et l'hypocrisie des dogmes.

L'Eglise du Christ et des apôtres a vécu presque trois siècles sans dogme. Le nouveau testament, l'évangile, suffisait, semble-t-il. Même si les premières déclarations dogmatiques ont été faites au cours d'un concile, le premier concile oecuménique à Nicée en 325 en Asie mineure (Turquie), elles n'étaient cependant pas l'oeuvre des évêques mais d'un empereur, Constantin, qui voulait imposer sa volonté. Pour ce faire, il avait convoqué 250 évêques et présidait leur assemblée. Le Pape Sylvestre Ier, fils d'un prêtre, n'y était d'ailleurs pas. Il n'avait pas voulu quitter Rome. Et pourtant le texte des conclusions du Concile, connu sous le nom de Symbole de Nicée, fut à l'origine du Credo des chrétiens, récité dans les églises catholiques jusqu'à présent. C'était en fait l'oeuvre de Constantin, qui, comme empereur, assistait à la débâcle des religions grecque et romaine et voulait imposer une nouvelle religion monothéiste mieux adaptée et plus favorable à l'unité de l'empire. Pour obtenir l'adhésion des évêques il leur promit un rang et des avantages semblables à ceux des préfets et des procureurs, avec l'intention, à l'avenir, de les nommer lui-même. L'empereur n'était même pas chrétien lui-même, il fut baptisé plus tard, à la hâte, sur son lit de mort. Dès le départ, les dogmes furent une question d'autorité et de pouvoir politique. On se mit aussitôt à condamner les opposants et à excommunier Arius, prêtre très dévoué d'Alexandrie, qui avait le tort de nier la divinité de Jésus et ne reconnaissait pas la Trinité.

Ce fut le cas de bien d'autres dogmes encore, habituellement prononcés pour une raison de prestige, de pouvoir, et qui, sans cesse, divisèrent les chrétiens. Les derniers promulgués sont d'ailleurs un sommet en la matière: l'infaillibilité pontificale, l'immaculée conception et l'assomption de Marie ont été des armes à utiliser contre des opposants. Ils n'ont fait qu'agrandir le fossé qui sépare les Catholiques des Protestants, Anglicans, Orthodoxes, etc. Parfois, le Pape, l'Empereur ou le Concile ont ajouté aux dogmes des mesures disciplinaires pour ceux qui ne les respecteraient pas. On retrouve tout cela dans le Droit Canon. L'Inquisition en a fait de sinistres applications. Bien sûr on dira que c'est du passé, que les choses ont évolué, comme le Moyen-Age a été bousculé par la Renaissance et celle-ci par les Temps Modernes. Les théologiens diront que l'Eglise est toujours à réformer, "semper reformanda", ils pourraient tout aussi bien dire qu'elle n'a jamais été vraiment réformée, "numquam reformata", sinon par ceux qui en sont sortis!

Le Pape François voudrait ardemment que l'Eglise change, qu'elle s'ouvre au monde, qu'elle retrouve sa vocation qui est d'exister pour les pauvres et avec les pauvres. Mais il souhaiterait aussi qu'on ne s'attaque pas à la doctrine, aux rites, aux sacrements...sans doute parce qu'il ne peut compter, pour agir, sur une majorité suffisante de progressistes, de réformistes, comme l'a hélas montré le récent synode de Rome. Jorge Bergoglio a en face de lui une forte opposition qui brandit l'arme du dogme et veut à tout prix conserver une version traditionnelle de l'Eglise avec tous les usages et tous les privilèges que cela comporte. En le connaissant, on a voulu confier à Jorge Bergoglio une mission impossible. Jésus lui-même n'en aurait pas voulu, lui qui avait renoncé à s'attaquer aux grands prêtres, aux lévites, aux Pharisiens, le clergé et la hiérarchie de son temps, de son peuple...

