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LES ARTICLES DE L'AUTEUR
"Femme et changement climatique" au Tchad
"Femme et changement climatique" au Tchad
Présentation du contexte dans lequel les femmes s'activent pour leur autonomisation
Le Tchad s'étire du Nord au Sud sur 1700 km en latitude, entre 8 et 24° et entre 15 et 23° de longitude Est. Il couvre trois grandes zones bioclimatiques à savoir la zone saharienne au Nord, la zone sahélienne au centre et la zone soudanienne au Sud (Carte n°1).
Ce territoire est caractérisé par un climat tropical à deux saisons alternées. Les précipitations varient en moyennes de 100 mm en zone aride au nord à 1200 mm en zone soudanienne. Le pays est fortement influencé par le changement climatique qui agit négativement sur les activités les activités de la population, évaluée à 11,039 millions d'habitants dont environ 51 % des femmes (RGPH 2, 2009). Le taux de croissance démographique est établi à 3,6 % par an. La densité moyenne de la population tchadienne est de 8,6 habitants/km². Cette densité cache une répartition inégale sur le territoire national. Ainsi, dans la zone soudanienne, la densité est plus élevée, atteignant environ 100 habitants/km² dans la région du Logone Occidental alors qu'elle est en dessous de 1 habitant/km² dans les régions septentrionales plus arides et plus hostiles à l'implantation humaine. La pauvreté est élevée au sein de la population et affecte particulièrement le milieu rural dominé par les femmes, malgré d'importantes potentialités en ressources naturelles (39 millions de terres cultivables, abondance d'eau, etc.) et surtout l'exploitation du pétrole qui a généré plus de dix mille million de F CFA à l'Etat. L'insécurité alimentaire affecte 44,2% de la population tchadienne dont 64% vivent en dessous du seuil de pauvreté. Les couches sociales les plus vulnérables sont les enfants, les femmes et les personnes âgées. La population tchadienne est dominée par les femmes qui vivent majoritairement en milieu rural et plus de 80% d'elles pratiques l'agriculture, principal moyen d'existence durable de la population rurale. Selon Oxfam (2013), au Tchad, comme dans les autres pays du continent, les femmes rurales, qui constituent environ 40% de la population totale, travaillent plus que les hommes ruraux. Elles effectuent un nombre plus important de travaux productifs sur l'ensemble d'une filière, ce qui allonge leur temps de travail. Généralement, le rôle des hommes est de labourer les terres, tandis que les femmes labourent puis effectuent le reste du travail au niveau de la production (semis, repiquage, récolte pour le riz, le maraîchage etc.), mais aussi au niveau de la transformation (tri, vannage, décorticage, pilage etc.). C'est donc dans ce contexte que les femmes tchadiennes s'activent à s'autonomiser, en dépit du changement climatique.
Notons que l'environnement et le développement constituent un couple à priori paradoxal. En effet, l'Homme en général et les femmes en particulier tirent leur bien être dans l'exploitation de l'environnement. Pour se développer ou s'autonomiser, les femmes sont obligées de puiser dans l'environnement. L'autonomisation des femmes se réfère à la capacité de celles-ci à modifier le développement socioéconomique lorsqu'on leur donne le pouvoir...de participer pleinement aux décisions qui affectent leur vie, au travers de formations en leadership, de et en leur fournissant les outils qui leur permettront de diriger au sein de leur communautés, régions et pays. Il sera ici donc question d'analyser quelques impacts du changement climatique sur les femmes, d'aborder les questions de l'autonomisation de la femme tchadienne qui nécessite des actions négatives sur l'environnent dans un contexte de protection de l'environnement pour faire face au changement climatique et de montrer comment concilier les deux notions "autonomisation de la femme" et protection de l'environnement. Mais avant cela, qu'est-ce que le changement climatique ?
Qu'est-ce que le changement climatique ?
