
Jean-Luc Delut
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Descriptif auteur
Bordelais d’origine mais habitant actuellement la région niçoise, l’auteur, juriste de formation, pratique la musique depuis l’âge de 7 ans. Communiquer et faire partager sa passion, tel est l’objectif de ce livre et des conférences qu’il organise sur l’histoire de la musique.
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LES CONTRIBUTIONS DE L’AUTEUR
LES ARTICLES DE L'AUTEUR
Postface Chercheur d'Eternité Jean-Sébastien Bach
Nous ne pouvons comprendre ou sentir une grande uvre d'art sans, jusqu'à un certain point, répéter et reconstruire le processus créatif par lequel elle a vu le jour. Ernst Cassirer
L'objectif de ce livre est simple : faire aimer du plus grand public possible un homme doué d'un talent exceptionnel et que nous pouvons qualifier, sans tomber dans la démesure dont notre époque est friande, de génie. Un homme dont la puissance artistique est si élevée, qu'il nous rend fier d'appartenir à la même race que la sienne : celle des Hommes. Un enchanteur, ou plutôt un "éveilleur de conscience", comme l'Humanité a su en créer quelques-uns ; un de ces "enchanteurs-éveilleurs" qui détient les clés d'une sorte de Paradis Perdu dont il entrebâille les portes pour montrer à nos âmes en quête de "quelque chose", que ce monde est accessible, pour peu que nous nous donnions la peine de nous élever au-dessus de notre consumérisme matérialiste et de nous ouvrir à d'autres réalités, et que ce monde n'est pas à chercher dans des endroits insolites ou hypothétiques, mais en nous-mêmes. Ce génie a pour nom : Jean-Sébastien Bach.
Un nombre important de biographies lui ont déjà été consacrées. Pour faire "différent", j'ai pris le parti de le faire se raconter lui-même. Ce récit dicté prendra, donc, la forme d'une autobiographie comme l'avait fait, Marguerite Yourcenar - tou-tes proportions gardées quant au talent littéraire - avec ses "Mémoires d'Hadrien". Ainsi, c'est Jean-Sébastien qui va se raconter dans un style qui lui est propre, car s'il avait le génie de la Musique, il n'avait pas obligatoirement celui des mots et du style scriptural.
"Les paroles sincères manquent souvent d'élégance ; les paroles élégantes sont rarement sincères." Lao-Tseu.
Sa sensibilité et son humanisme en ressortiront, j'espère, avec plus de force. Son uvre, en effet, ne peut pas s'expliquer sans cette composante sensible. Certains le décrivent comme une machine à composer, désincarnée ; on l'accuse d'être trop intellectuel, lui qui a réussi à faire 20 enfants à ces deux épouses. Au contraire, sa musique est profondément incarnée et, même, parfois sensuelle. Cette incarnation tire ses racines de sa capacité à fusionner le corps et l'esprit dans une synthèse magnifique, synthèse, elle-même, à l'origine de l'universalité de son uvre. Ce rapport au corps, vous le trouverez dans son "swing" ; les reprises jazz de ces uvres en sont une preuve émouvante. Écoutez son "Clavier bien tempéré" ou ses Partitas pour clavier et vous en serez convaincu.
Il est l'un des maîtres à penser de la musique occidentale. Après sa formidable synthèse de tous les courants musicaux de son époque : allemand, français et italien, il est celui "de qui tout procède ; et de la hauteur où il se place, il embrasse la musique de tous les temps." Roland de Candé "Jean-Sébastien Bach"
" Bach est le père de tous les musiciens. Devant lui, tous les autres sont des enfants." Robert Schumann
Bach fait aujourd'hui l'objet d'un culte mérité. Tous les grands compositeurs de Mozart à Boulez en passant par Chopin, Debussy, Bartók, Schoenberg, Stravinski lui ont rendu hommage et reconnaissent qu'il fut, à un moment donné, un stimulant essentiel dans leurs propres créations. Pourquoi ? Écoutez ses uvres et vous le découvrirez.
