
Elysée Sarin
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Descriptif auteur
Travaille sur l'Epistémologie des sciences sociales et la Science des organisations.
Issu d'une formation d'ingénieur, et professionnel du développement, l'auteur assuma ultérieurement des responsabilités syndicales.
C.V. complet sur le site ACADEMIA
Titre(s), Diplôme(s) : Docteur ès lettres
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AUTRES PARUTIONS
Recueil commenté de divers textes polémiques, principalement issus de son activité de journaliste et de sa correspondance.
LES CONTRIBUTIONS DE L’AUTEUR
LES ARTICLES DE L'AUTEUR
Flexibilité, rigidités, idéologies
Chronique d'une époque
Depuis bien longtemps, trente années ou plus, les discours dominants s'activent à mettre en cause une insuffisante flexibilité de l'emploi et des salaires -ou son envers, une insupportable rigidité des conditions de travail- pour rendre compte de la faible compétitivité des entreprises françaises et accessoirement de la présente situation de chômage de masse. Pour user d'une formule significative, en France le MEDEF décrète, les technocrates écrivent et la classe politique applique (1).
Tout au long de ces décennies il n'a pourtant pas manqué d'auteurs et de chercheurs, pour dénoncer l'inconsistance d'une telle déclaration. Il fut même des chefs d'entreprise pour se déclarer humiliés par ce genre de discours.
Sur le plan de la science des organisations nous consignions déjà à l'époque cet enseignement, que loin de devoir résilier l'emploi de son personnel lorsqu'il rencontre des difficultés économiques un entrepreneur doit bien au contraire considérer dans la main d'uvre sureffective, le fer de lance d'une dynamisation collective de sa firme. Les capacités humaines doivent devenir le moteur d'une politique offensive de développement économique, ce qui s'appelle la sortie par le haut (2). L'exemple venait de loin : il était notamment celui de I.B.M, le géant informatique de l'après-guerre.
"Il n'est pas correct de dire que nous sommes parvenus à garder notre personnel pendant la crise [des années 1930] parce que nous nous sommes développés. Nous nous sommes développés parce que nous nous sommes engagés à garder notre personnel. Cela nous a contraint à trouver de nouveaux débouchés et de nouvelles utilisations pour nos produits existants, à découvrir les besoins insatisfaits du marché et à fabriquer de nouveaux produits pour les satisfaire, à développer des marchés à l'étranger et à pousser l'exportation. Je suis persuadé que nous ne serions pas aujourd'hui l'un des premiers pays producteurs et exportateurs de machines de bureau du monde, si nous n'avions pas pris cet engagement de conserver notre personnel pendant les années de dépression. Je me demande même quelquefois s'il n'aurait pas été sage de notre part de nous engager à augmenter notre main d'uvre de façon constante (3)".
Malheureusement pour nous, une loi régressive du 2 juillet 1998 portant la signature du ministre de l'économie D. STRAUSS-KAHN, autorisa les sociétés à racheter leurs propres titres -plutôt qu'à les contraindre de rechercher des investissements créatifs pour réinvestir leurs profits. La démission managériale vis-à-vis du développement des entreprises était ainsi encouragée au plus haut niveau du pays, au profit d'un retour au capitalisme rentier.
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Le débat sur les rapports entre le coût du travail et le niveau du chômage peut être rythmé par quelques données cardinales.
Retenons tout d'abord les analyses d'auteurs français peu suspects de complaisance envers les idéaux qualifiés de socialistes.
En 1986 une toute nouvelle publication de science économique diffusait dans son premier volume une contribution de E. MALINVAUD sur les causes du chômage, laquelle rétablissait un fait trop souvent perdu de vue, à savoir que :
"La stagnation de l'emploi est due à la baisse de la demande. La chaine causale dominante va de la demande mondiale et de la demande intérieure autonome vers la demande de biens, et ensuite vers la demande de travail (4)".
Douze ans plus tard O. BLANCHARD et J.P. FITOUSSI dans l'un des premiers rapports du C.A.E rappelleront encore qu'en France la croissance est principalement contrainte par une demande globale insuffisante (5).
