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LES ARTICLES DE L'AUTEUR
Les relations entre les métropoles et les autres structures territoriales ou comment l'intercommunalité fragmentée conduit à une décentralisation morcelée
Quand l'intercommunalité bavarde, le citoyen ne lui prête plus qu'une oreille abstraite. L'intercommunalité, comme bien d'autres domaines du droit, est en perpétuelle mutation. Des réformes se succèdent, toujours plus inachevées les unes que les autres, et la déconsolidation des territoires est de plus en plus manifeste. L'erreur récurrente de ces dernières années vient du fait que les tentatives de clarification des compétences des collectivités territoriales et des EPCI se sont réalisées sans véritable réflexion d'ensemble sur le remodelage des structures, et surtout sans aucune visibilité.
Or, il est impossible de réformer les structures territoriales sans avoir une vision très précise des compétences dévolues à chaque catégorie de collectivité territoriale et d'EPCI. Pari difficile à tenir lorsqu'on sait que la clause générale de compétence, qui devait être réaménagée pour les régions et les départements avec la réforme du 16 décembre 2010, va s'imposer une nouvelle fois comme étant le principe même du fonctionnement des collectivités territoriales. La clarification est même un vu pieu s'agissant de l'intercommunalité puisque le principe de spécialité qui régit les intercommunalités est de plus en plus remis en cause, notamment au regard des dispositions ambigües utilisées par le législateur et des compétences éclectiques transférées aux établissements publics territoriaux.
L'impression première des dispositions législatives de ces vingt dernières années pourrait laisser penser qu'il existe une réelle distinction entre les intercommunalités à fiscalité propre et celles qui ne le sont pas. Il est d'ailleurs très fréquent d'établir une césure juridique entre les métropoles et les communautés d'une part et les syndicats d'autre part. Si on ne peut pas nier la différenciation fiscale et financière entre ces deux catégories d'intercommunalités, il faut tout de même se rendre à l'évidence du fait que les intercommunalités de projet d'agglomération ne peuvent pas être assimilées aux groupements de coopération techniques ou ruraux qui sont les parents-pauvres de l'intercommunalité, ce qui n'a pas empêché leur prolifération.
L'objectif de rationalisation de l'espace urbain se caractérise par l'institutionnalisation d'intercommunalités aux périmètres élargis et aux compétences étendues. La réforme territoriale adoptée le 16 décembre 2010 a permis la création d'une nouvelle catégorie de groupements intercommunaux, les métropoles, qui sont venues de superposer aux trois catégories déjà existantes d'établissements à fiscalité propre que sont les communautés urbaines, d'agglomération et de communes, ce qui n'est pas l'image même de la simplicité.
Cette construction d'une intercommunalité pyramidale permet de constater l'existence d'une hiérarchie dans les compétences dévolues aux intercommunalités d'agglomération : au sommet de cette hiérarchie se situent les métropoles, puis les communautés urbaines et enfin les communautés d'agglomération. Plus on se situe près du haut de la pyramide, plus les compétences sont intégrées, ce qui ne veut pas dire que la marge de manuvre laissée aux élus dans la détermination de compétences facultatives ou optionnelles soit moins importante. Seules les compétences obligatoires sont figées, à l'exception de celles qui nécessitent la définition d'un intérêt communautaire ou métropolitain.
La métropole, qualifiée à l'époque de sa création de "super-communauté urbaine", est un établissement public regroupant plusieurs communes, d'un seul tenant et sans enclave, qui s'associent au sein d'un espace de solidarité pour élaborer et conduire ensemble un projet d'aménagement et de développement économique, écologique, éducatif, culturel et social de leur territoire afin d'en améliorer la compétitivité et la cohésion.
Avant la réforme du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique et d'affirmation des métropoles, le seuil de création des métropoles était de 500 000 habitants et cette création s'effectuait sans limite de durée. Pour des raisons de cohérence, la métropole était substituée de plein droit aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre inclus en totalité dans son périmètre. Les communautés urbaines instituées par la loi du 31 décembre 1966 qui n'atteignaient pas le seuil de population précité pouvaient également se transformer en métropoles.
Dans l'actuelle loi d'affirmation des métropoles du 27 janvier 2014, ces dernières voient leurs objectifs fondamentaux renforcés puisqu'en plus des buts précédemment énoncés, elles doivent concourir à un développement durable et solidaire du territoire régional. Elles valorisent les fonctions économiques métropolitaines, ses réseaux de transport et ses ressources universitaires, de recherche et d'innovation, dans un esprit de coopération régionale et interrégionale et avec le souci d'un développement territorial équilibré.
Outre les trois créations d'office de métropoles (Grand Paris, Grand Lyon, Aix-Marseille) qui ont chacune un statut particulier (le législateur de 1966 avait au moins adopté un statut unique lorsqu'il avait créé d'office 4 communautés urbaines), seront transformés d'office, par décret, en métropoles, à compter du 1er janvier 2015, les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre qui forment, à la date de création de la métropole, un ensemble de plus de 400 000 habitants dans une aire urbaine de plus de 650 000 habitants. En conséquence, les métropoles de droit commun, qui seront créées d'office par décret, seront Toulouse, Lille, Bordeaux, Nantes, Strasbourg, Rennes, Rouen, Grenoble, Montpellier et Brest. A cette liste se rajoute la métropole de Nice, déjà créée par le décret du 17 octobre 2011.
Il sera également possible de créer des métropoles de droit commun par décret, sous un certain nombre de conditions.
Pourront accéder au statut de métropole de droit commun, sous des conditions de majorité qualifiées :
- les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre qui forment, à la date de leur création, un ensemble de plus de 400 000 habitants et dans le périmètre desquels se trouve le chef-lieu de région ;
- les autres établissements publics de coopération intercommunale, centres d'une zone d'emplois de plus de 400 000 habitants, au sens de l'Institut national de la statistique et des études économiques, et qui exercent déjà, au lieu et place des communes qui les composent, les compétences énumérées au I de l'article L. 5217-2, c'est-à-dire par la loi de 2010 lors de la création de la métropole. Le décret de création prend en compte pour l'accès au statut de métropole les fonctions de commandement stratégique de l'État et les fonctions métropolitaines effectivement exercées sur le territoire de l'établissement public de coopération intercommunale, ainsi que son rôle en matière d'équilibre du territoire national.
Si l'accès au statut de métropole est favorisé et encouragé, il va sans dire qu'il est possible d'émettre un jugement sévère, voire de l'agacement, en raison de la complexité qu'engendre cet absence de cadre général.
S'agissant des relations entre les métropoles et les autres structures territoriales, la métropolisation s'inscrit dans un contexte global particulier. Dans une première partie, seront développées les relations de nature bipolaire ou multipolaire entre les métropoles et les collectivités publiques (I) et on constatera que le législateur tend à renforcer les coopérations entre les intercommunalités d'une part, et les collectivités territoriales et l'Etat d'autre part, collaboration amorcée par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. Ces coopérations éparpillées entraînent une déconsolidation visible des territoires (II), avec comme conséquence une confusion renforcée dans les compétences exercées par les différents niveaux de collectivités. On va alors très nettement se rendre compte que la fragmentation des compétences des métropoles conduit inéluctablement à une décentralisation morcelée.
I/ Les relations bipolaires ou multipolaires avec les collectivités publiques
Depuis la loi du 13 août 2004, le législateur a pris position très clairement sur l'importance des groupements intercommunaux. Il précise que les communes et les groupements ont vocation à assurer, à égalité de droits avec les régions et les départements, les responsabilités qui sont exercées localement.
Ils sont associés à l'élaboration des plans ou des schémas établis par les régions ou les départements, et notamment aux contrats de projets Etat-région. A l'initiative de la région ou du département ou à leur demande, les groupements peuvent participer à l'exercice de tout ou partie des compétences relevant de la responsabilité de l'une ou l'autre de ces collectivités territoriales. On peut aisément constater d'emblée que le législateur ne fait pas de différences entre le contenu des compétences des groupements intercommunaux et celles des collectivités territoriales et on ne manquera pas de revenir ultérieurement sur ce constat.