Il a érigé à la gloire de l'Humanité un des plus beaux monuments qui soient : sa Musique. Il n'est pas le seul, il y en d'autres beaucoup d'autres. Des musiciens comme lui, des peintres, des écrivains, des philosophes, des architectes, des scientifiques qui par leurs travaux contribuent à rehausser notre opinion sur la race humaine en nous évitant de sombrer dans une misanthropie sclérosante. Leurs uvres éveillent en nous le sentiment du Beau, du Bien, de l'Amour voire de l'Éternité. Même quand l'uvre d'art se fait la représentation du laid, du mal, de la cruauté, de la mort, n'a-t-elle pas pour objectif secondaire de nous obliger, par un raisonnement "a contrario", à percevoir la nécessité de l'inverse ? La notion de Beau ou de Bien n'aurait aucun sens si celle de Laid ou de Mal n'existait pas ; chaque chose ne peut se juger qu'à l'aune de son contraire. Ainsi, les artistes se font les médiateurs entre notre monde et une autre dimension, non pas extérieure, mais intérieure. Ils nous aident à percevoir ou ressentir avec acuité ce qui échappe souvent à nos yeux, nos oreilles et nos esprits aveugles. Ils interrogent, questionnent, remettent en cause. Leurs uvres sont une réponse dont ils vont chercher les racines dans les profondeurs de notre Humanité - ce que Luc-André Marcel (voir citation plus loin) appelle le fond de la race - à la lumière de leur sensibilité exacerbée, et cela pour notre plus grand bonheur. Leurs uvres touchent à l'universalité quand leurs sensibilités individuelles se transmutent en collectives. Le Un et le Tout* (* Un, entendu dans le sens de l'homme dans son individualité et le Tout dans celui de l'univers, de la totalité du monde sensible et intelligible et de la somme des multiples) sont indissociablement liés et chaque "Un" que nous sommes peut avoir accès au "Tout". L'Art, en général, et la Musique, en particulier, sont un des véhicules de ce voyage quasi mystique.
"L'artiste se tenant à la source des choses peut déchiffrer le monde comme un hiéroglyphe ou comme une uvre dont il connaîtrait le secret." Schelling
"C'est par l'Art et par l'Art seul, que nous pouvons réaliser notre perfection ; par l'Art, et par l'Art seul que nous pouvons nous défendre des périls sordides de l'existence réelle." Oscar Wilde
La deuxième partie de la citation d'Oscar Wilde fait référence à une idée largement répandue : l'Art comme enchantement du monde. C'est ce que Jacques Attali dans son livre "Bruits" résume par la formule "Faire oublier".
"L'art nous est donné pour nous empêcher de mourir de la vérité." Frédéric Nietzsche
Jean-Sébastien Bach appartient à cette catégorie des grands artistes, ceux qui sont, à la fois, des médiateurs et des enchanteurs-éveilleurs. Écoutez-le et vous découvrirez des Beautés que vous ignoriez, des "révélations au-delà de toute sagesse et de toute philosophie" comme le disait Beethoven.
Sa musique est une incarnation de notre humanité et c'est pour cela que nous l'aimons. Glenn Gould, pianiste célébrissime et immense interprète de son uvre - un de ceux qui a su le mieux pénétrer sa pensée - a écrit :
" si je devais passer le reste de mes jours sur une île déserte, condamné à n'écouter ou jouer qu'un seul compositeur, je choisirais Bach sans hésiter. J'ai beau réfléchir, aucune autre musique ne me semble si accomplie, aucune musique ne me touche aussi profondément et dans sa totalité. Au-delà de son brio éblouissant, elle possède une inestimable qualité que je ne peux définir autrement que par un grand mot un peu vague : l'humanité."
Voilà, le mot est lâché, et, par l'un de ses plus grands interprètes : Humanité. De là à parler d'universalité, il n'y a qu'un pas que certains franchissent allègrement :
"Ses uvres sont si profondément le propre de l'homme, elles s'inscrivent si à vif dans le fond de la race, que nous nous y retrouvons." Luc-André Marcel dans "Bach" éd. Solfèges
"Bach est un maître d'équilibre parfait. Il enseigne ce qu'est la pensée musicale. C'est immédiat, c'est évident, c'est intelligible - à la fois universel et populaire -." Henri Dutilleux, compositeur.
Ce livre s'adresse à tous les publics, croyant ou non, néophyte ou averti, mais je préviens ce dernier qu'il n'y trouvera pas une analyse approfondie et musicologique des uvres ; d'autres l'ont fait avant moi avec talent. Je souhaite simplement rendre accessible au plus grand nombre la vie d'un homme dont l'uvre appartient au patrimoine universel et dont l'humanité est proportionnelle au génie.
