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Jean-Luc Camilleri

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Jean-Luc Camilleri

Descriptif auteur

Après un passage à Sup de Co Paris, voyages en Inde et en Afghanistan, "the hippy trail"... Puis la Sorbonne, la Chambre de Commerce de Marseille, le mariage et la coopération.
D'abord enseignant à l'Université de Ouagadougou, je suis devenu consultant auprès des organisations internationales. Malgré les hauts et les bas de ma profession, je reste un passionné du développement.

Sociologue et écrivain, Jean-Luc Camilleri dirige un projet d'éducation au Kosovo depuis 2008.
Auteur de plusieurs romans dont La Carrière des Indes (Goa) et Le Blanc passe comme le Vent, il a aussi publié des essais chez L'Harmattan - Dialogue avec la Brousse préfacé par Jean Ziegler, La micro entreprise rurale en Afrique - ainsi qu'à la Fondation Gulbenkian - D'une Inde qui fut portugaise. Ses articles pour Politique Africaine, l'Agence Universitaire de la Francophonie, l'Institut Thomas More ou les Cahiers de sociologie économique sont des références dans le domaine du développement.
En Avignon, où il préside le Centre Européen de Poésie, il a créé pendant le Festival des lieux et des spectacles dédiés à la musique et aux musiciens : African Queen, Delirium Tzigane, Le Transsibérien, Vissi d'Arte...

Structure professionnelle : Ministère du Travail au Kosovo
Coopération Luxembourgeoise
camilleri.ks@gmail.com

Titre(s), Diplôme(s) : Doctorat de sociologie, MBA

Fonction(s) actuelle(s) : Socioéconomiste/Consultant

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AUTRES PARUTIONS

Principaux articles/essais:
Manuel de santé communautaire, Ministère de la Santé/USAID/UNICEF, Burkina Faso, 1986
D'une Inde qui fut portugaise, Fondation Gulbenkian, 1986
Les communidades de Goa et le mode de production asiatique. Cahiers de sociologie économique, 1986
Goa, Reine de l'Orient, L'Histoire, 1988
Le crédit, outil de développement ou gadget ? Politique Africaine, 1988
L'impact de la dévaluation sur la petite entreprise au Burkina Faso, Agence Universitaire de la Francophonie & Politique Africaine, 1997
Micro & petites entreprises et microfinance, Institut Thomas More, Agence Universitaire de la Francophonie & National Bank of Ethiopia, 2005/2006

LES ARTICLES DE L'AUTEUR

Pour une véritable approche participative en Afrique Note de synthèse pour un forum sur le développement, 2001

Citation :
La coopération internationale a tendance à stagner avec de nombreux grands pays qui diminuent leur intervention (Italie, Royaume-Uni, Canada, France) et elle est insuffisante pour couvrir les besoins du cinquième de la population mondiale qui continue à vivre dans un état d'extrême misère. D'autre part, elle n'est pas adaptée aux besoins des populations les plus démunies de la planète dans le cadre de la globalisation triomphante des dernières décennies.
Les résultats des dernières décennies sont d'ailleurs peu encourageants : guerres, famines, corruption. Un jour, cependant, le continent africain émergera, la greffe moderniste prendra. Il suffit que les Etats digèrent les rivalités ethniques à l'intérieur des frontières artificielles héritées de la colonisation, que l'éducation occupe la place qui lui revient et soit adaptée aux besoins du milieu au lieu de refléter un académisme occidental, que les bureaucraties locales et internationales perdent de leur suffisance et cessent d'imposer leurs diktats… Car l'énergie des Africains est immense et leur faculté d'adaptation exceptionnelle.