Les métropoles constituant l'intercommunalité la plus fédérative, le législateur leur permet d'exercer une multitude compétences, à la place des autres collectivités publiques. Le lien naturel entre les métropoles et les communes est sensiblement renforcé mais il ne faut pas négliger la caractéristique originale des métropoles, c'est-à-dire le renforcement éventuel des relations multipolaires avec les autres collectivités territoriales et avec l'Etat.
A/ Le renforcement sensible du binôme naturel métropoles-communes
La loi du 16 décembre 2010 ne confère aucune véritable originalité aux compétences exercées par les métropoles, qualifiées de "super-communautés urbaines". Les compétences obligatoires transférées par les communes à la métropole sont quasiment identiques à celles transférées par les communes aux communautés urbaines ; quelques compétences supplémentaires non exercées de plein droit par les communautés urbaines ont toutefois été rajoutées par le législateur, par exemple la collecte des déchets ménagers et assimilés ou encore la constitution de plans de déplacements urbains. Par conséquent, la métropole exerce de plein droit des compétences en matière de développement et d'aménagement économique, social et culturel, d'aménagement de l'espace métropolitain, de politique locale de l'habitat, de politique de la ville, de gestion de services d'intérêt collectif, et enfin de protection, de mise en valeur de l'environnement et de politique du cadre de vie. Sa capacité d'agir n'est en rien supérieure à celle d'une communauté urbaine. C'est la raison pour laquelle, jusqu'à la réforme du 27 janvier 2014, à l'exception de Nice-Métropole, peu d'établissements pouvant obtenir ce statut s'étaient intéressés à cette nouvelle structure.
S'agissant plus particulièrement des compétences, dans la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique et d'affirmation des métropoles, on constate tout de même une évolution notable par rapport à la situation existante. Quelques compétences supplémentaires ont été rajoutées, telles que, sans être exhaustive, la participation à la gouvernance et à l'aménagement des gares situées sur le territoire métropolitain, l'organisation de la mobilité, l'aménagement, l'entretien et la gestion des aires d'accueil des gens du voyage ou encore la gestion des milieux aquatiques. A l'examen de ces compétences transférées, on est en mesure d'affirmer que les communes ne maîtrisent plus le processus métropolitain, contrairement à la nature même de l'intercommunalité qui exige au contraire un contrôle des communes sur l'établissement, et c'est la raison pour laquelle, afin de rassurer les maires, une conférence métropolitaine composée des maires des communes parties à la métropole a été instituée.
En outre, malgré les nombreuses critiques apportées à la notion d'intérêt communautaire pour les communautés urbaines, d'agglomération et de communes, le législateur conforte la notion d'intérêt métropolitain affirmée par le législateur en 2010 pour quelques compétences des métropoles. Soulignons cependant que les compétences pouvant être déclarées d'intérêt métropolitain sont moins nombreuses que celles énumérées par le législateur pour les communautés urbaines. Lorsque l'exercice des compétences est subordonné à la reconnaissance de leur intérêt métropolitain, celui-ci est déterminé à la majorité des deux tiers du conseil de la métropole. Pour éviter les conflits et inciter les conseillers à déterminer rapidement l'intérêt métropolitain, il est cependant prévu, par identité avec les trois communautés classiques à fiscalité propre, qu'il est défini au plus tard deux ans après l'entrée en vigueur du décret prononçant la création de la métropole. À défaut, la métropole exerce l'intégralité des compétences transférées.
Bien entendu, les critères à prendre en compte devront être les plus précis possible et le préfet, tout comme il le fait pour d'autres intercommunalités, aura la charge, dans l'exercice de son contrôle de légalité, de vérifier si les critères retenus correspondent bien à l'intérêt métropolitain, en tenant compte de la taille de l'établissement, de ses perspectives de développement et plus généralement des enjeux économiques et sociaux s'y rapportant.
Ce qui est plus intéressant, mais là aussi, il faut relever l'absence de particularité au profit des métropoles, ce sont les possibilités de mutualisation des services et des biens entre les métropoles et les communes initiées par la loi du 16 décembre 2010. L'efficacité et la rationalité de l'action publique plaident pour que les services fonctionnels des communes et de la métropole dont elles sont membres puissent devenir des services communs, qu'il s'agisse des ressources humaines, du service informatique, du service chargé de la passation des marchés, de services d'analyse ou de gestion financière. Le législateur officialise cette mutualisation de l'organisation des services, mise en uvre par le biais de conventions, qui pourra permettre de renforcer le sentiment d'appartenance des communes à l'intercommunalité, et donc à la métropole ; elle pourrait aussi encourager, à terme, de nouveaux transferts de compétences, voire la création d'une "commune nouvelle" en lieu et place des communes membres. Cette création de services communs peut concerner les rapports entre la métropole et une ou plusieurs communes, voire la totalité des communes concernées. Il s'agit avant tout de maîtriser davantage la dépense publique locale tout en optimisant l'organisation interne des services des structures territoriales.
La loi du 16 décembre 2010 a également conféré aux métropoles la faculté de mutualiser des biens à l'échelon intercommunal. La métropole peut acquérir du matériel destiné à servir aux besoins de ses communes membres, quand bien même elle ne serait dotée d'aucune compétence relative à l'acquisition du matériel. En réalité, l'intervention du groupement dans cette hypothèse doit permettre de réaliser des économies d'échelle et une optimisation de l'utilisation de certains matériels.
La loi d'affirmation des métropoles du 27 janvier 2014 n'apporte aucun élément sur ce point particulier de la mutualisation puisqu'il est prévu qu'un EPCI à fiscalité propre et une commune peuvent se doter de services communs qui peuvent être gérés par la commune choisie par l'assemblée délibérante. Il faut espérer que les instances nouvelles créees par le législateur, conférence métropolitaine et conseil de développement, proposeront des solutions de mutualisation qui sont absolument incontournables dans un contexte de crise financière.
B/ Le renforcement potentiel des relations multipolaires avec les autres collectivités publiques
Les relations multipolaires prennent la forme de compétences exercées de plein droit ou de manière facultative par les métropoles à la place des autres collectivités publiques dans le cadre de délégations.
Avant la réforme du 27 janvier 2014 et conformément à la loi du 16 décembre 2010, les métropoles pouvaient exercer des compétences de plein droit relevant des départements et des régions. En premier lieu, s'agissant des compétences exercées de plein droit par les métropoles à la place des départements, on y trouvait les transports scolaires, la gestion des routes classées dans le domaine public départemental, ainsi que leurs dépendances et accessoires, ainsi que celles relatives aux zones d'activités et à la promotion à l'étranger du territoire et de ses activités économiques. Dans un souci identique de renforcement des compétences des nouvelles métropoles, ces dernières exerçaient de plein droit un certain nombre de compétences régionales, notamment celles relatives à la promotion à l'étranger du territoire et de ses activités économiques, ce qui semblait contradictoire avec le rôle de "chef de file" en matière économique dévolu à la région par la loi du 13 août 2004.
Avec la loi d'affirmation des métropoles du 27 janvier 2014, toutes les compétences de plein droit qui avaient été instituées dans la loi du 16 décembre 2010 disparaissent. On est dans une situation de retour en arrière, où tout est suggéré et rien n'est imposé, ce qui est critiquable à une époque de renforcement de l'intercommunalité et où ce sont les compétences obligatoires qui fondent le creuset des intercommunalités de projet.
S'agissant des compétences facultatives, le schéma s'inverse. Les relations entre les métropoles d'une part, les départements, les régions et l'Etat d'autre part peuvent être renforcées si les partenaires le souhaitent. Ces compétences facultatives qui peuvent être exercées par les métropoles prennent la forme de conventions passées entre celles-ci et la collectivité publique qui accepte de se laisser déposséder d'une partie ou de toutes ses compétences.
