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Sylvie Portnoy Lanzenberg

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Sylvie Portnoy Lanzenberg

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Ma démarche réflexive (que j’ai poursuivi à travers 14 ouvrages) se situe entre psychologie et philosophie, une philosophie qui n’est pas un système mais qui tâche de dire comment se conduire..., en d'autres termes comment se gouverner soi-même en relation avec autrui et notre environnement dans un souci de justice et de respect.
Les années d’écritures passant, je me suis aperçue que ma pensée se tenait dans le prolongement de celle d’Albert Camus sur le plan philosophique ; du côté de la psychanalyse, je rejoins celle de Donald Winnicott, ce que je savais pertinemment puisque je m’en réclame depuis le début. Dans les deux cas, je crois apporter ma petite touche supplémentaire. J’approfondis à ma façon la conception camusienne de notre nature double pour nous permettre de mieux appréhender nos difficultés existentielles et, grâce à cette compréhension, de mieux assumer notre travail de vivant aux prises avec les dualités. Ma théorie de l’a-pulsionnelle et celle du pulsionnelle, reprend une des approches de Donald Winnicott (le « féminin » et le « masculin » en chacun), l’approfondissant sur le plan conceptuel ; cela permet d’éclairer nouvellement notre condition duelle et l’articulation des différences qu’il nous incombe de faire la vie durant pour nous tenir « au milieu », non dissociés, nous gardant ainsi des extrêmes et des absolus semeurs de guerres.