Aujourd'hui, beaucoup d'experts et d'organisations internationales utilisent le parapluie de l'approche participative. En fait, souvent on interroge superficiellement des fonctionnaires plus ou moins compétents sans toucher vraiment les "bénéficiaires" que l'on survole au cours de rapides missions sur le terrain. Ou bien, l'approche participative sert à vérifier des présupposés ou cadres logiques issus de l'expertise internationale plutôt qu'à établir une véritable communication avec des bénéficiaires d'accès difficile à cause des distances géographiques ou du fossé culturel qui les sépare des développeurs. Il arrive même que des bailleurs créent de fausses associations récipiendaires de l'aide pour représenter les bénéficiaires. Or ces associations représentent surtout une classe de nantis citadine ou rurale qui s'enrichit grâce à l'aide soi disant destinée aux plus pauvres. Enfin, que dire de certains systèmes de microfinance qui bénéficient surtout aux bureaux d'études internationaux qui les mettent en œuvre en profitant de la mode de la microfinance, l'une des rares réussites de ces décennies désespérantes de non développement?
En fait, la manière dont l'aide pour le développement (APD) est allouée (son dispositif) est aussi déterminante sinon plus que son montant. En effet, de nombreux programmes ne correspondent pas aux priorités des populations. De plus, leur mise en œuvre est souvent laissée à des administrations irresponsables ou intéressées qui "utilisent mal" les fonds selon la langue de bois de la gouvernance… Que penser de tous ces projets orientés vers le soulagement de la pauvreté dont les fonds sont détournés pour payer des salaires ou des 4X4, des voyages ou des résidences à des nantis issus des hiérarchies locales ou internationales? La dette des Etats dits bénéficiaires est alourdie en augmentant le désespoir des plus pauvres. Bien sûr, de nombreuses évaluations sont opérées, mais à l'intérieur de cadres pré-établis et pour des bureaucraties qui ne tolèrent pas que l'on critique leurs méthodes.

1. La crise à ce tournant du monde

Depuis deux décennies, l'Afrique représente à peine 1% du commerce international alors qu'il y a 40 ans ce chiffre était de 3%. Economiquement, le continent ne compte guère sur la planète.

"La vie quotidienne relève aujourd'hui des ruades désespérées de la bête aux abois... L'Afrique est hagarde, inquiète et, pour la première fois depuis les indépendances, au bord du gouffre." (Axelle Kabou, Et si l'Afrique refusait le développement, L'Harmattan 1991).
La situation est grave à la ville comme à la campagne. En ville, l'intermède colonial a abouti à une re-formulation du pouvoir en accordant des privilèges exorbitants à une bureaucratie qui n'a pas le sens de l'Etat et utilise sa position pour s'enrichir ou placer sa (grande) famille. Cette classe s'appuie sur les populations urbaines dont une bourgeoisie occidentalisée qui ponctionne les revenus des produits d'exportation. Le système est dans un état avancé de délabrement avec la chute du cours des matières premières, l'accumulation de la dette et la faillite des Etats. La rigueur imposée par les bailleurs de fonds a grignoté bien peu du pouvoir et de l'arrogance de cette bureaucratie alors que la crise a fait chanceler des écono-mies très fragiles. La vie de la population urbaine (croissance d'environ 6% par an) est devenue une course de fond épuisante à la recherche de moyens de subsistance. Dans le monde rural, où la croissance démographique moyenne est de 3%, la croissance agricole n'a pas suivi.

Et l'aide internationale dans ce désastre ? Elle a surtout servi à maintenir au pouvoir la classe prédatrice des fonctionnaires en finançant "des structures d'encadrement" plutôt que des politiques agricoles. Elle a aussi permis à une caste cosmopolite de "développeurs" de vivre confortablement une aventure exotique. Economiquement, ses résultats sont presque nuls !

Quant aux programmes d'ajustement structurel conçus au départ pour as-sainir les comptes nationaux en dégraissant la fonction publique et en privilégiant la vérité des prix, ils n'ont pas donné aux économies africaines les moyens de la reprise, le remède asphyxiant parfois le malade au lieu de le guérir. L'application excessive du libéralisme est allée jusqu'à prohiber la subvention d'intrants comme les engrais, moteur indispensable du développement rural, alors que la plupart des agricultures occidentales sont subventionnées. Dans de nombreux pays, on observe aujourd'hui un ap-pauvrissement de paysans ; de plus, la plupart des sociétés d'Etat qui intervenaient dans le monde rural ayant été dissoutes ou privatisées, des régions entières ne bénéficient plus de crédits ou d'approvisionnement en intrants. Ne parlons pas de la destruction de l'enseignement primaire et des infrastructures sanitaires! Les frémissements récents de la Banque mondiale en direction des populations défavorisées restent fort marginaux par rapport à son approche économique qui privilégie un modèle libéral inadapté au détriment de la soi-disant lutte contre la pauvreté : en se référant au fameux modèle coréen, rappelons que ce pays, dont le PNB/ habitant était proche de celui du Sénégal il y a quarante ans, a protégé au début son marché intérieur.