Il est toujours difficile de faire s'exprimer par des mots simples une pensée complexe. C'est ce que j'ai essayé de faire ; par conséquent, certains trouveront le propos trop simpliste ou trop "idéalisant". Dans la mesure où je me suis plus attaché à l'homme qu'à une explication technique de ses partitions, JS Bach exprimera, avant tout, sa nature sensible, tant en ce qui concerne son parcours de vie que la Musique. Or, dans sa dimension émotionnelle, cette dernière échappe au langage et à toute connaissance discursive, car comme le disait Wagner, le pouvoir de la Musique commence là où s'arrête celui des mots. Dès lors, ce récit est une véritable gageure et de tous les témoignages, le meilleur sera, de toute évidence, celui que vous percevrez à l'écoute de ses uvres. Quant au processus de création que je décris dans ce livre, Bach n'en ayant rien révélé ; il relève de ma propre sensibilité à la seule lumière des émotions suscitées par l'écoute intensive, depuis plus de trente ans, de sa musique. Quoi qu'il en soit, j'ai tenté avec sincérité et en toute humilité de traduire en mot une sensibilité d'une grande richesse, la sensibilité d'un homme hors du commun qui réussit malgré les épreuves à composer une des uvres musicales les plus parfaites, les plus absolues - certains iront jusqu'à dire les plus divines -.
En effet, la pensée musicale de JS Bach est profondément marquée par sa croyance et sa Foi indéfectible. Mais, il faut dépasser ce clivage entre croyant et non-croyant. Avant d'aller plus avant, une précision s'impose : loin de moi l'idée que l'acte créatif soit le fruit ou dicté par une quelconque forme de divinité ou transcendance. Il est possible - même si j'atténue cette idée par une approche immanentiste - que JS Bach l'ait pensé, mais, à mon avis, l'acte créatif, même s'il trouve son inspiration dans une pensée fortement religieuse ou, plus largement, spirituelle, reste le produit d'une pensée humaine et d'un homme, porteur d'un génie et d'un talent supérieur. L'éventualité d'une connexion avec une forme transcendante n'est pas une explication plausible, d'une part du fait de l'existence de chefs-d'uvre composés par des athées ou des artistes à la croyance superficielle, d'autre part parce que les artistes, parmi les plus croyants et à la foi profondément enracinée, n'ont pas toujours, voire jamais, donné le jour à un seul chef-d'uvre. De plus, envisager la possibilité de l'intervention d'une forme de pensée supérieure dans le processus créatif serait dénier aux hommes, aux créateurs, aux artistes leurs pouvoirs de création et au-delà leurs capacités à nous faire accéder aux beautés de notre propre humanité. Penser ainsi serait faire de nous de simples marionnettes entre les mains d'une puissance supérieure ; cette idée m'est insupportable, car je crois que nous valons beaucoup mieux que cela. Les uvres d'art auxquelles nous pouvons associer les idées de charité, de générosité et de solidarité (religieuses et laïques) sont une émanation de ce que nous avons de meilleur et nous devons en être fier pour nous-mêmes, et non pas en attribuer la paternité à une "supposée" entité supérieure.
Je reste convaincu que l'uvre d'art est un produit de notre humanité et est, à ce titre, liée de façon inextricable au talent et aux compétences propres de celui qui l'a réalisée sans aucune autre explication d'aucunes sortes.
Donc, que vous soyez profondément croyant ou profondément athée, ce livre s'adresse à vous de la même façon. Pour les premiers, vous serez comblé ; quant au second, imaginez Dieu comme un concept qui peut prendre des réalités bien différentes. Au-delà de Dieu, il s'agit avec JS Bach de spiritualité religieuse ou laïque, mais de spiritualité, avant tout. La définition ci-dessous, empruntée à une encyclopédie en ligne, résume parfaitement ma pensée :
La spiritualité définit l'élan de l'âme ou l' ensemble de croyances, de pratiques et d'études qui traitent de l'être vivant en relation avec sa nature essentielle, son âme ou son esprit, par opposition à ses besoins matériels ou à ses ambitions "mondaines" (terrestres). Cette quête métaphysique oppose souvent un besoin d'éternité à l'apparente évanescence du Monde, et elle s'appuie notamment sur une ascèse pour détacher l'individu des liens qui empêchent le progrès spirituel.
