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Marie Villaume

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Descriptif auteur

Marie Villaume est agrégée de lettres. Elle a enseigné de la maternelle à l'université, en France et dans le monde. Elle a travaillé sur l'éducation à l'altérité. En poste à Berlin, elle s'est intéressée à la vie d'Hildegarde de Bingen, une femme exceptionnelle, et a choisi d'écrire ses "mémoires infidèles".
cf. site www.dominiquegroux.com

Auteure de Mehr Licht! Lumière! Virginie Maure, L'Harmattan, 2003.

Structure professionnelle : 23, rue Gazan 75014 Paris

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Confessions d'Hildegarde

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Hildegarde de Bingen : une altérité scandaleuse?

LES ARTICLES DE L'AUTEUR

Confessions d'Hildegarde

Hildegarde de Bingen, mystique ou femme d'exception ?

VILLAUME Marie,Confessions d'Hildegarde, Éd. L'Harmattan, Paris, 2017. - 146 p.

Dans son Histoire de ma vie, George Sand raconte que lorsqu'elle était enfant, sa grand-mère pour lui faire apprendre l'histoire lui avait conseillé de prendre des notes et de faire des extraits qu'elle devait ensuite venir lui lire à la fin de la journée. George, à la place des résumés demandés, "obéissant à un besoin invincible d'art", s'amuse à donner à certains personnages "la couleur de sa pensée" et à leur inventer toute une vie : "j'avais le plaisir, écrit-elle, de sentir vivement, et de voir par les yeux de l'imagination tout ce passé qui se ranimait devant moi" (803). Sa grand-mère, fine et cultivée, s'était sûrement aperçue de cette évasion hors de la lettre du livre d'histoire, mais elle ne dit mot, tant elle se délectait des broderies imaginaires de sa petite fille. Nous pouvons, de la même façon, nous délecter de ces Confessions d'Hildegarde, issues de l'imagination littéraire de Marie Villaume.
Hildegarde de Bingen, écrit Alain Michel1, est considérée comme "une des plus admirables personnalités de la littérature et de la mystique allemandes du XIIe siècle". D'elle, nous possédons de nombreuses œuvres, textes issus de ses visions mystiques, poèmes, traités de médecine et d'usage des plantes médicinales, correspondance, œuvres musicales. Écrire sur elle des confessions, à la manière de Saint Augustin, c'est lui prêter une subjectivité et une vie intérieure qui nous la rend vivante et proche. Ainsi le récit nous tient-il en haleine, sa vie devient un véritable roman.
Marie Villaume commence la narration au moment de son départ du monastère de Disibodenberg. Elle y vivait depuis l'âge de huit ans, sa mère, en vue de son éducation, l'avait confiée à l'abbesse, à qui elle avait succédé après sa mort. Mais quelques années plus tard, voulant fonder son propre monastère, elle avait dû se battre avec l'abbé pour y parvenir. Alors que les moniales de Disibodenburg étaient sous la dépendance du monastère d'hommes, elle entend fonder un monastère de femmes indépendant : ce sera le monastère de Rupersberg, dominant la pittoresque ville de Bingen. Dans le premier chapitre, elle raconte son voyage, avec sa disciple aimée Richardis qu'à son tour elle avait été chargée par sa mère d'éduquer et avec le fidèle prêtre Volmar. Elle est aussi accompagnée des moniales qui ont choisi de la suivre. Dans un chapitre rétrospectif, elle raconte ses origines nobles et sa formation dans son premier couvent, ainsi que les visions qui l'ont visitée dès son plus jeune âge. Elles l'ont d'abord effrayée. Elle savait que certaines femmes visionnaires avaient été accusées d'être inspirées par le diable et brûlées comme sorcières. Par chance, son archevêque et surtout Bernard de Clairvaux, et ensuite le pape Eugène III reconnurent les siennes comme inspirées par Dieu et il lui fut ordonné de les écrire pour "servir l'humanité", ce qu'elle fit dans le Liber Scivias, aidée par Volmar, qui corrige son latin hésitant et par Richardis.