Déjà, depuis la loi du 16 décembre 2010, les métropoles pouvaient exercer de nombreuses compétences facultatives relevant des départements et des régions. Cette délégation de compétences s'effectuait dans le cadre de conventions passées entre les différents partenaires. Les compétences départementales concernées étaient la construction, l'aménagement, l'entretien et le fonctionnement des collèges. A ce titre, la métropole pouvait s'occuper de l'accueil, de la restauration, de l'hébergement et de l'entretien général et technique, à l'exception des missions d'encadrement et de surveillance. Les cinq autres compétences départementales qui pouvaient être exercées en tout ou partie par la métropole étaient l'action sociale, le développement économique, le tourisme, la culture et le sport. Ensuite, de manière identique à ce que l'on vient de voir pour les départements, la métropole avait la possibilité de signer des conventions avec la région pour exercer certaines de ses compétences. Il s'agissait de celles relatives à la construction et à la gestion des lycées et de tout ou partie de la compétence économique. De son côté, l'Etat pouvait aussi déléguer aux métropoles qui le demandaient la propriété, l'aménagement, l'entretien et la gestion de grands équipements et infrastructures, à titre gratuit et sans frais pour la métropole, selon des modalités qui étaient déterminées par le biais d'une convention, après une autorisation de transfert décidée par décret.
La métropole pouvait enfin être associée à l'élaboration, la révision et la modification des schémas et documents de planification en matière d'aménagement, de transports et d'environnement dont la liste était fixée par décret en Conseil d'Etat et qui relevaient de la compétence de l'Etat, d'une collectivité territoriale ou de leurs établissements publics, lorsque ces schémas ou documents avaient une incidence ou un impact sur le territoire de la métropole.
Quelles sont les innovations de la loi du 27 janvier 2014 d'affirmation des métropoles en termes de compétences facultatives pouvant être exercées par les métropoles ?
A la demande de la métropole, l'Etat peut lui déléguer tout ou partie de ses compétences en matière de logement et d'habitat social. Cette délégation est régie par une convention conclue pour une durée de six ans, renouvelable. Elle peut être dénoncée par le représentant de l'État dans le département au terme d'un délai de trois ans lorsque les résultats de son exécution sont insuffisants au regard des objectifs définis par la convention. Ne voit-on pas apparaître dans ces dispositions le retour de l'Etat et le renforcement du pouvoir discrétionnaire du préfet ? Les modalités de cette convention sont précisées par décret en Conseil d'État. La convention peut également être dénoncée par la métropole si cette dernière considère que les moyens délégués par l'État ne lui permettent pas de remplir les objectifs définis par la convention.
Par convention passée avec le département, à la demande de celui-ci ou de la métropole, la métropole exerce à l'intérieur de son périmètre, en lieu et place du département, tout ou partie des compétences en matière de logement, d'aide et d'action sociale, de gestion des routes départementales, de zones d'activités et promotion à l'étranger du territoire et de ses activités économiques ou toute autre compétence départementale. Notons une particularité concernant la gestion des routes classées dans le domaine public départemental. A défaut de convention entre le département et la métropole à la date du 1er janvier 2017, la compétence est transférée de plein droit à la métropole.
En outre, par convention passée avec la région, à la demande de celle-ci ou de la métropole, la métropole exerce des compétences régionales.
Soulignons qu'il n'y a là aucune originalité, la métropole n'occupe pas une place privilégiée car les autres intercommunalités peuvent également se voir déléguer une grande variété de compétences facultatives de la loi du 13 août 2004.
La formule métropolitaine devient totalement souple dans les relations avec les départements et les régions, ce qui peut convenir aux élus mais il y a fort à parier que les compétences facultatives resteront exceptionnelles. Il est fort probable que régions et département ne se laisseront pas déposséder de leurs compétences au profit de la métropole.
II/ La déconsolidation visible des territoires
L'intercommunalité s'avère particulièrement fragmentée et il est loisible de s'interroger sur la multiplication de ces statuts particuliers. Le droit changeant et souple de l'outre-mer ne s'applique t-il pas à l'intercommunalité métropolitaine? A chaque métropole correspondra bientôt un statut particulier. Le législateur a commencé par instituer des statuts spécifiques pour les métropoles de Paris, Lyon et Marseille mais on peut présumer que d'autres statuts spécifiques suivront dans les années à venir.
Le législateur s'attache, de manière très accentuée, à la prise en compte de la diversité territoriale, ce qui conduit à faire perdurer et même à accentuer l'enchevêtrement des compétences, si bien que la clarification tant espérée des compétences locales devient un vu pieux.
A/ La prise en compte de la diversité territoriale
La prise en compte de la diversité territoriale laisse la voie libre à un certain nombre d'évolutions. Les structures éclectiques et les régimes juridiques diversifiés conduisent à un éclatement de la notion d'EPCI. Bien entendu, rien n'interdit au législateur d'autoriser des discriminations territoriales si elles concourent à l'intérêt général. De plus, le principe de libre administration ne s'impose pas aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, pourtant uniquement composés de communes. Certes, l'unité catégorielle peut entraîner la prise en compte de la diversité mais jusqu'où peut aller cette prise en compte des particularités intercommunales ?
Ce qui est particulièrement contestable, c'est que cette prise en compte de la diversité peut être préjudiciable aux individus. Le principe est que tout individu a le droit d'obtenir de la loi les mêmes garanties sans aucune discrimination tenant à sa situation géographique. Il doit y avoir un socle de principes communs qui s'imposent en droit de la décentralisation. Le Pr Bertrand Faure, dans son manuel de droit des collectivités territoriales, souligne que l'égalité face à la règle ne devrait pas être écartée par des inégalités dans l'application de la règle. Or, l'évolution des dispositions normatives démontrent aujourd'hui que l'on ne situe plus du tout dans une égalité face à la règle s'agissant de l'intercommunalité. Quelles sont les conséquences sur le principe d'égalité des citoyens devant la loi ?
La prise en compte de la diversité territoriale, si elle se conçoit pour des mesures d'adaptation, ne doit pas entraîner des statuts trop différenciés, tels ceux que l'on constate aujourd'hui pour les métropoles à statut particulier. Si l'on prend l'exemple des métropoles d'Aix-Marseille et du Grand Lyon, la première est créée sous la forme d'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, la seconde est une collectivité territoriale à statut particulier, dotée de la clause générale de compétence.
Par conséquent, la diversité territoriale à laquelle on assiste et qui a débuté avec le Grand Lyon, permettra peut-être d'autres évolutions institutionnelles vers le statut de collectivité territoriale à statut particulier.
De plus, la métropole pourra aussi se transformer en "commune nouvelle". Depuis la loi du 16 décembre 2010, il est possible à tout moment, pour la métropole de droit commun, de se transformer en collectivité territoriale, et plus précisément en une "commune nouvelle", ce qui lui permettra de bénéficier de la clause générale de compétence.
Mais le législateur a veillé à prévenir tout risque de fusion autoritaire. Si la demande provient de l'organe délibérant de l'établissement ou du préfet de département, la création d'une telle "commune" ne peut être envisagée qu'avec l'accord des deux tiers au moins des conseils municipaux des communes membres de la métropole, représentant plus des deux tiers de la population totale de celles-ci. Les personnes inscrites sur les listes électorales devront être consultées lorsque la demande ne fait pas l'objet de délibérations concordantes des conseils municipaux de toutes les communes concernées.
La loi permet de conserver au sein de la commune nouvelle une représentation institutionnelle des anciennes communes sous le nom de "communes déléguées". Les communes déléguées disposent d'un maire délégué et d'une annexe de la mairie. Le maire délégué bénéficie des mêmes prérogatives que celles d'un maire d'arrondissement à Paris, Lyon et Marseille. La réforme ne va cependant pas jusqu'au bout de sa logique puisque les communes membres de l'ancienne métropole transformée n'ont pas entièrement disparu. Toutefois, le conseil municipal de la commune nouvelle peut tout de même décider de supprimer les communes déléguées dans un délai qu'il détermine.
Même si on peut noter une certaine forme de prudence politique dans l'ensemble des dispositions législatives, il faut relever l'impossible simplification et la difficile articulation des compétences entre les communes déléguées et la commune nouvelle qui pourrait résulter de la transformation de la métropole, facilitant de ce fait les luttes d'influences. La démarche simplificatrice aurait consisté à supprimer les communes intégrées dans la commune nouvelle mais il est concevable, dans le cas de périmètres importants tels celui sur lequel se situent les métropoles, de conserver une identité communale, dans un souci de préserver les relations de proximité entre les citoyens et la commune de base. Il s'agit d'une déconcentration de l'administration municipale dont la finalité consiste à favoriser les services rendus aux citoyens dans le cadre d'une gestion locale de proximité. La création de communes nouvelles se justifie essentiellement pour les grandes intercommunalités, dont font partie les métropoles.