Dans cette définition, se trouve toute la Musique de JS Bach : relation avec notre nature essentielle, notre âme , besoin d'éternité. Il réussit l'exploit, avec sa profonde humanité, de nous faire sentir, par la pénétration des mystères de notre cur et de notre âme, notre nature essentielle, une nature dévoilée par les flots incessants d'émotions auxquelles il nous soumet, une émotion parfois égalée, rarement dépassée ! Il renforce notre conscience d'être dans le temps et hors du temps, dans l'espace, ici et ailleurs, en fusionnant, dans une unité spirituelle, le Un, le Multiple et le Tout. Ces états émotionnels, accessibles qu'en état d'abandon total, nous livrent aussi quelques clés de compréhension du monde, parfois évidentes, mais les évidences méritent souvent d'être rappelées ; le livre vous en révélera ou rappellera quelques-unes. Derrière sa musique, Bach (et les autres) nous livre un savoir, un savoir sensible de notre univers et de nos sociétés et nous éveille, ainsi, aux beautés du monde. Là réside toute la puissance de la musique en général et de celle de Bach en particulier ; là réside la possibilité d'un progrès spirituel.
Bien sûr, la pensée de Bach repose sur une forte religiosité, mais il est possible d'attribuer au mot "religieux" le sens qu'Einstein lui assignait quand il disait :
" Je suis un non-croyant profondément religieux." (tiré du livre de Richard Dawkins "Pour en finir avec Dieu" Éd. Robert Laffont)
Religieux est entendu, ici, dans le sens : "en admiration devant l'organisation et la beauté de la nature" et point autre chose. C'est ce qu'en d'autres termes, j'ai appelé le sentiment d'Éternité que Spinoza nous promet si notre âme se met en adéquation avec la substance unique (Dieu ou Nature).
"Notre âme en tant qu'elle perçoit les choses d'une façon vraie est une partie de l'intelligence infinie de Dieu".
En effet, Bach, comme d'autres, nous fait accéder au sentiment d'Éternité avec une force inégalée et cela demande un peu d'ascèse, car il ne suffit pas d'entendre, mais d'écouter totalement, complètement, de s'immerger avec respect dans une musique qui conduit aux confins d' "un autre monde" pour paraphraser Gustav Malher. Pour cela, il est nécessaire de "lâcher prise", d'anesthésier sa raison pour se laisser envahir par les vertiges de l'émotion.
Dans ce livre, comme je l'ai déjà évoqué, Dieu sera très présent. Sans lui, la pensée, les attitudes, les choix de JSB ne seraient pas compréhensibles. Par conséquent, que les choses soient bien claires : les propos qu'il tiendra ne sont pas toujours le reflet de la pensée de l'auteur* (* comme un acteur de cinéma qui interprète un personnage aux antipodes de sa nature réelle, je me suis investi dans mon personnage, en l'occurrence JS Bach. Sa foi est la sienne, mais, aucunement, la mienne). Il n'est aucunement question ici de faire du prosélytisme religieux, mais uniquement du prosélytisme musical et cela pour plusieurs raisons :
- Parce que la Musique est un art essentiel, constitutif de nos sociétés et dont le rôle fondamental intervient dans la genèse des groupes sociaux et de leur survie*. (*voir les travaux d'Isabelle Péretz, neuropsychologue cognitiviste, Université de Montréal)
- Parce que la Musique est complémentaire du langage parlé - qu'elle aurait même précédé -, que son royaume est celui des émotions, de l'inexprimable, de l'ineffable* (*Vladimir Jankélévitch'La Musique et l'Ineffable'). Elle est au-delà des mots et pour citer, de nouveau, Beethoven "au-delà de toute sagesse et de toute philosophie". Les citations célébrant son importance sont innombrables. En voici un florilège :
"La vie sans musique serait une erreur, une fatigue, un exil" Frédéric Nietzsche "Crépuscule des Idoles"
"Le compositeur nous révèle l'essence intime du monde, il se fait l'interprète de la sagesse la plus profonde" Arthur Schopenhauer "Le Monde comme Volonté et comme Représentation"
"À quoi bon fréquenter Platon quand un saxophone peut nous faire entrevoir un autre monde !" Cioran "Syllogisme de l'amertume"
"La musique vous parle de vous-même et vous raconte le poème de votre vie ; elle s'incorpore à vous, et vous vous fondez en elle." Charles Baudelaire "Le Poème du Haschich"
"De la musique avant toute chose, de la musique encore et toujours." Paul Verlaine "L'Art Poétique" in "Jadis et Naguère"
" Une goutte de musique pure est un point d'éternité" Yves Nat
" .mais que la musique soit un langage, par le moyen duquel sont élaborés des messages dont certains au moins sont compris de l'immense majorité alors qu'une infime minorité seulement est capable de les émettre, et qu'entre tous les langages, celui-là seul réunisse les caractères contradictoires d'être tout à la fois intelligible et intraduisible, fait du créateur de musique un être pareil aux dieux, et de la musique elle-même le suprême mystère des sciences de l'homme " Claude Lévi-Strauss "Le Cru et le Cuit"
"La musique met l'âme en harmonie avec tout ce qui existe" Oscar Wilde
" La musique est plus qu'objet d'écoute, elle est un moyen de percevoir le monde" Jacques Attali "Bruits"
"Qui néglige la Musique, ignore l'approche du sublime" Louis Nucera "Ils s'aimaient"
"La musique est l'aliment de l'amour" William Shakespeare
Etc
Bach est à l'image de ces grands esprits, mais lui ne se contente pas de le dire, il le fait.