Le sujet central de mes écrits est le pouvoir, ses abus qui nous rendent malades, et l’amour-respect au contraire qui donne force et guérit.
Dans mes ouvrages publiés, j’examine les rapports de pouvoir à l’œuvre dans nos relations intersubjectives (étroites et larges), mais aussi en notre monde intérieur, considérant les deux énergétiques qui nous animent (économie a-pulsionnel et pulsionnelle), également le rapport des forces entre nos parties primaires et secondaires, ainsi que celui qui se joue entre notre être (profondément relationnel) et notre ego potentiellement égoïste. Conjointement, j’analyse la destructivité humaine sous ses multiples aspects. Pour l’essentiel, je pense que notre violence prend sa source dans les parties primaires de notre ego, parties infantiles égoïstes et omnipotentes. Cette omnipotence humaine est d’autant plus dévastatrice que, contrairement aux autres races, nous avons pris sur notre environnement un pouvoir immense lié à nos savoirs faire et à nos technologies hyper performantes. Nous sommes nocifs à cause de ce pouvoir démesuré que nous exerçons avec déraison, parce que nous ne veillons pas en permanence à le limiter par une sagesse fruit de l’éducation et de la culture.
J’estime même que nous en sommes à l’enfance de l’humanité. Dans l’histoire, la notion d’individu est très récente. Jadis, nous appartenions au groupe dont nous participions, les intérêts personnels étant très peu considérés, voire pratiquement pas pris en compte. Notre naissance comme individus date pour certains de cinq millénaires avant J-.C., pour d’autres, elle correspond à la naissance du Christ, pour d’autres encore à la fin du moyen-âge. Quoiqu’il en soit, à travers les siècles, il y eu des avancées et des reculs en matière de liberté et de responsabilité individuelles ; mais la reconnaissance de notre différence, qui suppose une affirmation de notre personne en son originalité créative, est d’une grand nouveauté. Dans nos contrées, les droits de l’homme (encore plus ceux de la femme) et de la personne sont des avancées très récentes. Sur le plan civilisationnel, nous serions donc très près de la naissance de cette conception de l’individu comme entité séparée et de la valeur donnée à notre individualité ; c’est pourquoi, si proche de cet avènement, nos comportements resteraient encore trop souvent infantiles, ressemblant à ceux de jeunes adolescents ivres de leur autonomie nouvelle, et s’éprouvant comme invulnérables tellement leur énergie est puissante. Ce stade juvénile de notre évolution collective serait une des causes rendant l’évolution psychoaffective de l’individu problématique, car elle le conforterait en ses parties infantiles sans le porter suffisamment vers sa maturité en lui montrant la voie à emprunter pour grandir. D’où cet individualisme actuel, qui fait que la personne ressemble bien souvent à un enfant exigeant, voire tyrannique, qui veut tout, tout de suite, qui veut la liberté sans les limites, qui revendique ses droits mais sans les devoirs auxquels il se doit conjointement. Les pouvoirs régnant qui veulent durer en leurs privilèges politico-financiers ont parfaitement compris le profit qu’ils peuvent tirer de ces tendances juvéniles en nous prégnantes. En une trentaine d’années, avec notre complicité aveugle et irresponsable, ils ont réduit notre monde à la seul valeur « consommation » pour mieux nous soumettre à la pulsion la plus infantile qui soit : l’oralité. L’empire qu’exerce la consommation sur chacun n’est que cela : un régime fondé sur l’exploitation d’une pulsion infantile nôtre, la pulsion orale. D’où cette impression de collaboration générale, car tous nous sommes aux prises avec l’oralité, devant apprendre à la contenir en ses excès destructeurs (exercer quelque pouvoir que ce soit au mépris d’autrui et de la vie est une forme d’emprise possessive dévorante qui participe de cette oralité). Tous nous craignons le manque et le vide et, en réaction, tous nous sommes potentiellement avides. En d’autres termes, les pouvoirs opportunistes et cupides nous dissuadent de contenir nos pulsions primaires ; au contraire, ils les activent en permanence pour que nous restions soumis à elles, et jamais libre d’elles. Ils ne veulent surtout pas que nous grandissions. Ils nous entretiennent donc dans l’égoïsme, l’omnipotence, et tous les excès propres aux enfants mal élevés ; et ils camouflent ces violences en les innocentant comme s’il s’agissait là de plaisirs simples et de caprices enfantins. Tant que l’on rigole et s’amuse, c’est que tout cela n’est pas grave !
A ces deux réalités civilisationnelle et marchande s’en ajoute une troisième qui amplifie en nous les méfaits de l’infantile : le manque de conscience que nous avons de notre condition duelle, ainsi que le manque de compréhension du travail individuel essentiel que nous devons faire en permanence sur nous-mêmes pour nous comporter de façon évoluée et responsable. Ce travail consiste à se dégager régulièrement de notre égocentrisme lorsqu’il devient malfaisant en traversant le stade de l’inquiétude, laquelle traversée nous conduit à ce qu’il y a de plus évolué en nous : le souci de l’autre et de la vie, souci que notre esprit responsable sait rendre prioritaire par rapport à notre intérêt personnel étroit. C’est ce souci transcendant nos égoïsmes qui nous porte à défendre les valeurs que nous estimons les plus importantes parce qu’elles sont à même de donner à la vie humaine un sens au sein de l’univers. Comprendre ce travail qu’il nous incombe de faire pour contenir et de dépasser nos égoïsmes nocifs et apprendre à le faire, ce travail (autant intersubjectif qu’intrasubjectif) en toute connaissance de cause, est la grande tâche civilisationnelle qui nous attend, tâche de grandissement qui pourra nous faire sortir de l’enfance de l’humanité pour aller plus avant vers notre maturité responsable.
Entre autres, il nous faut comprendre pourquoi le pouvoir est à ce point corrupteur, transformant, par exemple, un communiste aux idées généreuses en tyran. Première évidence : le pouvoir séduit potentiellement tout homme, et si la personne n’a pas conscience de ce qui la conditionne la portant au bien comme au mal, non seulement elle ne peut pas se gouverner pour s’améliorer, mais ses parties évoluées sont invariablement balayées par ses parties primaires. Si nous ne comprenons pas le pourquoi du comment de notre malfaisance potentielle, toutes les avancées que nous avons faites du côté de l’évolué (la liberté, la démocratie, etc.) seront invariablement reperdues. Il ne s’agit pas de refaire le monde, « mais d’empêcher qu’il se défasse » avait dit Albert Camus, en défendant les valeurs évoluées toujours fragiles, toujours menacées. Tant que nous ne saurons pas mieux appréhender notre nature double, et le travail qu’il nous revient de faire pour nous élever en permanence hors de nos parties infantiles égoïstes et omnipotentes, le même genre de régression et de tragique désillusion s’abattra de nouveau sur nous. Et que les plus cultivés ne disent pas ici qu’ils sont d’emblée exemptés de se livrer à ce type de travail d’auto-rectification permanente, qu’ils l’ont déjà fait, et qu’ils sont assurément du côté du bien, du bon côté une fois pour toutes, responsables à l’évidence. C’est ce type d’auto-satisfaction qui éloigne le plus sûrement l’individu de son devoir, et de cette inquiétude nécessaire qui lui permet de rester toujours vigilant quant à ce qu’il fait et aux conséquences de ses actes. Les sages Chinois, dès l’époque de Confucius, enseignaient cet état d’esprit inquiet essentiel à favoriser un comportement juste et respectueux, un comportement libéré de l’égocentrisme. Si nous ne sommes pas d’éternels résistants contre le mal d’omnipotence, (d’égoïsme, de narcissisme, d’orgueil, d’idolâtrie, etc.) qui nous ressaisit en permanence, nous collaborons avec le tyran du dehors ou du dedans, aujourd’hui avec la tyrannie du fric et avec l’enfant despotique qui demeure en chacun de nous.