Dès 1987, les scientifiques ont révélé que le changement climatique est lié à l'augmentation du taux de dioxyde de carbone dans l'atmosphère ayant pour conséquence la hausse de la température lors des variations naturelles du climat. Cette découverte apporte la certitude que le climat se réchauffera à cause des activités humaines et leurs importantes émissions de gaz carbonique. En réponse à cette préoccupation mondiale, un Groupe Intergouvernemental d'Experts du Climat (GIEC) a été mis en place et est chargé de résumer l'ensemble des connaissances scientifiques permettant de comprendre le changement climatique et ses enjeux. Le rapport du GIEC, sorti en 2014 conclut qu'il est quasiment certain que le réchauffement climatique est dû à l'augmentation de l'effet de serre et donc aux activités humaines, fortes émettrices de gaz à effets de serre. Si les Etats veulent maintenir un réchauffement global en-dessous de 2°C, les modes de développement de nos sociétés doivent changer.
Les effets du changement climatique sur les femmes tchadiennes
En effet, le changement climatique affecte durablement la population en générale et plus particulièrement les femmes. Afrique et en Asie, 70 % de la population vivant sous le seuil de pauvreté sont des femmes et "le dérèglement climatique a des conséquences encore plus graves pour les femmes que pour les hommes. En cause notamment : la raréfaction des ressources naturelles qui allonge les trajets pour s'approvisionner en eau ou en bois et qui augmente leur temps de travail et précarise leurs conditions de vie". L'agriculture en Afrique centrale occupe plus de 70% de la population active dont 53% de la population. Au Tchad, le changement climatique a des effets variables selon les zones agro-climatiques. Dans les régions arides, le changement climatique affecte les femmes de plusieurs manières. D'abord par l'ensablement qui menace dangereusement les ouadis, seuls écosystèmes propices aux activités agricoles, pastorales et forestières en zone désertique, privant ainsi celles-ci de l'essentiel de leur moyen d'existence. Dans ces milieux les ouadis constituent le poumon de la vie rurale où vivent plus de 80% des femmes. Ensuite, le changement climatique affecte les ressources végétales, principales sources d'énergies, voire la seule source d'énergie de la population rurale. Ce sont les femmes qui collectent et utilisent ces sources d'énergie qui se raréfient. En outre, il contraint les peuples pasteurs de ces zones à migrer à la recherche de pâturage dans les zones soudaniennes plus riches en ressources pastorales. En fin, il arrive souvent que les hommes migrent seuls vers les zones urbaines pour pratiquer diverses activités génératrices de revenu, abandonnant ainsi les femmes, face aux milieux plus ou moins dégradés.
Dans les zones soumises au climat sahélien, les exploitants (agriculteurs, éleveurs ou exploitants de produits forestiers) ne peuvent pas compter sur une régularité de production d'une année sur l'autre en raison des importantes fluctuations de pluviométrie. Certaines années, s'ajoutent encore des invasions acridiennes, certes irrégulières, mais dévastatrices. La zone sahélienne est régulièrement affectée par des crises alimentaires liées aux inondations ou à la sécheresse. La dernière crise alimentaire de 2012 a touché 3,6 millions de tchadiens. Les femmes sont particulièrement vulnérables aux crises alimentaires. En juin 2012, l'EFSA estimait que dans la bande sahélienne, 64% des ménages dirigés par des femmes étaient en insécurité alimentaire. A cette situation structurelle, se superpose aussi la tendance à la baisse de fertilité des terres. Devant cette situation, les femmes sont les plus exposées et elles développent des stratégies pour faire face. "En période de crise (sécheresse; invasion acridienne; crise alimentaire) les populations rurales pauvres d'agriculteurs ou d'agro-pasteurs disposent de très peu d'alternatives. Les pasteurs déplacent leurs troupeaux (ou vendent les bêtes). Les agriculteurs, même s'ils utilisent des stratégies de diversification des cultivars, ont aussi tendance à réagir en augmentant encore la pression sur les terres" (Tchad, Profil environnement, P.28). L'un des effets majeurs du changement climatique sur la zone sahélienne est l'assèchement du Lac Tchad avec de nombreuses conséquences sur les femmes.