Puis elle raconte l'édification de son couvent de Rupersberg, pour lequel elle reçoit l'appui de puissants membres de l'aristocratie, ses parents : d'abord, comme il se doit, la construction de l'église puis celle du cloître et des cellules et l'aménagement du jardin pour la culture des simples, nécessaires à son exercice de la médecine. En même temps, elle écrit un traité sur la santé qu'elle intitule Causae et curae. En médecine sa renommée est grande, on viendra de loin pour la consulter, d'autant qu'elle soigne non seulement le corps, mais aussi l'esprit, par exemple chez Odilia, à qui elle fait découvrir que sa dépression vient de sa crainte de perdre l'amour de son mari. À la fin de sa vie encore, elle guérira Sophia, la possédée, devenue folle à cause de sa stérilité pour laquelle son mari la rejette. Hildegarde raconte aussi l'activité musicale qu'elle déploie, la composition d'un drame liturgique pour retrouver "l'Harmonie du monde". Elle parle enfin de ses lectures d'Augustin et de Plotin, dont elle discute avec Volmar et Richardis. Elle entretient aussi toute une correspondance avec le philosophe et médecin musulman de Cordoue, Averroès. En cette époque de croisades, elle défend l'idée qu'avec les musulmans mieux valent les débats que la guerre.
Elle relate la visite qu'elle a rendue, à son invitation, à l'empereur Frédéric Barberousse. Elle a été reçue somptueusement en son palais d'Ingelsheim et l'empereur l'a invitée à lui prédire sa destinée. Elle est saisie de visions où elle voit des images de combats sanglants, de guerres incessantes et où elle le voit emporté par un fleuve. Elle se contente de lui prédire qu'il sera un grand souverain et l'avertit de ne pas déclarer la guerre à la Papauté. Avec Volmar, qui l'accompagne, ils ont découvert un homme de culture s'intéressant à la traduction d'Aristote, aux travaux de l'abbé de Cluny Pierre le Vénérable et à ceux d'Abélard.
Hildegarde a établi pour son couvent une règle étonnamment peu stricte, sur les vêtements, sur la discipline, sur l'usage de la parole : ces règles, affirme-t-elle, "ne devaient pas annihiler le plaisir de vivre et de partager de bonnes choses". À maintes reprises, elle critique l'ascétisme et le mépris du corps, alors qu'il doit être exalté, étant création divine comme l'âme et étroitement lié à elle, de même qu'elle critique le mépris des hommes pour les femmes, contraire, affirme-t-elle, à la volonté divine qui les a créés égaux. Ces règles et ses opinions vont lui attirer de nombreuses critiques.
C'est ici que va se nouer le drame que racontent ses confessions. Son affection maternelle pour Richardis va peu à peu se transformer en une passion amoureuse très violente qui suscite de graves rumeurs dans le couvent et au-delà. Hildegarde tentera, en vain, de les parer en placardant dans le couvent une prière où elle rappelle la condamnation des "actes honteux". Mais cela ne suffira pas. Le frère de Richardis, archevêque de Brême, et sa mère, la Margravine de Stade, vont la contraindre à quitter le monastère pour devenir abbesse du monastère de Bassum en Saxe. Dans son désarroi, Hildegarde leur envoie d'habiles lettres afin qu'ils reviennent sur leur décision. Elle va même jusqu'à écrire au pape. Mais ces démarches resteront inutiles. Richardis doit partir. C'est un déchirement immense : "le monde s'effondre".
Six mois après son départ, le frère de Richardis lui apprend son décès. Elle lui écrit une très belle lettre où elle cite longuement Saint Augustin qui raconte les liens d'amitié qui captivaient son cœur et la "douleur qui l'enténébra" à la mort de son ami le plus cher.