- Parce que la Musique nous renforce dans notre Humanité par sa puissance communielle. Il suffit pour cela de regarder le succès des grandes messes musicales d'aujourd'hui autour de stars consacrées ou en devenir (ce que l'on pourrait parfois regretter, compte tenu du niveau médiocre de certains ou certaines ).
Néanmoins, il est, de tous nos plus grands musiciens, celui qui nous réconcilie le mieux avec l'idée de Dieu. Tout athée - et je pense en être -, même le plus convaincu, ne peut rester insensible à la beauté de sa musique. Son écoute, quelque part, ouvre une brèche au questionnement à l'instar d'Émile Cioran :
"Quand vous écoutez Bach, vous voyez germer Dieu. Son uvre est génératrice de divinité."
"Sans Bach, Dieu serait diminué. Sans Bach, Dieu serait un type de 3ème ordre. Bach est la seule chose qui vous donne l'impression que l'univers n'est pas raté. Tout y est profond, réel, sans théâtre."
Choisissez l'option qui vous séduit, mais, pour ma part, je reste attaché à celle d'une spiritualité sans Dieu* (*Si vous n'êtes pas convaincu de cette possibilité, je vous invite à lire "L'esprit de l'athéisme : Introduction à une spiritualité sans Dieu" d'André Comte-Sponville). Sa musique est, avant tout, le reflet du génie humain et cette idée de magnification de l'humain me paraît préférable à celle qui consisterait à dire qu'il n'est qu'un intermédiaire chanceux entre les Hommes et une pensée transcendante, ce qui aurait pour conséquence de minimiser nos capacités intrinsèques. L'homme est, certes, capable du pire, mais aussi - et c'est important de le mettre en avant - du meilleur ; les artistes sont l'une des expressions les plus hautes de notre Humanité.
Un conseil : faites abstraction de tout cela et, simplement sans vous poser de question existentielle, laissez-vous porter par la majesté aérienne de ses arias, les envolées lyriques, mais toujours contenues de ses Passions, de ses Cantates ou de ses Messes, dont le superbe Magnificat et la magistrale Messe en si mineur.
La magie de Bach réside dans cette phrase que j'emprunte à Robert Schumann :
" La Musique nous aide à descendre en nous-mêmes, à y découvrir la divinité que nous cherchons en vain dans la vie et dont nous avons une soif inaltérable."
À mon avis, Bach, le grand croyant, le musicien de Dieu, avait pris conscience de cette réalité et toute son uvre - et, plus particulièrement, les dernières - avait pour objectif de nous faire ressentir de l'intérieur cette Vérité dont il avait eu la révélation. Dieu ou ce que vous voulez est en chacun de nous, il nous appartient de le trouver. La Musique est un des moyens d'y parvenir et la sienne plus que toute autre, car ce fut la quête de sa vie. Une quête purement spirituelle et cuménique.
