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Jean-Jacques Coltice

Jean-Jacques Coltice

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Jean-Jacques Coltice

Descriptif auteur

Journaliste de profession, passionné de théâtre et d'écriture
Observateur actif de la société, responsable et créateur d'associations et de nombreux évènements dans lels secteurs de la culture, du sport et de la politique.
Né le 24 juillet 1945
Activités professionnelles
Enseignant Histoire-Géographie
Journaliste depuis 1975 : Directeur-Rédacteur en chef (Le Courrier de l’Ain ; Communes de l’Ain)
Intervenant à l’Institut de Sciences Politiques de Lyon (fonctions de l’information dans l’histoire)
Retraité depuis 2006
Activités littéraires et artistiques
Animateur de troupes de théâtre amateur
Formateur, Fédération des Œuvres Laïques
Travail avec Jacques Fornier, Alberto Rody, Jean-Pierre Vincent, Lucien Attoun, André Benedetto
Fondateur du « Grenier de l’Histoire » (Groupe théâtral de la Jeunesse Laïque)
Président fondateur de la « Truffe et les oreilles » (La Tannerie: Scène de Musiques ACtuelles)
Responsable de la commission communication du Festival de Théâtre amateur contemporain de Chatillon-sur-Chalaronne
Intervenant à l’Université Populaire d’Avignon : le théâtre dans la cité.
Président de la Maison du Théâtre
Trésorier de l'association "Les Amis de Roger Vailland"

Structure professionnelle : 13 bis rue de la Prévoyance, 01000 Bourg-en-Bresse
04 74 21 37 14

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AUTRES PARUTIONS

* Poésie
- De la poésie au théâtre, les cloches sonnent rouge (PJ Oswald 1974)
- Prix A.S.A.C. Lyon (Nouvelles et poésies – Editions Ancre et Encre 2002)

* Essais
- Changer, d’avis, changer d’avenir (Biographie de Victor Janody. Editions Le Courrier de l’Ain 1991)
- Comprendre la presse (Editions de la Chronique Sociale – 1995)
- Au théâtre, citoyens (Editions Le Temps des Cerises – 2003)

LES CONTRIBUTIONS DE L’AUTEUR

Temps libre
Articles de presse

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Le Progrès
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Le Progrès

L'Essor
Articles de presse

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La Voix de l'Ain
Articles de presse

La Voix de l'Ain

LES ARTICLES DE L'AUTEUR

Poèmes Le goût de la pommes

Ces poèmes ont été écrits à la demande du Musée des Pays de L'Ain à Cuisiat (01) et assurent une partie de l'interactivité de la visite du verger.

Portrait de pomme
L' "Aigre"



Au premier coup de dent
L'envie nous saisie de te manger doucement
Jusqu'à ce que rien ne reste :

Pas un gramme de ta peau lisse et moucheté,
Brillante du jaune au rouge,
Du nombril d'où tu t'es détachée,
Au cul fermé par une étoile ;

Pas un gramme de ta chair ferme,
Croquante et parfumée,
Sucrée sournoisement
Avant de découvrir l'aigreur de ton caractère.

Au premier coup de dent
Tu donnes le plaisir,
La passion,
L'envie d'accaparer toute ta force,
Tes saveurs et ta vigueur,
L'ardeur de ton élan ;
De remercier Eve et Adam.



Portrait de pomme
La "Clermontoise"



"Clermontoise", d'où viens-tu ?
Combien as-tu traversé de vergers pour parvenir jusqu'à nous ?
Ta peau verdie aux quatre vents
Est marquée de traces
Jaunes, rouges, brunes ou grises,
Tâches d'effort qui se fondent et s'étalent.
Mille points dessinent sur toi un ciel anarchique !

Le goût amer de ta nature volontaire en est fortifié
Comme le grain serré d'une gourmandise compacte sous la langue :
Ton caractère sauvage de pomme
Qui n'offre son sucre qu'à ceux qui t'aime.

Ta peau résistante est un habile camouflage.
Ta chair est si délicate, trop vite jaunie par l'agression de l'air,
Plus aimable et plus fidèle
Que beaucoup de tes congénères devenue lisses,
Au dehors,
Lisses au dedans.