Dans la zone soudanienne, le changement climatique a plus ou moins les mêmes effets sur les femmes. Il a pour conséquence la dégradation progressive des ressources naturelles (diminution des forêts, pauvreté des terres, etc.) alors que l'économie du pays repose pour une part essentielle sur leur exploitation. La croissance démographique est élevée, et les conditions sont préoccupantes. La pauvreté est très présente, et le déficit alimentaire est permanent dans certaines régions. Les pressions les plus significatives ont eu pour origine la juxtaposition des épisodes climatiques sévères - sécheresses récurrentes avec une importante croissance de la population, tant rurale qu'urbaine: extension des défrichements agricoles par brûlis, multiples feux de brousse, prélèvements excessifs de fourrages aériens par les éleveurs, et non-respect des espaces mis en défens par les transhumants, collecte de bois pour répondre aux besoins d'énergie ruraux et surtout urbains. Au Tchad, environ 98% de l'énergie domestique vient des forêts: bois et charbon de bois; la cuisson des briques demande également beaucoup de combustible. "A côté des activités strictement agricoles ou pastorales et de l'exploitation de bois, l'économie du monde rural s'articule également sur l'exploitation d'une multitude de produits naturels collectés", (Profil environnement, p.26). Bref, il faut noter que la majorité des femmes tchadiennes comme celles des autres pays du Sud, vivent dans la pauvreté et l'inégalité sociale. Or, ce sont précisément elles les premières touchées par la crise climatique générée en très grande partie par l'émission du dioxyde de carbone (CO2) provenant des activités industrielles dont les pays du Nord sont les premiers responsables. Elles sont les premières victimes du changement climatique de par la multiplicité de leurs rôles. Ce sont elles qui sont autant productrices de nourriture, d'eau, de bois de chauffage que des personnes ayant la charge des enfants et de la famille. Les femmes tchadiennes n'ont aucun pouvoir sur la prise de décisions malgré qu'elles soient les plus nombreuses. En accentuant pauvreté et inégalités, le changement climatique contribue à intensifier la pression sur les femmes. Pour s'adapter à ces conditions, les femmes sont obligées de développer des stratégies.
Quelles stratégies d'adaptation pour les femmes tchadiennes
Face au changement climatique, la population tchadienne en général et les femmes en particulier multiplient les stratégies d'adaptation. L'une des stratégies utilisées par certaines personnes, consiste à exploiter davantage les ressources naturelles du milieu. D'autres optent pour des métiers encore plus destructifs de l'environnement et le reste s'orientent vers la diversification des activités, en particulier les activités génératrices de revenu. Dans les zones arides et semi-arides, le changement climatique contraint les populations à migrer vers le Sud du Tchad et à se sédentariser, entrainant de nombreux conflits dont les femmes sont souvent les victimes. En zone pétrolière de Doba par exemple, la faiblesse de production agricole et l'absence d'emploi dans le secteur pétrolier amènent les femmes et les hommes à s'adonner aux coupes des arbres pour en fabriquer de charbon et vendre sur le marché en vue de faire face à leurs besoins (MOUTEDE-MADJI V., 2012). Il arrive que ces personnes coupent des arbres entièrement protégés comme le karité pour transformer en charbon. Les principales contraintes des femmes à contribuer au développement agricole du Tchad sont liées d'une part au climat, à la fertilité des sols et à la croissance démographique, mais aussi et surtout aux faibles capacités techniques de celles-ci et des hommes à développer des cultures intensives, aggravées par des difficultés de transport pendant la saison de pluie dans certaines régions du pays.