Nous appelons Dieu, en général, ce que nous ne comprenons pas ; Dieu remplace l'ineffable. Chacun se fait sa conception personnelle du divin, dans ou hors la religion. Ce que nous nommons par ce terme générique peut prendre des formes multiples, mais "peu importe le flacon pourvu que nous ayons l'ivresse". Il peut être remplacé par le sentiment d'Éternité ou le sentiment océanique si cher à Romain Rolland et Freud et que l'on peut définir comme un sentiment de fusion entre soi et le monde. De ce sentiment, j'en ai retrouvé la plus belle illustration littéraire chez Émile Cioran :
"Comment pourrais-je décrire avec des mots la façon dont les mélodies se déploient, et celle qu'a mon corps de vibrer, intégré à la vibration universelle, évoluant dans des sinuosités fascinantes dont l'irréalité aérienne me transporte ? Dans les moments de musicalisation intérieure, je perdais le goût des matérialités pesantes, je perdais ma substance minérale , et je m'élançais dans l'espace Dans ces instants, quand nous résonnons dans l'espace et que l'espace résonne en nous, dans ces moments de torrent sonore, de possession intégrale du monde, je ne peux que me demander, pourquoi je ne suis pas l'univers. Personne n'a éprouvé avec une folle et incomparable intensité le sentiment musical de l'existence, s'il n'a été pris du désir de cette exclusivité absolue , en désirant abolir les frontières qui séparent le monde du moi. L'état musical associe dans l'individu l'égoïsme absolu à la plus haute générosité. On veut simplement être soi, non par orgueil mesquin, mais par volonté suprême d'unité, par un désir de rompre les barrières de l'individualité ; pour faire disparaître non l'individu, mais les conditions astreignantes imposées par l'existence de ce monde Cette expérience où tout se réduit à une universalité sonore, continue, ascensionnelle, tendant vers les hauteurs dans un agréable chaos. Et qu'est-ce que l'état musical sinon un doux chaos dont les vertiges sont des béatitudes et les ondulations des ravissements ?
Je veux vivre simplement pour ces instants, où je sens l'existence tout entière comme une mélodie, où toutes les plaies de mon être se sont rassemblées pour se fondre en une convergence de sons, en un élan mélodieux et une communion universelle, chaude et sonore.
je suis parvenu à une immatérialité douce et rythmée, où chercher le moi n'a aucun sens
Les chants de la tristesse cessent d'être douloureux dans cette ivresse et les larmes deviennent ardentes comme lors d'une suprême révélation mystique Dans mon océan intérieur coulent autant de larmes que de vibrations qui ont immatérialisé mon être L'extase musicale est un retour à l'identité, à l'originel, aux premières racines de l'existence. Il n'y a plus en elle que le rythme pur de l'existence, le courant immanent et organique de la vie. J'entends la vie. De là naissent toutes les révélations." Le Livre des Leurres É. Cioran
Tout est dit dans cette magnifique citation qui illustre, à la perfection, la citation de Beethoven. L'écriture de Cioran est ciselée comme du gothique fleuri, elle chante comme une cantate de Bach.
Avant de conclure cette préface, il me reste deux remarques à faire.
Si toute la musique de JSB est d'une grandeur d'âme exceptionnelle, elle est empreinte, également, d'ordre. Certains aiment à comparer ses uvres à des mathématiques célestes à l'instar de Leibniz (1646-1716), quasi contemporain de Bach (1685-1750) pour lequel "la musique est un exercice d'arithmétique occulte". Bach était féru de symbolisme numérique et considérait le Nombre comme un instrument de l'expression capable, à la fois, d'allier la justesse des sentiments à l'harmonie des proportions d'où l'utilisation importante - mais non systématique - qu'il fera du nombre d'or dans l'organisation de nombreuses pièces musicales. L'intégration du nombre d'or ou Divine proportion était une façon d'intégrer Dieu dans la partition et de mieux faire ressentir sa présence. Mais entre l'amour des nombres et les mathématiques, il y a un pas qui me parait hasardeux de franchir. Néanmoins, si sa musique vous donne cette impression de "mathématiques", c'est que les deux ont un point commun : l'abstraction. En ce domaine, les Mathématiques sont aux Sciences ce que la Musique est à l'Art. Et, Bach est, certainement, l'un des compositeurs qui a porté son art au plus haut niveau d'abstraction, mais sans jamais se départir de sa sensibilité et de son humanité. Si les modèles mathématiques sont à la base de toute connaissance scientifique, la musique de JSB est, aussi, une source de connaissances et d'inspiration pour l'ensemble des générations de compositeurs qui l'ont suivi. (Revoir citation de Roland de Candé citée plus haut). En d'autres termes, si notre monde peut s'expliquer en totalité par l'abstraction mathématique et la vérité de quelques formules essentielles, cela signifie que la musique de Bach, elle aussi, touche à l'essentiel. De par leur quintessence, elles abordent aux racines de notre vie, aux principes premiers de notre existence et en ce qui concerne les uvres de Bach aux racines de notre humanité. C'est ce qui la rend si intemporelle et donc éternelle. C'est à ce voyage dans l'Éternité auquel je vous invite, mais à une Éternité dont vous sentirez l'existence ici et maintenant et non pas dans un au-delà hypothétique (Spinoza l'a écrit, Bach l'a fait).