Puisque de tous les vivants, l'homme est celui qui s'est octroyé un pouvoir immense sur son environnement, et qu’il il ne se prive pas de l'exercer souvent abusivement, que par conséquent sa capacité de nuire et de détruire est unique dans le monde animal, il est donc nécessaire qu’il se crée culturellement des contre-pouvoirs institutionnels et personnels destinés à poser des butées à ses excès d’emprise et de domination.
Il est commun de dire que la Démocratie est un régime où chaque pouvoir doit rencontrer potentiellement un contre-pouvoir, pour en quelque sorte être ramené à la mesure, à la justice et au respect, en d’autres termes pour ne pas devenir tout puissant. Il en est de même au niveau de la personne en relation, tant dans la sphère privée que publique. Pour cette raison, tout individu a donc le devoir non seulement d’opposer son pouvoir au dominant qui viendrait l’aliéner le privant de sa liberté créative personnelle, mais il a aussi le devoir d'opposer à son propre pouvoir un contre-pouvoir ; en d’autres termes, il lui faut combattre sans cesse avec lui-même pour se ramener au respect, lorsque son omnipotence, son égoïsme, ses humeurs, ses émotions et ses préjugés l’égarent loin de la justice et du respect. Ce travail d’élévation hors du mal, certains savent le pratiquer sans le remarquer ni se le dire, comme Monsieur Jourdain faisant de la prose sans le savoir. Leur éducation et leur esprit cultivé leur a fait intérioriser la nécessité de se gouverner soi-même vers le respect. Leur vigilance pourtant n’est pas sans faille, leur humaine condition les portant potentiellement au mal de domination. Même pour ceux-là, mieux savoir ce que l’on fait et pourquoi, permet de mieux le faire encore ; le savoir sert alors à se modérer en contenant ses excès comportementaux préjudiciables au respect des équilibres de pouvoir ; le savoir peut servir aussi à mieux pratiquer ce dédoublement salutaire de soi, vecteur de nos comportements évolués, d’être en quelque sorte un résistant de chaque jour pour la justice.