2. La modernisation du monde rural

Si en zone urbaine la revitalisation du secteur informel (cf. Jean-Luc Camilleri, La petite entreprise africaine, L'Harmattan 1996), où évoluent 85% des entreprises du secteur privé, est un impératif de la croissance économique, en milieu rural la modernisation des systèmes de production est une urgence dans un environnement déstabilisé par la sécheresse, l'appauvrissement des terres, la démographie galopante...
L'introduction de moyens médicaux pourtant élémentaires (campagnes de vaccination) a suffi pour faire chuter les taux de mortalité. Avec la crois-sance démographique, le poids des populations est devenu une charge insupportable pour les terres existantes. Aussi se développe un exode rural semblable à celui obse

Signature :
Jean-Luc Camilleri, note de synthèse pour un forum sur le développement, 2001

Certaines agences bilatérales, souvent celles de petits pays sans héritage colonial (Suisse, Danemark, Autriche) ou profondément libéraux (Pays Bas) obtiennent de meilleurs résultats grâce à une approche plus "participative" qui inclut le respect de l'autre et qui est conçue d'abord en fonction des bénéficiaires et non des administrations supposées les représenter. Les procédures administratives de l'aide sont simplifiées et le bon sens est privilégié par rapport à des indicateurs macro-économiques au cours de la réalisation des projets.
Ces coopérations bilatérales, en particulier les petites coopérations au raz du sol parfois gérées par des ONG laïques ou confessionnelles comme, par exemple, les missions catholiques, réussissent mieux sur le terrain que les coopérations plus lourdes qui, parfois, n'ont pas un seul assistant technique sur place pour suivre les décaissements et la mise en œuvre des pro-jets. "Une approche néo-coloniale", diront ceux qui n'aiment pas que l'assistance technique soit trop présente sur le terrain… Non, une approche pragmatique, proche des bénéficiaires, qui s'adapte au coup par coup aux réalités du terrain et qui refuse de se faire piéger par une quelconque idéologie politique ou économique…
La pauvreté peut être combattue, mais il faut la traquer au quotidien par des puits, des écoles, des canaux d'irrigation plutôt que par l'injection de millions de dollars que l'on surveille de loin à travers un arsenal administratif. Si l'augmentation de l'aide au développement est un devoir pour les plus riches nations de la planète, les procédures d'octroi de cette aide doivent changer de manière drastique car, souvent, cette aide ne sert à rien.

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D'une Inde qui fut portugaise (résumé) Les Catholiques de Goa

Citation :
Le territoire de Goa comprend deux parties très distinctes culturellement : les Vieilles et les Nouvelles Conquêtes. Les territoires conquis entre 1510 et 1543 qui comprennent les plaines côtières extrêmement fertiles sont les Vieilles Conquêtes. Ces régions ont connu l'évangélisation et la rigueur de l'Inquisition ; elles ont vécu la grandeur éphémère de la couronne portugaise en Orient et la splendeur de l'Estado da India.

La tentative portugaise d'assimilation de la culture goanaise s'est heurtée à la clef de voute de l'hindouisme : la structure de caste. Non seulement la caste s'est maintenue mais elle a déterminé les diverses formes d'acculturation sculptées au cours des siècles dans la s o c i é t é goanaise. Les Brahmanes, plus proches des Portugais, s'occidentalisèrent par le biais de l'éducation ; Kshatryas et Vaïshas s'allièrent pour former une caste exclusivement catholique, celle des Chardos ; les Sudras conservèrent, derrière un vernis chrétien, la plupart des coutumes hindoues. Aujourd'hui cependant, avec l'impact de la modernité, le système des castes est en pleine évolution.