Portrait de pomme
" La Reinette étoilée"


Je l'avais repérée,
Suspendue dans sa solitude,
Camouflée par un treillis de branches dénudées.
Au loin, elle semblait lisse et rouge
Comme un jeune visage décidé à résister au temps,
Lumineux, sans ride, brave dans sa fragilité.

Je m'approchai,
La main tendue pour en saisir la forme,
La caresser et deviner ses intentions.
Toute entière, elle tenait comme un sein dans la paume,
Une petite queue brune et discrète au sommet de sa rondeur,
Un ciel de petits points clairs désignant son nom,
Une balafre imperceptible au côté gauche de sa bonhommie.

Comme elle se laissait faire,
J'ai pu goûter ses charmes,
Sentir sa peau épaisse se déchirer sans brutalité dans la bouche,
Puis étendre sa molle résistance.
La "Reinette étoilée" ne se livre pas nonchalamment sous la dent.
Elle laisse pénétrer sa chair avant de se donner en douceur,
Laisser son jus rare effacer le grain du corps sous la langue,
Sans excès de passion,
Simplement,
Comme un plaisir naturel.



Portrait de pomme

La "Bournette"


Une blessure au front de ses formes,
Comme un œil de cyclope
Embarrassé de vilaines rides et de tâches brunâtres,
Une blessure heureuse pourtant,
Du fond de laquelle se devine la tendresse de la chair.

Petite "Bournette" rouge de bonheur,
Protège de ta peau amère
La fermeté de ton corps rond,
Le sucre de ton espièglerie.




Portrait de pomme
La "Rose du Morvan"


Pourquoi t'appelles-tu "Rose du Morvan" ?
Le Morvan devient pays exotique
A te croquer à belles dents !
Toute jaune comme le sable et le citron :
Sans le goût de celui-ci
Sans le grain de celui-là ;
Toute jaune comme le soleil
Qui éclate à la première bouchée,
Pétille au fond du palais.

Peut-être es-tu Rose des vents
Plus que Rose du Morvan !




Croquer

Le plaisir exige trop de cruauté !
Pour en goûter, faut-il devenir sorcière ?
Croquer est un acte animal ;
Le seul acte barbare toléré depuis l'origine.

Le monde accepte sans sourciller
Que l'on enfonce, sans arme,
Les dents dans la chair ;
Que l'on referme, par plaisir,
L'étau des égoïsmes
Sur la disparition de l'autre.

Petite pomme sans faiblesse,
Merci de pousser, de pousser encore,
De re-pousser nos mauvais élans
Dans le plaisir du goût



Premier des sens


On ne partage pas la pomme en deux !
On ne lance pas de révélations
Entre la pomme et le fromage !
La pomme sacrée
Impose le respect !

Croquée goulûment, chair et peau,
Jusqu'à jeter le trognon,
Elle est source d'énergie.

Libérée d'un cœur et de pépins indélicats
Elle est la gourmandise immédiate.

Coupée en tranches irrégulières
Sa chair est sacrifiée à un plaisir fugitif.

Epluchée pour fondre dans la bouche
Elle offre en friandise tous les bienfaits de ses origines.

Et cuite …
Elle reste un fruit sur et sain,
Respecté
Pour avoir fait du goût
Le premier sens de la vie.




Quels symboles ?



Fruit de la terre
Pour produire le fruit des amours sur terre,
Les pommes se seraient contentées du symbole vital
Sans ajouter à l'intrigue des origines.
Rondes avec quelques facéties géométriques,
Elles mélangent sans feinte
Tous les goûts de la nature

Elles sont pourtant à la merci d'annexions cynique,
Poétiques, politiques, pratiques, …
Logo sur des publicités,
Effigie sur des timbres-postes,
Morale dans des contes…

Elles s'affichent,
Racontent,
Se déguisent.

Symbole du plaisir et de la connaissance,
L'image de la pomme est travestie par intérêt.
Bleue, sans rondeurs,
Volant et naviguant,
Marionnettes et notes de musique,
Le fruit pourtant s'entête
A ouvrir des ambitions intimes :
Le désir de vivre



Aimer les pommes


Autant de variétés de pomme que de populations sur terre.
Toutes rient.
Perchées, elles nous narguent.
Au sol, elles nous prient.

La petite pomme jaune est aussi résistante
Que la grosse pomme verte.
Les plus blanches, les plus rouges,
Restent joyeuses au long de leur saison.

