
Serge Finia Buassa
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Descriptif auteur
Religieux et docteur en théologie biblique. Je fais des recherches d'ordre philologique (sémantique) et théologique dans les lois du Pentateuque et m'exerce à la littérature. J'ai été formateur et enseignant au moyen séminaire Saint Pie X du diocèse d'Owando (Congo-Brazzaville).
Je suis né à Kinshasa, en République démocratique du Congo. Je suis troisième d'une famille de six enfants. J'ai fait mes études primaires, secondaires, philosophiques, ainsi que les deux premiers cycles et une partie du troisième cycle d'études théologiques à Kinshasa. J'ai obtenu le titre de docteur en théologie, spécialisation biblique, à la Pontificia Università Urbaniana de Rome.
Titre(s), Diplôme(s) : Bachelier et gradué (licencié) en philosophie, diplômé d'études approfondies en théologie biblique, agrégé de l'enseignement secondaire du degré supérieur en théologie, docteur en théologie biblique
Fonction(s) actuelle(s) : Religieux, écrivain, enseignant, chercheur
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AUTRES PARUTIONS
LES ARTICLES DE L'AUTEUR
Lecture de la Bible dans la Communauté Bondeko
0. Introduction
Nous voulons réfléchir sur la place de la Bible dans la vie des chrétiens catholiques. Nous examinerons précisément la manière dont les membres de la communauté Bondeko - vivant dans un autre contexte géographique, historique et culturel que les premiers destinataires du message révélé - lisent la Parole de Dieu afin de se l'approprier. Cette étude s'inspire de celle réalisée par F. Mabundu pour sa thèse de doctorat en théologie pastorale : "Lire la Bible en milieu populaire". Notre but est de montrer comment certains chrétiens lisent la Bible afin de se l'approprier, puis en quoi et comment la lecture de la Bible peut avoir un impact dans la vie des chrétiens, notamment ceux de la communauté qui nous préoccupe.
Notre proposition théologique est la suivante : la Parole de Dieu n'est pas d'abord donnée pour un exercice exégétique qui viserait à fournir aux lecteurs des argumentations scientifiques comme à des exégètes. Elle est donnée aux communautés des croyants pour qu'elles la vivent : pour qu'elles se l'approprient après une lecture méditée dans la langue qu'elles comprennent.
La Bible lue dans la communauté Bondeko est celle parvenue sous une forme traduite. Pour réaliser notre étude, nous avons adopté la méthode d'investigation. Nous avons précisément mené une étude sur terrain en participant à une réunion, une récollection et en interrogeant quelques membres dudit groupe, sans un questionnaire préétabli. Il faut ajouter à cela la lecture de quelques unes des publications de ce groupe.
Pour ce qui est de notre méthode d'approche, nous articulons la présente réflexion autour de trois sections : la première fait une brève présentation de la communauté Bondeko. La deuxième jette un regard particulier sur la manière dont la Bible y est lue. La troisième et dernière - en guise de réflexion conclusive - donne une appréciation personnelle et formule quelques propositions pour une meilleure lecture.
1. Brève présentation de la communauté Bondeko
Notre propos n'est pas d'effectuer une étude historique de la communauté Bondeko. Nous notons néanmoins quelques points qui nous paraissent importants.
La communauté Bondeko est une émanation du mouvement Focolari. Le terme italien "Focolari" signifie en français "foyers". L'idée est que tout le monde peut amener son bois pour faire le feu. Le Focolari, comme mouvement, prône la spiritualité de l'unité, basée sur l'amour du prochain. Dans le concret, la communauté Bondeko s'inspire de son mouvement-mère de par son idéal - la fraternité - et sa spiritualité, mais les vit différemment, eu égard au changement de contextes.