Pour une autonomisation des femmes tchadiennes et le développement durable
Le développement durable offre une opportunité pour répondre en grande partie à la préoccupation des femmes tchadiennes. En effet, une exploitation durable de l'environnement permet donc aux femmes de continuer à exploiter l'environnement en vue de satisfaire leurs besoins actuels pour s'autonomiser tout en tenant compte des générations futures. Ainsi, toute exploitation agricole, pastorale et forestière doit se soucier de la régénération voire l'entretien de l'environnement. De même le développement de la gouvernance locale constitue aujourd'hui une clé essentielle aux problèmes de bois-énergie et concerne aussi les autres produits forestiers, les ressources végétales non forestières, les produits de la chasse ou de la pêche, les ressources en sols et en eau. Par conséquent, la lutte contre la désertification, le maintien de la fertilité, la conservation de la biodiversité, le développement des filières, le règlement des conflits entre les usagers, etc. pourront évoluer positivement si la gouvernance locale se développe au Tchad. Il existe des textes règlementaires intéressant, prenant en compte cette préoccupation. Il s'agit entre autres la loi 14 du 17 août 1998 portant définition des principes généraux de la protection de l'environnement ; loi 014 du 13 juillet 1995 relative à la protection des végétaux ; la Loi N°16 du 18 août 1999 portant Code de l'Eau ainsi que la loi sur la décentralisation, offrant un cadre pouvant aider à mieux exploiter les ressources dans un contexte de changement climatique. L'autonomisation de la femme tchadienne passera aussi et surtout par la lutte contre la pauvreté des femmes, productrices qui ne profitent pas de leur production. Il faut donc organiser un marché de commercialisation des produits agricole et surtout promouvoir la diversification des activités et celles génératrices de revenu, tout en renforçant leurs capacités techniques et productives. L'autonomie économique des femmes se réfère à leur capacité à pourvoir elles-mêmes à leurs besoins ainsi qu'à ceux des personnes qui dépendent d'elles et à décider de la meilleure façon d'y parvenir. L'autonomie économique est une notion plus large que l'autonomie financière dans la mesure où elle comprend aussi l'accès à la sécurité sociale, à la terre, aux services sociaux de base ainsi qu'aux services publics. Ainsi, l'autonomisation de la femme tchadienne passera également par leur formation, l'éducation, l'accès au crédit, aux terres cultivables, aux services publics mais surtout au processus de décision de la vie publique. C'est ainsi que lors de la COP21 à Paris, il a été reconnu que les femmes seraient plus exposées aux risques liés au changement climatique et l'accord de Paris a pris en compte la promotion des droits des femmes face au changement climatique. Cela passera aussi plus globalement par des actions plus globales et mondiales comme la baisse de la consommation d'énergie ; l'arrêt des productions qui gaspillent ; l'arrêt de l'utilisation de ressources énergétiques dangereuses ; l'expansion des énergies renouvelables ; les transports publics de bonne qualité, l'agriculture de conservation, qui réduit les besoins en eau comme en engrais et permet de fixer le carbone et la réduction des rejets des gaz à effet de serre afin de limiter le réchauffement climatique planétaire.
Synthèse bibliographie
Fackson Banda et al (2014): Le changement climatique en Afrique, Guide à l'intention des journalistes, UNESCO, Paris, 105p.
Hugo Quinton (2015) : Les femmes sont les premières victimes du changement climatique ;
Oxfam et al (2013) : 6 réalités sur les inégalités entre les hommes et les femmes dans le monde rural au Tchad, N'Djaména, AFD, 20p.
PROPAC : Femmes et changement climatique en Afrique centrale, Travaux de groupe, CEAC-CEMAC, 4p.
MOUTEDE-MADJI Vincent (2012), Exploitation pétrolière et mutations spatio-économiques dans le Logone oriental au Tchad. Thèse de Doctorat de Géographie, Sous la direction du Pr Akibodé A., Université de Lomé, 434p.