On vient de le constater, la prise en charge de la diversité territoriale métropolitaine ne peut que renforcer l'enchevêtrement des compétences locales.
B/ L'impossible clarification des compétences locales
L'absence de clarification des compétences métropolitaines engendre des répercussions sur l'ensemble des compétences des structures territoriales, d'où l'idée selon laquelle la fragmentation des compétences métropolitaines rejaillit sur les autres compétences publiques, si bien qu'il est possible d'affirmer que l'intercommunalité fragmentée conduit à une décentralisation morcelée.
A la lecture de la loi d'affirmation des métropoles, on s'aperçoit que toutes les compétences dévolues aux métropoles ne sont pas sur un même pied d'égalité et l'institution de compétences métropolitaines "à la carte" nous laisse perplexe.
En effet, les compétences dévolues aux métropoles de droit commun font l'objet de délégations de compétences de la part des collectivités territoriales. Il en résulte, compte tenu de la nature juridique de la délégation, de réelles incertitudes sur la conduite des politiques métropolitaines. La délégation n'est jamais définitive et en vertu de la règle du parallélisme des formes et des procédures, la collectivité délégante peut à tout moment reprendre la délégation, pour quelque raison que ce soit, y compris pour des motifs politiques. Pour ces raisons, la métropole va difficilement pouvoir engager de mener des politiques territoriales sur le moyen et le long terme, contrevenant ainsi à l'objectif de leur création qui est celui de mettre en place un véritable projet de territoire.
Il est très probable que les futures dispositions législatives empreintes de souplesse restent sans effectivité puisqu'aucune contrainte réelle n'est imposée et que tout dépend du bon vouloir des élus métropolitains mais aussi régionaux et départementaux, ainsi que des représentants étatiques.
Inversement, s'agissant des trois métropoles à statut particulier dans les agglomérations de Paris, Lyon et Marseille, il importe de s'interroger sur l'éventualité d'un accroissement futur de la concurrence entre ces métropoles et les collectivités territoriales satellites. La compétition entre ces catégories d'acteurs territoriaux ne risque t-elle pas de s'accentuer en fonction des compétences plus ou moins tentaculaires transférées à ces nouvelles catégories de métropoles ?
Toutes les mesures qui seront adoptées pourront conduire à une réelle déconsolidation de l'équilibre territorial des pouvoirs, avec comme conséquence une confusion renforcée dans les compétences exercées par les différents niveaux de collectivités, ce qui va à l'encontre de l'objectif recherché.
Cette démonstration est renforcée par l'attribution de la qualité de "chefs de file" aux intercommunalités.
La métropole est chargée d'organiser, en qualité de chef de file, les modalités de l'action commune des collectivités territoriales et de leurs établissements publics pour l'exercice des compétences relatives à la mobilité durable, à l'organisation des services publics de proximité, à l'aménagement de l'espace, ainsi qu'au développement local. Qu'est-ce que le développement local ? Et comment va t-on déterminer la frontière entre le développement local, pour lequel les métropoles ont la qualité de chef de file et le développement économique, qui est le domaine réservé des régions en tant que collectivités chefs de file ? Pour apaiser les craintes des élus concernés, il est prévu que les modalités de l'action commune des collectivités territoriales et de leurs groupements pour l'exercice des compétences précitées sont débattues dans le cadre de la conférence territoriale de l'action publique, instance nouvelle instituée au niveau régional.
Si la notion de "chef de file" pourrait apparaître comme un instrument d'ordre et de cohérence, permettant à une collectivité d'organiser les modalités d'exercice d'une compétence partagée entre plusieurs niveaux, il faut cependant se méfier de la qualité de "chef de file" puisque celle attribuée à la région en matière de développement économique est loin d'être satisfaisante. Ce constat est sans doute dû au fait que cette notion recèle bien des ambiguïtés. Si l'objectif du législateur est de faire jouer à la collectivité "chef de file" un rôle de coordonnateur, l'assemblée délibérante de la collectivité concernée ne peut pas pour autant contrôler les interventions des autres structures territoriales, ce qui serait contraire au principe d'absence de tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre, qui a été par ailleurs proclamé à l'article 72 alinéa 5 de la Constitution.
Depuis longtemps, le juge, tant constitutionnel qu'administratif, sanctionne les atteintes au principe d'absence de tutelle puisque sa violation méconnaît le principe de libre administration des collectivités territoriales. Ainsi, le juge constitutionnel a t-il confirmé l'interdiction de la tutelle d'un établissement public sur une collectivité territoriale. Il a également utilisé l'expression de "compétences propres" en réaffirmant l'interdiction de la tutelle entre collectivités territoriales.
L'absence de tutelle favorise le développement de la compétition entre collectivités publiques mais dans certains domaines comme en matière économique, cette concurrence non contrôlée s'avère généralement inefficace et inopportune. On comprend alors pourquoi la solution contractuelle, qui favorise les consensus, a toujours été privilégiée par le législateur. Toutefois, cette voie de la concertation qui est favorisée dans les relations entre collectivités territoriales dépend fortement des rapports de force locaux, qui sont par nature instables et fondés sur des considérations politiques.
A la lecture de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique et d'affirmation des métropoles, de nombreuses questions restent encore en suspens. Tout d'abord, qu'adviendra t-il des pôles métropolitains dont une partie de la doctrine considérait qu'ils connaîtraient un bel avenir, en tant que structures stratégiques de réflexion et d'impulsion à l'adoption de mesures cohérentes afin de renforcer la compétitivité de territoires élargis et pertinents ? A quel moment ensuite le problème général du "mille-feuille" français sera résolu ? Quand le législateur se décidera t-il à fusionner certaines collectivités, ou à en supprimer ? Enfin, notons que les territoires ruraux sont pour le moment les grands oubliés de la réforme intercommunale, même s'ils pourront constituer des pôles d'équilibre territoriaux et ruraux. Ils ne peuvent rester à l'écart de la compétitivité entre les territoires et la France ne se résume pas à l'intercommunalité d'agglomération.
Notes :
1. Loi n° 2010-1553 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, JORF 17 décembre 2010, p.22146.
Ce terme n'est pas péjoratif.
M. Degoffe, "La rationalisation des périmètres des E.P.C.I.", AJDA, 2007, p. 1860.
N. Portier, La coopération intercommunale dans la réforme des collectivités, AJDA 2011, p 80.
Loi n° 2014-58 de modernisation de l'action publique et d'affirmation des métropoles dite loi "MAPAM" du 27 janvier 2014, JORF 28/1/2014, p. 1562.
Décret du 17 octobre 2011 portant création de la métropole dénommée "Métropole Nice Côte d'Azur", JORF, 18 octobre 2011, p. 17548.
Selon le Conseil constitutionnel, les différences de traitement dans les conditions d'accès au statut de métropole sont en lien direct avec les objectifs poursuivis par le législateur ; qu'il n'en résulte pas de rupture caractérisée de l'égalité devant la loi. Voir décision n° 2013-687 DC du 23 janvier 2014 relative à la loi de modernisation de l'action publique et d'affirmation des métropoles, JORF 28/1/2014, p. 1622
Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, JORF n°190 du 17 août 2004 page 14545.
Op.cit., note n°6.
TA Nice, 7 avril 2006, Commune de Saint Jean Cap Ferrat, AJDA 2006, p. 1331.
Les trois métropoles à statut particulier, Paris, Lyon et Aix-Marseille ne sont pas concernées par cette régression.
Bertrand Faure, Droit des collectivités territoriales, Précis Dalloz, 1ère ed., 2009, p. 65.
J.-F. Brisson, "La loi du 16 décembre 2010 portant réforme territoriale ou le droit des collectivités territoriales en miettes", Droit administratif, 2011, Etude 5.
N. Dantonel-Cor, Les paradoxes de la compétence économique locale, JCP Administration et collectivités territoriales, 2 novembre 2010, p. 23.