Dans ce rapport aux mathématiques, il y a aussi une autre réalité. Par cette apparence ordonnée, Bach réussit l'exploit avec sa musique, d'harmoniser notre nature rationnelle et notre nature sensible comme les eaux d'une rivière qui bouillonnent, déferlent, se creusent, tombent en cascades ou s'écoulent tranquillement, mais dont les extensions sont limitées par les bords. La nature sensible est l'eau, la nature rationnelle, les bords et donc la terre. Il n'y a pas de risque d'inondation chez lui, car tout y est maîtrisé : l'ordre y règne, limité par les bordures, mais les mouvements de l'eau y sont infinis et la profondeur du fleuve peut y être abyssale. Ce qui ne peut être obtenue par les débordements, les effets sonores, le sera par l'intensité émotionnelle. Derrière un calme ou un ordre apparent couve un feu ardent qui nous fait voyager sur un plan vertical et ascensionnel des profondeurs de notre humanité voire de notre animalité jusqu'à des hauteurs célestes et cosmiques. Tout cela confère à sa musique une force incomparable qui associe dans un équilibre parfait et de façon magistrale : unité et diversité, ordre et liberté, fini et infini.
La deuxième remarque risque de choquer les apologistes du classement et de la catégorisation - ce point de vue n'engage que moi, bien sûr -. Il est de tradition d'associer Bach et ses contemporains à l'esthétique classique, celle qui précède l'esthétique romantique. Dans l'art dit "classique", l'artiste ne chercherait pas à exprimer sa sensibilité personnelle, mais uniquement à produire des uvres qui répondraient à des règles préétablies corollaires des conceptions classiques de la Beauté et la perfection : clarté, intelligibilité, ordre, cohérence, unité. L'uvre serait le fruit de codifications précises externes à l'artiste. Cette démarche qualifiée d'"objectiviste" par Karl Popper* (*La Quête inachevée) serait à différencier de la démarche romantique, plus "subjectiviste". Il y a du vrai dans cette distinction, mais la notion de Beau est à rattacher au contexte de chaque époque et chacune en a sa propre définition. Ainsi, beaucoup d'uvres d'art ne peuvent être comprises qu'à l'aune des conceptions temporelles et in situ de la Beauté. Mais là, avec Bach - mais également Vivaldi, Haendel, entre autres - nous sommes dans une approche intemporelle du Beau* musical. (*Même si 300 ans ne représentent rien au regard du temps géologique, ils deviennent significatifs au niveau du temps humain). Certes, leurs uvres répondent à un cadre formel constitué de règles harmoniques précises, mais n'en est-il pas de même avec les romantiques ? Eux aussi, composent à partir des règles harmoniques héritées de leurs grands ancêtres musiciens, règles qu'ils tritureront au gré de leur sensibilité propre* (*Écoutez le Beethoven des derniers quatuors, de la Grande Fugue ou de l'Hammerklavier et vous y découvrirez en germe le 20ème siècle) et feront évoluer jusqu'à aboutir au dodécaphonisme schoenbergien. Ce que je veux dire, c'est qu'il est impossible de penser, à l'écoute de Bach, qu'il n'y ait pas insufflé sa sensibilité personnelle. Si les uvres des compositeurs classiques reposaient sur des normes d'écriture strictes, comment pourrions-nous les différencier ? Or, Bach, Vivaldi, Haendel ou Mozart se reconnaissent entre mille pour peu que l'on ait l'oreille exercée ; c'est bien une preuve en faveur d'une forte expression de leur affectivité personnelle. Plutôt que de toujours tout juger en termes d'opposition et de différence, considérons les choses dans une sorte de continuum. Tout se lie, se relie par des fils parfois invisibles, mais réels. Bach, Vivaldi, Haendel, Mozart plus quelques autres, sont des romantiques avant l'heure et mes propos pourraient être confirmés par Baudelaire qui donnait la définition suivante du romantisme :