Seul le travail la sauvera du désespoir et de la dépression. Pensant que les puissants comme le plus démunis ont besoin d'elle, elle leur prodigue ses conseils à travers une immense correspondance adressée aussi bien aux puissants qu'aux humbles. Elle se remet à écrire, elle projette un Livre des mérites. Elle se consacre au service des pauvres et des malades et surtout elle entreprend de dénoncer l'injustice et la corruption. Ses visions, qu'elle consigne dans le Livre des œuvres divines, lui montrent "l'état de décomposition avancée de l'Église". Elle y insiste sur la place de l'amour et la responsabilité de l'homme dans la création.Sans cesse elle répète que ce n'est pas elle, "pauvre petite figure féminine", qui parle, mais la voix divine ou la lumière vivante qui parlent à travers elle.
Elle sent que sa mission est aussi d'aller prêcher dans les églises, à Trêves, puis à Cologne. Toujours accompagnée de son fidèle Volmar, elle fait de nombreux autres voyages, de nombreux sermons, pour que l'Église soit moins corrompue et moins avide de richesses. Elle admoneste Frédéric Barberousse et lui enjoint de ne pas diviser l'Église. Elle a une longue correspondance avec Aliénor d'Aquitaine qu'elle admire.
Après la mort de Volmar, elle doit terminer seule, dans la peine, le Livre des œuvres divines. Et une nouvelle tempête secoue le monastère de Rupersberg. Hildegarde est accusée d'avoir autorisé l'inhumation dans le cimetière du couvent d'un chevalier excommunié. L'archevêque de Mayence frappe le monastère d'interdiction de célébrer la messe et de chanter des hymnes religieux. Hildegarde engage la bataille, plaidant sa cause, invoquant une vision qui lui a ordonné cette inhumation ; mais d'abord en vain. Il lui faudra demander l'appui de l'archevêque de Cologne pour faire cesser l'interdiction.
La vie d'Hildegarde de Bingen est passionnante. En faire le récit sous forme de confession la rend vivante, touchante et palpitante. Comme le montre David Noble2, Hildegarde participe de cette évolution historique, qui, conférant aux femmes de l'aristocratie richesse et puissance, leur ont donné les moyens de fonder des couvents et d'influer sur les autorités ecclésiastiques, voire politiques. Toutefois, elle se trouve prise dans le conflit qui oppose deux traditions du christianisme : d'un côté, celle qui, perpétuant la tradition monastique initiée au VIIIe siècle, retrouvait la promesse eschatologique du christianisme primitif d'une égalité des sexes et d'un compagnonnage intellectuel ; de l'autre, celle d'une misogynie affirmant l'infériorité des femmes, leurs affinités avec le mal et leur incapacité intellectuelle. En son siècle, la vie intellectuelle s'est déplacée dans les écoles cathédrales et les universités qui ont été réservées aux hommes et aux clercs, et qui ont exclu les femmes. Si Hildegarde appartient clairement à la première tradition, l'exclusion des femmes de la vie intellectuelle qui règne à son époque ne lui a pas permis de maîtriser vraiment la langue latine et de prendre une place dans la culture savante, philosophique et théologique. Elle ne lui laisse donc pas d'autre ressource, pour exercer une influence sur son siècle, que la mystique et la prophétie, tout comme plus tard à Catherine de Sienne et à Thérèse d'Avila. C'est son appartenance à la tradition eschatologique qui fait apparaître certains aspects de sa pensée comme étonnamment modernes. Toutefois, dans l'interprétation des textes, il n'est pas aisé de démêler ce qui tient à l'originalité authentique de sa parole de ce qui pourrait venir d'une projection de nos propres schèmes de pensée. On se demande parfois, en dehors des citations de ses propres écrits, si une subjectivité du XIIe siècle aurait pu, en disant "je", prononcer toutes les phrases qui lui sont attribuées. Mais on se laisse emporter quand l'imagination fait son œuvre.
Nicole Mosconi, professeure émérite en sciences de l'éducation à l'université Paris Ouest-Nanterre.