En résumé :
Considérant que la maladie du pouvoir nous affecte chroniquement, mon souci est d’essayer d’ouvrir un chemin de pensées à pratiquer pour nous donner les moyens intellectuels et pychoaffectifs de dépasser la guerre des ego dans laquelle invariablement nos meilleures avancées s’égarent et échouent.
Si nous voulons maintenant et en priorité soutenir les valeurs évoluées de justice, de respect et de fraternité, il nous faut donc relancer et favoriser l’évolution psychoaffective de l’individu et de sa société. Pour œuvrer dans ce sens, nous avons besoin d’une nouvelle approche philosophique et psychologique au plus près de la vie, approche porteuse de connaissances susceptibles de nous donner une lucidité éthique propre à nous faire endosser la vie durant un devoir tout personnel : celui de s’auto-éduquer en permanence pour pouvoir pratiquer le stade de l’inquiétude, dit aussi stade du souci ou de la responsabilité.
Nous pourrons renouer avec le progrès, si nous travaillons à remettre au premier plan la dimension éthique qui porte nos actes et les sous-tend pour. L’âge adulte de l’humanité est à notre portée, à conditions que nous ne parvenions à relancer notre évolution psychoaffective, individuelle et collective, apprenant à grandir au point de sortir enfin de l’enfance de l’humanité. Si nous n’y arrivons pas, notre irresponsabilité infantile va précipiter l’extinction de notre race (et de bien d’autres à nos côtés).

-Le pouvoir infantile en chacun, 1989
-L’abus de pouvoir rend malade, 1994
-Création ou destruction autodestruction, 1997
-Le mal et le bien, renoncer au clivage 2002
-L’amour et Hommage à Albert Camus, 2004
-Tous fous, la catastrophe, 2006
-Vers une transcendance laïque, 2007
-Le combat avec soi-même 2009
-Etre un résistant de chaque jour, pour la justice, 2009
-La lucidité pour réenchanter le monde, au côté de la pensée chinoise, 2010
-Réveillons-nous, s’indigner contre soi-même, 2012
-Le care au coeur, 2013
-Le peuple de peu, 2014

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AUTRES PARUTIONS

J'accuse la dérive de la psychanalyse, 2005

LES CONTRIBUTIONS DE L’AUTEUR

Comptes-rendus d'ouvrage

Le peuple de peu. Alerte au populisme!

Articles de presse

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Tous fous

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Le mal et le bien, renoncer au clivage

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L'abus de pouvoir rend malade

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Le pouvoir infantile en chacun

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Réveillons-nous! S'indigner contre soi-même

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Le Combat avec soi-même

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Vers une transcendance laïque

LES ARTICLES DE L'AUTEUR

Les hommes de peu

Le problème du racisme me semble devoir s'inscrire dans un champ de pensée plus large : celui de l'intolérance, intolérance toujours à celui qui n'est pas "même que moi", qui n'agit pas "comme moi" et n'entre pas dans le cadre de mes préjugés, de mes habitudes, de ma volonté omnipotente.
C'est cet égocentrisme étroit qui est la principale cause de l'intolérance. On se prend tellement comme modèle que tout ce qui est différent de soi nous insupporte. En d'autres termes, on s'aime tellement que la seule loi motivant nos conduites est celle de notre ego omnipotent qui veut aliéner chacun à son pouvoir de dominant décrétant la vérité qui l'arrange, chacun devant s'y aligner.
Ce type de dérive individualiste, attribuée souvent aux jeunes libertaires de Mai 68, est aujourd'hui grandement amplifié par une partie de la droite adulte et de ses "irresponsables politiques", ainsi que par bon nombre de citoyens de tous horizons. Il est de bon ton de moquer "le politiquement correct", de se targuer d'être "direct", brut de brut, se comportant alors comme une brute, balançant ses humeurs comme autant de directs. A tout propos donc on se "lâche" de façon primaire, à coup d'invectives, de paroles de mépris, de rejet, de haine.
Eric Fassin, cité à propos du racisme dans l'un des articles du Monde du 8 novembre, a dit : "Aujourd'hui, les politiques tiennent des discours qui étaient autrefois confinés en des endroits obscurs. Ils ont légitimé la parole raciste. Du coup, les gens s'y sentent d'autant autorisés." Beaucoup estiment que le discours de Nicolas Sarkosy, l'été 2010, a marqué un tournant accentuant cette dérive. Mais tout au long de son mandat présidentiel, il s'est enorgueilli d'un "parlé libéré", d'une action "décomplexée." Il faudrait cesser d'utiliser ces termes qui laissent sourdement filtrer l'inverse de ce que leurs utilisateurs prétendent dénoncer et brouillent d'autant une compréhension propre à dénoncer la malfaisance de tels comportements. Le mot "libéré" porte en son sein "liberté", notre chère liberté chargée de positivité. Et "décomplexé" peut aussi passer pour positif, "complexé" désignant souvent quelqu'un de "coincé-cucul-ringard" qui ferait bien d'être décomplexé.