Dietrich Bonhoeffer, le plus grand théologien protestant du XXe siècle, exécuté par les nazis en avril 1945 au camp de concentration de Flossenbürg, n'avait)il pas raison de penser que le christianisme n'était pas une religion? Qu'il ne pouvait être qu'une philosophie au sens fort, une sagesse de vie, un message prophétique pour l'avenir des hommes et des femmes. Cela ne pouvait être envisagé par les Pères de l'Eglise. Car les véritables Pères de l'Eglise ne sont pas ceux qu'on croit, mais bien plutôt Constantin, Clovis et Charlemagne, les 3 grands C comme dans Catholique. Et bien sûr on a fait de l'évangile de Jésus une nouvelle religion comme les autres, avec un clergé, une hiérarchie, des rites, du sacré, des sacrements, des temples, des offrandes...

Une réforme profonde est-elle envisageable? Il faudrait pour retourner aux origines, démonter la doctrine, détricoter tout le tissu ecclésiastique, rechercher la vérité pour laquelle Jésus disait à Pilate qu'il était né...Il faudrait, mais c'est probablement impossible, remettre en question toutes les formulations dogmatiques, car comme le disait et l'écrivait Albert Jacquard, il n'y a plus aucun dogme qui tienne vraiment la route, devant la science, la connaissance de l'évolution, les progrès de l'histoire et de l'archéologie, de la psychologie et de la psychanalyse, les aspirations des hommes et des femmes à la liberté, l'égalité par la justice, la fraternité à l'échelle de la planète...

Alors? Sans chimiothérapie, le dogme va continuer à malmener l'Eglise, jusqu'à l'étouffer. Le dogme ne laisse aucune place à la discussion, il s'oppose au "relativisme". Or, toute la vie des hommes est relative, elle tient compte des changements de société, elle s'adapte aux nouvelles politiques, elle évolue avec la pensée, les idées, et Jésus l'avait bien compris, déjà!

Alors? Il faut chercher, apprendre à recommencer, démonter et reconstruire, douter bien sûr, redire les choses autrement, accepter de reconnaître l'erreur et l'impasse, se projeter dans l'avenir, inventer, oser...C'est pas gagné!

Signature :
Jacques MEURICE meuricejacques@Yahoo.fr

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L'irréformabilité de l'Eglise catholique

Publié avec quelques coupures par le quotidien LA LIBRE BELGIQUE, dans sa rubrique "débats" page 54, le vendredi 24 février 2012.


L'IRREFORMABILITE DE L'EGLISE CATHOLIQUE


Le terme d'irréformabilité n'existe sans doute pas au dictionnaire, tant nos contemporains sont persuadés que tout, en philosophie comme en politique, est susceptible de progrès, de changement, d'évolution, en un mot, de réforme. Et pourtant…l'Eglise catholique (kata tên olên gên) qui a normalement l'ambition de s'étendre à toute la planète Terre, reste terriblement figée, hostile à toute adaptation, parfois même à toute réflexion, ce qui finalement la confine à un nombre restreint d'adeptes, de fidèles qui, passivement, vont jusqu'à s'interdire toute divergence d'idées, toute forme de recherche même.

Ils sont nombreux ceux qui, cependant, s'y sont tout de même essayé. Tout au long de l'histoire du christianisme, il n'a pas manqué d'hommes courageux, déterminés, pour dire tout haut, sur un mode prophétique, ce qu'un certain nombre pensait tout bas, une critique pertinente de la façon dont une doctrine s'installait, s'affirmait, souvent s'imposait, ou dont une pratique s'instaurait, parfois radicalement opposée aux principes évangéliques énoncés par Jésus. Depuis Ebion au Ier siècle, Montan au IIe, et Arius au IVe, c'est une foule de théologiens, de philosophes, de pasteurs ou simplement de chercheurs, qui se sont fait condamner, parfois conduire au bûcher par charrettes entières, habituellement parce qu'ils avaient agi selon leur conscience. L'hérésie c'est bien souvent un sursaut d'honnêteté, un réflexe de vérité, une lueur d'intelligence. On a brûlé Jeanne d'Arc, mais aussi Savonarole et Giordano Bruno. On a condamné Galilée, Luther, Calvin, mais on a soigneusement mis à l'écart aussi, et plus récemment, Hans Kung, Eugen Drewerman et Jacques Gaillot, pour n'en citer que quelques-uns. On a inventé l'Inquisition, machine à exterminer les Juifs, les Maures, les Cathares, les Albigeois, les Vaudois, les Hussites, les Protestants, les Gueux, les supposées sorcières…Derrière ce "on", c'est toute une hiérarchie qui se cache : une imposante échelle de gens en place, à tous les niveaux, constamment préoccupés de mettre des barrières pour sauvegarder leurs privilèges. La réforme pour eux, il est vrai, ce serait la remise en question, l'insécurité, la porte ouverte à l'incongru, au hasardeux, au péché sous toutes ses formes. On ne peut bien sûr pas l'envisager.

