M’alerter sur les sorties
Patrick Demartial

Patrick Demartial

Contacter

Patrick Demartial

Descriptif auteur


Voir plus de filtres

1 livre

Vous avez vu 11 livre(s) sur 1


LES ARTICLES DE L'AUTEUR

Mon Vieux Quartier un livre de Pierre Champion

Promenade dans un Paris des libraires, bouquinistes, éditeurs et autres gens de pages et de plume.

MON VIEUX QUARTIER
De Pierre CHAMPION

Entre les quais Malaquais, Voltaire, Conti, des Grands Augustins et le boulevard St Germain, le quartier St Germain-des-Prés recèle des merveilles et depuis cinquante-cinq ans que je le connais, je ne me lasse pas de l'arpenter, le nez en l'air comme il se doit ; je croyais le connaître un peu pour l'avoir fait découvrir à bien des amis français ou étrangers, il s'en faut de beaucoup.
Un livre, arrivé dans mes mains par un improbable hasard, (celui qui n'en n'est jamais un), vient de me démontrer la vanité de cette pensée. C'est sans doute que je suis arrivé trop tard dans ce monde trop rajeuni de modernité et que je n'ai pas suffisamment pris le temps de savourer ce qu'il reste des beautés anciennes de ce quartier, édifié à l'ombre de la plus ancienne abbaye de Paris.
Ce livre au titre fort banal décrit un aspect bien particulier et assez circonscrit géographiquement autour des quais de la Seine entre gare d'Orsay et place St Michel, les rues qui y mènent depuis le Sud, d'aval en amont : rues du Bac, de Beaune, des St Pères, Bonaparte, de Seine, Mazarine, Guénégaud, Dauphine, Grands-Augustins, Séguier, Gît-le-cœur et les rues qui les coupent d'Est en Ouest : St André des Arts, rue Christine, passage Dauphine, rue Jacob, rue Visconti, rue des Beaux-Arts, rue de Verneuil, rue de Beaune.
Professionnellement il tourne autour du métier de libraire. Historiquement il évoque des personnages qui y vécurent et surtout qui y moururent ! De Mazarin à Voltaire, de Racine à Adrienne Lecouvreur, on y savoure de belles morts édifiantes, y compris celle du père de l'auteur, Honoré Champion, assez célèbre comme libraire pour avoir donné son nom au petit square du coin de la rue de Seine et du quai Malaquais.
Pierre Champion, archiviste-paléographe, médiéviste connu notamment pour sa découverte du troisième manuscrit du procès de Jeanne d'Arc, celui de sa réhabilitation, que les Anglais cachaient au British Museum, écrit ce livre sur un ton très personnel, ce qui en fait tout le charme. Il est né au 15 Quai Malaquais, dans le Petit Hotel de Chimay, d'où il raconte sa jeunesse au milieu des libraires, bouquinistes, éditeurs et imprimeurs, souvent les mêmes, entre 1880 et 1942 ; il parle avec affection sinon avec tendresse de ces artisans soigneux, relieurs, doreurs, emballeurs, qui ont connu Victor Hugo, des bouquinistes érudits et grognons qui envoient promener les fâcheux, comme des grands hommes avec lesquels, par son savoir encyclopédique, il semble mener un commerce amical et bienveillant. Le ministre Mazarin, Jean Racine, le philosophe de Ferney et son interprète favorite Adrienne (Lecouvreur), Anatole (France), grand ami de son père, nous deviennent tout aussi familier ; le tout avec une parfaite simplicité de ton, derrière l'élégance de la phrase.
Avec lui, je me suis promené dans ces lieux, mené par l'imagination et les indications parfois surannées ou dépassées quant aux lieux de ces évocations tour à tour historiques ou contemporaines ; il m'en fallait plus pour assouvir ma curiosité et donner un peu de chair fraîche à ces noms, à ces rues, à ces quais qui prenaient tout à coup une épaisseur et un contenu plus savoureux.
Je suis donc parti en une première expédition de découverte pour aller, par la rue Bonaparte, jusqu'à la rue Visconti, une des voies emblématiques du vieux quartier de Pierre Champion : émotion de retrouver quelques repères : l'Académie de Médecine, rue Bonaparte, qui jouxte les Beaux-Arts, et la mention d'une annexe du Crédit Municipal au coin des deux rues. Puis la rue Visconti s'ouvre à droite avec les numéros à rebours, et la successions de vieilles portes carrossables bardées de fer ; qu'elle est étroite cette rue où pourtant étaient installés au XVIIème siècle des loueurs de voitures et des écuries ! Comment donc pouvaient manœuvrer les carrosses ou les simples fiacres ? Fallait-il qu'ils soient bien étudiés pour que chevaux et attelages puissent y faire leur entrée sans toucher les bornes ! Le Sieur Roger, constructeur de voiture sis au 33 de la rue du Dragon, devait avoir bonne connaissance des contraintes liées aux logis de ses clients.
La rue est tranquille aujourd'hui, fort peu passante, son étroitesse a rebuté la circulation automobile, et d'ailleurs elle vient de la rue de Seine qui n'est qu'un passage subsidiaire parallèle à la rue Mazarine et à la rue Bonaparte et donc de peu d'intérêt ambulatoire. Un tout petit jardin bordant la rue Visconti a pris le nom de square Alice Saunier-Seïté, qu'il doit sans doute autant au fait qu'elle était maire-adjointe du VIème arrondissement qu'à son ministère des Universités.
