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LES ARTICLES DE L'AUTEUR
L'archéologie cognitive de C. S. Lewis
Citation :
Un axiome fondamental du mythe lewisien stipule que la répétition, et de ce fait l'universalité, sont des conditions nécessaires de la vérité du mythe.
Un axiome fondamental du mythe lewisien stipule que la répétition, et de ce fait l'universalité, sont des conditions nécessaires de la vérité du mythe. Un mythe, selon C. S. Lewis, ne peut donc pas, par définition, se confondre avec une révélation particulière.
À la fin du XIXe siècle, l'anthropologue James Frazer* avait constaté la propagation du mythe d'un "dieu qui meurt" à l'ensemble des spiritualités du bassin méditerranéen. La distribution du mythe le rendait ordinaire et sans importance pour Frazer. C'était un signe de l'affaiblissement de sa crédibilité. Mais pour Lewis, la large diffusion du mythe suggère non pas une dilution d'autorité, mais pourrait bien constituer le signe de la concentration de son autorité.
Le "dieu qui meurt" s'avère pour lui être un "vrai mythe",** mais pour d'autres raisons encore. Dans l'archéologie cognitive de Lewis, histoire et mythe ont ceci en commun qu'ils sont tous deux établis sur une autorité sociale indépendante d'un jugement particulier. Ce qui les distingue est que le premier est directement tributaire en l'être humain de son jugement rationnel du bien-fondé des faits rapportés par un témoin oculaire, et que le second ne s'impose qu'indirectement à la raison d'un individu, au moyen du discernement des sens possibles de son expérience du mythe, élaboré en rapport avec son imagination.
De ce point de vue, l'on observe dans la cognition lewisienne que le mythe est associé d'une part au sens de l'autorité en l'humain, et d'autre part à son imagination. Pour la critique, un aspect majeur à prendre en considération dans l'évaluation de la légitimité d'un récit mythique est sa persistance historique. La question suivante s'impose donc, peut-on différencier la sollicitation par Lewis de la connaissance du mythe de l'argument classique a posteriori ? Ce dernier stipule en effet que l'humanité ayant toujours cru, et croyant encore, en un ou des êtres transcendants, les hommes, au fil du temps, ont accordé de la crédibilité à cette croyance, sinon la preuve de l'existence de tels êtres.
Il est vrai que Lewis attache une grande importance à la pérennité du mythe. L'existence a posteriori du récit mythique ainsi que sa réitération universelle constituent pour lui des attributs significatifs de sa compréhension du mythe. Mircea Eliade confirmera cette intuition de Lewis un demi-siècle plus tard. L'être humain, écrit ce dernier, "a besoin d'entendre comment se déroulent les choses".*** Seulement pour Lewis, la persistance historique du mythe est un critère de sa recevabilité, mais pas de son autorité. En effet, Lewis ne compose pas une argumentation a posteriori en faveur de l'existence de Dieu ou de la foi chrétienne à partir de la diffusion formelle du mythe du dieu qui meurt. Il adopte plutôt une attitude d'observateur de l'objet mythique et rend la conscience de ses auditeurs attentive aux récits du mythe.
Si donc nous observons une autorité du mythe chez Lewis, celle-ci provient non pas de l'universalité des contes et légendes mythologiques, mais de l'universalité du contenu que ce mythe particulier propose à l'imagination humaine. Selon notre hypothèse, ce n'est pas tant du côté de son autorité que le mythe est mis à mal, mais de sa réception, c'est-à-dire de son rapport compliqué à l'imagination.
Signature :
Stephen Johnston
Le sens et la vérité du mythe, extrait pp.247-249
Notes :
* James G. FRAZER, The Golden Bough, 12 vol., 3rd edition, London. Macmillan and Co., 1911-15 (Le Rameau d'or, traduction française en 4 vol., Paris. Robert Laffont, 1981).
** "Now the story of Christ is simply a true myth: a myth working on us in the same way as others", LEWIS, They Stand Together: The Letters of C. S. Lewis to Arthur Greeves (1914-1963), (Walter Hooper, éd., London. Harper Collins, 1979), p. 427.
*** "We need to hear what happens", Eric ZIOLKOWSKI, "Between Religion and Literature: Mircea Eliade and Northrop Frye" The Journal of Religion, vol. 71, no. 4. (Oct. 1991), p. 516.
