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LES ARTICLES DE L'AUTEUR

« QUI VEUT LA PAIX PRÉPARE LA GUERRE » PLAIDOYER POUR UNE VOLONTÉ DE PUISSANCE PLURIELLE ET PACIFIQUE

Aujourd'hui, quantité de lignes de factures déchirent le globe et remettent en question l’ordre du monde hérité de la Seconde Guerre mondiale. Face à cet état de fait, comment faire face au feu qui couve çà et là et qui pourrait, si on n’y prend garde, déstabiliser davantage nos pays largement fragilisés par des facteurs endogènes et exogènes ? Nous proposons, dans cette contribution, trois orientations axées sur l’unité, la souveraineté et l’indépendance, la volonté de puissance plurielle et pacifique.

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DE L'ETAT DES INFRASTRUCTURES SPORTIVES : LES SÉNÉGALAIS MÉRITENT MIEUX QUE ÇA

Réflexion suite aux propos de Messieurs Mactar Bâ et Augustin Senghor respectivement ministre des Sports et Président de la fédération sénégalaise de football.

Cette contribution est - une réflexion - qui fait suite aux propos de Messieurs Mactar Bâ et Augustin Senghor respectivement ministre des Sports et Président de la fédération sénégalaise de football. Ces derniers répondaient aux propos de certains joueurs de l'équipe nationale de football, notamment Sadio Mané, qui se plaignaient de l'état "catastrophique" des infrastructures sportives du Sénégal en particulier le Stade Lat Dior de Thiès. "Ici, ce n'est ni Chelsea ni Liverpool…Lat Dior est meilleur que beaucoup de stades africains" dira le Président de fédération sénégalaise de football. Ce qu'il faut éviter, renchérissait Monsieur le Ministre, "c'est de faire la comparaison. On ne peut pas avoir les mêmes conditions qu'à Liverpool ou Manchester […] Quand on est en Afrique, il faut se mettre dans la tête qu'on peut être confronté à des difficultés qui peuvent être liées à des gazons, à l'environnement ou même aux conditions de voyage".


Que peuvent bien traduire ces commentaires ? Une maladresse ? De l'ignorance ? Notre incapacité à nous remettre en question ? Notre sous-estimation des enjeux ? Un état d'esprit résigné ? Que le Sénégal ne peut faire mieux en la matière ? Que notre jeunesse doive se contenter de ce qu'elle a et nos footballeurs se satisfaire de l'état des terrains ? Chacun se fera sa propre opinion. Mais, accordons-leur le bénéfice du doute et faisons preuve de nuance (Birnbaum, 2021) !
En tout cas, ces discours nous enjoignent de rappeler ici trois idées que nous avons exposées antérieurement (Sarr, 2012, 2019) et qui peuvent constituer un horizon pour celles et ceux qui s'intéressent au débat public.
La première est que nous avons besoin, dans ce pays, d'une "révolution des consciences", d'une "refondation idéologique" qui nous libérerait de nous-mêmes, de nos certitudes hasardeuses et nous permettrait d'appréhender le développement dans toute sa dimension. C'est-à-dire comme "processus global incluant les dimensions économiques, sociales, culturelles, certains y ajoutant la dimension politique" (Khôi, 1984). En effet, il doit être "saisi dans son intégralité, car dépassant les phénomènes économiques de croissance, il englobe aussi les éléments d'ordre psychologique, moral, social, culturel, politique, religieux qui concourent à la valorisation des personnes et des sociétés" (Barrère, 1991). Pourquoi ? Parce que nous sommes parfois nos propres ennemis et nos actions, nos postures, nos prises de position sont à rebours de nos ambitions. Qu'ont-ils de plus que nous à Chelsea, Liverpool ou ailleurs ? Certainement pas la raison ? Faisons donc preuve de courage, d'inventivité et adaptons-nous aux réalités de notre temps.
La deuxième est qu'une politique d'illusions est une politique fatale, elle conduit à la décadence.
Quelle est la raison d'être de la politique si ce n'est de fournir des capabilités d'épanouissement pour chacun et pour tous ? Quand la politique refuse d'être au service du bien commun, elle devient otage de pratiques et d'idéologies malsaines qui annihilent toute évolution et facilitent l'émergence de pratiques et de comportements néfastes à la société tout entière. À celles et ceux qui s'activent dans la vie politique, la tâche est sans doute immense, mais puisque tel est votre choix, sachez que la politique doit faire advenir les rêves, car les rêves, comme les désirs et les espoirs sont les étoiles de nos vies. Faites en sorte que les rêves de notre jeunesse soient leur réalité.
La troisième est qu'il faut résolument envisager les politiques publiques sous l'angle de l'analyse et de l'évaluation constantes. Car, cela contribue à une meilleure connaissance du fonctionnement du système politico-administratif dans ses rapports avec la société, incite à une plus grande cohérence de l'action publique et participe à l'enrichissement du débat politique lui-même (Nioche, 1982) Cette analyse et cette évaluation sont, par conséquent, une double exigence de recherche et de correction des erreurs, d'une part, de démocratie, d'autre part. Elles permettent également de concilier, du même coup, légitimité du pouvoir est légitimité d'action. L'exercice du pouvoir politique ne peut plus se résumer à la seule affirmation de grandes valeurs universalisables dont la garantie nécessite l'usage de la contrainte, elle se manifeste aussi par des politiques publiques, des programmes d'action, autrement dit par des activités susceptibles de conséquences (Durand, 2010) positives sur le quotidien des Sénégalais.
En somme, à vous tous qui aspirez à faire avancer les choses, à Sadio et aux autres, vos positions vous commandent de tenir le flambeau. C'est aussi cela la démocratie.

Signature :
Pierre SARR https://www.linkedin.com/in/pierre-s-95661188/

Notes :
Barrère A., (1991), L'enjeu des changements : exigences actuelles d'une éthique économique et sociale, Édition Ères, 325 p.
Birnbaum J., (2021), Le Courage de la nuance, Éditions Seuil, 144p.
Khôi Lê Thành (1984), "Culture et développement", in Revue Tiers-Monde, pp. 9-28
Nioche J.P., (1982), "De l'évaluation a l'analyse des politiques publiques" in Revue française de science politique, volume 32, N°1 pp.32-61
Perret B. (2008) "L'évaluation des politiques publiques : Entre culture du résultat et apprentissage collectif" in la Revue Esprit, 2008, pp.142-159
Sarr P. (2019, Le Sénégal et l'Afrique face aux défis du XXI siècle : Politiques et stratégies d'actions publiques pour une société de confiance et de l'inventivité, Éditions Spinelle, Paris, 205 p.
Sarr P., (2012), Le Sénégal : des idées pour une nouvelle donne, Édition l'Harmattan, Paris, 106 p.
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Sécurité en Afrique : Entre urgences, priorités et superficialité