L'Eglise catholique s'est rendue irréformable d'abord par sa constitution dogmatique. Le dogme catholique est une définition radicale, absolue, permanente et indiscutable. C'est là sa pauvreté, proche bien souvent de la stupidité. La vérité des hommes ne se livre jamais de cette façon, mais par touches progressives, relatives, soumises à la critique, à la recherche et au perfectionnement. Le dogme entraîne l'anathème. C'est la condamnation morale, mais aussi physique à l'occasion, de quiconque s'attribue le droit de contester. C'est une démarche qui va à l'encontre du processus évangélique. Jésus ne jugeait pas, ne condamnait surtout pas. Il critiquait les lois et contestait les pratiques du Temple. Il prenait en considération ce que chacun avait dans le cœur et l'esprit. La démarche de Jésus était essentiellement personnelle et relative. Son message, accordant la préférence au pauvre et au petit, renversait beaucoup de préjugés. Ce n'est plus, dira-t-il, (Jn IV, 21-23) au temple de Jérusalem, ni sur le mont Garizim qu'il faut adorer Yahwé, mais en esprit et en vérité, c'est-à-dire au cœur de chacun.

L'Eglise catholique s'est rendue irréformable par son droit canon qui s'est enrichi de concile en concile. Le premier d'entre eux, à Nicée en Turquie, en 325, fut bien plus l'œuvre de l'empereur Constantin que celle des évêques. L'empereur avait assisté consterné depuis un certain temps à la déglingue totale des religions grecque et romaine. Il voulait donc les remplacer par un nouveau courant philosophique, poussé par un succès populaire évident et une volonté de s'étendre à toute la terre. Il voulait donc que son fondateur soit reconnu comme dieu et remplace tous ceux-là qui étaient devenus obsolètes. Eusèbe de Césarée raconte comment, au banquet qu'il avait offert aux membres du concile, il allait de table en table pour persuader les évêques de voter la divinité de Jésus et la condamnation d'Arius, avec privilèges et nominations à la clé, car les évêques allaient ainsi pratiquement devenir l'équivalent des préfets. Le pape, Sylvestre Ier, homme de grande clairvoyance, n'y était d'ailleurs pas ; il n'avait pas voulu quitter Rome, refusant cette mainmise évidente de l'empereur sur l'Eglise. C'est pourtant là que fut défini le fameux symbole de Nicée, complété plus tard à Constantinople, toujours en Turquie, pour devenir le Credo des chrétiens !

L'Eglise catholique ne peut pas être réformée. Pour réussir l'aggiornamento dont Jean XXIII avait rêvé, il aurait fallu d'abord détricoter pratiquement tous les conciles précédents. Les dogmes sont en fait des diktats ou des oukases, ils ne laissent aucune place aux adaptations ni à la critique. La cerise sur le gâteau, ou si l'on préfère le pompon sur la barrette, fut bien, à Vatican I, en 1870, la proclamation de l'infaillibilité pontificale. En principe, il n'y aurait plus jamais dû y avoir de concile, puisque désormais la parole du Pape suffisait, et le Vatican d'aujourd'hui reste largement persuadé que le dernier concile fut en ce sens une erreur. Il n'est en tout cas plus question de renouveler l'expérience, même si quelques progressistes y pensent ou en rêvent encore. D'ailleurs, le progressisme, s'il n'est pas tout à fait mort est en tout cas mis hors d'état de nuire. Les prises de position rétrogrades en matière de morale ont bloqué toute évolution dans ce domaine. La hiérarchie de l'Eglise catholique n'hésite pas actuellement à s'attaquer aux divorcés et aux homosexuels, aux universités qui poussent la recherche en biologie embryonnaire, aux médecins qui pratiquent l'avortement, aux jeunes qui se protègent du sida, à l'euthanasie. Et ces attaques sont de plus en plus largement ressenties comme des abus de pouvoir par l'ensemble de la population. D'où les départs, les abandons, le recul, la méfiance, le désespoir parfois, de beaucoup…