La communauté Bondeko fut fondée à Kinshasa en date du samedi 11 novembre 1967, par le Révérend Père Arthur du Vernay, un missionnaire de Scheut. Il reçut l'approbation de l'ordinaire du lieu, feu le Cardinal Joseph-Albert Malula, en 1975. Cette communauté serait partie de Focolari à Bondeko pour des raisons d'inculturation. Il faudrait, selon le souci du Cardinal Malula, un groupe qui rencontrerait les habitants de Kinshasa dans leurs réalités de vie quotidienne. L'évêque de Kinshasa ne semblait pas favorable à un groupe étranger qu'on ne ferait qu'adapter aux situations des Kinois, mais il voulait plutôt un groupe incarné ou inculturé de par aussi bien l'intuition fondatrice que l'enseignement véhiculé. Notons que c'était encore l'époque de l'établissement des Eglises locales en Afrique. Et l'objectif prioritaire pour réaliser cette entreprise fut l'africanisation. Il revenait aux africains eux-mêmes de donner à ces Eglises locales un visage authentiquement nègre.
Autrement dit, la communauté Bondeko est à situer dans le cadre de l'inculturation du message au plan de la vie et du gouvernement de l'Eglise. Sur ce plan, l'Episcopat congolais - du Zaïre à l'époque - avait dans les années 1970-1979 comme option générale l'africanisation de l'Eglise. C'est à cette période que l'épiscopat du Zaïre avait pris la décision de réaliser l'institutionnalisation généralisée de ministères non-ordonnés, l'indigénisation du personnel d'évangélisation (dans les séminaires et les scolasticats) et l'érection de petites communautés chrétiennes.
La communauté qui vit le jour sous l'initiative du Père Arthur du Vernay reçut pour nom "la communauté Bondeko Ya Sika". Nous préférons l'appeler, par économie du langage, la communauté BYS ou la BYS.
Comment s'organise la BYS ?
1.1. Organisation de la BYS
La BYS s'organise en deux branches : spirituelle et sociale.
a) Branche spirituelle
La branche spirituelle de la BYS est composée des communautés. Il existe quatre catégories des communautés.
- Communautés des mariés : elle rassemble des couples.
- Communautés des jeunes : pour les adultes et étudiants.
- Communautés des juniors dont l'âge varie de 5 à 15 ans.
- Communautés scolaires : dans des écoles catholiques.
b) Branche sociale
Du côté social, la BYS s'organise comme une association sans but lucratif (ASBL), baptisé ASBL Bondeko Ya Sika. Elle a acquis sa personnalité juridique par ordonnance n°78/132 du 21 mars 1978. L'ASBL Bondeko a pour siège le Centre Bondeko, dans l'Archidiocèse de Kinshasa. Elle se repartit en cinq entités sociales ou secteurs d'activités :
- Le centre Bondeko : c'est un centre d'accueil inauguré en 1975 par l'ASBL Bondeko. Il est destiné à ceux qui veulent apprendre une bonne gestion de leur vie, de leur travail.
- Le centre social Nazareth ayant une école et une boulangerie. Il est ouvert aux enfants défavorisés, même ceux de la rue, pour leur donner une formation accélérée : alphabétisation, coupe et couture, hôtellerie, mécanique auto, électronique, informatique. Quelques uns de ces enfants sont totalement pris en charge.
- Le centre Agropastoral au plateau de Bateke.
- Le centre spirituel et social Mangengenge pour ceux qui vont en pèlerinage.
Chaque entité est dirigée par un comité de gestion. Toutes ces entités constituent les principales ressources financières de la communauté BYS.
L'ASBL BYS dirige toutes les trois cents communautés Bondeko (dont plus de deux cents à Kinshasa et cent à l'intérieur du pays : diocèses de Kisantu, Matadi, Boma, Idiofa, Kalemie, Kananga, Mbuji-mayi et Luiza).