Celle-ci ne prend pas une ride.
Celle-là se fiche des apparences.

Multitudes de fruits,
Différents autant que d'hommes et de femmes,
Puissiez-vous,
Pommes, pommes, pommes,
Faire aimer nos différences
Autant que les vôtres.



Où est le paradis ?

Il marchait depuis plusieurs jours, de plus en plus mal à mesure que s'éloignait l'objet de sa décision : quitter le pays hostile à ses passions.
Au cours de l'un de ses voyages, son meilleur ami lui avait décrit une sorte de pays de cocagne, où l'on récolte encore des fruits qui ont traversé notre histoire. C'est là qu'il désirait se rendre pour éloigner les tourbillons sectaires de l'époque.
Il marchait, souhaitant n'avoir recours à aucune aide humaine ou mécanique. Il désirait atteindre le verger prometteur en ne puisant que dans ses propres forces, par sa propre volonté. Il grignotait, de temps en temps, au gré des haltes, les quelques aliments chipés dans la cuisine familiale. Il avait hâte d'en répudier les goûts pour ne jouir que des douceurs, acidités, mollesses et fermetés naturelles.
Arrivé devant la petite église décrite par son ami, il savait qu'il lui fallait discrètement quitter la route pour découvrir le paradis. Ses yeux s'écarquillèrent, aussi brutalement que sous la douceur d'un baiser inattendu. Il savait qu'il était arrivé.
Le verger s'étendait à mi pente, entre les vieilles bâtisses et le bois qui couvre la colline. Il s'évasait et s'ouvrait au fur et à mesure sur la lumière. Les arbres alignés dessinaient des lignes qui rejoignaient l'horizon. Ils se ressemblaient par la taille de leur tronc et l'étendue de leurs bras, occupaient modestement l'espace comme de joyeux drilles avant l'entrée en danse. Leur verdure était chargée de couleurs comme les milles boules illuminées des faux sapins de Noël dans la ville.
Il s'avançait en fermant les yeux, somnambule désireux d'enfermer la vision de son rêve, et les ouvrit à nouveau en donnant un coup de pied dans le premier fruit à terre. Petit fruit rond, faible au point d'avoir été détaché de son arbre, mais lumineux dans l'herbe grasse, avec de petits yeux au sommet de son corps, fermés sur le bonheur d'être là, en conversation avec un autre fruit évité par les pas de l'homme, charnu, fantaisiste, plus lourds au point d'avoir brisé sa branche, un jour de grand vent.
Tout ici apaisait les passions sans les compromettre.
Il suffisait d'aller d'un arbre à l'autre, de se pencher pour ramasser un fruit ou d'en cueillir un autre.
Il avait trouvé son havre où recommencer son monde.
Il n'était pas tenté par un fruit défendu. Vieille histoire dont on sait en partie l'épilogue !
Il avait la chance de choisir la pomme qu'il désirait quelque soit le moment de la journée : celle du matin qui laisse glisser son jus dans la gorge pour irriguer le corps d'une énergie nouvelle ; celle de midi qu'il faut mastiquer lentement afin de se nourrir, d'en apprécier la chair, le mélange des saveurs ; celle du soir qui tombe, cueillie plus haut pour une ultime découverte. D'un grain qui reste sous la langue, d'un jus qui stagne dans le palais, elle annonce des rêves…
Mille pommes pour chasser l'intolérance du paradis mythique.

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La vaisselle

Petite nouvelle

La vaisselle


Certains fument la pipe. La bourrer et l'allumer donne une contenance opportune, le petit temps de réflexion qui va faire basculer une argumentation, conclure une négociation.
Certains autres, moins nombreux sans doute, font la vaisselle. Non pour un bref instant d'alibi, une concentration rapide ou une fuite habile ! Pour des méditations plus amples et décisives. Ils apprécient cependant que la vaisselle ne soit ni trop abondante ni trop grasse. Les mains dans l'eau, attentif à lustrer la moindre petite cuillère, ils tournent le dos aux anecdotes d'après repas pour entrer dans les interrogations, qui, depuis quelques jours, s'accrochent comme un lierre aux soucis quotidiens.
Aucun de ces heureux plongeurs ne le devient par hasard ou par défaut, pas souci du couple. Ils deviennent plongeurs par nécessité vitale. Laver la vaisselle devient une arme stratégique ! Inutile d'y rechercher du plaisir. Pas plus que chez la plupart de leurs congénères qui ne s'adonnent jamais à l'exercice et n'y voient que du temps perdu, un imbécile mépris pour l'appareil électrique, un prétexte fallacieux résumé dans : "économie d'énergie et couche d'ozone".