SECURITE EN AFRIQUE

De la résurgence des crises politiques (1) en passant par les problèmes de sécurité (2) et la menace, entre autres, d'Ebola, l'Afrique subsaharienne semble, plus que jamais, être aux creux de la vague. Cette situation, en dépit du chemin parcouru et de la réussite dans certains domaines(3), interpelle et fait l'objet de nombreux débats (4) dont les réponses, hélas, paraissent superficielles face à la gravité de la situation. De la Lybie, base arrière du terrorisme et poudrière à ciel ouvert qui témoigne du reste de l'échec qu'a constitué l'intervention occidentale dans ce pays, en passant par le Mali, la RCA, le Nigéria, la RDC, le Soudan, la Somalie, les foyers de tension ne cessent de s'étendre et menacent durablement la stabilité de l'Afrique et les maigres réalisations en matière de développement. Plus de cinquante ans après les indépendances, l'Afrique, tout du moins une partie, est toujours livrée aux conflits ethniques, aux guerres confessionnelles et maintenant au terrorisme. Les équilibres stratégiques dans cette "une et plurielle Afrique" demeurent encore fragiles.
Comment en est-on arrivé là ? Quelle est la responsabilité des Africains dans cet état de fait ? Pourquoi l'Afrique est-elle devenue une terre du jihadisme et une priorité militaire de certaines grandes puissances ? Les crises actuelles sont-elles la conséquence des stratégies géopolitiques de ces puissances étrangères dans leurs luttes acharnées d'endiguement de la Chine et de la Russie, qui, dans le cadre des BRICS, leur disputent âprement le marché africain et ses ressources comme l'estiment certains (5) ?
Le raccourci est tentant et ne saurait être exclu. Mais, en réalité, ces crises, qui minent le continent et dont la complexité est avérée, ne sont que le résultat d'un enchevêtrement de facteurs endogènes et exogènes qui n'échappent pas aux tensions géopolitiques et géo-économiques mondiales.
Résoudre ces crises passe nécessairement par une prise en compte des impératifs démocratiques, économiques et la mise en place d'actions communes au niveau régional et continental.
La démocratie : un impératif au service de la stabilité et de l'unité des peuples
La démocratie ne peut être la solution à tous les maux, mais elle a le mérite de les reconnaitre, de les exposer et de chercher à les résoudre. Si l'émergence d'une réelle démocratie n'est pas la seule réponse adéquate aux problèmes que peuvent subir les citoyens de tel ou tel pays, elle constitue, sans nul doute, une des solutions les plus importantes pour sa stabilité.
D'abord, elle permet une certaine harmonie dans la société, à travers la participation qu'elle accorde à chacun dans la contribution à la vie de la cité. Ensuite, le fait qu'il y ait alternance, que le pouvoir soit entre les mains de la population et pas entre les mains d'une seule personne, aussi éclairée soit-elle, est gage d'une gestion rigoureuse de la chose publique. Enfin, elle est fondée, notamment, sur la séparation des pouvoirs, le respect des libertés publiques, les droits de l'homme, la transparence…
Ignorer ces aspirations légitimes, c'est encourager les fanatismes de tout genre, annihiler toute possibilité de coopération, de dialogue et creuser le lit de tous les dangers des mécontentements et des frustrations qui couvent. S'ouvrir à la démocratie, c'est atténuer et canaliser, par les moyens qu'elle sous-tend, toute velléité d'expression violente, de défiance et la tentation de s'enfermer dans des raidissements en tout genre. S'ouvrir à la démocratie, c'est créer les conditions d'une convergence de représentations, d'un langage commun minimal, de règles de jeu connues et acceptées nécessaires à la construction d'un projet de société endogène. S'ouvrir à la démocratie, c'est être en phase avec le monde dans lequel nous vivons et partie prenante de son édification. Dans ce sens, l'existence d'États forts, fondés sur des structures institutionnelles de pouvoir solides, des organes centraux de décision qui jouent pleinement leurs rôles, des activités publiques productrices de bien et de services collectifs est le premier rempart face aux dangers et aux différents enjeux auxquels l'Afrique fait face (6), mais aussi un préalable pour l'émergence d'un nouveau paradigme économique.
Un nouveau paradigme économique
L'Afrique subsaharienne, à l'instar de l'Afrique de l'Est, est, en termes de croissance, la région la plus dynamique du monde (7). Mais ce dynamisme et ces taux de croissance, qui font pâlir d'envie, cachent d'énormes disparités et sont, au regard de la réalité, insignifiants face aux problèmes auxquelles les citoyens font face. En dépit des engagements, des discours, la pauvreté ne recule guère. Les inégalités persistent voire s'aggravent. La jeunesse, sans perspectives, est laissée à elle-même. Le système éducatif peine à jouer pleinement son rôle. Les infrastructures font cruellement défaut. La cession des terres, dans certains pays, cristallise les rancœurs. Les crises environnementales et alimentaires liées au climat, à la vulnérabilité des écosystèmes s'empirent. Au regard de ce qui précède, vouloir inscrire le continent dans la trajectoire de la stabilité et de la sécurité sans prendre en compte ces facteurs de déstabilisation, ces déclencheurs de crise, ces catalyseurs d'injustice et in fine les besoins vitaux de ses habitants est illusoire et peine perdue. Au contraire, c'est jeter ces masses avides d'espoir et de justice dans les bras des marchands d'illusions, des prêcheurs de la mort et de tous ces falsificateurs de la bonne parole qui ne vivent que de l'ignorance et de la désespérance de leurs semblables. Les premières guerres qui doivent être menées sont celles-là même contre l'ignorance, le chômage, la sacralisation et l'abus du pouvoir, la corruption, les dégâts sur l'environnement, contre l'injustice sociale. Car, il n'y a pas pire fléau que l'injustice. Elle est une mère qui n'est jamais stérile et qui produit des enfants dignes d'elle. Les premières victoires qui doivent nous contenter sont celles qui visent à forger une nouvelle vision d'un leadership politique, fondée sur de solides et nobles valeurs pour vaincre certaines idéologies et garder le contrôle sur notre destin commun. Subir les effets des changements climatiques auxquels l'Afrique ne contribue que faiblement (8), souffrir des conséquences de politiques économiques pensées ailleurs et dont l'inefficacité n'est plus à démontrer (9), ne peut être, à long terme, que préjudiciable et destructrice. Ériger le social et l'écologie comme moteurs des stratégies de développement s'avère être une nécessité absolue pour bâtir des économies plus fortes, plus saines, plus justes et dresser de solides remparts contre les obscurantismes de notre temps. Face à ces fléaux, l'union, l'action commune ne peuvent être que salutaires.
Une Afrique, qui parle d'une seule voix
"Aux problèmes africains, des solutions africaines". Telle est la doctrine, défendue par l'UA, et à laquelle commencent à adhérer la plupart des chefs d'États africains. Une doctrine clamée, à juste titre, lors du récent forum international de Dakar pour la paix et la sécurité en Afrique et qui constitue, a priori, une réponse adéquate à la question comment faire en sorte que les pays d'Afrique prennent en main leur propre sécurité. Si l'intention est louable eu égard à ce à quoi nous avons assisté jusque-là, d'autres interrogations demeurent quant à la mise en pratique de cette volonté affichée. Mais une chose est sûre quelles que soient les réponses apportées à ces questions et malgré l'inscription de l'Afrique, aujourd'hui, dans la globalisation, externaliser, privatiser ou sous-traiter la sécurité en Afrique ne serait que pire folie et rajouterait à la dépendance dont elle est plus que victime et qui ne fait que réduire ses marges de manœuvre. La situation économique mondiale actuelle peut, paradoxalement, constituer une chance inouïe pour l'Afrique, malgré son retard dans certains domaines, retard qui doit par ailleurs constituer une opportunité inespérée au regard de l'impuissance dont sont victimes certaines puissances, de se remettre en question, de redéployer d'autres instruments pour se repositionner dans le jeu des relations internationales, briser les jougs de l'humiliation (10) pour instaurer un "nouvel ordre ou désordre" qui lui sera profitable. Cela suppose, bien entendu, que sa "voix" soit plus audible, que le morcellement des initiatives et les égoïsmes étatiques, qui affaiblissent davantage le continent, laissent place à une volonté plus forte d'action commune, par le renforcement, entre autres, de dispositifs politiques, sanitaires (11), économiques, militaires tant au niveau régional que continent. Il est plus qu'urgent de dépasser le nationalisme étroit, inutile et suicidaire pour aller vers des solutions panafricaines (12). Dans ce sens, il faut questionner l'efficacité des organisations panafricaines, leurs modes de financement en conformité avec la philosophie même de leur existence.
L'avenir de l'Afrique, sa stabilité, sa sécurité passera par la volonté qu'aura chaque pays africain de renoncer, tant soit peu, à son indépendance et de contribuer, à hauteur de sa richesse, au bien collectif. Car, les affres des uns aujourd'hui seront les tourments des autres demain.
En définitive, la lutte contre le terrorisme, les grands fléaux qui menacent l'Afrique doivent s'appuyer sur une pluralité d'actions, d'initiatives communes de nature politique, diplomatique, socioéconomique et sécuritaire pour être véritablement effectifs et efficaces. Ne pas s'engager sur cette voie, c'est compromettre l'avenir de toute l'Afrique pour une longue période et décevoir les espoirs de tant de générations.
Pierre Sarr