Signature :
Nicole Mosconi, Université Paris Ouest-Nanterre

Notes :
1. Alain Michel (ed.), Théologiens et mystiques, Paris, Gallimard, Folio classique, 1997.
2. David Noble, A World WithoutWomen. The Christian Clerical Culture of Western Science, New York, Alfred A. Knopf, 1992, p. 140-141.
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Confessions d'Hildegarde

Hildegarde de Bingen : une altérité scandaleuse?

Marie Villaume. Confessions d'Hildegarde. Paris: L'Harmattan, (Collection Mémoires infidèles), 2017. 146 pages.
ISBN: 978-2-343-12409-4, EAN: 9782343124094

Hildegarde de Bingen : une altérité scandaleuse?

Ce livre dessine un portrait peut-être inédit, en tout cas pour une partie des lecteurs francophones, d'une femme exceptionnelle, Hildegard von Bingen (1098-1179), religieuse née en Rhénanie-Palatinat et qui fut active dans de nombreux domaines. Elle fut non seulement abbesse bénédictine, mais aussi poétesse, écrivaine, philosophe, compositeur d'hymnes, mystique, visionnaire, médecin. En quelque sorte, elle fut également politicienne, car elle entretint une correspondance avec le pape Eugène III, l'Empereur Frédéric Barberousse, Aliénor d'Aquitaine et avec l'Impératrice d'Orient. Ses centaines de lettres s'adressèrent non seulement aux puissants de l'Eglise et du siècle, mais également aux petites gens, aux paysans, aux pauvres, ce qui témoigne de son immense amour pour l'humanité.
Dans le monde germanophone, Hildegarde a connu une énorme popularité à plusieurs niveaux, entre autres grâce à ses savoirs sur les propriétés thérapeutiques des herbes. Ses ouvrages musicaux et théologiques ne sont pas restés inconnus non plus.
L'ouvrage de Marie Villaume restitue cette figure de femme polyédrique en s'appuyant très librement sur la correspondance d'Hildegarde, sur ses nombreux ouvrages et sur ses confessions dont elle aborda l'écriture à l'âge de cinquante-deux ans.
Si dans une grande partie de la littérature sur Hildegarde, l'aspect mystique et visionnaire semble être dominant, dans le livre de Marie Villaume nous retrouvons toutes les facettes de cette personnalité de femme qui apparaît comme un être de chair. Un large espace est consacré à la description de l'amour d'Hildegarde pour sa jeune consoeur Richardis. La préoccupation d'Hildegarde de dénoncer la violence religieuse et le sectarisme ressort très clairement, se matérialisant dans le personnage, odieux pour elle, du moine Kuno.
Cette biographie littéraire se situe dans l'esprit de la collection "Mémoires infidèles" créée par Louis Porcher. Il s'agit d'une reconstruction historique fondée sur les écrits d'Hildegarde, sur d'autres sources anciennes et contemporaines et sur quelques ouvrages parus en langue allemande, mais aussi et surtout d'une élaboration littéraire choisissant, réunissant et mêlant quelques-uns de ces éléments. Comme l'écrit l'auteure dans le préambule : "Le reste (par rapport aux sources employées) est une construction littéraire à partir de la réalité historique". Ceci explique le style tout à fait contemporain de ces "Confessions" infidèles, rédigées à la première personne, style qui contribue au plaisir de faire connaissance avec la Sibylle du Rhin, ou d'en découvrir des côtés qui étaient restés cachés, censurés ou sous-estimés. L'homosexualité d'Hildegarde et l'utilisation qu'elle fait des visions divines pour éviter le bûcher à une époque où les femmes étaient facilement brûlées comme sorcières pourront déranger ceux qui en avaient fait une figure définitive de mystique.
En ce sens, cette création littéraire peut avoir un goût de scandale. Mais pourquoi ne pas accepter le parti-pris de l'auteur qui illustre le "Je est un autre" de Rimbaud ou la formule de Ricoeur "Soi-même comme un autre"?
La littérarisation fait que le texte nous fournit une lecture très personnelle, plus proche de l'imaginaire contemporain que de la reconstruction historique. Celle-ci serait d'ailleurs problématique en raison de la qualité fortement littéraire de ces Confessions et de l'époque dans laquelle Hildegarde a vécu, culturellement très éloignée de la nôtre.
Retenons que le lecteur ne se plaindra pas de la liberté prise par l'auteur pour ce portrait d'une femme extraordinaire mais aussi, tout simplement, humaine.

Cristina Allemann-Ghionda
Université de Köln

Signature :
Cristina Allemann-Ghionda, Université de Köln

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