Yvonne NGOYI YAKABWE (2013): RD Congo : Les effets du changement climatique sur l'autonomisation des femmes rurales.
Signature :
MOUTEDE-MADJI Vincent, Enseignant-Chercheur, Université de N'Djaména ; E-mail : moutede@yahoo.fr
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Le Tchad s'étire du Nord au Sud sur 1700 km en latitude, entre 8 et 24° et entre 15 et 23° de longitude Est. Il couvre trois grandes zones bioclimatiques à savoir la zone saharienne au Nord, la zone sahélienne au centre et la zone soudanienne au Sud (Carte n°1).
Ce territoire est caractérisé par un climat tropical à deux saisons alternées. Les précipitations varient en moyennes de 100 mm en zone aride au nord à 1200 mm en zone soudanienne. Le pays est fortement influencé par le changement climatique qui agit négativement sur les activités les activités de la population, évaluée à 11,039 millions d'habitants dont environ 51 % des femmes (RGPH 2, 2009). Le taux de croissance démographique est établi à 3,6 % par an. La densité moyenne de la population tchadienne est de 8,6 habitants/km². Cette densité cache une répartition inégale sur le territoire national. Ainsi, dans la zone soudanienne, la densité est plus élevée, atteignant environ 100 habitants/km² dans la région du Logone Occidental alors qu'elle est en dessous de 1 habitant/km² dans les régions septentrionales plus arides et plus hostiles à l'implantation humaine. La pauvreté est élevée au sein de la population et affecte particulièrement le milieu rural dominé par les femmes, malgré d'importantes potentialités en ressources naturelles (39 millions de terres cultivables, abondance d'eau, etc.) et surtout l'exploitation du pétrole qui a généré plus de dix mille million de F CFA à l'Etat. L'insécurité alimentaire affecte 44,2% de la population tchadienne dont 64% vivent en dessous du seuil de pauvreté. Les couches sociales les plus vulnérables sont les enfants, les femmes et les personnes âgées. La population tchadienne est dominée par les femmes qui vivent majoritairement en milieu rural et plus de 80% d'elles pratiques l'agriculture, principal moyen d'existence durable de la population rurale. Selon Oxfam (2013), au Tchad, comme dans les autres pays du continent, les femmes rurales, qui constituent environ 40% de la population totale, travaillent plus que les hommes ruraux. Elles effectuent un nombre plus important de travaux productifs sur l'ensemble d'une filière, ce qui allonge leur temps de travail. Généralement, le rôle des hommes est de labourer les terres, tandis que les femmes labourent puis effectuent le reste du travail au niveau de la production (semis, repiquage, récolte pour le riz, le maraîchage etc.), mais aussi au niveau de la transformation (tri, vannage, décorticage, pilage etc.). C'est donc dans ce contexte que les femmes tchadiennes s'activent à s'autonomiser, en dépit du changement climatique.
Notons que l'environnement et le développement constituent un couple à priori paradoxal. En effet, l'Homme en général et les femmes en particulier tirent leur bien être dans l'exploitation de l'environnement. Pour se développer ou s'autonomiser, les femmes sont obligées de puiser dans l'environnement. L'autonomisation des femmes se réfère à la capacité de celles-ci à modifier le développement socioéconomique lorsqu'on leur donne le pouvoir...de participer pleinement aux décisions qui affectent leur vie, au travers de formations en leadership, de et en leur fournissant les outils qui leur permettront de diriger au sein de leur communautés, régions et pays. Il sera ici donc question d'analyser quelques impacts du changement climatique sur les femmes, d'aborder les questions de l'autonomisation de la femme tchadienne qui nécessite des actions négatives sur l'environnent dans un contexte de protection de l'environnement pour faire face au changement climatique et de montrer comment concilier les deux notions "autonomisation de la femme" et protection de l'environnement. Mais avant cela, qu'est-ce que le changement climatique ?