Notes :
1 http://www.carto-presse.com, "Où en est la démocratie en Afrique ?", Rapports Afrique 2014
2 Menace terroriste en Afrique de l'Ouest : État des réponses nationales, régionales et internationales note d'analyse n° 13, septembre 2012
3 Cf. L'année stratégique 2015, "Entre dégradation sécuritaire et amélioration économique" p.333-353 ; l'Économie politique n° 59, "l'Afrique est-elle bien partie ?", Alternatives Internationales, "L'Afrique qui bouge" - hors-série mai 2013
4 Le forum international sur la paix et la sécurité en Afrique
5 Ibrahima SENE, PIT/SÉNÉGAL http://www.enqueteplus.com/content/libre-parole-crise-au-sahel
6 Pour plus de précisions, lire Philippe Hugon, Géopolitique de l'Afrique, 2è édition, Armand Colin, Paris 2010, 127 p
7 Cf. Perspectives économiques régionales, FMI, "Afrique subsaharienne, pour une croissance durable et plus solidaire", avril 2014
8 http://www.observateurocde.org/news/archivestory.php/aid/2410/Vers_un_nouveau_paradigme.html#sthash.xorJd8Kh.dpuf
9 Cf. Gilles Duruflé, l'ajustement structurel en Afrique, Kharthala, 1988 ; Joseph Stieglitz, la Grande Désillusion, Paris, Fayard, 2002
10 Bernard Badié, Le temps des humiliés, pathologie des relations internationales, Odile Jacob, Paris, 2014, 249 p
11 L'existence de centres de recherches panafricains dans le domaine de la santé, par exemple, devient une nécessité face aux multiples pandémies qui ne manqueront pas d'apparaître au cours des années à venir.
12 Comment peut-on expliquer, pour prendre l'exemple des APE, qu'il n'y ait pas eu de consensus avant leur signature ?
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LE BREXIT : QUELLES LEÇONS POUR UNE NOUVELLE DYNAMIQUE AFRICAINE ?