1. Christianisation des "îles de Goa"

Au XVIIIème siècle, aidés par l'affaiblissement des Mahrattes et la mainmise des Anglais sur le trône du Moghol, les Portugais acquirent de nouveaux territoires. Ces Nouvelles Conquêtes, situées à l'intérieur et formées de collines boisées moins fertiles, restèrent dans la tradition hindoue. De plus, le colonisateur portugais était essoufflé et son église missionnaire affaiblie par les coups de marquis de Pombal.
Les rois du Portugal visèrent toujours dans leur conquête de l'Orient l'union des deux pouvoirs spirituel et temporel : au nom de Dieu et du profit ! Goa fut non seulement une capitale politique mais aussi un centre religieux chargé au XVIème et au XVIIème siècle de l'évangélisation du Cap de Bonne Espérance à la Chine. La tradition religieuse hindoue y était très ancienne et Shiva, Dieu de l'ascèse, de la connaissance, de la musique et des Shastras (Enseignements sacrés) régnait sur le panthéon local.
Albuquerque fut tolérant envers l'Hindouisme, ne persécutant véritablement que les musulmans, irréductibles ennemis des Portugais qui ruinaient leur commerce ancestral, en particulier celui des épices avec leurs correspondants vénitiens.
Cette tolérance disparut avec l'arrivée de Saint François Xavier en 1542. Il apprit la langue locale, fonda un collège et, jetant les bases de la politique jésuite, commença l'effort missionnaire suivi bientôt de "la rigueur de la miséricorde". Le premier Concile de Goa en 1567 établit les lignes principales de la politique missionnaire : tous les temples hindous devaient être détruits dans les territoires contrôlés par les Portugais, les prêtres non chrétiens, professeurs et saints hommes expulsés, leurs livres sacrés saisis et détruits. Les orphelins hindous devaient être enlevés aux parents avec lesquels ils vivaient et confiés à des familles chrétiennes. Si l'un des partenaires d'un mariage "païen" se convertissait, les enfants et les propriétés passaient sous sa garde. Certains devinrent chrétiens par conviction religieuse, d'autres par opportunisme, surtout dans les basses castes qui servaient les Portugais.
Les Jésuites et les Franciscains s'attachèrent à la conversion des communautés villageoises dans leur ensemble par des "Baptismos Gerais" (baptêmes généraux). Par exemple, en 1633 à l'occasion de la visite du Comte de Linhares - le vice-roi - mille "païens" quittèrent Salcette et trois mille reçurent le baptême le même jour au couvent de Saint François. Ces conversions en masse gardèrent intacte la structure sociale et le laxisme des convertis scandalisa très vite les missionnaires. Aussi, en 1560, l'Inquisition fut établie pour traquer, chez les nouveaux convertis, les vestiges de leur ancienne foi ainsi que leurs coutumes ancestrales suspectes d'hindouisme.

2. Les chrétiens et la caste

L'Inquisition déchira l'âme goanaise, les gens ne se sentant plus en sécurité que dans leur propre famille et les convertis s'identifiant le plus possible avec les Européens, synonymes de vieux chrétiens. Néanmoins, elle ne réussit pas à déraciner toutes les coutumes hindoues, en particulier dans les basses castes. Quant à la structure de caste, non seulement elle se maintint mais elle caractérisa le processus d'acculturation subi par la société goanaise.

a) Rappels sur le système des castes

Le système des castes est la clef de voûte de la société hindoue. Cette structure sociale, dont tous les éléments dépendent les uns des autres, est construite sur le principe hiérarchique, les Brahmanes - ou prêtres - représentant la tête du corps social, les Kshatryas - guerriers - ses bras, les Vaïshas - agriculteurs et commerçants - ses jambes et les Sudras - serviteurs - ses pieds.
A chacun appartient une série bien déterminée de normes et de tabous, ce qu'il faut manger et ne pas manger, ce dont on peut approcher et ce que l'on doit éviter, avec qui on peut parler, partager les repas, se marier. Nous avons un système quasi-organique où des grou

Signature :
J-L Camilleri, Archives XXII, Fondation Gulbenkian, Paris/Lisboa, 1986 (article révisé en 1999)

