Dans les chroniques du Xe siècle, « Mordred » est « Medrawt », mort à Camlann. Au XIIe siècle, il est « Mordret », chevalier félon, neveu du roi Arthur. Entre les XIIIe et XVe siècles, il devient le bâtard incestueux et parricide d’Arthur. Personnage mineur à ses origines, il est essentiel pour le dénouement de la matière arthurienne. Ses monographies sont partielles, et se limitent, pour la plupart, à l’analyse de son rôle par rapport à autrui — Arthur ou Lancelot. À chaque époque, son...
Dans les chroniques du Xe siècle, « Mordred » est « Medrawt », mort à Camlann. Au XIIe siècle, il est « Mordret », chevalier félon, neveu du roi Arthur. Entre les XIIIe et XVe siècles, il devient le bâtard incestueux et parricide d’Arthur. Personnage mineur à ses origines, il est essentiel pour le dénouement de la matière arthurienne. Ses monographies sont partielles, et se limitent, pour la plupart, à l’analyse de son rôle par rapport à autrui — Arthur ou Lancelot. À chaque époque, son rôle est réorienté pour incarner les maux contemporains, à la manière d’un bouc émissaire. Les réécritures contemporaines le revalorisent, voire le réhabilitent. Mordred se réinvente en modèle à suivre alors qu’il était à l’origine un repoussoir. Un roman catalan l’érige en rebelle au centralisme madrilène. Et dans un manga, il devient une figurine à collectionner… Entre ces deux extrêmes, du corpus médiéval au corpus moderne et dans plusieurs domaines politico-linguistiques, la symbolique mordretienne évolue. Qu’impliquent les modifications de ses significations sociales, politiques et littéraires vis-à-vis du mythe arthurien, l’un des piliers majeurs de l’Occident ?
Camille-Apollonia Narducci est agrégée de Lettres modernes, docteure des Universités d’Aix-Marseille et Autónoma de Madrid. Ses recherches portent sur la littérature arthurienne et plus largement sur les utilisations et les transformations contemporaines du matériau narratif médiéval.