Ultérieurement dans le cadre du débat sur le déficit de qualification proclamée des chômeurs, J. GALBRAITH enfoncera le clou en énonçant abruptement qu'il n'existe pas de marché du travail : la demande totale de travail détermine l'emploi. Une entreprise ordinaire dont les carnets de commande sont vides n'embauchera pas, même si des salariés bien formés sont disponibles, ou si le coût de l'emploi de salariés non qualifiés bénéficie d'une assistance de l'Etat (6).
NOTA : Qualification et emploi.
Une entreprise qui a choisi la voie du développement incorpore normalement dans sa stratégie la formation des salariés dont elle a besoin -voire une garantie d'emploi pour sécuriser le processus (7) Le ci-devant chroniqueur qui a passé un peu plus de 40 années en entreprise, dans l'industrie comme dans le secteur tertiaire, peut en attester. Il est même des secteurs comme la profession bancaire en France, qui ont internalisé entièrement la formation de leurs collaborateurs : il n'existe pas au sein de l'Education nationale de structures dédiées : CAP, Brevet et diplômes d'études supérieures sont pris en charge par la profession. L'institution d'une catégorie de travailleurs sans qualification relève donc d'une démarche bornée.
Si l'on retient par ailleurs qu'un tiers au plus des emplois au sein de notre économie requiert une qualification spécifique (8) la question se pose incidemment de la réalité des phénomènes de "pénurie de main d'uvre" et autres emplois déclarés "non pourvus" par un certain patronat. La dernière investigation analytique et publiée de Pôle emploi porte sur l'année 2015, et évalue à 43.000 postes les projets d'embauche retirés par les employeurs faute de candidats, étant par ailleurs précisé que la moitié de ces offres concernaient des CDD de moins de six mois (9). Ajoutons, si aucune recherche empirique -à l'information des principaux centres documentaires spécialisés- n'a encore été effectuée en entreprise sur la réalité de ces offres d'emplois dites "non pourvues", que nous connaissons néanmoins plusieurs chercheurs qui se sont adressés à des structures patronales pour apprécier sur le terrain cette question d'opportunités de développement (et de profits) pénalisées faute de salariés pour occuper les postes correspondants, et qui ont tous trouvé porte close -notamment dans le secteur du BTP, où le prétexte de la pénurie de candidats sert bien souvent à couvrir le recours au travail clandestin, et à des travailleurs privés de tous droits sociaux.
En 1992 à l'occasion d'une série de révisions à la hausse du salaire minimum fédéral aux Etats-Unis, l'Industrial and labor relations review diffusait les actes d'un colloque portant sur l'état de la recherche empirique. Il s'avérait que la hausse du coût du travail peu qualifié non seulement n'avait pas accru le chômage, mais avait parfois même été bénéfique à l'emploi (10).
Edmund PHELPS promoteur d'une notion de "taux naturel de chômage" confirmait ces données, et observait de surcroit que l'effondrement du revenu des salariés déqualifiés avait été sans effet sur la montée du chômage aux U.S.A (11).
A partir de 1998 les analystes de l'OCDE dans leur revue annuelle des Perspectives de l'emploi, tendront également vers cette position.
En 2002 W. CASCIO publiait un ouvrage marquant, synthèse d'une dizaine d'années de recherches et de publications sur les entreprises états-uniennes classées pour leurs performances (Standard and pool 500, Russell 3000, Fortune's 100) : Responsible restructuring (12). Les conclusions étaient claires : les réductions d'effectif ne manifestent qu'une absence de stratégie de développement, car elles ont rarement permis de redresser durablement les résultats financiers des entreprises, à contrario de celles qui ont lutté pour sortir par le haut. Les salariés ne doivent pas être considérés comme de simples coûts comptables mais comme des "actifs" à promouvoir : the no-layoff payoff.
