Les événements du 11 septembre 2001 ont largement nourri le débat médiatique ainsi que de nombreux essais sur l'influence du religieux dans le discours politique aux Etats-Unis. Il importe de comprendre l'origine de ce phénomène qui nous surprend et parfois nous inquiète, surtout dans la conjoncture actuelle du conflit en Irak.

Il est vrai que cette interférence du religieux dans la politique étrangère des Etats-Unis est un sujet d'étonnement intarissable. Dans les déclarations officielles, nous sommes habitués, non seulement en France mais au sein des organisations internationales telles que l'O.N.U, à une complète abstention de toute terminologie religieuse. L'histoire nous enseigne que les théocraties tendent à un absolutisme dangereux et la Vieille Europe, chargée de siècles, a retenu les leçons du passé. Mais il n'en est pas ainsi de la nation américaine dont l'origine est liée à un contexte historique bien particulier.
Connaître son histoire est indispensable pour appréhender l'esprit américain qui s'est construit principalement sur des bases idéologiques et religieuses. L'idéologie américaine s'appuie, selon moi, sur trois grandes notions inscrites dans le temps, qui ont été des facteurs-clés dans l'élaboration de son identité nationale : le puritanisme colonial, le concept de la "destinée manifeste", apparu au moment de la conquête territoriale, et cette idée d'un messianisme vis-à-vis des autres nations du monde dont on parle tant à l'heure actuelle.
Ces trois grands axes de réflexion s'inscrivent en filigrane dans la pensée américaine et l'interaction du temporel et du spirituel dans la vie politique des Etats-Unis participe de cette vision idiosyncratique, malgré les nombreuses tentatives de sécularisation au sein des institutions civile et gouvernementales. Il est évident que, si les premières communautés anglo-saxonnes ont constitué la trame du tissu social américain, de nombreuses vagues d'immigration provenant de différents peuples en ont modifié sa texture. Après une longue période d'assimilation des immigrants au sein d'une même culture, l'Amérique tend de nos jours à sauvegarder les traditions de chaque communauté pour devenir une nation multiculturelle. En passant métaphoriquement du Melting Pot au Salad Bowl, la vision idéaliste des Pères Pèlerins s'en trouve quelque peu réduite.
Et pourtant, il semble, qu'aujourd'hui encore, la mémoire collective américaine, dans son ensemble, soit toujours imprégnée par ce que l'on a appelé les mythes fondateurs des Etats-Unis, mythes qui s'inscrivent dans une idéologie religieuse. Les premiers colons aspiraient tous à un même idéal et même si le protestantisme éclata en une multitude de congrégations après quelques années, cela ne les empêcha pas de se considérer comme le nouveau "peuple élu", envoyé dans une terre promise et destiné à jouer un rôle salvateur.
En témoigne la réflexion de John Winthrop qui devait devenir le premier gouverneur de la Nouvelle Angleterre, déclarant à ses compagnons de voyage en 1630, à bord de l' "Arbella" :

Nous serons comme une ville au sommet d'un mont, les yeux de tous les peuples seront fixés sur nous ; si nous sommes déloyaux envers notre Dieu dans la tâche que nous avons entreprise et qu'ainsi Dieu soit amené à nous retirer l'aide qu'Il nous accorde présentement, alors nous serons la fable et la risée du monde entier.

Quelques décennies plus tard, la réflexion du pasteur Cotton Mather (1663-1728) s'inspire des mêmes sources: "J'écris les Merveilles de la Religion chrétienne qui a fui les dépravations de l'Europe jusqu'aux rives de l'Amérique ; et… avec laquelle Sa Divine Providence a irradié un désert indien." L'héritage culturel américain est marqué d'une manière prépondérante par l'influence de ces puritains qui fuyaient la vieille Europe décadente. Remonter le temps est donc nécessaire pour cerner les différents principes religieux qui sont à l'origine de la civilisation des Etats-Unis. Sans connaître l'évolution historique du puritanisme qui a vu le jour en Grande-Bretagne et l'influence qu'il a exercé aux Etats-Unis, il est bien difficile de comprendre l'originalité de la pensée américaine. Comme le souligne Alexis de Tocqueville en ce qui concerne les croyances et la démocratie, dans De la Démocratie en Amérique : "Pour qu'il y ait société, e

Signature :
Nicole Guétin

Instrument de la Providence, tel se voit la majorité du peuple américain qui, dans son ensemble, a suivi aveuglément les "faucons" de Washington dans une entreprise périlleuse. Comme on a pu le constater, il suffit d'un événement touchant au nationalisme, à la défense de la démocratie ou à la mission quasi-sacrée de l'Amérique pour réveiller les vieux démons de l'utopie puritaine.
Seule, une prise de conscience du gouvernement américain saurait mettre un terme à l'escalade de la violence, engendrée à la fois par le recours aux armes et la méconnaissance de la culture musulmane et de ses dérives idéologiques, comme l'intégrisme islamiste. Ainsi que nous l'avons souligné plus haut, cet intégrisme, dans sa recherche d'un idéal absolu, s'identifie parfois au fondamentalisme américain. Encore faut-il que ce même gouvernement puisse reconnaître les motifs qui l'ont rendu sourd aux voix de la prudence et de la sagesse, voix dont certaines nations se sont faits l'écho, en refusant d'intervenir militairement en Irak.

Notes :
Les Temps Modernes, Gallimard, n° 626