Pour notre plongeur, le refuge dans la vaisselle est devenu un art qui nécessite technique et méthode.
Penché de toute sa taille au dessus des bacs en inox, au risque de réduire maladroitement sa stature et son prestige, il sait trier les éléments du couvert et de la cuisine, les ranger à proximité selon le volume, l'utilisation, ce qui casse et ce qui coupe. Au fur et à mesure qu'il découvre les déchets et le degré d'appétit des convives, il dédaigne, sans haut-le-cœur, les délices du repas pour ne se souvenir que des charmes de la table : voisines et voisins, conversations et apartés. Pendant cette période délicate de préparation au cours de laquelle une pile d'assiettes peut glisser des mains et s'éparpiller en puzzle sur le sol, ses pensées glissent doucement vers le résumé de la situation préoccupante.
Il est temps pour lui de se replier sur l'objet de son obsession, de faire mine de se concentrer sur la vaisselle et surtout de concentrer ses pensées ! Les minutes lui sont comptées.
Gare ! Tout à la préoccupation de rejoindre une partie secrète de son monde, il sait par expérience que l'une des premières précautions consiste à doser la chaleur de l'eau et du produit de lavage afin d'éviter les effets de brûlures et la rupture des idées qui s'en suivent, tout comme les débordements de mousse qui provoqueraient l'intervention intempestive de la maîtresse de maison. Le débit du robinet ne couvre pas les voix alentour mais construit une cloison sonore fictive. Seul, le rythme du frottement de l'éponge et la vision sans intérêt des changements de couleurs de l'eau sale, entretiennent la désagréable impression que les conditions sont factices et fragiles. Le contrôle de la propreté et la lente précision du rangement sur l'égouttoir prolongent heureusement la solitude au gré des besoins de la réflexion.
Les mouvements du plongeur, ses gestes machinaux et ceux plus heurtés, liés aux aléas de l'exercice, ne laissent aucunement deviner le rythme et l'intensité des pensées. Depuis qu'il a découvert ce refuge sauvage et vulgaire, l'isolement promis lui est autant une jouissance et une brève lâcheté qu'une nécessité. L'instant est volé mais ne dure pas. Sa conscience est sauve ! Il semble participer au partage inégal du ménage alors qu'il se referme sur lui-même. Personne n'est dupe ! La discrétion et la patience s'impose à tous. L'importance est dans la sortie de l'épreuve. S'il plisse le front et baisse les yeux sur le torchon avec lequel il s'essuie les mains, le bénéfice de la vaisselle se résume à la participation ménagère. S'il porte immédiatement son regard sur la compagnie et prend le sourire conquérant du compagnon modèle, cela signifie que le lavage à la main a également lavé des inquiétudes au plus profond de son intimité, et révélé les perspectives qui se faisaient attendre.