Dès 1987, les scientifiques ont révélé que le changement climatique est lié à l'augmentation du taux de dioxyde de carbone dans l'atmosphère ayant pour conséquence la hausse de la température lors des variations naturelles du climat. Cette découverte apporte la certitude que le climat se réchauffera à cause des activités humaines et leurs importantes émissions de gaz carbonique. En réponse à cette préoccupation mondiale, un Groupe Intergouvernemental d'Experts du Climat (GIEC) a été mis en place et est chargé de résumer l'ensemble des connaissances scientifiques permettant de comprendre le changement climatique et ses enjeux. Le rapport du GIEC, sorti en 2014 conclut qu'il est quasiment certain que le réchauffement climatique est dû à l'augmentation de l'effet de serre et donc aux activités humaines, fortes émettrices de gaz à effets de serre. Si les Etats veulent maintenir un réchauffement global en-dessous de 2°C, les modes de développement de nos sociétés doivent changer.
En effet, le changement climatique affecte durablement la population en générale et plus particulièrement les femmes. Afrique et en Asie, 70 % de la population vivant sous le seuil de pauvreté sont des femmes et "le dérèglement climatique a des conséquences encore plus graves pour les femmes que pour les hommes. En cause notamment : la raréfaction des ressources naturelles qui allonge les trajets pour s'approvisionner en eau ou en bois et qui augmente leur temps de travail et précarise leurs conditions de vie". L'agriculture en Afrique centrale occupe plus de 70% de la population active dont 53% de la population. Au Tchad, le changement climatique a des effets variables selon les zones agro-climatiques. Dans les régions arides, le changement climatique affecte les femmes de plusieurs manières. D'abord par l'ensablement qui menace dangereusement les ouadis, seuls écosystèmes propices aux activités agricoles, pastorales et forestières en zone désertique, privant ainsi celles-ci de l'essentiel de leur moyen d'existence. Dans ces milieux les ouadis constituent le poumon de la vie rurale où vivent plus de 80% des femmes. Ensuite, le changement climatique affecte les ressources végétales, principales sources d'énergies, voire la seule source d'énergie de la population rurale. Ce sont les femmes qui collectent et utilisent ces sources d'énergie qui se raréfient. En outre, il contraint les peuples pasteurs de ces zones à migrer à la recherche de pâturage dans les zones soudaniennes plus riches en ressources pastorales. En fin, il arrive souvent que les hommes migrent seuls vers les zones urbaines pour pratiquer diverses activités génératrices de revenu, abandonnant ainsi les femmes, face aux milieux plus ou moins dégradés.
Dans les zones soumises au climat sahélien, les exploitants (agriculteurs, éleveurs ou exploitants de produits forestiers) ne peuvent pas compter sur une régularité de production d'une année sur l'autre en raison des importantes fluctuations de pluviométrie. Certaines années, s'ajoutent encore des invasions acridiennes, certes irrégulières, mais dévastatrices. La zone sahélienne est régulièrement affectée par des crises alimentaires liées aux inondations ou à la sécheresse. La dernière crise alimentaire de 2012 a touché 3,6 millions de tchadiens. Les femmes sont particulièrement vulnérables aux crises alimentaires. En juin 2012, l'EFSA estimait que dans la bande sahélienne, 64% des ménages dirigés par des femmes étaient en insécurité alimentaire. A cette situation structurelle, se superpose aussi la tendance à la baisse de fertilité des terres. Devant cette situation, les femmes sont les plus exposées et elles développent des stratégies pour faire face. "En période de crise (sécheresse; invasion acridienne; crise alimentaire) les populations rurales pauvres d'agriculteurs ou d'agro-pasteurs disposent de très peu d'alternatives. Les pasteurs déplacent leurs troupeaux (ou vendent les bêtes). Les agriculteurs, même s'ils utilisent des stratégies de diversification des cultivars, ont aussi tendance à réagir en augmentant encore la pression sur les terres" (Tchad, Profil environnement, P.28). L'un des effets majeurs du changement climatique sur la zone sahélienne est l'assèchement du Lac Tchad avec de nombreuses conséquences sur les femmes.