REFLEXIONS PAR RAPPORT AU BREXIT

Du calvaire financier de la Grèce en passant par le dérèglement de la zone euro, la crise des réfugiés, la poussée des nationalistes, etc. rien ne va plus en Europe ! Jour après jour, l'union s'enfonce dans un euroscepticisme qui ne cesse de prendre de l'ampleur. Le récent référendum britannique sur le "Brexit" en est une parfaite illustration. Un référendum dont les conséquences politiques, économiques, diplomatiques à long terme [1] ne manqueront pas d'influencer l'avenir de l'Europe tout entière et d'imposer un nouveau principe de réalité [2].
L'UE serait-elle en cours de démolition et le référendum britannique, le début de la césure qui la fait avancer vers la plus grande transformation qu'elle n'ait jamais connue depuis sa création ? De toute évidence, le Brexit menace la construction européenne et fait vaciller l'un des modèles les plus aboutis d'intégration dans ce monde contemporain multipolaire où la construction de blocs est une tentative pour consolider des intérêts communs.
Comment en est-on arrivé là ? Comment "un peuple de grande culture démocratique comme le peuple britannique décide d'abandonner une institution comme l'Union européenne, garante de paix et de coopération dans un espace commun qui a été ravagé par des guerres pendant des années ? [3] ".
Si le rejet de la globalisation [4] explique en partie cet euroscepticisme, celui-ci trouve son origine dans l'incapacité de l'Union à être à la hauteur [5], à répondre aux besoins de ces citoyens et à redonner à "l'idée européenne" tout son sens, une nouvelle perspective, une nouvelle renaissance.
Quand bien même très différent d'un point de vue historique, institutionnel, politique, économique, sociologique…, l'UA, comme l'UE sur laquelle elle s'est, par ailleurs, largement inspirée, fait face aux mêmes incertitudes, aux mêmes défis. Des défis immenses eu égard à "la complexité et la totalité de l'Afrique [6]".
Ainsi, entre espoirs démesurés et désillusions, entre affirmation du continent africain et dépendance vis-à-vis des instances internationales, entre projets de renaissance africaine et défis économiques et sociaux, le rôle de l'UA et l'empreinte qu'elle laissera sur l'histoire de ses pays membres restent à écrire.
En effet, elle traverse aujourd'hui une crise profonde parce que ne fabriquant plus les imaginaires d'un panafricanisme qui se pense en dehors de ses instances et des systèmes étatiques où les concepts de solidarité, de sécurité et de culture n'ont plus leur place [7]. Parce qu'elle est déconnectée des réalités et n'a pas réussi à intégrer les sociétés civiles dans les discussions. Parce qu'elle reste un cercle de Chefs d'État. Parce qu'elle a échoué sur la plupart des crises politiques et sécuritaires [8]. Parce qu'elle n'a pas les moyens de ses ambitions, parce qu'elle n'inspire plus confiance, notamment auprès de la jeunesse africaine qui, dans un grand sondage récent, brocardait "la quête de pouvoir des politiciens [9]" au détriment des aspirations des peuples.
Pour toutes ces raisons et dès lors que L'Histoire ne doit pas nous prendre au dépourvu, le Brexit doit être l'occasion pour l'Union africaine de revoir sa feuille de route, de s'inspirer des causes et des effets de ce choc historique pour s'imposer une nouvelle vision, améliorer ses institutions, son fonctionnement, rallumer le rêve fédéral et être un acteur résolu de la stabilité et de la prospérité de l'Afrique. Mais, il faut pour cela promouvoir et respecter des valeurs et des principes, se donner les moyens d'atteindre ses ambitions et faire de l'unité africaine l'affaire de tous les Africains.
Promouvoir et respecter des valeurs et des principes
Une union qu'elle qu'elle soit, repose sur des règles, des valeurs et des principes. Si, dans le cadre de l'Acte constitutif de l'union africaine, ces objectifs et ces principes sont expressément mentionnés, quand est-il de leur respect et de leur mise en œuvre ?
La réponse à cette question est loin d'être satisfaisante au regard, entre autres, de ses tergiversations et de ses multiples échecs. L'UA n'arrive plus à sauvegarder la paix sur le continent, à l'image des échecs survenus en Libye, au Mali, au Darfour, au Soudan du Sud, etc. Ses ambitions politiques et économiques ne font plus guère l'unanimité. Son inefficacité à concrétiser le sentiment de "solidarité africaine" est plus que jamais une réalité. Pire encore, elle est frappée par une crise de légitimité et de crédibilité. En définitive, l'UA est victime de ses incohérences stratégiques, diplomatiques, de ses contradictions [10] et des rivalités entre Chefs d'État. Par conséquent, elle ne saurait être résolue "à relever les défis multiformes auxquels sont confrontés notre continent et nos peuples, à la lumière des changements sociaux, économiques et politiques qui se produisent dans le monde [11]" ni à impulser la création d'une Afrique forte, prospère, intégrée et plus protectrice si elle ne s'engage pas résolument à s'appliquer et à respecter les valeurs et les principes qui sont sa raison d'être. Faut-il pour cela redéfinir les critères d'adhésion à l'UA ? Faut-il pour cela être plus ferme dans les sanctions au point d'exclure des instances de l'organisation les États ne respectant pas les principes et les valeurs de celle-ci ? Faut-il pour cela une UA autour d'un noyau dur de pays soucieux de l'Afrique et des Africains qu'une pléthore de pays ne partageant ni les mêmes ambitions ni la même vision de l'Afrique ? Faut-il pour cela opérer un choix démocratique du président de la commission de l'UA ? Ce qui est certain, c'est que le changement doit venir de l'intérieur pour insuffler un nouveau dynamisme à cette organisation, annoncer clairement ce qu'est l'UA, ce qu'elle n'est pas et lui donner les moyens d'atteindre ses ambitions.
Se donner les moyens d'atteindre ses ambitions
La question des moyens est fondamentale et présuppose, par ailleurs, le respect des règles et des principes établis. Mais si ces moyens sont financiers, ce qui est par ailleurs incontournable, ils sont tout aussi institutionnels. Car, comment concilier désir d'intégration et liberté des nations ? Comment assurer une complémentarité voire un prolongement entre organisations sous régionaux et UA ? Comment éviter la concurrence de tous contre tous ? Comment accorder ambition d'émancipation politique, géopolitique, désir d'hégémonie de certains États et "intérêts africains" ? Comment apprécier et/ou faire face à l'inflexibilité de présidents qui font valoir le principe de souveraineté et le sacro-saint concept de non-ingérence si cher à l'UA ?
L'Union afri
caine doit reprendre son élan pour, au-delà de Vision 2063 qui a pour objectif de relever les nouveaux défis du continent en matière de croissance, mettre en œuvre les instruments institutionnels lui permettant de formuler des idées vraies, claires, et compréhensibles par tous. Cependant, pour pasticher une assertion sur l'Europe et qui pourrait bien s'appliquer à l'UA, ce n'est pas seulement dans le champ institutionnel ni dans les mécaniques d'experts, ni dans les discours et les grandes célébrations qu'il faut s'investir au premier chef [12]: tout cela est beau, bon et il faut sans doute l'accomplir, mais l'urgence n'est pas là. L'urgence se situe dans la réconciliation entre "le rêve africain", "l'idée africaine" et les peuples inquiets pour leur avenir, effarés par l'inefficacité voire l'inaction dont font preuve leurs dirigeants et qui démontre l'impuissance de l'UA. "L'Afrique politique" doit davantage se concentrer sur les grands choix d'avenir, à commencer, entre autres, par la sécurité, la politique industrielle commune, la protection de ses intérêts vitaux, la stratégie commerciale vis-à-vis du monde au lieu de s'autodétruire par des rivalités qui alimentent les rapports de force entre pays africains, la réticence des États membres à abandonner une partie de leur souveraineté.
Il est donc grand temps de refonder l'Union africaine et se rendre à l'évidence, notamment, que toute initiative offensive sans approbation démocratique ni implication des peuples aura tôt ou tard plus d'effets négatifs que positifs.
Faire de l'unité africaine l'affaire de tous les Africains
Si, aujourd'hui, l'Union européenne va très mal, c'est parce qu'elle souffre d'un déficit structurel de démocratie [13], c'est parce qu'elle s'est détournée de ses fondamentaux qui sont politiques, c'est parce qu'elle a, en partie, tourné le dos à ses peuples qu'elle ne défend plus, c'est parce qu'elle s'est lancée plus dans une administration des choses qu'une gouvernance des hommes [14]. Au regard de ce qui précède, concrétiser et pérenniser l'Unité africaine ne saurait se faire sans amener les Africains, de tous bords, à participer activement à la vie de l'organisation. Sans cette participation, cette "bénédiction", l'UA est voué à devenir "un empire non impérial", un "despotisme éclairé et doux", un "machin bureaucratique" et/ou un entre-soi de Chefs d'État au service d'intérêts autres que ceux attendus par les citoyens.
En outre, la construction d'une union viable ne pourrait être fondée uniquement sur des considérations d'ordre mercantiles, sur le triomphe du droit de la concurrence et la globalisation du marché, sur une coalition d'États, mais plutôt sur une "union d'Hommes", une "globalisation de l'état de droit", une expression véridique de la démocratie représentative. Car, quand bien même le débat n'est pas encore posé, le consentement des peuples apparaîtra à un moment donné comme le facteur clef de l'avenir de l'union africaine. Dans ce sens, ne pourrait-on pas permettre à des citoyens africains ressortissants d'un nombre significatif d'États membres et en fonction d'un nombre déterminé de soumettre des propositions appropriées sur des questions pour lesquelles une décision de la commission africaine est nécessaire ?
Nous ne devons méconnaître que "tout gouvernement est menacé d'une effrayante mutation en bureaucratie, le règne non plus du droit ni des Hommes, mais de bureaux anonymes et d'ordinateurs. Leur domination, totalement désincarnée, pourrait se révéler plus dangereuse pour la liberté et pour ce minimum de civilité sans lesquels aucune vie en commun n'est concevable, que le plus monstrueux arbitraire des tyrannies du passé. Ces dangers de démesure et de technocratie toute-puissante menacent en effet de dépérissement et d'extinction toutes les formes de gouvernement. Une fois de plus, cela commencerait comme une idéologie rêveuse et nourrie des meilleures intentions, mais dont les conséquences cauchemardesques ne seraient décelables qu'au prix d'un examen critique [15]".
Pour créer donc une Afrique forte, prospère et intégrée, entraînée par ses propres citoyens et capable d'occuper la place qui lui revient sur la scène mondiale [16], il est crucial et même urgent pour les dirigeants de l'UA, de penser d'abord à l'intérêt des générations suivantes, de considérer la voix de tous ses enfants, en particulier de sa jeunesse, pour lui donner les moyens de se mêler, de s'unir autant qu'ils peuvent afin de les inciter à reconnaître leur rôle et à prendre leurs responsabilités dans la réalisation du rêve africain
Si, comme le stipule son acte constitutif, l'UA est "résolu à promouvoir et à protéger les droits de l'homme et des peuples, à consolider les institutions et la culture démocratiques, à promouvoir la bonne gouvernance et l'État de droit ; résolu également à prendre toutes les mesures nécessaires pour renforcer ses institutions communes et à les doter des pouvoirs et des ressources nécessaires afin de leur permettre de remplir efficacement leurs missions", elle doit, dès lors, s'enraciner dans des valeurs, des principes, s'ouvrir au monde et faire de la prise en compte des aspirations de ses citoyens, la raison d'être de son existence. Car, c'est en s'attelant aux tâches les plus urgentes que l'UA des femmes et des hommes de bonne volonté se relèvera et reprendra sa marche en avant.

Notes :
[1] Article 50, http://europa.eu/pol/pdf/consolidated-treaties_fr.pdf
[2] "Comment réparer l'Europe ?", L'OBS, édition n°2694 du 23 au 29 juin 2016, p.32
[3] El Español
[4] http://international.blogs.ouest-france.fr/archive/2016/06/24/brexit-ue-16411.html#more
[5]Alternatives économiques hors-série n° 081 - mai 2009
[6] Hélène d'Almeida-Topor, L'Afrique du 20 siècle à nos jours, Paris, Armand Colin, 2010. 400 pages
[7] Amzat Boukari-Yabara
[8] http://www.lemonde.fr/afrique/article/2016/06/09/comment-madame-dlamini-zuma-a-plombe-l-union-africaine
[9] Matteo Maillard, Le monde Afrique du 17.06.2016
[10] Romuald Likibi, La Charte africaine pour la démocratie, les élections et la gouvernance : analyse et commentaires, Éditions Publibook, 2012, 419 pages.
[11] Cf. Acte constitutif de l'union africaine
[12] http://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/brexit-donner-des-frontieres-a-l-europe_1805955.html
[13] Cour constitutionnelle allemande du 30 juin 2009 à Karlsruhe
[14] Christophe Beaudouin, La démocratie à l'épreuve de l'intégration européenne, Broché, 2013, 562 pages
[15] Hannah Arendt, philosophe du totalitarisme cité par Christophe Beaudouin dans http://www.observatoiredeleurope.com/
[16] Nkosazana Dlamini Zuma, Présidente de la Commission de l'UA
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Sécurité au Sénégal : Comment faire face à la menace terroriste ?

L'emballement de la question sécuritaire et du terrorisme au Sénégal interroge.