Tenez. Il y a quelques mois … Sans que sa compagne ne se doute un instant de ses préoccupations. Car la plupart du temps la "crise de la vaisselle" s'annonce un ou deux jours auparavant par un œil taciturne, une propension à garder le silence, à répondre sèchement aux questions anodines. Ce jour là, il a débarrassé la table en un éclair et a plongé les mains dans l'eau déjà grasse. Une petite vaisselle quotidienne de midi ! La situation était-elle si grave et urgente qu'elle nécessitait cette précipitation ? Où bien était-elle soudaine et souhaitait-il prendre une décision avant qu'elle ne prenne des proportions plus inquiétantes ? Il se débattait alors pour clarifier ses priorités sans parvenir à organiser convenablement ses activités professionnelles, ses obligations familiales, ses passions. Il lui restait quelques détails à préciser pour assurer l'équilibre de l'édifice. Une petite vaisselle suffisait ! Tout comme le jour où, ne parvenant pas à choisir la couleur de la nouvelle voiture, il s'est mis à frotter, rincer, puis s'est retourné en refermant fermement le robinet pour annoncer devant la vaisselle étincelante : "Elle sera gris métallisé !"
Parfois le scénario "vaisselle à la main" a besoin de plusieurs épisodes et les invitations se succèdent. Ce n'est pas le moment de s'opposer à la boulimie du plongeur. Le rythme de sa réflexion est ainsi excité devant les verres à blanc, les verres à rouge et à eau, les tasses à café. Il ralentit devant les casseroles et les grands plats. La décision à prendre engage l'avenir ! Plusieurs jours de réflexions sont nécessaires. Jusqu'à ce que le lavage ait réussi à effacer front plissé et regard sombre, et les aie remplacés par une joyeuse boutade et la promesse d'un prolongement de nuit dans la fête. Ainsi, lorsqu'il a du choisir entre une promotion en exil où un changement d'entreprise. Les épisodes se sont succédés. Chaque soir de nouveaux amis étaient attendus, avec un nouveau menu. Il organisait les phases de réflexion que la vaisselle pouvait lui procurer : un soir pour peser l'intérêt du travail lui-même, ici ou là ; un autre pour organiser les coups de téléphone à passer, les rendez-vous à planifier pour entendre des opinions différentes ; un autre soir pour répéter les conditions de sa décision à l'un ou à l'autre des employeurs ; un autre encore pour imaginer comment il annoncerait le projet à la famille et aux amis ; etc.
Qui peut imaginer l'intérêt profond que peut avoir un homme affairé pour le lavage à la main de la vaisselle? Rédemption ou salut ? Pendant bien des années, comme bien d'autres hommes, il laissait la corvée à son épouse. Il poussait parfois le cynique machisme jusqu'à tenter le "test de la vaisselle". Un test simple, coquin. Lorsque le consentement fonctionne le tablier de la plongeuse s'étale le premier à terre … Avec la machine à laver, fini le "test de la vaisselle" ! Heureusement, la machine ne lave pas tout.

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A la Sorbonne

Petite nouvelle

A la Sorbonne



Assis près de la fontaine, à deux pas de la Sorbonne riche et foisonnante de vérités simples et de complexités autoritaires, assis sur le socle de la statue d'Auguste Comte, ce passant là fixe curieusement l'immeuble d'en face. Il semble attendre une connaissance qui s'attarde à l'intérieur du bâtiment. La tête et les épaules immobiles, comme un adepte de pratiques orientales, il baisse parfois les yeux, brosse lentement son pantalon à hauteur des cuisses, puis relève la tête. Imagine-t-il les gestes de l'amie en tenue légère qui s'apprête à le rejoindre ? Où l'âpre discussion du compagnon qui a besoin de sa présence avant et après le rendez-vous ? Plus âgé que la plupart des étudiants du quartier, qui vont et viennent ou flânent, son visage est marqué : baroudeur. Entre mercenaire et champion des sports extrêmes ? Derrières les rides et les couleurs du temps, la sérénité que confère la certitude de la force et des désirs.
En apparence soucieux de ne pas s'impatienter dans le quartier, il finit par s'asseoir singulièrement sur les marches de l'immeuble, après avoir jeté un coup d'œil au-dessus de la porte d'entrée. Penchés aux fenêtres, deux ouvriers s'emploient à installer, en façade, une plaque de verre arrimée pour le moment par de solides cordes. A l'instant où ils en dévoilent l'identité, l'homme se redresse et la regarde fièrement : "Fitness First" !
Il se précipite, monte quatre à quatre les escaliers, les redescend, se retourne, fixe à nouveau les mots excitant.