Les communautés sont attachées aux paroisses ou aux écoles et regroupées en doyennés organisant leurs activités propres. Pour le fonctionnement de ces communautés, chaque entité sociale déverse à la caisse centrale de BYS 5% de son revenu mensuel. Les membres de chaque communauté font également la mise en commun d'une partie de leurs salaires mensuels : la dîme. Les animateurs des communautés se rassemblent au Centre Bondeko chaque dernier dimanche du mois. En outre pour former les membres à une réelle vie chrétienne, une récollection est organisée au Centre Bondeko chaque weekend pour toute catégorie des communautés et des membres.
Toutes les communautés (bien structurées) ont à leur sommet le comité ou l'assemblée générale de l'ASBL. Ce comité est composé de onze membres : une présidente, un vice-président, un secrétaire général, deux conseillers (prêtres diocésains), un couple représentant les mariés, un représentant des jeunes, un représentant des communautés scolaires, le responsable du centre spirituel et social Mangengenge, un chargé des relations publiques.
A la fin de chaque année l'assemblée générale se réunit et établit le rapport annuel des activités de la communauté BYS. Le rapport est consigné par écrit dans la revue "Qu'ils soient un". Le dernier numéro de cette revue date d'août 2009. Dans cette revue annuelle sont également présentés le thème général et les "Parole à vivre" de différents mois, avec un argumentaire. Bien plus, il existe un comité de la revue "Tu aimeras" qui développe la "Parole à vivre" pour chaque mois. Les autres membres de la communauté BYS participent à l'élaboration en envoyant leurs expériences de vie.
Au-delà de son organisation, la BYS a une spiritualité qui l'anime.
1.2. Spiritualité de la BYS
Pour le Père fondateur de la BYS, "la spiritualité d'une communauté chrétienne se définit, d'une manière générale, comme un ensemble des objectifs chrétiens prioritaires choisis par certains membres qui se laissent guider par l'esprit du Christ". Ainsi le Père Arthur a donné à son uvre caritative le nom de "Bondeko", un vocable lingala qu'on traduit en français par "fraternité". Il lui a aussi assigné un idéal, puisé et fondé sur le dernier repas et testament de Jésus à ses disciples (Jn 13-17) : "Amour - Unité - Partage". Le fondateur aurait par son uvre concrétisé son amour du Christ et son zèle pour son évangile.
La trilogie "Amour - Unité - Partage" résume la spiritualité Bondeko.
L'idéal Bondeko et toute la spiritualité qui l'anime ont pour source inspiratrice la nature même de Dieu. Les membres de la BYS découvrent dans l'enseignement du Christ le Dieu trinitaire, avec l'amour, l'unité et le partage comme attributs (cf. Mt 5, 44-48 ; Lc 6, 36 ; Jn 13-17 ; etc.).
Partant du principe chrétien qui préconise que tous les hommes ont Dieu pour Père, tel qu'on peut le comprendre en lisant notamment Mt 5, 43-48, la BYS recherche une société fraternelle. Elle invite ses membres à vivre comme des frères en famille, à l'école, au travail ainsi que dans toutes les activités religieuses, sociales, économiques et même politique. La vie de communion est, d'après la BYS, la vie naturelle des enfants de Dieu.
La spiritualité Bondeko vise la fraternité de tous les enfants de Dieu. Elle veut offrir au monde la meilleure assurance d'une vraie vie chrétienne, une vie d'amour, d'unité et de partage, selon l'enseignement du Christ, à l'exemple et en imitation de la vie de la première communauté chrétienne, telle que rapportée en Ac 2, 42-47 ; 4, 32-35.