La question de la sécurité en général et celle du terrorisme en particulier est devenue, au fil des années, une préoccupation majeure. Elle traduirait l'idée selon laquelle le monde serait "En état de guerre[1]". Un état qui présuppose "une logique de fin de fin des temps, d'un calendrier apocalyptique[2]" dont les réseaux terroristes tels qu'Al-Qaïda et Daech en seraient les principaux instigateurs. Face à cette escalade dont la complexité est avérée et les implications vastes, les pays s'organisent.
En effet, longtemps confiné hors de nos frontières, le terrorisme frappe aujourd'hui à nos portes, à la faveur, notamment, de la naissance d'Aqmi (Al-Qaïda au Maghreb Islamique) qui, après s'être manifesté en Mauritanie puis en Mali, continue de menacer la région ouest-africaine, du Mujao (mouvement pour l'unicité et le djihad en Afrique de l'Ouest), d'Ansar Dine (les défenseurs de la religion), d'Almouakaoun Be Dam ((les signataires du sang), de Boko Haram (l'occident est un péché) qui constitue aujourd'hui la menace la plus sérieuse[3] et de l'état islamique en Libye qui a "mis en sac" ce pays.
Au regard de ces évolutions, des attentats perpétrés à travers le monde et des multiples arrestations opérées dernièrement au Sénégal, la question du terrorisme se pose avec acuité. Elle suppose de répondre, au préalable, à la question suivante : la menace terroriste existe-t-elle au Sénégal ?
Une chose est sûre, quelles que soient les réponses apportées à cette question, l'on ne saurait exclure le contexte du Sénégal, quand bien même très particulier de par sa configuration sociale, religieuse, "ses remparts endogènes, ses forces de stabilisation[4]", à un contexte global marqué par une "mondialisation de la violence" de plus en plus exacerbée, dont les conséquences n'épargnent aucun territoire par le fait même que leurs actions diplomatiques, militaires et politiques les exposent, d'une manière certes différente, à ces soubresauts qui secouent le monde.
Ainsi, partant du principe que ce qui arrive aux autres puisse nous concerner directement ou indirectement, il n'est pas illégitime de s'interroger avec discernement, sans céder à la psychose, ni aux dérapages verbaux, ni à la paranoïa ni aux déclarations farfelues, voire irresponsables de certains et conformément aux exigences républicaines, sur les voies et moyens permettant au pays de se prémunir contre ces menaces.
Si plusieurs mesures ont été prises pour faire barrage à la menace terroriste à travers une volonté politique manifeste, certaines modifications institutionnelles et l'adaptation du dispositif de sécurité aux frontières[5], il n'en demeure pas moins que les défis qui nous attendent appellent d'autres actions.
Soyons clairs, il ne s'agit pas de se lancer dans un combat ultra sécuritaire avec tout ce que cela implique comme risque de perversion, ni de choisir entre un "patriot act" à l'américaine[6] ou à la française (les lois sur le renseignement), mais de rendre possible ce qui est nécessaire pour une société soucieuse du bien-être, de la stabilité, de la quiétude de ses citoyens et d'optimiser la façon dont on répond à ces défis terroristes en terme judiciaire, politique voire organisationnel.
Il faut pour cela, en plus des mesures développées dans notre précédent article[7], redonner du sens à notre devise : un peuple, un but, une foi, amplifier le rôle de l'éducation dans l'éveil des consciences et renforcer les mesures de sécurité.
Redonner du sens à notre devise : un peuple, un but, une foi
Il y a des moments dans la vie d'une nation, d'une démocratie où l'unité nationale doit primer sur tout ce qui nous différencie. Oui, l'unité nationale, le rassemblement, le sens du consensus doivent être les instruments qui nous rappellent ces idéaux, ces valeurs qui fondent le ciment de nos institutions.
Dans un contexte sécuritaire de plus en plus aigu, il est nécessaire, ne serait que pour notre salut commun, de taire les ambitions personnelles, de tenir un seul discours pour mettre en avant l'intérêt général, encourager le vivre ensemble et pas le vivre entre nous. Notre commun vouloir de vie en commun nous ordonne qu'on redonne du sens et de la tenue au discours politique, qu'on responsabilise le débat public de manière à éviter les débordements de propos inappropriés et irréfléchis qui ne font qu'attiser les clivages confessionnels. Cela commande certes de gouverner autrement en associant l'ensemble des acteurs de ce débat pour réaffirmer et consolider ces idéaux. Cela commande aussi de s'opposer autrement. Car, une opposition responsable ne saurait se cantonner à attiser les peurs, à alimenter le feu qui pourrait tous nous ébranler. Par ailleurs, la fierté d'être républicain ne nous incite-t-elle pas à nous conformer aux principes qui fondent cette République ?
Au-delà des valeurs singulières qui nous enrichissent et nous honorent, il nous faut, plus que jamais, les faire coïncider avec le respect des lois, la laïcité dans la responsabilité. Oui, la foi n'est pas contraire à la République et ne constitue en rien son ennemi. En revanche, et par le fait même qu'elle reste, avant tout, une affaire individuelle, elle doit servir notre humanité collective à travers un but partagé, une foi commune à notre destin fraternel commun.
Elle doit aussi servir notre capacité à se hisser, à être à la hauteur. Or, être à la hauteur, c'est adhérer à ces valeurs là mêmes qui traduisent notre appartenance à une même nation, à un même peuple. C'est ne pas admettre que des individus, de par leurs propos et leurs agissements, mettent en péril la stabilité et la quiétude qui sont la particularité de notre pays. C'est ne pas succomber aux sirènes d'une idéologie, d'une culture importée, inadaptées à notre monde, contraire aux fondements de nos traditions et qui pourraient, de surcroit être, à terme, dangereuses.
Dans ce sens et sans remettre en question la liberté qu'a chacun de vivre et de pratiquer sa foi, quel est le bien-fondé de la burqa [8] dans un contexte culturel comme celui du Sénégal ?
Est-il concevable d'autoriser l'existence de certaines organisations qui font l'apologie d'une idéologie et des pratiques d'une autre époque, qui plus est, leurs financements par des entités ou des États dont les valeurs sont aux antipodes de nos réalités ?
Autant il faut fuir la manie ancienne comme présente des gouvernements de vouloir trop gouverner, autant nous devons, des fois, sacrifier peu de liberté pour plus de sécurité si tant est que ce sacrifice soit bien expliqué. Quid donc du rôle de l'école dans l'émergence d'une discipline républicaine ?
Amplifier le rôle de l'éducation dans l'éveil des consciences
Nous n'avons de cesse de parler d'émergence. Mais, cette dernière ne saurait se faire que par une refondation idéologique, républicaine[9]. Faut-il le rappeler, "le développement doit être saisi dans son intégralité, car, dépassant les phénomènes économiques de croissance, il englobe aussi les éléments d'ordre psychologique, moral, social, culturel, politique, religieux qui concourent à la valorisation des personnes et des sociétés[10]"
Pour changer donc les mentalités, il nous faut promouvoir une école de développement, garante d'une société plus démocratique, plus juste, mais aussi et surtout une école qui promeut des citoyens dotés de sens critique, d'une conscience éveillée à l'égard des conditionnements sociaux ou communautaires. Car, au-delà de la multiplicité des clefs de lecture qui doivent nous permettre de lutter contre le terrorisme, l'éducation doit être en première ligne pour mettre en avant un "savoir religieux" qui est intégrant et non discriminant, qui véhicule des valeurs de tolérance, de fraternité, de paix. Il faudrait, dans ce sens, adapter nos programmes aux évolutions du monde, contrôler le contenu des enseignements délivrés dans certaines écoles à défaut d'instituer une contractualisation (établissements sous contrat) entre l'éducation nationale et certains établissements.
Face à la complexité des enjeux géopolitiques, géostratégiques et à l'impératif du vivre ensemble dans le respect des règles de vie collective, nous devons réfléchir à une éducation à la citoyenneté, à la démocratie, développer une pédagogie de la laïcité et renforcer l'enseignement laïc du fait religieux, les mesures d'interdiction des signes ostentatoires aussi bien dans l'espace scolaire que public. Oui, la culture est un rempart nécessaire contre l'obscurantisme.
Mais, tout cela est-il possible si l'on ne repense pas le rapport de l'État et du religieux dans une séparation de dialogue ? Si l'État doit revoir sa relation avec le religieux, il doit aussi renforcer les mesures de sécurité.
Repenser les mesures de sécurité
Aujourd'hui, les réalités géopolitiques dans la sous-région et dans le monde ajoutées aux engagements du Sénégal sur le plan diplomatique et militaire appellent à repenser les paradigmes sécuritaires, notamment les dispositifs de lutte contre le terrorisme dans un contexte de plus en plus complexe.
Face à l'évolution des modes opératoires du terrorisme, à l'apparition de nouvelles formes de terrorisme et à la réalité même de cette menace dans notre pays[11]., il serait opportun de repenser les mesures de sécurité existantes pour les adapter à l'intensité de la menace et ne pas succomber à l'autosatisfaction. Oui, le Sénégal est plus ou moins bien armé en termes de lutte contre ces différentes menaces, mais cela peut-il nous épargner de toutes tentatives de déstabilisations au regard, entres autres, du piège de la "politisation" des services de renseignement, des errements et autres négligences en la matière[12] ?
Dans un cadre global, il serait bien de les réorganiser pour plus de coordination, une adaptation continue aux impératifs actuels et aux évolutions des menaces. Sur le plan de la lutte contre le terrorisme, nous devons, en nous appuyant sur les acquis et sur ce se fait déjà (renforcement de la sécurité aux frontières pour limiter la liberté de mouvement des terroristes et empêcher la livraison de fournitures et d'autres activités illicites, une collaboration accrue avec les pays amis, une formation continue des agents…), améliorer les moyens technologiques, humains pour des actions de prévention et de dissuasion nécessaires ; initier un travail de coopération avec tous les citoyens, car il faut que chaque citoyen devienne une "caméra ambulante"; renouveler les catégories d'analyse si on veut donner une réponse adéquate aux différentes menaces susceptibles d'apparaître.
Pour résoudre les problèmes liés au terrorisme, il ne faut pas se tromper de diagnostic sur les causes du mal ni sur les moyens à mettre en œuvre pour éradiquer ce mal. Aussi, dans un État de droit, il faut bien réfléchir avant de mettre en œuvre une politique quelle qu'elle soit surtout en matière de terrorisme.
En tous les cas, il faut dès à présent anticiper "l'impensable", prévoir des scénarii pour faire face aux événements qui ne manqueront pas d'influencer le cours de notre histoire et prendre des décisions appropriées.