Assises à côté de lui et une marche plus bas, une dame plongée dans un gros volume. Elle porte sur son visage une sérénité différente. Comme si, derrière l'apparence des allures qui agitent son paysage, elle glissait d'emblée une pensée qui l'aide à appréhender le monde. Elle prend le poste deux ou trois fois par semaine depuis que le premier étage de l'immeuble est vide, désert. Plus âgée que son voisin provisoire elle soutient son regard sur les pages du livre. Elle les tourne soigneusement sans être troublée par les mouvements qui animent la place. Elle répond à la rencontre fugitive de chaque regard sur elle. Comme si elle partageait avec eux, dans le sourire de son visage, un peu de son plaisir et de son appétit de connaissances. La librairie est fermée depuis peu pour "causes économiques". Mais le lieu lui reste propice. Elle a conservé ses habitudes heureuses avec les livres et la foule tranquille.
Dérangée et troublée dans sa lecture par l'agitation soudaine du personnage sportif elle a penché son cou en arrière vers l'objet de l'attention de celui-ci. Elle distingue immédiatement le saccage de son utopie.
"Quelle indécence ! Avec quelle lâcheté notre temps affiche ses prétentions ! Lâcheté au point de conserver l'authenticité du patrimoine sous un vilain bâillon ; prétention pour oser tirer profit de la mémoire figée dans la pierre. Avec le temps, les mots gravés au-dessus de la porte seront oubliés. Ni les habitués peu curieux, ni les passants perspicaces ne les distingueront plus sous la poussière de la nouvelle enseigne. Bientôt les amateurs de littérature et les gens d'esprit déserteront le quartier. De studieuse, l'âme de la place se transformera en agitation banale. Et dans les larges pièces de l'immeuble, chargées de débats et d'imagination depuis plus d'un siècle, l'exercice physique, encadré, saccadé, minuté, remplacera le temps lent et illimité de la découverte."

Le sport et les exercices physiques ont bien des vertus qui fortifient autant le corps que l'intelligence et la créativité. Mais la marchandisation de leurs pratiques ? La culture va-t-elle échapper à cette marchandisation ? Des salles fréquentées au tarif ! Combien d'euros pour une heure de lecture ou de recherche ! Combien d'euros pour quelques pages de romans ? Combien pour un traité de mathématiques ? Pour découvrir l'histoire des indiens d'Amérique centrale ? Pour se pencher sur les thèses des philosophes des "Lumières" ou sur celles de Bourdieu ? Brr…
En quelques minutes, comme si de rien n'était, les mots anglais d'une marque contemporaine, dessinés en couleur sur la transparence du verre, soustraient sournoisement le sens de ceux gravés hier par des artisans, dans le marbre et dans notre langue, comme une ambition universelle : "Librairie internationale" ! "Librairie internationale" raturés en rouge par des griffonnages comme sur une copie d'examen ! L'élan de l'intelligence étouffé par les certitudes du marché !
La transparence de l'enseigne dénonce la fragilité des corps ; à quel point la pensée et l'imagination perdent leur puissance et leur éternité dans l'embrigadement commercial; comment le travail solitaire sur soi et pour soi écrase de son rythme l'expression collective ; jusqu'où les échanges privés font oublier les bienfaits publics de l'enseignement.
Les jambes ont pris le dessus sur la tête ? Le corps a-t-il aujourd'hui davantage de valeur marchande que le cerveau ? Le mouvement enchaîne inexorablement le temps de la pensée et du désir.

L'homme a disparu dans l'abîme de ses intérêts. La dame a refermé pour un temps le livre. Elle s'éloigne de la place en marchant. Elle reviendra à son allure.