Décision n° 83-168 DC du 19-20 janvier 1984 relative au statut de la fonction publique territoriale, Rec. P 38 ; Décision du Conseil constitutionnel n° 2001-454 DC du 17 janvier 2002, JO 23 janvier 2002, p. 1526.
Décision n° 2001-454 DC du 17 janvier 2002, supra.
Le projet de loi du 18 juin 2014 portant nouvelle organisation territoriale de la République en cours de discussion au Parlement apportera peut-être des réponses aux questions posées.
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Or, il est impossible de réformer les structures territoriales sans avoir une vision très précise des compétences dévolues à chaque catégorie de collectivité territoriale et d'EPCI. Pari difficile à tenir lorsqu'on sait que la clause générale de compétence, qui devait être réaménagée pour les régions et les départements avec la réforme du 16 décembre 2010, va s'imposer une nouvelle fois comme étant le principe même du fonctionnement des collectivités territoriales. La clarification est même un vu pieu s'agissant de l'intercommunalité puisque le principe de spécialité qui régit les intercommunalités est de plus en plus remis en cause, notamment au regard des dispositions ambigües utilisées par le législateur et des compétences éclectiques transférées aux établissements publics territoriaux.
L'impression première des dispositions législatives de ces vingt dernières années pourrait laisser penser qu'il existe une réelle distinction entre les intercommunalités à fiscalité propre et celles qui ne le sont pas. Il est d'ailleurs très fréquent d'établir une césure juridique entre les métropoles et les communautés d'une part et les syndicats d'autre part. Si on ne peut pas nier la différenciation fiscale et financière entre ces deux catégories d'intercommunalités, il faut tout de même se rendre à l'évidence du fait que les intercommunalités de projet d'agglomération ne peuvent pas être assimilées aux groupements de coopération techniques ou ruraux qui sont les parents-pauvres de l'intercommunalité, ce qui n'a pas empêché leur prolifération.
L'objectif de rationalisation de l'espace urbain se caractérise par l'institutionnalisation d'intercommunalités aux périmètres élargis et aux compétences étendues. La réforme territoriale adoptée le 16 décembre 2010 a permis la création d'une nouvelle catégorie de groupements intercommunaux, les métropoles, qui sont venues de superposer aux trois catégories déjà existantes d'établissements à fiscalité propre que sont les communautés urbaines, d'agglomération et de communes, ce qui n'est pas l'image même de la simplicité.
Cette construction d'une intercommunalité pyramidale permet de constater l'existence d'une hiérarchie dans les compétences dévolues aux intercommunalités d'agglomération : au sommet de cette hiérarchie se situent les métropoles, puis les communautés urbaines et enfin les communautés d'agglomération. Plus on se situe près du haut de la pyramide, plus les compétences sont intégrées, ce qui ne veut pas dire que la marge de manuvre laissée aux élus dans la détermination de compétences facultatives ou optionnelles soit moins importante. Seules les compétences obligatoires sont figées, à l'exception de celles qui nécessitent la définition d'un intérêt communautaire ou métropolitain.
La métropole, qualifiée à l'époque de sa création de "super-communauté urbaine", est un établissement public regroupant plusieurs communes, d'un seul tenant et sans enclave, qui s'associent au sein d'un espace de solidarité pour élaborer et conduire ensemble un projet d'aménagement et de développement économique, écologique, éducatif, culturel et social de leur territoire afin d'en améliorer la compétitivité et la cohésion.
Avant la réforme du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique et d'affirmation des métropoles, le seuil de création des métropoles était de 500 000 habitants et cette création s'effectuait sans limite de durée. Pour des raisons de cohérence, la métropole était substituée de plein droit aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre inclus en totalité dans son périmètre. Les communautés urbaines instituées par la loi du 31 décembre 1966 qui n'atteignaient pas le seuil de population précité pouvaient également se transformer en métropoles.
Dans l'actuelle loi d'affirmation des métropoles du 27 janvier 2014, ces dernières voient leurs objectifs fondamentaux renforcés puisqu'en plus des buts précédemment énoncés, elles doivent concourir à un développement durable et solidaire du territoire régional. Elles valorisent les fonctions économiques métropolitaines, ses réseaux de transport et ses ressources universitaires, de recherche et d'innovation, dans un esprit de coopération régionale et interrégionale et avec le souci d'un développement territorial équilibré.
Outre les trois créations d'office de métropoles (Grand Paris, Grand Lyon, Aix-Marseille) qui ont chacune un statut particulier (le législateur de 1966 avait au moins adopté un statut unique lorsqu'il avait créé d'office 4 communautés urbaines), seront transformés d'office, par décret, en métropoles, à compter du 1er janvier 2015, les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre qui forment, à la date de création de la métropole, un ensemble de plus de 400 000 habitants dans une aire urbaine de plus de 650 000 habitants. En conséquence, les métropoles de droit commun, qui seront créées d'office par décret, seront Toulouse, Lille, Bordeaux, Nantes, Strasbourg, Rennes, Rouen, Grenoble, Montpellier et Brest. A cette liste se rajoute la métropole de Nice, déjà créée par le décret du 17 octobre 2011.
Il sera également possible de créer des métropoles de droit commun par décret, sous un certain nombre de conditions.
Pourront accéder au statut de métropole de droit commun, sous des conditions de majorité qualifiées :
- les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre qui forment, à la date de leur création, un ensemble de plus de 400 000 habitants et dans le périmètre desquels se trouve le chef-lieu de région ;
- les autres établissements publics de coopération intercommunale, centres d'une zone d'emplois de plus de 400 000 habitants, au sens de l'Institut national de la statistique et des études économiques, et qui exercent déjà, au lieu et place des communes qui les composent, les compétences énumérées au I de l'article L. 5217-2, c'est-à-dire par la loi de 2010 lors de la création de la métropole. Le décret de création prend en compte pour l'accès au statut de métropole les fonctions de commandement stratégique de l'État et les fonctions métropolitaines effectivement exercées sur le territoire de l'établissement public de coopération intercommunale, ainsi que son rôle en matière d'équilibre du territoire national.
Si l'accès au statut de métropole est favorisé et encouragé, il va sans dire qu'il est possible d'émettre un jugement sévère, voire de l'agacement, en raison de la complexité qu'engendre cet absence de cadre général.
S'agissant des relations entre les métropoles et les autres structures territoriales, la métropolisation s'inscrit dans un contexte global particulier. Dans une première partie, seront développées les relations de nature bipolaire ou multipolaire entre les métropoles et les collectivités publiques (I) et on constatera que le législateur tend à renforcer les coopérations entre les intercommunalités d'une part, et les collectivités territoriales et l'Etat d'autre part, collaboration amorcée par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. Ces coopérations éparpillées entraînent une déconsolidation visible des territoires (II), avec comme conséquence une confusion renforcée dans les compétences exercées par les différents niveaux de collectivités. On va alors très nettement se rendre compte que la fragmentation des compétences des métropoles conduit inéluctablement à une décentralisation morcelée.
I/ Les relations bipolaires ou multipolaires avec les collectivités publiques
Depuis la loi du 13 août 2004, le législateur a pris position très clairement sur l'importance des groupements intercommunaux. Il précise que les communes et les groupements ont vocation à assurer, à égalité de droits avec les régions et les départements, les responsabilités qui sont exercées localement.
Ils sont associés à l'élaboration des plans ou des schémas établis par les régions ou les départements, et notamment aux contrats de projets Etat-région. A l'initiative de la région ou du département ou à leur demande, les groupements peuvent participer à l'exercice de tout ou partie des compétences relevant de la responsabilité de l'une ou l'autre de ces collectivités territoriales. On peut aisément constater d'emblée que le législateur ne fait pas de différences entre le contenu des compétences des groupements intercommunaux et celles des collectivités territoriales et on ne manquera pas de revenir ultérieurement sur ce constat.
Les métropoles constituant l'intercommunalité la plus fédérative, le législateur leur permet d'exercer une multitude compétences, à la place des autres collectivités publiques. Le lien naturel entre les métropoles et les communes est sensiblement renforcé mais il ne faut pas négliger la caractéristique originale des métropoles, c'est-à-dire le renforcement éventuel des relations multipolaires avec les autres collectivités territoriales et avec l'Etat.