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Un axiome fondamental du mythe lewisien stipule que la répétition, et de ce fait l'universalité, sont des conditions nécessaires de la vérité du mythe.
Un axiome fondamental du mythe lewisien stipule que la répétition, et de ce fait l'universalité, sont des conditions nécessaires de la vérité du mythe. Un mythe, selon C. S. Lewis, ne peut donc pas, par définition, se confondre avec une révélation particulière.
À la fin du XIXe siècle, l'anthropologue James Frazer* avait constaté la propagation du mythe d'un "dieu qui meurt" à l'ensemble des spiritualités du bassin méditerranéen. La distribution du mythe le rendait ordinaire et sans importance pour Frazer. C'était un signe de l'affaiblissement de sa crédibilité. Mais pour Lewis, la large diffusion du mythe suggère non pas une dilution d'autorité, mais pourrait bien constituer le signe de la concentration de son autorité.
Le "dieu qui meurt" s'avère pour lui être un "vrai mythe",** mais pour d'autres raisons encore. Dans l'archéologie cognitive de Lewis, histoire et mythe ont ceci en commun qu'ils sont tous deux établis sur une autorité sociale indépendante d'un jugement particulier. Ce qui les distingue est que le premier est directement tributaire en l'être humain de son jugement rationnel du bien-fondé des faits rapportés par un témoin oculaire, et que le second ne s'impose qu'indirectement à la raison d'un individu, au moyen du discernement des sens possibles de son expérience du mythe, élaboré en rapport avec son imagination.
De ce point de vue, l'on observe dans la cognition lewisienne que le mythe est associé d'une part au sens de l'autorité en l'humain, et d'autre part à son imagination. Pour la critique, un aspect majeur à prendre en considération dans l'évaluation de la légitimité d'un récit mythique est sa persistance historique. La question suivante s'impose donc, peut-on différencier la sollicitation par Lewis de la connaissance du mythe de l'argument classique a posteriori ? Ce dernier stipule en effet que l'humanité ayant toujours cru, et croyant encore, en un ou des êtres transcendants, les hommes, au fil du temps, ont accordé de la crédibilité à cette croyance, sinon la preuve de l'existence de tels êtres.
Il est vrai que Lewis attache une grande importance à la pérennité du mythe. L'existence a posteriori du récit mythique ainsi que sa réitération universelle constituent pour lui des attributs significatifs de sa compréhension du mythe. Mircea Eliade confirmera cette intuition de Lewis un demi-siècle plus tard. L'être humain, écrit ce dernier, "a besoin d'entendre comment se déroulent les choses".*** Seulement pour Lewis, la persistance historique du mythe est un critère de sa recevabilité, mais pas de son autorité. En effet, Lewis ne compose pas une argumentation a posteriori en faveur de l'existence de Dieu ou de la foi chrétienne à partir de la diffusion formelle du mythe du dieu qui meurt. Il adopte plutôt une attitude d'observateur de l'objet mythique et rend la conscience de ses auditeurs attentive aux récits du mythe.
Si donc nous observons une autorité du mythe chez Lewis, celle-ci provient non pas de l'universalité des contes et légendes mythologiques, mais de l'universalité du contenu que ce mythe particulier propose à l'imagination humaine. Selon notre hypothèse, ce n'est pas tant du côté de son autorité que le mythe est mis à mal, mais de sa réception, c'est-à-dire de son rapport compliqué à l'imagination.
Signature :
Stephen Johnston
Le sens et la vérité du mythe, extrait pp.247-249
Notes :
* James G. FRAZER, The Golden Bough, 12 vol., 3rd edition, London. Macmillan and Co., 1911-15 (Le Rameau d'or, traduction française en 4 vol., Paris. Robert Laffont, 1981).
** "Now the story of Christ is simply a true myth: a myth working on us in the same way as others", LEWIS, They Stand Together: The Letters of C. S. Lewis to Arthur Greeves (1914-1963), (Walter Hooper, éd., London. Harper Collins, 1979), p. 427.
*** "We need to hear what happens", Eric ZIOLKOWSKI, "Between Religion and Literature: Mircea Eliade and Northrop Frye" The Journal of Religion, vol. 71, no. 4. (Oct. 1991), p. 516.