Lorsqu'au n° 14 une porte s'ouvre, je m'approche vivement et demande poliment au monsieur qui en sort si je peux jeter un coup d'œil : très aimable il s'efface et m'accompagne dans la cour charmante, et quand je lui dis que je suis sur les traces de Pierre Champion, il répond, je suis libraire, vous êtes curieux, comme moi, je vais vous montrer quelque chose. Il ouvre la marquise XIXème qui précède son bureau/boutique, ou plutôt sa''librairie à chaises'' telle que la décrit l'auteur au chapitre VIII ; je n'ai jeté qu'un regard, par discrétion, sur les rayonnages qui tapissent cette très grande salle, où quelques piliers viennent soutenir le plafond, et sur les tables couvertes de livres et de documents. Un vrai endroit de bonheur pour Dominique, pour notre maître, pour Petia et pour nous tous ; on s'imagine y ayant nos habitudes une fois par semaine, tel que nous avait proposé Gilles dans sa salle de la Domaniale.
Dans cette pièce cependant se retrouve le parfum des vieux livres et l'écho des voix de ces libraires d'autrefois dont parle si bien Pierre Champion, érudits modestes et cachés, des''champions'' dans leur catégories, dont je n'ai aucune idée, mais que nos amis bibliophiles peuvent aisément imaginer ; je leur dédie ce petit moment d'émerveillement pour ajouter à tous ceux qu'ils ont connus dans la pratique de leur art.
J'ai poursuivi par la rue de Seine, jusqu'au square Gabriel Perné, qui vient de perdre son catalpa classé arbre remarquable, salué le square Honoré Champion, qui a perdu lui aussi récemment la statue de Voltaire ; enfin, pas tout à fait perdu, car celle-ci ayant été peinturlurée (par qui ? pourquoi ?), la Mairie de Paris l'a enlevée (à la barbe, parait-il des Monuments Historiques) pour la restaurer. Voltaire a tant marqué ce quartier que c'est bonne justice ! Pierre Champion décrit par le menu son agonie et sa mort, comme l'ont fait tant d'autres ; en effet la question de savoir s'il est mort dans l'onction de la Sainte Eglise et du curé de St Sulpice et si ses derniers mots sont salvateurs ou non a fait couler tellement d'encre ! Le narrateur y met en fait tant de tendresse et de bienveillance que l'on ne peut douter qu'il pense qu'en dépit des règles canoniques son héros ait rejoint le Grand Horloger ; sa description enthousiaste dans un autre chapitre du triomphe de Voltaire ne laisse aucun doute.
Champion aime décidément les agonies et les triomphes ; pour Anatole France il se remémore l'exaltation des foules qui suivirent le catafalque sur les quais ; se souvient-on vraiment de qui ont été les grands hommes de leur époque ? A propos de Voltaire par exemple, sait-on que sa popularité à l'époque était bien plus due à ses médiocres tragédies qu'à ses révoltes philosophiques, morales et sociales qui le faisaient abhorrer de mon grand-père. Et que l'on applaudissait tout autant le protecteur d'Adrienne Lecouvreur et de la Clairon que le génial provocateur des Rois, des Grands et des Injustes.
Aux côté des grands de ce monde qu'il débusque dans la rue Visconti, au 26 (de la rue des Marais, son ancien nom) Racine et Balzac, Ingres et Delacroix dans leurs ateliers, on croise des gloires de passages, Chopin, qui pose pour Eugène tandis que George Sand tricote, mais aussi de vieux témoins qui se souviennent des histoires sur les anciens habitants du quartier : Napoléon, élève-officier n'habitait pas ici mais à l'Hôtel de Sillery, et la Reine Margot fit construire l'hôtel qui se fondit dans celui des Beaux-Arts dans les cours duquel notre auteur raconte qu'il prit le goût des statues à l'italienne.
Mais je renonce à décrire tous les personnages que les promenades dans le quartier, telles que les menait Anatole France, par exemple, pouvaient faire évoquer. Pierre Champion en profite, passant par la rue Jacob pour nous parler de Rémy de Gourmont, un personnage que tout le monde semblait connaitre et avoir lu entre les deux guerres et que je n'ai jamais trouvé dans aucune bibliothèque, amie ou municipale, et de fait, jamais lu. La ronde incessante des souvenirs directs ou fabriqués par l'auteur est impressionnante, les danseurs s'entrecroisent dans l'espace et dans le temps, la tendresse et la bienveillance du commentaire et la douceur de la musique des mots crée une délicieuse atmosphère propice au sommeil ou à la rêverie.
Aussi est-il bien plus approprié de vous laisser découvrir, si le cœur vous en dit, cet ouvrage totalement inutile et sans doute si charmant pour cela ; pour moi je vous avoue que j'ai passé souvent des pages, voir des chapitres entiers, non qu'ils m'ennuyassent, mais afin de mieux désirer reprendre le bouquin sous mon lit pour retourner derechef dans ce Vieux Quartier.

Le livre n'est pas facile à trouver : je le possède dans une édition moderne, de 1978, mais quand même :
PARIS
LIBRAIRIE HONORE CHAMPION, EDITEUR
7, QUAI MALAQUAIS (VI*)

Mais sans n° ISBN

Il a été édité chez Grasset en 1932
Format: Poche
• Langue: Français
• Genre: Romans & Fictions > Romans Divers
• Editeur: Grasset
• Collection: Grasset poches divers
• Date parution: 1932
• Nb pages: 412
• EAN: 9782246807957
• ISBN: 2246807956

Signature :
Patrick Demartial

Lire plus