A/ Le renforcement sensible du binôme naturel métropoles-communes
La loi du 16 décembre 2010 ne confère aucune véritable originalité aux compétences exercées par les métropoles, qualifiées de "super-communautés urbaines". Les compétences obligatoires transférées par les communes à la métropole sont quasiment identiques à celles transférées par les communes aux communautés urbaines ; quelques compétences supplémentaires non exercées de plein droit par les communautés urbaines ont toutefois été rajoutées par le législateur, par exemple la collecte des déchets ménagers et assimilés ou encore la constitution de plans de déplacements urbains. Par conséquent, la métropole exerce de plein droit des compétences en matière de développement et d'aménagement économique, social et culturel, d'aménagement de l'espace métropolitain, de politique locale de l'habitat, de politique de la ville, de gestion de services d'intérêt collectif, et enfin de protection, de mise en valeur de l'environnement et de politique du cadre de vie. Sa capacité d'agir n'est en rien supérieure à celle d'une communauté urbaine. C'est la raison pour laquelle, jusqu'à la réforme du 27 janvier 2014, à l'exception de Nice-Métropole, peu d'établissements pouvant obtenir ce statut s'étaient intéressés à cette nouvelle structure.
S'agissant plus particulièrement des compétences, dans la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique et d'affirmation des métropoles, on constate tout de même une évolution notable par rapport à la situation existante. Quelques compétences supplémentaires ont été rajoutées, telles que, sans être exhaustive, la participation à la gouvernance et à l'aménagement des gares situées sur le territoire métropolitain, l'organisation de la mobilité, l'aménagement, l'entretien et la gestion des aires d'accueil des gens du voyage ou encore la gestion des milieux aquatiques. A l'examen de ces compétences transférées, on est en mesure d'affirmer que les communes ne maîtrisent plus le processus métropolitain, contrairement à la nature même de l'intercommunalité qui exige au contraire un contrôle des communes sur l'établissement, et c'est la raison pour laquelle, afin de rassurer les maires, une conférence métropolitaine composée des maires des communes parties à la métropole a été instituée.
En outre, malgré les nombreuses critiques apportées à la notion d'intérêt communautaire pour les communautés urbaines, d'agglomération et de communes, le législateur conforte la notion d'intérêt métropolitain affirmée par le législateur en 2010 pour quelques compétences des métropoles. Soulignons cependant que les compétences pouvant être déclarées d'intérêt métropolitain sont moins nombreuses que celles énumérées par le législateur pour les communautés urbaines. Lorsque l'exercice des compétences est subordonné à la reconnaissance de leur intérêt métropolitain, celui-ci est déterminé à la majorité des deux tiers du conseil de la métropole. Pour éviter les conflits et inciter les conseillers à déterminer rapidement l'intérêt métropolitain, il est cependant prévu, par identité avec les trois communautés classiques à fiscalité propre, qu'il est défini au plus tard deux ans après l'entrée en vigueur du décret prononçant la création de la métropole. À défaut, la métropole exerce l'intégralité des compétences transférées.
Bien entendu, les critères à prendre en compte devront être les plus précis possible et le préfet, tout comme il le fait pour d'autres intercommunalités, aura la charge, dans l'exercice de son contrôle de légalité, de vérifier si les critères retenus correspondent bien à l'intérêt métropolitain, en tenant compte de la taille de l'établissement, de ses perspectives de développement et plus généralement des enjeux économiques et sociaux s'y rapportant.
Ce qui est plus intéressant, mais là aussi, il faut relever l'absence de particularité au profit des métropoles, ce sont les possibilités de mutualisation des services et des biens entre les métropoles et les communes initiées par la loi du 16 décembre 2010. L'efficacité et la rationalité de l'action publique plaident pour que les services fonctionnels des communes et de la métropole dont elles sont membres puissent devenir des services communs, qu'il s'agisse des ressources humaines, du service informatique, du service chargé de la passation des marchés, de services d'analyse ou de gestion financière. Le législateur officialise cette mutualisation de l'organisation des services, mise en uvre par le biais de conventions, qui pourra permettre de renforcer le sentiment d'appartenance des communes à l'intercommunalité, et donc à la métropole ; elle pourrait aussi encourager, à terme, de nouveaux transferts de compétences, voire la création d'une "commune nouvelle" en lieu et place des communes membres. Cette création de services communs peut concerner les rapports entre la métropole et une ou plusieurs communes, voire la totalité des communes concernées. Il s'agit avant tout de maîtriser davantage la dépense publique locale tout en optimisant l'organisation interne des services des structures territoriales.
La loi du 16 décembre 2010 a également conféré aux métropoles la faculté de mutualiser des biens à l'échelon intercommunal. La métropole peut acquérir du matériel destiné à servir aux besoins de ses communes membres, quand bien même elle ne serait dotée d'aucune compétence relative à l'acquisition du matériel. En réalité, l'intervention du groupement dans cette hypothèse doit permettre de réaliser des économies d'échelle et une optimisation de l'utilisation de certains matériels.
La loi d'affirmation des métropoles du 27 janvier 2014 n'apporte aucun élément sur ce point particulier de la mutualisation puisqu'il est prévu qu'un EPCI à fiscalité propre et une commune peuvent se doter de services communs qui peuvent être gérés par la commune choisie par l'assemblée délibérante. Il faut espérer que les instances nouvelles créees par le législateur, conférence métropolitaine et conseil de développement, proposeront des solutions de mutualisation qui sont absolument incontournables dans un contexte de crise financière.
B/ Le renforcement potentiel des relations multipolaires avec les autres collectivités publiques
Les relations multipolaires prennent la forme de compétences exercées de plein droit ou de manière facultative par les métropoles à la place des autres collectivités publiques dans le cadre de délégations.
Avant la réforme du 27 janvier 2014 et conformément à la loi du 16 décembre 2010, les métropoles pouvaient exercer des compétences de plein droit relevant des départements et des régions. En premier lieu, s'agissant des compétences exercées de plein droit par les métropoles à la place des départements, on y trouvait les transports scolaires, la gestion des routes classées dans le domaine public départemental, ainsi que leurs dépendances et accessoires, ainsi que celles relatives aux zones d'activités et à la promotion à l'étranger du territoire et de ses activités économiques. Dans un souci identique de renforcement des compétences des nouvelles métropoles, ces dernières exerçaient de plein droit un certain nombre de compétences régionales, notamment celles relatives à la promotion à l'étranger du territoire et de ses activités économiques, ce qui semblait contradictoire avec le rôle de "chef de file" en matière économique dévolu à la région par la loi du 13 août 2004.
Avec la loi d'affirmation des métropoles du 27 janvier 2014, toutes les compétences de plein droit qui avaient été instituées dans la loi du 16 décembre 2010 disparaissent. On est dans une situation de retour en arrière, où tout est suggéré et rien n'est imposé, ce qui est critiquable à une époque de renforcement de l'intercommunalité et où ce sont les compétences obligatoires qui fondent le creuset des intercommunalités de projet.
S'agissant des compétences facultatives, le schéma s'inverse. Les relations entre les métropoles d'une part, les départements, les régions et l'Etat d'autre part peuvent être renforcées si les partenaires le souhaitent. Ces compétences facultatives qui peuvent être exercées par les métropoles prennent la forme de conventions passées entre celles-ci et la collectivité publique qui accepte de se laisser déposséder d'une partie ou de toutes ses compétences.
Déjà, depuis la loi du 16 décembre 2010, les métropoles pouvaient exercer de nombreuses compétences facultatives relevant des départements et des régions. Cette délégation de compétences s'effectuait dans le cadre de conventions passées entre les différents partenaires. Les compétences départementales concernées étaient la construction, l'aménagement, l'entretien et le fonctionnement des collèges. A ce titre, la métropole pouvait s'occuper de l'accueil, de la restauration, de l'hébergement et de l'entretien général et technique, à l'exception des missions d'encadrement et de surveillance. Les cinq autres compétences départementales qui pouvaient être exercées en tout ou partie par la métropole étaient l'action sociale, le développement économique, le tourisme, la culture et le sport. Ensuite, de manière identique à ce que l'on vient de voir pour les départements, la métropole avait la possibilité de signer des conventions avec la région pour exercer certaines de ses compétences. Il s'agissait de celles relatives à la construction et à la gestion des lycées et de tout ou partie de la compétence économique. De son côté, l'Etat pouvait aussi déléguer aux métropoles qui le demandaient la propriété, l'aménagement, l'entretien et la gestion de grands équipements et infrastructures, à titre gratuit et sans frais pour la métropole, selon des modalités qui étaient déterminées par le biais d'une convention, après une autorisation de transfert décidée par décret.