Les membres de la BYS s'efforcent de vivre leur spiritualité et leur idéal en imitation et à l'exemple des premiers chrétiens. Ainsi, ils recherchent l'unité de tous les hommes peu importent les différences. La motivation vient de la paternité universelle de Dieu et de cette parole de Jésus : "Qu'ils soient un, comme toi, Père, tu es en moi et que je suis en toi, qu'ils soient en nous eux aussi ( )" (Jn 17,21). Les membres de la BYS veulent aimer sans discrimination sociale ou raciale. Quant au partage, il ne se réalise pas seulement autour de la Parole de Dieu ou de l'eucharistie. C'est aussi le partage des peines et du bonheur, le partage matériel. Chaque membre est convié, selon ses moyens, à la solidarité et au partage avec les autres membres, surtout avec les plus démunis. D'où la mise en commun des salaires mensuels au profit de la vie commune et l'existence d'une caisse d'entraide au niveau de chaque communauté. Ajoutons à cela, les soutiens financiers et matériels dont dispose la communauté BYS par le biais de ses uvres sociales.
A l'exemple et en imitation des premiers chrétiens, la Parole de Dieu occupe une place capitale dans la communauté BYS.
2. Lecture de la Parole de Dieu
Dans la BYS, la Parole de Dieu est communément appelée "Parole à vivre". Elle est mise en exergue dans deux revues de Bondeko. La revue annuelle "Qu'ils soient un" donne le thème général de l'année et les "Parole à vivre" mensuelles sans les développer. Pour l'année 2008, "Pour moi vivre c'est le Christ", avait été retenu comme thème général. Les membres l'avaient choisi en mémoire et en hommage à leur fondateur, décédé en mars 2007, qui avait fait de cette parole sa ligne de conduite et son cheval de bataille. Toutes les "Parole à vivre" de l'année 2008 s'articulaient autour de ce thème : "Soyez toujours dans la joie" (Ph 4,4) pour janvier, "Le Christ est la vérité" (Jn 14,6) pour février, "Je suis la vie" (Jn 14,6) pour mars, etc. La revue mensuelle "Tu aimeras" propose chaque mois la Parole de Dieu à la lecture, à l'analyse et à la méditation des membres. Les textes bibliques proposés sont exclusivement tirés du Nouveau Testament. C'est une option propre au groupe.
Pour mieux vivre leur idéal et leur spiritualité, les membres s'efforcent de s'imprégner de la Parole de Dieu, de la mettre en pratique - c'est pourquoi ils l'appellent "Parole à vivre" - et se communiquent leurs expériences à ce sujet.
Pour montrer comment la Bible est lue dans la BYS, nous ciblons le déroulement d'une réunion.
La réunion d'une communauté se déroule comme suit :
- Prière d'ouverture.
- Lecture de la Parole de Dieu.
- Petit commentaire par l'animateur.
- Partage d'expériences vécues en rapport avec la Parole du mois.
- Divers : communiqués, chacun partage ses problèmes.
- Prière de clôture.
Une communauté se réunit une fois par semaine ; quatre réunions et quatre récollections par mois sont consacrées à un thème ou une "Parole à vivre".
On le voit : la grande partie de la réunion est accordée à la Parole de Dieu : Parole lue par un membre et écoutée par les autres ; Parole commentée par l'animateur selon les explications que donne "Tu aimeras", et surtout Parole partagée à partir des expériences de vie.
Le modèle d'approche de la "Parole à vivre" semble tiré de la revue "Tu aimeras". En effet, chacun de ses numéros donne la "Parole à vivre" du mois, y compris un commentaire, et consacre quelques deux ou trois pages qui suivent aux expériences de vie.
Après avoir écouté et médité le passage lu, chaque membre lit le (s) verset (s) qui l'a (l'ont) touché et partage son expérience. Cela ressemble à la démarche d'une personne qui, se laissant interpeller dans sa façon de vivre avec ses semblables, s'ouvre. Elle n'interprète pas le texte biblique par rapport à son bagage intellectuel, ses informations sur la Bible, ni ne prêche aux autres mais évalue sa vie. En d'autres termes, elle confronte sa vie au message révélé.