On rapprochera cette attitude de celle du patronat français, du moins celle de son instance la plus archaïque : le MEDEF (même si elle ne représente guère plus -officiellement- de 30 % des entreprises françaises, elle s'est appropriée la parole officielle) dont les proclamations se suivent et se ressemblent : demande de réductions d'impôts et de baisse des charges sociales, suppression de l'ISF, élimination du code du travail et abrogation des 35h, suppression des organismes publics de contrôle, etc. Mais jamais rien sur le développement des entreprises, la restauration de la compétitivité sur les marchés, les stratégies d'adaptation au marché mondial -et la réduction de l'exposition au taux de change de l'euro- le soutien aux PME comme pôles d'innovation essentiels, etc (13). C'est un discours aussi ancien que le patronat français, essentiellement animé par une mentalité non pas d'entrepreneur, mais d'assisté par l'Etat (14). De fait les allégements de charges fiscales et sociales consentis aux entreprises depuis le début des années 1990, atteignent aujourd'hui en pleine année près de 50 milliards d'euros. Aucune évaluation empirique n'a jamais été effectuée des bienfaits hypothétiques pour l'économie et l'emploi, de l'octroi de ces largesses, et leur efficacité est régulièrement mise en cause par la Cour des comptes (15).
Autre donnée accablante pour ce vaillant patronat. Une étude internationale du cabinet de consultants KPMG (l'un des "big four") sur l'attractivité des pays au regard des coûts d'implantation des entreprises, a classé la France au premier rang européen et au quatrième rang mondial, devant les U.S.A et le Japon. L'étude portait sur 17 secteurs d'activité et 2000 cas d'entreprises pour la période 2006 à 2008 (16). L'état des infrastructures économiques tout comme la rigidité prétendue des conditions d'emploi en France, ne constituent donc pas des freins au développement.
Chez nous le capitalisme jouit de sa déconfiture. Fin 2008 un ancien patron de la C.G.E, le plus important groupe industriel français de la fin du 20e siècle, dressait un bilan de la situation : les jongleries financières des derniers dirigeants ont conduit la société au naufrage. Les filiales prestigieuses alors toutes profitables, ont dû être vendues (Alcatel, Alsthom, Cegetel, Framatome, Nexans, Saft, Vinci). Seule une poignée de mandataires a surnagé, pourvue de rémunérations pharaoniques (17). On pourrait multiplier ce type d'illustration (18).
En août 2017 le déficit commercial de l'industrie manufacturière atteignait sur les 12 mois antérieurs 48,4 milliards d'euros, alors qu'il était encore positif au début des années 2000. Les causes ? une offre peu compétitive et un appareil productif dégradé (19).
Ce nonobstant la masse des dividendes nets versés par les entreprises aura été multipliée par 3,5 entre 1990 et 2012 (20) et la rémunération moyenne des dirigeants de société figurant au CAC 40 s'est élevée en 2015 à 240 fois le SMIC (21).
Les organisations économiques internationales, qui se comportaient jusqu'à présent en propagandistes zélées des idéologies néo-libérales, doivent reconnaître aujourd'hui que les inégalités de revenu pénalisent la croissance économique :
- Pour les seuls pays de l'OCDE l'amplification des inégalités entre 1985 et 2005 aura coûté 4,7 points de croissance cumulée (22).
- A l'inverse une augmentation de un point de PIB, du revenu des classes populaires et des classes moyennes, se traduit par une croissance de ce même PIB pouvant aller jusqu'à 0,38 points sur cinq ans (23).
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Une conclusion ? Le discours des rigidités (ou de la flexibilité) en matière de conditions de travail, est essentiellement un discours de profiteurs, et signifie fondamentalement ceci : précariser. Précariser toujours plus l'emploi des salariés en vue d'une exploitation toujours plus sordide de leur personne.
ANNEXE : Précarisation et spoliation de l'épargne
Enfin dernier point que l'on ne peut pas s'empêcher de souligner, et qui parachève le grand uvre de l'asservissement en cours, c'est l'atteinte à l'épargne des citoyens -ce qui nous ramène encore au 19e siècle, lorsque l'empire industriel réclamait l'anéantissement des caisses de prévoyance ouvrière (24).