Notes :
[1] Myriam Benraad, www.franceinter.fr
[2] Jean-Pierre Filiu, www.franceinter.fr
[3] Smaïl Chergui, Commissaire pour la paix et la sécurité de l'Union africaine (UA) in lemonde.fr/Afrique
[4] Babacar Justin Ndiaye in L'invité du 20h - 30 octobre 2015, TFM
[5] Cf, Posture du Sénégal face à la menace terroriste dans le Sahel, https://esig.cm/
[6] Providing appropriate tools required to intercept and obstruct terrorism : Le Patriot Act, une législation d'exception au bilan très mitigé in http://www.lemonde.fr
[7] Pierre Sarr, Sécurité en Afrique : Entre urgences, priorités et superficialité, janvier 2015
[8] J'entends par là voile intégral
[9] Pierre Sarr, Le Sénégal : des idées pour une nouvelle donne, Harmattan, Paris, 2012
[10] Alain Barrère, L'enjeu des changements : exigences actuelles d'une éthique économique et sociale, Editions Erès, 1991, 325 p.
[11] Rapport sur la paix et la sécurité dans l'espace CEDEAO, Numéro 3, mai 2013
[12] http://www.ndarinfo.com/Zoom-sur-les-Methodes-des-Services-de-Renseignements-senegalais_a9810.html,
http://www.seneweb.com/news/Politique/iran-gambie-senegal-les-services-secrets-en-cause_n_41801.html
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Engagement politique au Sénégal : de l'opportunisme à l'impuissance

La prolifération de partis politiques, les phénomènes complexes de transhumance et certaines pratiques politiques dévalorisent la République et freinent l'émergence.

Dans un contexte général de fortes interrogations où la majorité de nos concitoyens s'inquiète de leur avenir, celui de leurs enfants, où la désespérance gagne du terrain alors même que le Sénégal explore des voies nouvelles pour son émergence (PSE), son développement, il est nécessaire, ne serait-ce que par clairvoyance, par décence et par respect, de nous interroger sur le sens de l'engagement politique.
Pour rappel, faire de la politique, c'est mettre son talent au service de la chose publique. C'est essayer d'améliorer la vie des gens. C'est donc servir. Mais, c'est aussi des idées, des rêves à faire-valoir, des valeurs auxquelles il faut adhérer, celles du devoir, de l'exemplarité, de l'éthique dans les modes de fonctionnement, dans l'exercice des responsabilités, pour restaurer l'indispensable confiance entre gouvernants, gouvernés et préserver ce pays du mysticisme dans lequel veulent nous enfermer des esprits soi-disant éclairés.
Une analyse de l'environnement politique actuel et des comportements des uns et des autres permet de se rendre compte que nous sommes encore loin de cette façon de voir les choses, en dépit des engagements pris et des ruptures annoncées. De vieux réflexes perdurent et ne tirent pas la politique vers le haut. Cette dernière est marquée du sceau de l'opportunisme, de l'impuissance, de la "house of cardisation" insidieuse. Plus soucieuse de l'hypocrisie, de la démagogie, du verbiage, de la langue de bois, elle apparait davantage comme un tremplin, une forme de promotion sociale, voire le chemin le plus court pour accéder à la "richesse", aux "honneurs" qui plus est sans l'honneur.
C'est pourquoi le débat politique tend à se limiter à l'invective, aux injures et aux menaces, ce qui n'est pas sans rapport avec l'impuissance idéologique. Soyons clairs, ces faits ne sont pas l'apanage de tous les politiques, fort heureusement ! Mais, la facilité avec laquelle certains responsables politiques renient leurs convictions, "transhument" entre l'opposition et le pouvoir, glorifient leurs adversaires d'hier et se livrent, du fait de stratégies politiques, à des alliances improbables, voire problématiques et contreproductives à long terme, même si le dialogue et le consensus sont nécessaires, montre les failles d'un système qui ne fait que reproduire les mêmes erreurs et ignorer les leçons du passé. Un passé qui, si on n'y prend garde, risque de rejaillir et bouleverser un quotidien rempli d'attentes qui nourrissent autant de facteurs de déstabilisation, de déclencheurs de crise, que de catalyseurs d'injustice qui n'attendent que l'étincelle qui les fera exploser.
Aucune stratégie de développement ne peut se poursuivre quand la majorité des jeunes est au chômage, quand l'éducation et l'innovation fonctionnent mal, quand se soigner convenablement devient un calvaire, quand la confiance en l'état de droit et en une administration de la justice égale pour tous est incertaine, quand un gouvernement manque de transparence. Assurément, les gouvernements qui protègent ces droits sont finalement plus stables, plus sûrs et réussissent mieux dans la voie de la reprise économique, de la cohésion sociale. Méfions-nous, l'Histoire a toujours un pied dans le présent.
Avec environ deux cent vingt-huit partis politiques, le Sénégal fait montre, pour certains observateurs, d'une réelle vitalité démocratique. Ce qui est incontestable. Mais, au-delà de ce constat et au regard des comportements cités précédemment, puis des maux dont souffre aujourd'hui le pays, maux qui sont - en partie - causés par les incohérences et l'échec des stratégies mises en œuvre par ces mêmes hommes politiques, nous sommes en droit de nous demander si cette prolifération de partis est l'expression d'un engagement "désintéressé".
En effet, ces nombreux partis n'ont d'existence, pour la plupart, que sur le papier. Ils ne participent aucunement à l'animation de la vie politique, ne sont d'aucune force de propositions, ni d'enrichissement du débat. Ils n'ont aucune ligne politique encore moins une quelconque idéologie. Pis encore, ils ne se résument, le plus souvent, qu'à leur initiateur ou, tout au plus, à quelques personnes et finissent toujours par être phagocytés par un autre parti, ce qui interpelle sur le bien-fondé de leur création. En définitive, l'espace politique est parasité par des partis "fantoches", des comportements qui sont indignes de l'engagement politique et qui tendent à faire offense à notre intelligence collective.
Nous n'avons de cesse de parler d'émergence, de développement, mais toute émergence et tout développement suppose, en ce qui nous concerne, un préalable : une refondation idéologique et républicaine. Parce que, "le développement doit être saisi dans son intégralité, car, dépassant les phénomènes économiques de croissance, il englobe aussi les éléments d'ordre psychologique, moral, social, culturel, politique, religieux qui concourent à la valorisation des personnes et des sociétés.
Face aux défis multiples qui nous attendent, nous avons besoin d'hommes politiques imbus, non pas d'un esprit revanchard, avide, mais d'une volonté ferme de sortir ce pays de la "grande désillusion". Nous avons besoin de responsables qui se montrent à la hauteur des espérances placées en eux et qui n'agissent pas à rebours de leurs intentions. Dans ce sens, les citoyens doivent, tout aussi, être responsables.
Nous arrive-t-il de penser que nous pourrions, par nos responsabilités individuelles et aussi anodines que soient nos actions, être pour quelque chose dans la situation que connait le Sénégal ? Oui, chacun a entre ses mains une partie, aussi minime soit-elle, de l'avenir de ce pays et la politique ne saurait constituer la seule façon d'être utile ou de participer à sa construction. Chacun peut l'être par son attitude, son travail et ses responsabilités au quotidien.
Mais ceux qui s'engagent dans la politique ont une responsabilité toute particulière. Par conséquent, il nous faut des patriotes convaincus, capables de hauteur, attentifs aux besoins des Sénégalais et soucieux de défendre de toutes leurs forces l'intérêt général. Compte tenu de l'état social, économique et moral du pays, l'heure n'est-elle pas venue d'envisager la politique par le seul prisme de l'intérêt général et non plus par celui des plus petits intérêts partisans ?
Est-ce trop demander à nos hommes politique?