Le mimétisme groupal faisant invariablement contagion, lorsque les adultes censés être responsables se comportent en enfants omnipotents "non élevés", l'ensemble ou presque de la société s'y met, régresse en se complaisant dans des postures primaires, méprisantes, injurieuses, impatientes, intolérantes, etc. Qu'ils soient simples citoyens, journalistes, politiques, les gens ne veillent plus alors à se comporter de façon juste et respectueuse. Leurs parties évoluées sont empêchées de l'être par leurs parties primaires, immatures, irresponsables qu'ils laissent régner. "Les inhibitions disparaissent, les digues tombent" dit Madame Taubira. Le "politiquement abject" devient la loi, selon l'expression de Jean Birnbaum.
Hors, comme l'avait dit si justement le père d'Albert Camus : "Un homme ça s'empêche." De l'autre côté de la planète, dès le cinquième siècle avant J.-C., les sages confucéens pensaient la même nécessité éducative et culturelle, disant qu'un homme doit toujours rester inquiet quant à ce qu'il fait, s'il ne veut pas s'égarer loin de la justice et du respect. S'il n'y veille pas, il ne saurait être "un homme de bien" car invariablement son égoïsme naturel va l'entraîner sur la pente du mal d'omnipotence et d'intolérance. S'il omet de faire ce travail, s'il omet de "de s'empêcher", il reste brut, primaire, cantonné aux rapports dominant-dominés qui détruisent le vivre ensemble et rendent la vie insensée. Il est "un homme de peu."
Cabu, le dessinateur humoristique à qui un journaliste avait demandé qui était son personnage du "beauf", avait répondu : "C'est moi, lorsque je ne me surveille pas." Sur cette pensée lumineuse de Cabu, j'avais introduit mon opuscule intitulé : "Réveillons-nous, s'indigner contre soi-même." En cet écrit, je posais d'emblée que le "beauf" en chacun est l'adulte qui oublie de l'être. Je tâchais de nous alerter sur cette "beaufitude" galopante qui se répandait de plus en plus sans que nous en soyons inquiets. Je demandais à chacun de veiller à "s'empêcher", de percevoir conjointement l'urgente nécessité de se ressaisir afin de sans cesse s'élever (le primaire nous tirant toujours en arrière) en pratiquant une sorte d'auto éducation permanente seule susceptible de faire de nous des êtres responsables.

Notre gouvernement actuel se focalise sur la crise économique, alors que bien des gens sont davantage alarmés par la crise morale et éthique dans laquelle nous nous enfonçons.
Je crains que Monsieur Hollande soit trop gentil, comptant trop sur le côté cultivé et bien élevé des gens, présupposant avoir affaire à des adultes évolués ; alors qu'il importe de penser aussi l'inverse, que la personne humaine oublie très souvent de se comporter en adulte soucieux de justice. De plus, elle va d'autant plus sûrement se comporter en adulte respectueux, si elle rencontre en son alter ego quelqu'un qui sait lui dire "stop", lui poser des limites, l'empêcher de se comporter de façon abusive comme un enfant omnipotent et égoïste. Au pouvoir abusif, il faut savoir faire contre-pouvoir pour déjouer nos égoïsmes, notre immaturité, nos intolérances, si nous voulons vivre en paix dans le respect. Sur le plan international, la notion de guerre froide reposait sur ce principe d'équilibre des forces ; et la guerre ne fut pas ; elle fut tenue en respect.
Si Monsieur Hollande ne veut plus être tel un parent maltraité par ses enfants, et s'il veut faire cesser le "bashing" dont il est la cible malheureuse, il devrait prendre conscience de notre nature double avec laquelle il faut composer autrement qu'en étant simplement gentil et patient.
Si chaque jour, mutuellement nous ne nous empêchons pas d'être comme des enfants mal élevés, nous restons gouvernés par nos instances primaires qui nous tirent en arrière, toujours plus bas, en deçà de la culture et loin des valeurs de la démocratie et de la République.