Le partage d'expérience peut porter sur les actions individuelles conformes ou contraires à la Parole lue. A la fin du partage de son expérience, le membre prend le ferme engagement de corriger ses points faibles en vue de mieux vivre la Parole de Dieu ou de persévérer sur la bonne voie prescrite par la Parole. Il peut également solliciter le conseil des autres sur ce qu'il doit faire. Certes, l'engagement pris doit être ensuite effectif. Lors de la réunion suivante sur la même Parole, le membre dira ce qu'il a fait de bon.
Pour les membres de la BYS, la Parole de Dieu doit aboutir à la pratique. C'est-à-dire, celui qui a, par exemple, des différends avec un semblable, doit, en écoutant un texte comme celui de Mt 5, 23-24, portant sur la réconciliation, renouer les liens de solidarité avec l'autre. Il le ferait, même s'il n'est pas fautif, parce que la communauté dont il est membre l'invite à rechercher une société fraternelle sur base de la Parole de Dieu. L'on peut ainsi, pendant la réunion, s'attendre à ce partage-ci : "Coupée de ma mère par la distance et par une dispute, jamais je ne pensais lui écrire. De même, elle s'enfermait de son côté et ne demandait pas de mes nouvelles. Après avoir médité la parole de vie et partagé mon expérience avec les surs [et frères] de la communauté, j'ai décidé d'écrire à ma mère. Spontanément, elle m'a répondu et je me sens comme soulagée d'un lourd fardeau. On dirait une lettre qu'elle a écrite avec des larmes. J'ai pleuré. Certainement que depuis ce jour-là Dieu notre Père me pardonne aussi".
En un mot, la Parole divine lue, commentée, méditée et partagée constitue la pointe de la réunion d'une communauté Bondeko. Les membres s'efforcent de la vivre dans les relations humaines.
3. Réflexion conclusive : Appréciation et propositions
La communauté BYS s'efforce de mettre la Parole de Dieu au centre de la vie. Au cours de ses réunions, la Parole occupe une place prépondérante. Elle est annoncée, méditée et partagée par rapport à l'expérience de vie. La Bible lue dans la communauté BYS est celle parvenue sous une forme traduite : en français et en lingala. La traduction de la Bible en ces langues permet de maintenir le lien entre la parole révélée dans les Saintes Ecritures et les membres de Bondeko. C'est grâce à la traduction biblique que la Parole de Dieu leur est parvenue et est devenue, pour eux, un moyen de vivre leur idéal et leur spiritualité. Cela prouve que l'avènement de la traduction biblique en langues locales serait motivé par la nécessité de répondre au besoin d'accéder au message révélé.
1. Il convient de le noter : depuis l'impulsion donnée par le concile Vatican II il y a une floraison d'initiatives pastorales. Les laïcs annoncent et partagent l'Evangile de Jésus-Christ dans leurs milieux. La parole divine les pousse par la suite à un témoignage cohérent de vie personnelle, familiale et sociale, à vivre, défendre et appliquer les principes chrétiens aux problèmes actuels.
Il faut mentionner parmi les bienfaits de Vatican II, la redécouverte de la Parole de Dieu par les chrétiens catholiques. En effet, depuis les années 1960, le peuple de Dieu a l'accès direct à la lecture privée et communautaire de la Bible. Cette période est caractérisée par la place prépondérante que prend la Parole de Dieu dans la vie de foi des chrétiens catholiques, avec tous les risques que cela peut entraîner.
A partir de Vatican II, il y a dans l'Eglise catholique naissance des mouvements de spiritualité accordant la place initiale à l'écoute et à la méditation de la Parole de Dieu. Citons parmi eux les Bilenge Ya Mwinda (BYM). A leur instar, la communauté BYS accorde la première place à la parole divine. Mais ce qu'elle appelle ainsi, c'est le Nouveau Testament. Les livres d'Ancien Testament sont exclus de la lecture communautaire.
2. La méthode de lecture de la Bible que pratique, sans la nommer, la BYS, peut être la méthode inductive. Elle se rapproche de celle d'autres mouvements à spiritualité basée sur la lecture méditée de la Bible.