Le système des castes s'est simplifié abandonnant la division en Jats, sauf pour les Sudras. Les Brahmanes gardèrent tout leur prestige ; Kshatryas et Vaïshas s'allièrent pour former une caste exclusivement catholique, celle des Chardos ; les Sudras intégrèrent les basses castes intouchables dans leur varna. Symboliquement, le fonctionnement des Comunidades (propriété collective des rizières au profit des hautes castes) a longtemps illustré la permanence des castes dominantes dans les Vieilles Conquêtes.
Aujourd'hui, cependant, le système est remis en question avec la modernisation qui transforme de plus en plus les castes en groupes socio-économiques. Les hautes castes deviennent des classes supérieures et, avec le développement économique, les classes moyennes prennent de plus en plus d'importance y compris au niveau politique.
Ainsi, on peut craindre qu'au XXIème siècle la culture originale de Goa ne se dissolve dans le monde moderne. Même le tam-tam de la "world music" contemporain fait concurrence au mando, l'ancienne forme musicale traditionnelle cousine du fado. Adieu l'Inde portugaise, Goa deviendra-t-elle une enclave sans âme sur la mer d'Arabie ? Attaquée par une vague touristique sans précédent (The green Goa, Goa Foundation, Panaji 1998-99), la nostalgie tropicale et baroque est rongée par la poubelle occidentale, les églises cernées par les tchaï-shops, l'infini des plages déchiré par le béton et les parasols. Et pourtant, malgré cette gangrène, Goa reste belle, désespérément… Saudade.

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Petites entreprises et microfinance (extraits)

Citation :
L'efficacité du fonctionnement des institutions de microfinance en Afrique est l'un des rares succès obtenus au cours de ces dernières années. La microfinance a ainsi pris la suite de projets de développement qui confondaient souvent crédit et subvention ou obtenaient des taux de remboursement élevés grâce à une assistance technique hors de prix.

Malgré leur réel impact sur le terrain, les IMF n'arrivent toujours pas à satisfaire les besoins des petites et micro-entreprises. Cet article tentera d'illustrer ce propos en s'appuyant sur les expériences de financement les plus caractéristiques dans le Sahel, en particulier au Burkina Faso, au Mali, au Sénégal et au Niger.

...

III. L'EVOLUTION DES POLITIQUES DE CREDIT

La tendance actuelle est de séparer le crédit de celles de tout autre appui comme la formation, le conseil, l'organisation, etc. En effet, devant les difficultés de remboursement rencontrées par beaucoup de projets ainsi que leur coût ou leur inadaptation aux besoins, les bailleurs tendent de plus en plus à externaliser les activités de crédit pour les confier à ces nouveaux professionnels : les IMF.

A. Grandeur et décadence des projets de crédit

Comme on l'a vu plus haut, les bailleurs de fonds ont d'abord tenté de pallier aux dé-faillance du système bancaire en se faisant banquiers. Au lieu de mettre des lignes de crédit à la disposition des banques, ils se sont mis à les gérer eux-mêmes à moins qu'ils n'accordassent des fonds de crédit à des ONG, parfois destinées à devenir plus tard des IMF majeurs tels que l'ACEP (Sénégal) ou PRODIA (Burkina).
Pour que le système puisse fonctionner, il fallait assurer un taux élevé de remboursement. Grâce à des pra-tiques inno-vantes, en s'enracinant dans le milieu, en se pro-té-geant par un arsenal de garanties, certains projets ont réussi le tour de force de passer de taux de remboursement insignifiants d'environ 25% en Guinée - voir J-L. Camilleri, Le crédit, outil de développement ou gadget ? Politique africaine n°31, 1988 - (BARAF), à des taux de 70% au Sénégal ou de 95% au Burkina. Cependant ces projets d'appui aux petites entreprises qui octroient du crédit se caractérisent par un coût élevé, avec un impact incertain et une pérennité hypothétique. Leur frais de fonctionnement restent très élevés. Le PAPME au Burkina bénéficie par exemple d'un fonds de crédit de 6,5 millions d'Euro mais de 4 millions d'Euro en frais de fonctionnement (40% environ).
De plus, ces projets sont trop ambitieux: ils se focalisent trop sur le secteur moderne et ne s'occupent pas assez de la véri-table clientèle de cette fin de siècle, celle du secteur in-termé-diaire. Les banques ont de l'argent et les grands entrepreneurs des capitaux. Il vaut mieux sou-tenir en priorité les PE, qui ont un capital de 150.000 à 15 millions FCFA, sans vouloir à tout prix les transformer en bonnes citoyennes qui paient régulièrement leurs charges. Ces entreprises de l'informel su-périeur en milieu urbain sont suscep-tibles d'éclore et de prospérer ; elles ont un marché assuré avec la croissance des villes (5% par an) et la modernisation des styles de consommation, la part du PIB urbain étant passé de 38% en 1960, à 66% en 1990 en Afrique de l'Ouest.