La métropole pouvait enfin être associée à l'élaboration, la révision et la modification des schémas et documents de planification en matière d'aménagement, de transports et d'environnement dont la liste était fixée par décret en Conseil d'Etat et qui relevaient de la compétence de l'Etat, d'une collectivité territoriale ou de leurs établissements publics, lorsque ces schémas ou documents avaient une incidence ou un impact sur le territoire de la métropole.
Quelles sont les innovations de la loi du 27 janvier 2014 d'affirmation des métropoles en termes de compétences facultatives pouvant être exercées par les métropoles ?
A la demande de la métropole, l'Etat peut lui déléguer tout ou partie de ses compétences en matière de logement et d'habitat social. Cette délégation est régie par une convention conclue pour une durée de six ans, renouvelable. Elle peut être dénoncée par le représentant de l'État dans le département au terme d'un délai de trois ans lorsque les résultats de son exécution sont insuffisants au regard des objectifs définis par la convention. Ne voit-on pas apparaître dans ces dispositions le retour de l'Etat et le renforcement du pouvoir discrétionnaire du préfet ? Les modalités de cette convention sont précisées par décret en Conseil d'État. La convention peut également être dénoncée par la métropole si cette dernière considère que les moyens délégués par l'État ne lui permettent pas de remplir les objectifs définis par la convention.
Par convention passée avec le département, à la demande de celui-ci ou de la métropole, la métropole exerce à l'intérieur de son périmètre, en lieu et place du département, tout ou partie des compétences en matière de logement, d'aide et d'action sociale, de gestion des routes départementales, de zones d'activités et promotion à l'étranger du territoire et de ses activités économiques ou toute autre compétence départementale. Notons une particularité concernant la gestion des routes classées dans le domaine public départemental. A défaut de convention entre le département et la métropole à la date du 1er janvier 2017, la compétence est transférée de plein droit à la métropole.
En outre, par convention passée avec la région, à la demande de celle-ci ou de la métropole, la métropole exerce des compétences régionales.
Soulignons qu'il n'y a là aucune originalité, la métropole n'occupe pas une place privilégiée car les autres intercommunalités peuvent également se voir déléguer une grande variété de compétences facultatives de la loi du 13 août 2004.
La formule métropolitaine devient totalement souple dans les relations avec les départements et les régions, ce qui peut convenir aux élus mais il y a fort à parier que les compétences facultatives resteront exceptionnelles. Il est fort probable que régions et département ne se laisseront pas déposséder de leurs compétences au profit de la métropole.
II/ La déconsolidation visible des territoires
L'intercommunalité s'avère particulièrement fragmentée et il est loisible de s'interroger sur la multiplication de ces statuts particuliers. Le droit changeant et souple de l'outre-mer ne s'applique t-il pas à l'intercommunalité métropolitaine? A chaque métropole correspondra bientôt un statut particulier. Le législateur a commencé par instituer des statuts spécifiques pour les métropoles de Paris, Lyon et Marseille mais on peut présumer que d'autres statuts spécifiques suivront dans les années à venir.
Le législateur s'attache, de manière très accentuée, à la prise en compte de la diversité territoriale, ce qui conduit à faire perdurer et même à accentuer l'enchevêtrement des compétences, si bien que la clarification tant espérée des compétences locales devient un vu pieux.
A/ La prise en compte de la diversité territoriale
La prise en compte de la diversité territoriale laisse la voie libre à un certain nombre d'évolutions. Les structures éclectiques et les régimes juridiques diversifiés conduisent à un éclatement de la notion d'EPCI. Bien entendu, rien n'interdit au législateur d'autoriser des discriminations territoriales si elles concourent à l'intérêt général. De plus, le principe de libre administration ne s'impose pas aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, pourtant uniquement composés de communes. Certes, l'unité catégorielle peut entraîner la prise en compte de la diversité mais jusqu'où peut aller cette prise en compte des particularités intercommunales ?
Ce qui est particulièrement contestable, c'est que cette prise en compte de la diversité peut être préjudiciable aux individus. Le principe est que tout individu a le droit d'obtenir de la loi les mêmes garanties sans aucune discrimination tenant à sa situation géographique. Il doit y avoir un socle de principes communs qui s'imposent en droit de la décentralisation. Le Pr Bertrand Faure, dans son manuel de droit des collectivités territoriales, souligne que l'égalité face à la règle ne devrait pas être écartée par des inégalités dans l'application de la règle. Or, l'évolution des dispositions normatives démontrent aujourd'hui que l'on ne situe plus du tout dans une égalité face à la règle s'agissant de l'intercommunalité. Quelles sont les conséquences sur le principe d'égalité des citoyens devant la loi ?
La prise en compte de la diversité territoriale, si elle se conçoit pour des mesures d'adaptation, ne doit pas entraîner des statuts trop différenciés, tels ceux que l'on constate aujourd'hui pour les métropoles à statut particulier. Si l'on prend l'exemple des métropoles d'Aix-Marseille et du Grand Lyon, la première est créée sous la forme d'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, la seconde est une collectivité territoriale à statut particulier, dotée de la clause générale de compétence.
Par conséquent, la diversité territoriale à laquelle on assiste et qui a débuté avec le Grand Lyon, permettra peut-être d'autres évolutions institutionnelles vers le statut de collectivité territoriale à statut particulier.
De plus, la métropole pourra aussi se transformer en "commune nouvelle". Depuis la loi du 16 décembre 2010, il est possible à tout moment, pour la métropole de droit commun, de se transformer en collectivité territoriale, et plus précisément en une "commune nouvelle", ce qui lui permettra de bénéficier de la clause générale de compétence.
Mais le législateur a veillé à prévenir tout risque de fusion autoritaire. Si la demande provient de l'organe délibérant de l'établissement ou du préfet de département, la création d'une telle "commune" ne peut être envisagée qu'avec l'accord des deux tiers au moins des conseils municipaux des communes membres de la métropole, représentant plus des deux tiers de la population totale de celles-ci. Les personnes inscrites sur les listes électorales devront être consultées lorsque la demande ne fait pas l'objet de délibérations concordantes des conseils municipaux de toutes les communes concernées.
La loi permet de conserver au sein de la commune nouvelle une représentation institutionnelle des anciennes communes sous le nom de "communes déléguées". Les communes déléguées disposent d'un maire délégué et d'une annexe de la mairie. Le maire délégué bénéficie des mêmes prérogatives que celles d'un maire d'arrondissement à Paris, Lyon et Marseille. La réforme ne va cependant pas jusqu'au bout de sa logique puisque les communes membres de l'ancienne métropole transformée n'ont pas entièrement disparu. Toutefois, le conseil municipal de la commune nouvelle peut tout de même décider de supprimer les communes déléguées dans un délai qu'il détermine.
Même si on peut noter une certaine forme de prudence politique dans l'ensemble des dispositions législatives, il faut relever l'impossible simplification et la difficile articulation des compétences entre les communes déléguées et la commune nouvelle qui pourrait résulter de la transformation de la métropole, facilitant de ce fait les luttes d'influences. La démarche simplificatrice aurait consisté à supprimer les communes intégrées dans la commune nouvelle mais il est concevable, dans le cas de périmètres importants tels celui sur lequel se situent les métropoles, de conserver une identité communale, dans un souci de préserver les relations de proximité entre les citoyens et la commune de base. Il s'agit d'une déconcentration de l'administration municipale dont la finalité consiste à favoriser les services rendus aux citoyens dans le cadre d'une gestion locale de proximité. La création de communes nouvelles se justifie essentiellement pour les grandes intercommunalités, dont font partie les métropoles.
On vient de le constater, la prise en charge de la diversité territoriale métropolitaine ne peut que renforcer l'enchevêtrement des compétences locales.