En Belgique, la Cour des comptes, dans son dernier rapport, a fait apparaître ce qu'on peut considérer comme le déclin de l'Eglise catholique : en 10 ans, les prêtres actifs (rémunérés par l'Etat) sont passés de 3.562 à 2.709. Mais la désaffection a commencé bien plus tôt. Il y a 40 ans, il y avait encore environ 10.000 prêtres catholiques en Belgique, et pratiquement tous les diocèses ont perdu les ¾ de leur effectif sacerdotal durant ce laps de temps. De quoi se poser des questions, non… ? Actuellement, vivent en Belgique plus de "prêtres out" que de "prêtres in", c'est-à-dire plus de prêtres qui ont quitté les structures parce qu'ils se sont mariés, qu'ils ont été exclus ou ont pris leur liberté, que de prêtres toujours en fonction pastorale. Cela ne durera qu'un certain temps car la moyenne d'âge est importante. Ce sont souvent les progressistes qui sont partis, ceux qu'on aurait pu considérer comme les forces vives, ceux qui avaient une parole prophétique à apporter, des gestes décisifs à poser, en quelque sorte l'espoir et l'avenir de l'Eglise. Apparemment, les pédophiles sont restés.

Aucun changement important ne peut être envisagé, car Benoît XVI exclut toute forme de "relativisme", ignorant volontairement que le christianisme s'inscrit entièrement dans le relatif et non dans l'absolu, car la vie des hommes et des femmes se déroule dans le relatif, et c'est au relatif des gens qu'il rencontrait, que Jésus s'adressait. "Si au moment de présenter ton offrande à l'autel, tu te rappelles que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande et va d'abord te réconcilier avec ton frère…" L'appréciation des prêtres, des lévites et des scribes faite par Jésus est tout à fait significative : "ils chargent sur les épaules des gens des fardeaux qu'ils se refusent à porter eux-mêmes", et on peut légitimement se demander ce qu'il dirait aujourd'hui du grand prêtre qui officie comme archevêque à Malines.

L'Eglise catholique ne peut pas être réformée, car depuis longtemps, dans cette hiérarchie qui ressemble de plus en plus, chez nous, à l'armée mexicaine de jadis (beaucoup de généraux et très peu de soldats), la plupart des nominations (et d'ailleurs des canonisations !) ont été faites dans le même sens : celui du conservatisme, de la tradition, ou même de l'intégrisme. Il est trop tard pour songer à réformer l'Eglise catholique, elle se transforme maintenant, lentement mais sûrement, en secte religieuse, et l'action des charismatiques de toute espèce et de tout poil semble accentuer d'avantage ce mouvement et cette orientation.

L'Eglise catholique ne va pas nécessairement mourir, mais on sera obligé de faire de plus en plus la distinction entre elle et le christianisme. Car, au fond, le christianisme n'est pas une religion, c'est un message, une sagesse de vie, une vraie philosophie qui illumine la vie des hommes. Jésus n'a pas vraiment voulu une Eglise, rappelez-vous, il avait horreur du sacré, des sacrifices, du commerce du temple, des rites…Alors tout est à revoir, mais c'est une autre histoire, et même une aventure…




Jacques MEURICE



Adieu l'Eglise, chemin d'un prêtre ouvrier. Edit. L'Harmattan, Paris, 2004.
Jésus sans mythe et sans miracle, l'évangile des zélotes. Edit. Golias, Villeurbanne, 2009.

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