Dans la zone soudanienne, le changement climatique a plus ou moins les mêmes effets sur les femmes. Il a pour conséquence la dégradation progressive des ressources naturelles (diminution des forêts, pauvreté des terres, etc.) alors que l'économie du pays repose pour une part essentielle sur leur exploitation. La croissance démographique est élevée, et les conditions sont préoccupantes. La pauvreté est très présente, et le déficit alimentaire est permanent dans certaines régions. Les pressions les plus significatives ont eu pour origine la juxtaposition des épisodes climatiques sévères - sécheresses récurrentes avec une importante croissance de la population, tant rurale qu'urbaine: extension des défrichements agricoles par brûlis, multiples feux de brousse, prélèvements excessifs de fourrages aériens par les éleveurs, et non-respect des espaces mis en défens par les transhumants, collecte de bois pour répondre aux besoins d'énergie ruraux et surtout urbains. Au Tchad, environ 98% de l'énergie domestique vient des forêts: bois et charbon de bois; la cuisson des briques demande également beaucoup de combustible. "A côté des activités strictement agricoles ou pastorales et de l'exploitation de bois, l'économie du monde rural s'articule également sur l'exploitation d'une multitude de produits naturels collectés", (Profil environnement, p.26). Bref, il faut noter que la majorité des femmes tchadiennes comme celles des autres pays du Sud, vivent dans la pauvreté et l'inégalité sociale. Or, ce sont précisément elles les premières touchées par la crise climatique générée en très grande partie par l'émission du dioxyde de carbone (CO2) provenant des activités industrielles dont les pays du Nord sont les premiers responsables. Elles sont les premières victimes du changement climatique de par la multiplicité de leurs rôles. Ce sont elles qui sont autant productrices de nourriture, d'eau, de bois de chauffage que des personnes ayant la charge des enfants et de la famille. Les femmes tchadiennes n'ont aucun pouvoir sur la prise de décisions malgré qu'elles soient les plus nombreuses. En accentuant pauvreté et inégalités, le changement climatique contribue à intensifier la pression sur les femmes. Pour s'adapter à ces conditions, les femmes sont obligées de développer des stratégies.
Face au changement climatique, la population tchadienne en général et les femmes en particulier multiplient les stratégies d'adaptation. L'une des stratégies utilisées par certaines personnes, consiste à exploiter davantage les ressources naturelles du milieu. D'autres optent pour des métiers encore plus destructifs de l'environnement et le reste s'orientent vers la diversification des activités, en particulier les activités génératrices de revenu. Dans les zones arides et semi-arides, le changement climatique contraint les populations à migrer vers le Sud du Tchad et à se sédentariser, entrainant de nombreux conflits dont les femmes sont souvent les victimes. En zone pétrolière de Doba par exemple, la faiblesse de production agricole et l'absence d'emploi dans le secteur pétrolier amènent les femmes et les hommes à s'adonner aux coupes des arbres pour en fabriquer de charbon et vendre sur le marché en vue de faire face à leurs besoins (MOUTEDE-MADJI V., 2012). Il arrive que ces personnes coupent des arbres entièrement protégés comme le karité pour transformer en charbon. Les principales contraintes des femmes à contribuer au développement agricole du Tchad sont liées d'une part au climat, à la fertilité des sols et à la croissance démographique, mais aussi et surtout aux faibles capacités techniques de celles-ci et des hommes à développer des cultures intensives, aggravées par des difficultés de transport pendant la saison de pluie dans certaines régions du pays.