B/ L'impossible clarification des compétences locales
L'absence de clarification des compétences métropolitaines engendre des répercussions sur l'ensemble des compétences des structures territoriales, d'où l'idée selon laquelle la fragmentation des compétences métropolitaines rejaillit sur les autres compétences publiques, si bien qu'il est possible d'affirmer que l'intercommunalité fragmentée conduit à une décentralisation morcelée.
A la lecture de la loi d'affirmation des métropoles, on s'aperçoit que toutes les compétences dévolues aux métropoles ne sont pas sur un même pied d'égalité et l'institution de compétences métropolitaines "à la carte" nous laisse perplexe.
En effet, les compétences dévolues aux métropoles de droit commun font l'objet de délégations de compétences de la part des collectivités territoriales. Il en résulte, compte tenu de la nature juridique de la délégation, de réelles incertitudes sur la conduite des politiques métropolitaines. La délégation n'est jamais définitive et en vertu de la règle du parallélisme des formes et des procédures, la collectivité délégante peut à tout moment reprendre la délégation, pour quelque raison que ce soit, y compris pour des motifs politiques. Pour ces raisons, la métropole va difficilement pouvoir engager de mener des politiques territoriales sur le moyen et le long terme, contrevenant ainsi à l'objectif de leur création qui est celui de mettre en place un véritable projet de territoire.
Il est très probable que les futures dispositions législatives empreintes de souplesse restent sans effectivité puisqu'aucune contrainte réelle n'est imposée et que tout dépend du bon vouloir des élus métropolitains mais aussi régionaux et départementaux, ainsi que des représentants étatiques.
Inversement, s'agissant des trois métropoles à statut particulier dans les agglomérations de Paris, Lyon et Marseille, il importe de s'interroger sur l'éventualité d'un accroissement futur de la concurrence entre ces métropoles et les collectivités territoriales satellites. La compétition entre ces catégories d'acteurs territoriaux ne risque t-elle pas de s'accentuer en fonction des compétences plus ou moins tentaculaires transférées à ces nouvelles catégories de métropoles ?
Toutes les mesures qui seront adoptées pourront conduire à une réelle déconsolidation de l'équilibre territorial des pouvoirs, avec comme conséquence une confusion renforcée dans les compétences exercées par les différents niveaux de collectivités, ce qui va à l'encontre de l'objectif recherché.
Cette démonstration est renforcée par l'attribution de la qualité de "chefs de file" aux intercommunalités.
La métropole est chargée d'organiser, en qualité de chef de file, les modalités de l'action commune des collectivités territoriales et de leurs établissements publics pour l'exercice des compétences relatives à la mobilité durable, à l'organisation des services publics de proximité, à l'aménagement de l'espace, ainsi qu'au développement local. Qu'est-ce que le développement local ? Et comment va t-on déterminer la frontière entre le développement local, pour lequel les métropoles ont la qualité de chef de file et le développement économique, qui est le domaine réservé des régions en tant que collectivités chefs de file ? Pour apaiser les craintes des élus concernés, il est prévu que les modalités de l'action commune des collectivités territoriales et de leurs groupements pour l'exercice des compétences précitées sont débattues dans le cadre de la conférence territoriale de l'action publique, instance nouvelle instituée au niveau régional.
Si la notion de "chef de file" pourrait apparaître comme un instrument d'ordre et de cohérence, permettant à une collectivité d'organiser les modalités d'exercice d'une compétence partagée entre plusieurs niveaux, il faut cependant se méfier de la qualité de "chef de file" puisque celle attribuée à la région en matière de développement économique est loin d'être satisfaisante. Ce constat est sans doute dû au fait que cette notion recèle bien des ambiguïtés. Si l'objectif du législateur est de faire jouer à la collectivité "chef de file" un rôle de coordonnateur, l'assemblée délibérante de la collectivité concernée ne peut pas pour autant contrôler les interventions des autres structures territoriales, ce qui serait contraire au principe d'absence de tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre, qui a été par ailleurs proclamé à l'article 72 alinéa 5 de la Constitution.
Depuis longtemps, le juge, tant constitutionnel qu'administratif, sanctionne les atteintes au principe d'absence de tutelle puisque sa violation méconnaît le principe de libre administration des collectivités territoriales. Ainsi, le juge constitutionnel a t-il confirmé l'interdiction de la tutelle d'un établissement public sur une collectivité territoriale. Il a également utilisé l'expression de "compétences propres" en réaffirmant l'interdiction de la tutelle entre collectivités territoriales.
L'absence de tutelle favorise le développement de la compétition entre collectivités publiques mais dans certains domaines comme en matière économique, cette concurrence non contrôlée s'avère généralement inefficace et inopportune. On comprend alors pourquoi la solution contractuelle, qui favorise les consensus, a toujours été privilégiée par le législateur. Toutefois, cette voie de la concertation qui est favorisée dans les relations entre collectivités territoriales dépend fortement des rapports de force locaux, qui sont par nature instables et fondés sur des considérations politiques.
A la lecture de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique et d'affirmation des métropoles, de nombreuses questions restent encore en suspens. Tout d'abord, qu'adviendra t-il des pôles métropolitains dont une partie de la doctrine considérait qu'ils connaîtraient un bel avenir, en tant que structures stratégiques de réflexion et d'impulsion à l'adoption de mesures cohérentes afin de renforcer la compétitivité de territoires élargis et pertinents ? A quel moment ensuite le problème général du "mille-feuille" français sera résolu ? Quand le législateur se décidera t-il à fusionner certaines collectivités, ou à en supprimer ? Enfin, notons que les territoires ruraux sont pour le moment les grands oubliés de la réforme intercommunale, même s'ils pourront constituer des pôles d'équilibre territoriaux et ruraux. Ils ne peuvent rester à l'écart de la compétitivité entre les territoires et la France ne se résume pas à l'intercommunalité d'agglomération.
Notes :
1. Loi n° 2010-1553 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, JORF 17 décembre 2010, p.22146.
Ce terme n'est pas péjoratif.
M. Degoffe, "La rationalisation des périmètres des E.P.C.I.", AJDA, 2007, p. 1860.
N. Portier, La coopération intercommunale dans la réforme des collectivités, AJDA 2011, p 80.
Loi n° 2014-58 de modernisation de l'action publique et d'affirmation des métropoles dite loi "MAPAM" du 27 janvier 2014, JORF 28/1/2014, p. 1562.
Décret du 17 octobre 2011 portant création de la métropole dénommée "Métropole Nice Côte d'Azur", JORF, 18 octobre 2011, p. 17548.
Selon le Conseil constitutionnel, les différences de traitement dans les conditions d'accès au statut de métropole sont en lien direct avec les objectifs poursuivis par le législateur ; qu'il n'en résulte pas de rupture caractérisée de l'égalité devant la loi. Voir décision n° 2013-687 DC du 23 janvier 2014 relative à la loi de modernisation de l'action publique et d'affirmation des métropoles, JORF 28/1/2014, p. 1622
Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, JORF n°190 du 17 août 2004 page 14545.
Op.cit., note n°6.
TA Nice, 7 avril 2006, Commune de Saint Jean Cap Ferrat, AJDA 2006, p. 1331.
Les trois métropoles à statut particulier, Paris, Lyon et Aix-Marseille ne sont pas concernées par cette régression.
Bertrand Faure, Droit des collectivités territoriales, Précis Dalloz, 1ère ed., 2009, p. 65.
J.-F. Brisson, "La loi du 16 décembre 2010 portant réforme territoriale ou le droit des collectivités territoriales en miettes", Droit administratif, 2011, Etude 5.
N. Dantonel-Cor, Les paradoxes de la compétence économique locale, JCP Administration et collectivités territoriales, 2 novembre 2010, p. 23.
Décision n° 83-168 DC du 19-20 janvier 1984 relative au statut de la fonction publique territoriale, Rec. P 38 ; Décision du Conseil constitutionnel n° 2001-454 DC du 17 janvier 2002, JO 23 janvier 2002, p. 1526.
Décision n° 2001-454 DC du 17 janvier 2002, supra.
Le projet de loi du 18 juin 2014 portant nouvelle organisation territoriale de la République en cours de discussion au Parlement apportera peut-être des réponses aux questions posées.