La méthode inductive part des réalités, les confronte à la Parole de Dieu et vise une conversion des comportements en vue des engagements concrets dans le quotidien. C'est pourquoi pour les membres de la BYS, la Parole de Dieu qui leur est donnée est la "Parole à vivre". C'est-à-dire, elle ne peut se limiter à être écoutée, elle exige d'être mise en pratique. A. Kabasele affirme dans le même sens que "le texte biblique ne peut être appréhendé comme une simple archive. Sa lecture doit aboutir à la pratique".
3. Les membres de la BYS ne lisent pas seulement les Ecritures mais semblent se laisser lire par elles : ils laissent que le message révélé fasse son uvre en eux. En d'autres termes, par leur acte de lecture, ces membres passeraient une "épreuve de nudité" et "d'oubli de soi" : ils se dévoilent et considèrent la Parole lue comme la mesure de tous. Au contact avec la parole inspirée, les lecteurs de Bondeko se laissent transformer par elle. Ce processus est cependant accompagné des actes incessants de leur part. Cette démarche montre que toute appropriation de la Bible est en même temps une désappropriation du lecteur ou groupe-lecteur.
Dans l'acte de lecture toujours renouvelé de la communauté BYS, la Bible inspirée poursuit son action. Elle devient le livre inspirant ou inspirateur de croyances et de pratiques. C'est ainsi que se manifeste sa fécondité. De son côté, le groupe-lecteur de Bondeko trouve à travers la Bible sa raison d'être et son identité.
Ajoutons également que la Bible - Parole de Dieu en langage humain - ne se donne pas seulement à une pluralité de communications, mais elle a également la capacité de réfigurer celui qui va à sa rencontre par un acte de lecture. Cette dimension est presque perceptible dans le chef des lecteurs de Bondeko. Aussi, les textes bibliques que nous lisons indiquent des exemples à imiter et à ne pas imiter. Ils nous présentent, à travers des personnages, des archétypes de comportement à adopter ou à éviter vis-à-vis de la Parole de Dieu. En 2R 22,3 - 23,3, le roi Josias est présenté comme un lecteur modèle. En Jr 36, par contre, le roi Joiaqim est un mauvais exemple.
4. Le recours des croyants à l'Ecriture sainte est un signe du souci d'appropriation de la Parole de Dieu dans le contexte actuel. Cette pratique souligne un minimum de foi. Car le faire, c'est accepter qu'en parlant à d'autres Dieu nous parle encore aujourd'hui. Mais le souci d'appropriation de la parole divine dans la vie quotidienne suppose une compréhension adéquate que seules permettent les données exégétiques. L'exégèse des textes bibliques est indispensable pour saisir la portée et la pointe du message lu.
Nous devons le reconnaître : à travers l'expérience de lecture de la Bible de la BYS, les chrétiens catholiques peuvent se sentir invités à être en contact direct et permanent avec la Parole de Dieu et non se limiter à écouter l'homélie du prêtre pendant la messe. Il nous faut cependant insister sur la collaboration avec des spécialistes de la Bible. Ces derniers viendraient canaliser la praxis de lecture biblique de Bondeko. Ils permettraient la mise au point de bonnes interprétations à l'intention des membres. Ces interprétations serviraient "d'aliment spirituel" pour leur foi et de lumière pour leur partage d'expériences. La communauté pourrait aussi organiser des sessions ou des séminaires sur la manière de lire et de comprendre la Bible. Nous pensons aux interprétations faites dans un langage dépouillé de toute technicité.
Le vécu quotidien nous révèle que si chaque croyant est autorisé à lire la Parole de Dieu par rapport à son expérience de vie beaucoup de déviations, souvent involontaires, ne tardent pas à surgir. La présence des exégètes des textes bibliques est donc nécessaire pour les communautés des croyants.
Serge FINIA Buassa