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Salon

Petite nouvelle

Salon


Elle se tenait juste à l'aplomb du grand lustre, au centre de la salle tout en lambris lustrés. Même averti, l'invité ne remarquait pas forcément son air un peu godiche au milieu de la foule. Elle était sans doute l'une des femmes les plus étonnantes de la réunion.
Habillée et maquillée simplement, sans bijoux clinquant, elle devait son allure à son physique et à sa manière d'en laisser des traits dans l'espace.
Elle n'était certainement pas de celles qui dissipent un parfum approprié, pour le plaisir ou l'intérêt, ou par connivence crétine. Elle restait plantée quelques secondes, puis se déplaçait discrètement dès qu'un intervalle s'ouvrait à l'occasion du déplacement d'un groupe.
Certains familiers des lieux et de l'évènement la saluaient poliment. Elle ne répondait que par un léger sourire de "Joconde", sans même un mouvement de bras mendiant.
Habitué, par obligation, de ces pinces-fesses officiels, j'ai certainement manqué, ce jour là, de l'impulsion qui aurait confirmé le nom trivial donné à ce genre de manifestations organisées aux frais du contribuable.
Grand merci aux mânes de mes ancêtres qui m'ont appris la prudence en même temps que l'honnêteté !
Dès la première poignée de main - dont je fus incapable d'identifier l'auteur tant elle fut rapide et machinale - mon regard fût constamment détourné de la silhouette.
Il y avait là, comme chaque année tout le "gratin" ou le "gotha" (c'est selon) de la région. La cérémonie n'avait d'autres buts que de confirmer l'allégeance annuelle des élus, des corps constitués, de certains professionnels à courtiser absolument, pour leurs deniers ou leurs performances médiatiques à venir.
D'un coup d'œil synoptique je pris la mesure du parterre. Je ne découvris, comme chaque fois, que quelques visages nouveaux : certains timidement enjoués ; d'autres gais comme des premiers de la classe qui se dessalent après la distribution des prix. Je les identifiais tous. Mais elle ? Fallait-il qu'elle ne soit qu'une protégée délicate ou qu'une arrivée de très fraîche date, pour se maintenir isolée malgré son allure ?
D'un groupe à un autre, d'une poignée de main polie à une accolade spectaculaire, d'une complaisance faux-cul pour un gentilhomme de droite, à un commentaire perfide à l'adresse d'un compagnon de gauche, j'entrais dans le rythme des politesses et des rencontres plus ou moins agréables.
Je ne perdais pas de vue le phare au milieu de la houle, espérant des vagues propices pour m'en approcher.
J'avais pris l'habitude, par expérience de ma maladresse, de n'avoir que rarement un verre plein à la main. Je ne refusais jamais qu'une serveuse aimable me le remplisse. Mais je le vidais d'une rasade pour ne pas à en renverser sur mon costume, le vêtement d'une éminente personnalité, ou sur la toilette d'une élégante parasite. Ce qui explique que je commençais au champagne pour évidemment finir au jus d'orange !
Au détour des pas imposés de la chorégraphie mondaine, je ne quittais pas la belle des yeux. Facile ! Elle campait sur une petite partie du plancher comme une cavalière sur un carreau du damier. Qu'attendait-elle ? Le roi, son protecteur ? Un fou ? L'un de ces mufles qui tournaient autour, mais préféraient en fin de compte une courbette de vassaux à un baise - main de courtoisie ? Ou bien un pion enharnachéede respect et de convivialité ?
Je me devais de saluer la ravissante étrangère avant que la salle ne devienne clairsemée. Je ne souhaitais pas que l'on puisse prendre ma hardiesse pour une effronterie de fin de cérémonie. J'avais très envie, d'autre part, de griller la politesse des jeunes gens et des beaux notables, qui en manquaient - de politesse - au point de préférer leurs petites affaires personnelles à une civilité d'homme.
Je quittais un ami cher brutalement accaparé par un galopin intéressé, et me faufilais près du buffet, avec force sourires au gré des coups d'épaules. Je pus me saisir d'un verre que je portais immédiatement à Vénus abandonnée sur sa conque, au bord de la vérité.
Elle me reçu avec le sourire, en apparence aussi décontractée que les dames les plus habituées de la cour. Je me présentais modestement. Elle me tendit la joue sans lever le regard. Je n'hésitais pas une seconde. Parmi les invités présents, les plus perspicaces n'en furent pas étonnés. Ils savaient l'avantage que m'offrait ma fonction de connaître les influents de ce monde avant tout le monde.
Qui était-elle ?
Ravi mais frustré dans ma curiosité, je me repliais sans conquête, n'ayant même pas appris le nom de la princesse.
Oh, mânes de mes ancêtres, merci une nouvelle fois !
J'eus l'occasion par la suite de côtoyer celle qui était, plus qu'une princesse, une reine … des emmerdeuses !
Une chef ! On pourrait presque dire une "kapo" tant elle était formatée pour tenir son rang, assurer le contrôle d'un Etat en marche vers l'autoritarisme.
Son élégante modestie dans la foule camouflait une volonté idéologique froide, indispensable lorsqu'on a pour référence obsessionnelle le résultat, et pour mission de réduire la culture aux normes du marché.
Elle était arrivée la veille sans être annoncée. Sa fonction lui procurait l'avantage d'être invitée immédiatement à la grande réception.
J'avais embrassé le diable mais il baissait les yeux !
Insouciance ou insolence ?
Ce bon tonton Georges me chantonnait à l'oreille : "Ce peut il qu'on soit si méchante avec de jolis seins ? Si méchante, avec de jolis seins !"

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