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Le scénario grec : un exemple à méditer pour l'Afrique

Athènes n'est ni Dakar, ni Abidjan, mais accepter d'autrui qu'il subvienne à vos besoins entraîne une inéluctable dépendance.

Les pourparlers qui font rage entre Athènes et la Troïka, ces "institutions partenaires" alimentent les inquiétudes en tout genre et témoignent du reste de la toute-puissance des pouvoirs financiers, ces "maîtres du monde".
Entre les injonctions d'augmentation des recettes et de diminution des dépenses, allègements de la dette et de réformes, voire d'engagements contraints, le sort de la Grèce est lié au bon vouloir d'une "communauté d'intérêts" dont les préoccupations paraissent s'opposer aux attentes et aux choix des peuples, en dépit des résultats des urnes.
Mais, au-delà du scénario grec, cet affrontement semble engager le destin de la démocratie en Europe[1], comme partout ailleurs et confirmer ces adages ô combien d'actualité : "Donnez-moi le contrôle sur la monnaie d'une nation et je n'aurai pas à me soucier de ceux qui font ses lois[2]", "il y a deux manières de conquérir et d'assouvir une nation, l'une est par les armes, l'autre est par la dette[3]".
Assurément, "pendant que le garrot européen se resserre, que les marchés financiers accentuent leur pression sur le gouvernement d'Athènes, les termes du jeu deviennent terriblement clairs. La Grèce est soumise à un diktat. En échange des financements dont elle a besoin, on exige qu'elle entérine sur-le-champ une avalanche d'exigences dogmatiques et inefficaces, toutes contraires au programme de son gouvernement[4]".
Bien sûr, Athènes n'est pas Dakar, ni Abidjan encore moins Bamako ou Accra pour ne prendre que ces quelques exemples. Mais, les phénomènes qui sont à l'origine de la situation grecque, quand bien même, je le redis, très différente de nos réalités, doivent, néanmoins, nous rappeler une chose essentielle : accepter d'autrui qu'il subvienne à des besoins vitaux, nombreux, superflus et aussi parfaitement que possible, finit par vous réduire à un état de dépendance[5]. Or, il n'y a pas pire folie que de se comporter de la même manière et de s'attendre à un résultat différent[6].
Au regard de ce qui précède, le problème grec a donc le mérite de soulever plusieurs questions qui pourraient inspirer l'Afrique :
Quel est, aujourd'hui, son degré de dépendance par rapport au reste du monde ?
Cette servitude n'est-elle pas de nature à compromettre son avenir ? Qu'est-ce qui se cache derrière les vocables de "destin commun", "d'objectifs communs", de "partenariat stratégique basé sur l'égalité politique et la confiance mutuelle", de "coopération économique gagnant-gagnant", de "nouveau modèle de partenariat" qui sont devenus les maîtres mots de la relation entre l'Afrique et ses partenaires ?
Les réponses à ces questions sont aussi diverses que ceux qui s'y intéressent.
Cependant, une chose est sûre, le statu quo et le manque d'ambition, les indécisions, les tâtonnements et les tiraillements, les laxismes ambiants, la prise en compte de l'accessoire au détriment de l'essentiel en plus d'une très grande "contrainte" vis-à-vis de l'extérieur peuvent avoir des conséquences insoupçonnées, telle de la mauvaise graine, se disséminant sournoisement dans le champ des espérances collectives.
Tirer les leçons des modèles sociopolitiques expérimentés à travers le monde, et en l'occurrence du cas grec, puis rompre les processus des dépendances dans lesquels l'Afrique ne cesse de s'enliser devient une nécessité absolue au regard de ses ambitions et des dangers d'une telle stratégie. Cela passera par une reconquête, et de sa pensée, et de son indépendance.
Qui ne possède pas sa pensée ne possède pas son action.
L'Afrique a été, pendant longtemps, le terrain d'expérimentations des politiques de toutes natures supposées permettre son développement, son arrimage au reste du monde et qui n'ont cessé de la soumettre aux oukases d'une pensée à laquelle elle adhère, lors même que les échecs de cette dernière dans plusieurs domaines, ont été largement démontrés[7].
Qu'en est-il aujourd'hui ? Qui est-ce qui dicte le tempo ? Qui écrit la partition ? L'Afrique est-elle maître de sa pensée et donc de ses actions ? En un mot, qu'en est-il de son indépendance ?
Le constat est sans équivoque au regard des faits et des rapports qu'entretient l'Afrique avec le monde. D'abord, parce que la dépendance exagérée, de ces moyens d'action et de certaines de ses institutions, est avérée et traduit, par ailleurs, une profonde imprudence voire une sous-estimation des intérêts qui guident aujourd'hui le monde[8].
Ensuite, parce que l'Afrique est un acteur subissant aussi bien les relations internationales, économiques, que financières. Enfin, parce qu'elle est continuellement malade de ses contradictions, de ses faiblesses et de ses impuissances[9].
Dans de telles conditions, comment peut-elle maîtriser son destin ? Quelles sont donc les forces à l'œuvre et les intérêts en jeu lorsqu'il est question de l'avenir de l'Afrique ? L'interventionnisme de certaines institutions internationales dans les stratégies de développement, l'implication de certains États partenaires dans la résolution des conflits comme dans le financement de ces économies, est-il seulement fondé sur une certaine philanthropie ou un quelconque altruisme ?
Il ne faut pas être naïf ! Dans les relations entre États, il n'y a pas d'amis, il y a que des intérêts, des cibles ou des vassaux.
Dans un contexte de compétition permanente, compétition entre États, compétition entre entreprises où tous les coups sont permis pour arriver à ses fins, où chacun essaie de préserver ses intérêts, aller à la conquête d'une certaine indépendance de pensées et d'actions ne serait que salutaire au regard des enjeux auxquels l'Afrique fait face et des ambitions qui doivent être les siennes. Car l'indépendance dont elle se prévaut ne lui a nullement permis, jusque-là, d'avoir l'initiative encore moins de toujours décider pour elle-même et par elle-même.
Quid des moyens ? D'abord s'unir, mutualiser ses efforts dans tous les domaines[10]. L'union face aux États continents et autres puissances régionales qui domineront ce siècle et contre lesquels aucun pays ne peut agir seul. Ensuite, l'Afrique doit s'assumer elle-même, pratiquer largement et sans complexes les emprunts[11] à l'Occident avec un opportunisme scientifique[12] pour mieux et davantage servir ses intérêts. Enfin, elle doit choisir les bonnes voies, ses propres voies, celles qui correspondent à ses réalités, à ses aspirations. Faudrait-il encore attendre cinquante ans pour cela[13] !
L'indépendance n'est pas un état de choses, mais un devoir que l'Afrique et ses dirigeants doivent à ceux qui ont sacrifié leurs vies pour la conquérir et à ceux qui en attendent tant.