"Le romantisme n'est précisément ni dans le choix des sujets ni dans la vérité exacte, mais dans la manière de sentir. Pour moi, le romantisme est l'expression la plus récente, la plus actuelle du beau. Qui dit romantisme, dit art moderne, c'est-à-dire intimité, spiritualité, couleur, aspiration vers l'infini, exprimés par tous les moyens que contiennent les arts". Charles Baudelaire
Toutes les caractéristiques qui définissent le romantisme selon Baudelaire, se retrouvent chez Bach : intimité, spiritualité, couleur, aspiration vers l'infini. Il y voit une rupture où moi, j'y vois une continuité. L'homme dans son humanité, dans sa nature sensible et sa vérité originelle n'est pas plus différent au 18ème siècle qu'au 19ème et au 20ème. Ses conceptions, son intelligibilité du monde voire ses potentialités intellectuelles sous l'effet de l'adaptation sélective peuvent changer ou évoluer, mais il reste, dans son affectivité et sa sensitivité, tel qu'en lui-même, des premiers âges d'Homo Sapiens jusqu'à aujourd'hui. L'artiste anonyme des sociétés traditionnelles mettait autant de sensibilité personnelle dans ses uvres que l'artiste dont la reconnaissance sociale a évolué pour le conduire progressivement vers le statut de "grand homme" voire de "génie de l'humanité". Si certains noms se hissent au sommet du panthéon artistique occidental, c'est parce qu'ils ont su mieux que les autres exprimer leur propre émotivité - par une meilleure appréhensivité de notre humanité - en conférant à leurs uvres une dimension universelle dépassant le cadre formel et strict de leur époque dans lequel d'autres se sont embourbés, rendant leurs uvres incompréhensibles à nos sensibilités d'hommes et de femmes du 21ème siècle. Mon propos concerne l'art occidental, mais ne s'y limite pas ; de la même façon, vous pourrez retrouver cette universalité et être ému par un raga indien, un chant africain ou une mélodie chinoise venus de la nuit des temps. Ces musiques puisent, elles aussi, au fonds commun de notre humanité et engendrent, par le processus méditatif qu'elles enclenchent, les mêmes conséquences.
Si certains lecteurs, après la lecture de ce livre, se sentent attirés par la musique de JS Bach et qu'ils y découvrent des joies jusqu'alors insoupçonnées, alors, je serai un homme comblé, car j'aurais atteint mon objectif : faire partager ma passion. Puisse la Musique vous faire découvrir des territoires émotionnels inexplorés, éveiller au plus profond de votre être et de votre âme des sensations inconnues proches de l'extase, vous faire entrer dans une dimension unique et supérieure et surtout, vous rendre fier d'appartenir à notre Humanité dont vous êtes un maillon essentiel et unique.
Au-delà de JS Bach, je recommande, bien sûr, l'usage d'autres "drogues" musicales : Vivaldi, Lassus, Haendel, Beethoven, Mozart, Chopin, Schubert, Schumann, Verdi, Rachmaninov, Chostakovitch, Stravinski, Poulenc, Ravel, Debussy, Wagner et pour ceux que cela tente : Schoenberg, Varèse, Boulez, Ligeti, Kagel mais aussi Reich, Pärt ou Glass . Tous ces compositeurs représentent un monde d'une richesse infinie qui rentrera en résonance avec vos émotions les plus diverses et les plus intimes.
Bon voyage à tous et que Bach vous garde !
NB 1 : Ce livre devrait se lire en écoutant sa musique. Certains mots prendront alors une force, une réalité qui, sans elle, pourrait vous échapper. Si vous ne connaissez pas bien son uvre, commencez par le Magnificat et les Concertos Brandebourgeois ou ceux pour violon ou clavier, puis ensuite pénétrez dans le monde merveilleux de sa Messe en Si, de ses Passions et de ses Cantates. Au fur et à mesure que vous avancerez dans la lecture, vous verrez apparaître le nom d'uvres ; si vous le pouvez, écoutez-les à ce moment-là.
NB 2 : Certains des mots ou expressions utilisés sont ceux de notre époque et je n'ai pas systématiquement vérifié s'ils existaient à celle de notre cher Jean-Sébastien. Je prie les puristes ou les linguistes distingués de bien vouloir m'en excuser par avance, le principal étant que le mot colle à la pensée et soit juste.