Le développement durable offre une opportunité pour répondre en grande partie à la préoccupation des femmes tchadiennes. En effet, une exploitation durable de l'environnement permet donc aux femmes de continuer à exploiter l'environnement en vue de satisfaire leurs besoins actuels pour s'autonomiser tout en tenant compte des générations futures. Ainsi, toute exploitation agricole, pastorale et forestière doit se soucier de la régénération voire l'entretien de l'environnement. De même le développement de la gouvernance locale constitue aujourd'hui une clé essentielle aux problèmes de bois-énergie et concerne aussi les autres produits forestiers, les ressources végétales non forestières, les produits de la chasse ou de la pêche, les ressources en sols et en eau. Par conséquent, la lutte contre la désertification, le maintien de la fertilité, la conservation de la biodiversité, le développement des filières, le règlement des conflits entre les usagers, etc. pourront évoluer positivement si la gouvernance locale se développe au Tchad. Il existe des textes règlementaires intéressant, prenant en compte cette préoccupation. Il s'agit entre autres la loi 14 du 17 août 1998 portant définition des principes généraux de la protection de l'environnement ; loi 014 du 13 juillet 1995 relative à la protection des végétaux ; la Loi N°16 du 18 août 1999 portant Code de l'Eau ainsi que la loi sur la décentralisation, offrant un cadre pouvant aider à mieux exploiter les ressources dans un contexte de changement climatique. L'autonomisation de la femme tchadienne passera aussi et surtout par la lutte contre la pauvreté des femmes, productrices qui ne profitent pas de leur production. Il faut donc organiser un marché de commercialisation des produits agricole et surtout promouvoir la diversification des activités et celles génératrices de revenu, tout en renforçant leurs capacités techniques et productives. L'autonomie économique des femmes se réfère à leur capacité à pourvoir elles-mêmes à leurs besoins ainsi qu'à ceux des personnes qui dépendent d'elles et à décider de la meilleure façon d'y parvenir. L'autonomie économique est une notion plus large que l'autonomie financière dans la mesure où elle comprend aussi l'accès à la sécurité sociale, à la terre, aux services sociaux de base ainsi qu'aux services publics. Ainsi, l'autonomisation de la femme tchadienne passera également par leur formation, l'éducation, l'accès au crédit, aux terres cultivables, aux services publics mais surtout au processus de décision de la vie publique. C'est ainsi que lors de la COP21 à Paris, il a été reconnu que les femmes seraient plus exposées aux risques liés au changement climatique et l'accord de Paris a pris en compte la promotion des droits des femmes face au changement climatique. Cela passera aussi plus globalement par des actions plus globales et mondiales comme la baisse de la consommation d'énergie ; l'arrêt des productions qui gaspillent ; l'arrêt de l'utilisation de ressources énergétiques dangereuses ; l'expansion des énergies renouvelables ; les transports publics de bonne qualité, l'agriculture de conservation, qui réduit les besoins en eau comme en engrais et permet de fixer le carbone et la réduction des rejets des gaz à effet de serre afin de limiter le réchauffement climatique planétaire.
Fackson Banda et al (2014): Le changement climatique en Afrique, Guide à l'intention des journalistes, UNESCO, Paris, 105p.
Hugo Quinton (2015) : Les femmes sont les premières victimes du changement climatique ;
Oxfam et al (2013) : 6 réalités sur les inégalités entre les hommes et les femmes dans le monde rural au Tchad, N'Djaména, AFD, 20p.
PROPAC : Femmes et changement climatique en Afrique centrale, Travaux de groupe, CEAC-CEMAC, 4p.
MOUTEDE-MADJI Vincent (2012), Exploitation pétrolière et mutations spatio-économiques dans le Logone oriental au Tchad. Thèse de Doctorat de Géographie, Sous la direction du Pr Akibodé A., Université de Lomé, 434p.
Yvonne NGOYI YAKABWE (2013): RD Congo : Les effets du changement climatique sur l'autonomisation des femmes rurales.
Signature :
MOUTEDE-MADJI Vincent, Enseignant-Chercheur, Université de N'Djaména ; E-mail : moutede@yahoo.fr