La rémunération du livret A des classes populaires a progressivement chuté à un niveau qui n'assure plus même le maintien du pouvoir d'achat des maigres fonds déposés. Le prétexte affiché pour justifier cette pratique consiste à déclarer que cette épargne finance le "logement social" (type HLM) et que si l'on veut construire il convient que les bailleurs collectifs puissent emprunter aux taux les plus bas (25). Par ailleurs on observe dans le même temps que les plafonds de ressources pour accéder audit logement sont régulièrement abaissés (avec institution de surloyers fortement dissuasifs pour les occupants qui viennent à dépasser les nouveaux plafonds institués) et d'autre part que les niveaux de loyer exigibles sont à l'inverse tout aussi régulièrement relevés. Ces manuvres -qui permettent accessoirement de contenir le nombre des demandeurs, et par suite le budget national affecté à cet objet- ont comme effet, outre la spoliation de l'épargne populaire, d'exclure du champ du "logement social" une fraction croissante des bénéficiaires attitrés, et de les convoyer sur le marché, où les attend une autre armée de profiteurs aux dents longues. Quant à ceux qui restent (populations immigrées pour une large part) c'est le retour aux ghettos.
S'agissant des classes moyennes qui ont très majoritairement confié leur épargne à l'assurance-vie, un certain nombre de dispositions ont engagé un laminage progressif des rendements des fonds placés. La mesure la plus incisive a été promulguée par le récent décret du 13 juillet 2016, qui autorise les compagnies d'assurance-vie à transférer librement les plus-values latentes des fonds en euros sur les placements à risque, à risques bien choisis, où elles iront opportunément s'évaporer. Bien que le principe
du cantonnement des actifs soit le plus souvent contractuel lors de la souscription de l'adhérent et que le Conseil constitutionnel déclare depuis longtemps que le principe du maintien de l'économie des conventions (la force obligatoire du contrat) recèle une valeur constitutionnelle, et dès lors que le législateur n'est pas fondé à le mettre en cause, les gestionnaires du secteur des assurances -AFER en tête- indiquent goulument que les capitaux demeurant déposés sur les fonds en euros, non seulement ne rapporteront plus rien, mais qu'ils ne pourront plus même être garantis.
Il y a 2500 ans la démocratie grecque énonçait que la finalité de la théorie politique n'était pas la liberté, principe métaphysique, mais plus positivement de conjurer la dépendance. A l'orée du 21e siècle les nouveaux dominants ont retenu la leçon.
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1) R. PASSET : Nous ne travaillons pas assez ? (Le Monde, 17 janvier 2005).
2) E. SARIN : Manager où es tu ? (in) Lettres d'hier et d'aujourd'hui pour lire demain (vol. du 10e anniversaire de l'association Développement et emploi, 1991) texte repris (in) E. SARIN : Traité de science des organisations (L'Harmattan 2015 p.92sq).
3) P. DRUCKER : The practice of management (1954, Fr/B.T.E p.271).
4) E. MALINVAUD : Les causes de la montée du chômage en France (Revue française d'économie, n°1-1986).
5) O. BLANCHARD et J.P. FITOUSSI : Croissance et chômage (C.A.E. 1998 p.29).
Relevons au passage l'improbité du recueil de J. TIROLE : Economie du bien commun (PUF 2016) qui au chapitre du chômage, demeure absolument muet sur les causes du phénomène, et développe pour tout contenu la plus plate allégeance aux réquisits patronaux standards en pilonnant le code du travail à longueur de pages. L'auteur qui observe par ailleurs que les applications de la théorie des jeux sont en passe de devenir le modèle dominant de la recherche en science économique, aurait été mieux avisé de se reporter à un texte princeps, savoir la loi du 25 mars 1919 qui institua en France le droit des conventions collectives. Les motifs qui assoient cette loi tout au long de son exposé sont purement économiques : du côté patronal fixer un seuil de normes de concurrence entre les entreprises, et du côté syndical interdire le travail en deçà d'un salaire convenu au sein de la classe ouvrière. Une mise en uvre parfaite de l'enseignement de ce qui sera formalisé ultérieurement comme le dilemme du prisonnier [Texte et motif de la loi (in) Recueil Dalloz 1922, IV.53 sq].