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Vous avez dit "schizophrène"

Vous avez dit schizophrène …

Dans la presse, les médias ou le cinéma, le terme schizophrénie est souvent utilisé à tort. Est alors dite schizophrène toute personne tenant des propos participant de logiques opposées engendrant des comportements contradictoires et dissociés. Par exemple, dans les débats politiques du moment, entendre une personne reconnaître qu'il ne faut pas donner d'allocations familiales aux foyers les plus riches, pour l'instant d'après l'entendre s'élever contre cette remise en question d'un acquis social sacro-saint qui doit ne pas être touché ! Ou encore, entendre une autre considérer que certains retraités touchent beaucoup trop, pendant que bien des jeunes dans l'emploi sont désargentés pour construire leur vie et faire famille, pour l'instant d'après l'entendre dire que "c'est inacceptable !" que l'Etat prenne un sou de sa retraite ! Protestant ainsi, elle s'identifie aux petits retraités qui vont être injustement spoliés, quand bien même il n'est pas question que ces mesures politiques nouvelles touchent les petits retraités, et quand bien même l'individu qui hurle ainsi au scandale est matériellement aisé, etc. Je pourrais multiplier à l'infini des exemples de ce genre… A chaque fois sont juxtaposées deux attitudes différentes que la personne ne met jamais en rapport ; l'une résulte d'un élémentaire bon sens, d'un constat raisonnable et juste ; l'autre d'une réaction de rejet face à tout changement perçu comme une mise en insécurité majeure, comme une perte de possession et de protection personnelle. On veut le changement sans le changement ; et on veut le beurre et l'argent du beurre. D'où ce terme de schizophrénie utilisé fréquemment pour rendre compte de ce clivage idéologique engendrant des comportements et verbalisations contradictoires inconciliables, engendrant de la pensée confuse. Pratiqué autant par les journalistes que par le citoyen lambda, ce grand écart mental communément admis, est souvent nommé schizophrénie et accompagné d'un petit sourire mignon, mi-entendu, mi-indulgent, comme résigné. Ce clivage de l'intelligence accepté comme une fatalité semble ne choquer personne, alors qu'il faudrait mettre chacun devant ses contradictions et l'amener à se positionner hors de la dissociation s'il veut être cohérent, conséquent, sensé et audible. D'où le sentiment que j'éprouve souvent à l'écoute de mes contemporains d'être happée dans une pétaudière générale.

Il importe de redonner au terme de "schizophrénie" son sens pour ne plus l'utiliser à tort; il provient du grec "σχίζειν" (schizein), signifiant fractionnement, et "φρήν" (phrèn), désignant l'esprit. Il doit être compris au sens de fractionnement de l'esprit avec le réel et non pas comme une dissociation de l'esprit ou des comportements somme toute banale. Comme on le voit, la dissociation est partagée par tous. Elle rend compte de nos facettes multiples et souvent contradictoires. Elle n'est pas une maladie. Elle résulte des parties primaires infantiles et des parties secondaires évoluées qui coexistent en chacun côte à côte parce que la personne ne les met pas en rapport conflictuel pour trouver la position ou la pensée la plus juste.
Les parties primaires au sein de l'individu servent ses intérêts étroits, ceux d'ego en soi. Leur logique est égoïste : en leur emprise, ego mené par ses pulsions et ses émotions vise en priorité à établir sa domination, à assurer sa sauvegarde, son plaisir le plus grand, sa satisfaction immédiate, sa jouissance sans souci des conséquences de ses excès égoïstes. A l'inverse, les parties évoluées en chacun sont guidées par des valeurs transcendant l'ego, valeurs inspirées par l'être relationnelle qui est aussi en soi telle que le sont la justice, le respect, l'équité, la fraternité. La volonté de modération par souci de l'autre et de la vie prend alors le pas sur l'égoïsme et l'intérêt individuel. Autant nos parties primaires sont sans vergogne, s'accommodant de tous les petits ou grands arrangements servant notre intérêt étroit, autant nos parties évoluées ne sauraient brutaliser, mentir, tricher, détruire sans que la culpabilité éprouvée alors par la personne vienne poser son holà, la faisant limiter elle-même la malfaisance de son ego.