Notes :
[1] Lire "La gauche grecque peut-elle changer l'Europe ?", Le Monde diplomatique, février 2015 ; "L'Europe a-t-elle un avenir ?", Alternatives économiques, hors série n° 095 ; "La crise a-t-elle fait reculer la démocratie en Europe?", Alternatives économiques, hors série n° 096 - février 2013.
[2] Mayer Amschel Rothschild (1744 - 1812) est le fondateur de la dynastie banquière des Rothschild, devenue l'une des familles les plus célèbres dans le monde des affaires.
[3] John Adams (1735 - 1826) est un homme politique américain.
[4] "Contre l'austérité à perpétuité, soutenir la Grèce", Le Monde diplomatique, mars 2015.
[5] Friedrich Nietzche.
[6] Albert Einstein.
[7] Joseph Stiglitz, La Grande Désillusion, Fayard, 2002, 407 p, Gilles Duruflé, L'ajustement structurel en Afrique, Karthala, 1988, 205 p.
[8] Les écoutes de la NSA sur certains de ses partenaires, révélées par Wikileaks.
[9] Nguway K. Kadony, Une introduction aux relations internationales africaines, l'Harmattan, Paris, 2008, 208p
[10] Théophile Obenga, L'État Fédéral D'Afrique Noire : La seule issue, L'Harmattan, 2012, 71 p.
[11] Imitation, reproduction d'une idée, d'une expression, pour en tirer profit, pour son propre compte.
[12] Adapté d'Axelle Kabou : Et si l'Afrique refusait le développement ? L'Harmattan 1991, 208 p.
[13] "Agenda 2063, l'Afrique que nous voulons", Commission de l'Union Africaine.
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Identités communautaires et Identité nationale : Quel mélange des genres ?

Le Sénégal est un pays caractérisé par sa diversité ethnique, culturelle, confessionnelle. Une diversité qui doit faire sa force et contribuer, pour employer un terme à la mode, à la construction d'un Sénégal émergent, même s'il convient de bien s'entendre sur cette notion d'émergence pour savoir ce à quoi elle renvoie(1) et atteindre, par ce fait, les objectifs qu'elle sous-tend. Mais, ce n'est pas mon propos.

Mon sujet est une réflexion qui fait suite à un article que j'ai lu récemment(2) et qui relatait, entre autres, les propos suivants : "Dans la répartition des postes de ministre, de député, de directeur général, de Pca, le Président Senghor accordait toujours des quotas aux Lébous. Nous voulons restaurer cela parce que notre communauté n'est pas minoritaire, elle était divisée. Sans les Lébous, le Sénégal ne peut pas être émergent".
Cet article vise, sans désir de montrer telle ou telle communauté du doigt, à questionner notre identité nationale, nos comportements parfois contradictoires et contraires à nos ambitions républicaines. Il tente également de répondre, par ricochet, à la question suivante : sommes-nous Diola, Malinké, Pular, Sérère, Soninké, Wolof, Catholique, Mouride, Tidjiane, etc., avant d'être sénégalais ?
En effet, nous avons bien souvent tendance, dans ce pays, à mettre en avant nos particularités, nos sensibilités au détriment de ce qu'on va appeler pour les besoins de cette chronique, notre "sénégalitude" ou "sénégalité". Cette dernière doit traduire notre commun vouloir de vie commune, de se sentir membre d'une communauté nationale mue par des intérêts qui vont au-delà des aspirations culturelles ou confessionnelles particulières.
Aujourd'hui, force est de constater que cette collectivité "supracommunautaire" tarde à être une réalité incontestable. Il suffit, pour cela d'écouter les discours des uns et des autres. Soyons clairs, il ne s'agit pas de contester ni le désir, ni la fierté, ni la légitimité qu'a chacun et chacune de vivre selon ses convictions, encore moins de lui dénier toute forme de reconnaissance.
Mais, il est tout aussi légitime de s'interroger sur certaines attitudes et/ou affirmations qui peuvent jeter le trouble ou exacerber une "compétition communautaire" qui n'a pas de raison d'être et qui pourrait être préjudiciable à la réalité de la cohésion nationale si forte et si fragile.
Quelles sont les raisons qui justifieraient qu'une communauté, une localité ou une confession puisse prétendre disposer d'un privilège de quelque nature que ce soit ? Sur quels fondements pourrait-elle s'imaginer être plus méritante qu'une autre ?
Si, dans un souci d'équilibre, la gestion d'un certain "personnel étatique" par la représentativité, l'appartenance communautaire ou régionale a toujours été légion, elle doit être maniée avec prudence au risque de nous enfermer dans des considérations dangereuses.
Car, le Sénégal n'est pas un gâteau à partager et son destin n'est pas à ce point ordinaire pour être livré à des pratiques de cette nature. Par conséquent, seules les compétences, les vertus doivent être les critères de sélection de telle ou telle personne à quelque fonction que ce soit.
Ainsi, de la même manière qu'on est président de la République, on doit être ministre ou PCA ou DG de la république avec tout ce que cela suppose comme responsabilité, comme neutralité et en faisant fi des appartenances et des sensibilités citées précédemment. Ne pas s'inscrire dans une trajectoire de ce genre, c'est faillir à ses missions et à ses obligations, notamment, celles de servir le Sénégal et tous les Sénégalais avec la même dévotion. C'est tomber dans un mélange des genres inadéquat et plonger le Sénégal dans le dictat des intérêts partisans.
Certes, il ne saurait y avoir de hiérarchisation et/ ou d'incompatibilité entre le fait d'être sénégalais et sérère, wolof, diola, peul, toucouleur, mandingue, mankagne, catholique, musulman, animiste ou que sais-je encore. Mais, puisque par définition autant de communautés il y a, autant de valeurs en découlent, la "sénégalitude", la "sénégalité" doit être ce qui nous est commun. Elle doit faire partager des valeurs et des croyances fédératrices, piliers de nos principes républicains. Elle doit donc être le socle autour duquel seront ancrées et vécues aussi bien des valeurs que "des moments effervescents" pour communier dans une même pensée et une même action, gage de cette énergie indispensable, de cette force du groupe nécessaire à l'exaltation de rituels rassembleurs. Dans ce sens, quelles sont les occasions autour desquelles la nation tout entière se réunit pour magnifier son adhésion, sa foi inébranlable à ces valeurs mentionnées, notamment, dans la constitution3 ? La fête nationale, la fête du Travail, la journée de la Femme, la fête du tirailleur sénégalais, etc. ? Ne serait-il pas judicieux de vivre d'autres moments forts autour des symboles et des idéaux de la République pour façonner les esprits autour d'un "seul but et d'une seule foi" ?
Il appartiendra à nos politiques de redonner du sens à ces moments essentiels ou de redéfinir leurs contenus de manière à ce qu'ils ne constituent pas seulement des jours fériés, mais surtout des moments d'éducation de notre citoyenneté, d'attachement aux repères de la nation, d'affirmation et de consolidation des fondements de l'État.
Il leur appartiendra également de redonner du sens et de la tenue au discours politique.N'est-ce pas là, la première voie de l'émergence ?

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