Quant aux projets intégrés à volet crédit, leur approche s'est révélée non professionnelle non seulement vis-à-vis du crédit comme outil de développement, mais aussi par rapport aux IMF auxquels ils font une concurrence déloyale.
Beaucoup de projets intégrés offrent ainsi des crédits avec un dosage complexe de subvention et d'apport personnel. Leurs composantes "crédit", où les prêts sont octroyés avec des taux d'intérêt trop faibles (entre 0 et 5%) assortis de conditions parfois fantaisistes (subventions diverses), font du tords aux organismes professionnels qui font du crédit avec des taux d'intérêt plus élevés que ceux du marché (le petit crédit coûte cher) et sans subvention. Ces distorsions peuvent entraîner des difficultés dans les remboursements pour les IMF qui opèrent dans des régions proches des projets, nuisant alors à la pérennité de systèmes de crédit qui ont mis des décennies pour s'implanter. D'ailleurs, dans la plupart de ces projets, les processus de remboursement sont longs et douloureux...

B. L'irrésistible émergence de la microfinance

L'importance des IMF devient majeur dans les pays sahéliens : ils représentent environ 10% des encours bancaires au Burkina et leur refinancement au Mali s'élève à 2,5 milliards FCFA. Leur intervention peut être déterminante dans l'avenir, en particulier dans la zone sahélienne où les besoins en crédit, à part le Burkina, sont en général couverts à moins de 7%.

Signature :
Jean-Luc Camilleri, Epargne sans Frontières n°48/49, Paris, 1998

Les IMF sont à la mode et un soutien trop actif des bailleurs de fonds risque de fragiliser les IMF au lieu de les renforcer.
Il faut éviter les interventions massives qui mettent soudain trop d'argent à la disposition d'un système en stipulant qu'il doit créer un nombre minimum de caisses par an. Ceci n'a plus aucun rapport avec la philosophie de base des caisses mutualistes, caractérisée par la prudence et un long apprentissage.
En effet l'installation de Fonds de garantie ou de Lignes de crédit pour accélérer l'accès au crédit des petits entrepreneurs ou favoriser la mise en place de nouveaux produits financiers peut être dangereuse. Le crédit est une longue patience et, en accélérant son processus, on augmente les risques d'impayés. Or dès que l'on permet à la maladie de l'impayé de se déclarer, elle dégénère rapidement en gangrène : les mauvais payeurs, qui ne sont pas sanctionnés, tuent le crédit et déstabilisent les bons payeurs comme la mauvaise monnaie chasse la bonne...

Malgré le coût des petits crédits, de nombreux IMF ont montré la soutenabilité de la microfinance et son opérationalité pour les petites et microentreprises (montant d'intervention suffisant, taux d'intérêt inférieur à 20%). Il ne faut pas cependant oublier la fragilité de ces systèmes, souvent initiés dans des zones rurales où le contexte sociologique est plus favorable au concept de l'argent chaud qu'il faut impérativement rembourser au risque d'avoir des comptes à rendre à ses parents, à ses concitoyens, éventuellement aux fétiches ou aux ancêtres... Ainsi, après de longues périodes de scepticisme, il ne faut les destabiliser en les noyant sous un monceau d'or et de missions impossibles à remplir pour de petites structures. Les IMF les plus performants sont trop sollicités et on oublie leur longue et parfois douloureuse gestation au cours de la dernière décennie. C'est la raison pour laquelle ils sont parfois inadaptés à de nombreuses fonctions, dont celle d'appui aux petites et micro entreprises (ME).

Le futur de la micro finance est difficile à prévoir. Cependant, son évolution est comparable à celle de la révolution informatique dont la technologie s'adapte de façon permanente aux besoins de ses consommateurs.

Notes :
Les Systèmes financiers décentralisés ou SFD sont désormais appelés Institutions de Micro-Finance ou IMF sous l'influence anglo-saxonne.
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