Pour en revenir à l'actualité du moment, on peut entendre de façon insistante Monsieur Cahuzac être traité de personnage schizophrène, comme s'il était un grand malade, un anormal, alors qu'il a tout simplement maintenu dissociées ses parties primaires et ses parties secondaires évoluées, ce qui est un signe d'immaturité et non de maladie. Le clivage mental peut aussi produire des choses très curieuses. Par exemple, couper une histoire personnelle en deux par commodité : ainsi ce Monsieur peut penser que celui d'avant, le médecin ayant un compte en Suisse, n'est plus l'homme politique qu'il est devenu d'aujourd'hui. Il fut dit aussi, de tel autre personnage politique : "C'est Docteur Jekyll et Mister Hyde", sa duplicité soudain révélée semblant participer de quelque monstruosité rare, alors qu'elle est tellement partagée par nos contemporains se complaisant dans l'immaturité et l'irresponsabilité.
Une personne adulte aspirant à être responsable se doit de mettre en rapport ses parties primaires avec ses parties évoluées, ce qui permet à l'égoïsme d'être contenu dans les limites qu'imposent les valeurs de justice et de respect, ce qui permet aussi à l'individu de s'élever alors au mieux de ses potentialités évoluées suffisamment libre de l'infantile qui trop souvent les aliène. Personne ne peut agir en adulte responsable digne de ce nom, s'il ne fait pas en permanence ce travail avec soi-même de réajustement de son égoïsme par souci de justice. Conjointement, il nous faut parfois l'aide d'un ami ou d'une autorité pour être stoppé lorsque l'on s'égare dans l'abus de pouvoir sans le voir ; d'où l'importance de savoir compter sur autrui pour qu'il fasse contre-pouvoir indispensable à limiter notre pouvoir s'il devient abusif.

Le clivage et la dissociation (la schizophrénie comme il est dit à tort aujourd'hui) nous permet d'éviter ce combat avec soi-même vecteur de modération et de respect. Aucun n'est bon ou méchant, ordure ou pur. En matière de moralité, la personne humaine ne saurait être bonne ou mauvaise ; tout dépend de ce qu'elle fait, du combat qu'elle sait mener avec soi-même ou pas, et de la place qu'elle sait ménager à autrui pour que la justice et le respect soient sauvegardés en leurs échanges. Tout dépend aussi de ce qu'elle fait comme acte de réparation et de reprise du mal que son ego commet par égoïsme et omnipotence défensive. C'est ainsi qu'une personne qui hurle haine et injure, traitant les autres de "salauds" tout en se posant assurément en pur, s'avère menée par ses instances primaires. En d'autres termes, tout un chacun se comporte de façon immorale lorsqu'il laisse régner son immaturité, omettant de faire ce travail de rectification du mal commis par ego. Un de nos devoirs humains essentiels consiste donc à sans cesse nous libérer de cette immaturité cause de nos excès égoïstes, excès préjudiciables tant à autrui qu'à la vie. Une société évoluée ou populiste résulte de l'état d'esprit mature ou immature des membres qui la composent.

L'insistance à parler communément de schizophrénie lorsqu'il s'agit en fait de dissociation banale peut être d'un grand intérêt si, à chaque fois que le mot est prononcé, on fait se rapprochement : il est le signe d'un clivage, lui-même signe d'immaturité mentale et comportementale. Cet éclairage peut contribuer à libérer notre libre-arbitre d'une incompréhension préjudiciable à une amélioration de nos comportements vers davantage de liberté et de maturité responsable.

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