6) J. GALBRAITH : The predator state (2008, Fr/Seuil p.221sq).
7) E. SARIN : Flexibilité de l'emploi et coûts de transaction (Revue d'économie industrielle, n° 2-1992).
8) O. CHARDON : La spécialité de formation joue un rôle secondaire pour accéder à la plupart des métiers (Economie et statistique, n° 388-2005).
9) A. EYCHENNE : Offres d'emploi non pourvues, Pôle emploi démonte les chiffres farfelus (L'Express, 25 février 2016). Les données provisoires de Pôle Emploi pour l'année 2017 font état de 150.000 projets d'embauche non pourvus, bien que plusieurs candidats offrant les qualités requises aient été présentés aux entreprises pour tous ces postes, mais les employeurs en cause se sont rétractés neuf fois sur dix (Le Monde, 20 décembre 2017). Ajoutons que s'il se trouvait effectivement des pénuries de salariés dans certaines professions, il en résulterait des tensions sur les salaires, ce qui n'est pas le cas.
10) Actes du symposium New minimum wage research (Industrial and labor relations review, octobre 1992).
11) E. PHELPS : L'aide à l'emploi des salariés non qualifiés doit être massive et permanente (Le Monde, 12 mars 1996).
12) W.CASCIO : Responsible restructuring, Creative and profitable alternatives to layoffs (Berrett-Koehler, 2002).
13) P. ROMELAER : Quelles sont les idées du MEDEF ? Choses vues à l'université d'été (Le Monde, 6 septembre 2013).
14) E.SARIN : Traité de science des organisations (L'Harmattan 2015 p.204sq).
15) Le pilotage et le suivi des allégements généraux de cotisations sociales patronales sur les bas salaires (Cour des comptes, avril 2015) Sur "le bric à brac et le fatras méthodologique" des publications économétriques effectuées par les petites mains du MEDEF pour tenter de promouvoir le coût en pertes d'emplois, d'une éventuelle suppression des allégements de charges colossaux consentis en France aux entreprises, on se reportera aux analyses somptueuses de H. STERDYNIAK : Econométrie de la misère, misère de l'économétrie (Revue de l'OFCE, octobre 2000), F. DUBET et A. VERETOUT : Une réduction de la rationalité de l'acteur, Pourquoi sortir du RMI ? (Revue française de sociologie, n° 3-2001) enfin M. HUSSON : Créer des emplois en baissant les salaires ? (Ed. Croquant 2015). Curieux libéralisme, qui ne revient pas moins à faire reposer sur les salariés le risque économique de l'entreprise. N'y aurait-il jamais eu là qu'une idéologie ?
16) I. FICEKR : Attractivité, la France résiste mieux que ses voisins (Les Echos, 23 juillet 2008).
17) G. PEBEREAU : A quand l'étincelle de la révolution ? (Le Monde, 17 septembre 2008).
18) C. KERDELLANT : Le prix de l'incompétence (Denoël 2000) -suivi de- Ils se croyaient les meilleurs (Denoël 2016).
19) D. COSNARD : La reprise économique fait plonger le commerce extérieur (Le Monde, 8 août 2017).
20) M. HUSSON : Taux de marge et compétitivité (Lettre de l'IRES, n° 98-2014).
21) A. DURAND et M. DAMGE : Salaires du CAC 40 (Le Monde, 20 mai 2016).
22) O.C.D.E : In it together, why less inequality benefits all, 2015.
23) F.M.I : Causes and consequences of income inequality, 2015.
24) "La suppression des caisses de résistance est le grand remède à apporter au malaise actuel de l'industrie" Charles LABOULAYE : Etude sur l'ordre dans l'industrie, 1873 p.54.
25) Méditons sur le cynisme de la gent politique affichant des idéaux socialistes : c'est aux pauvres à financer leur logement.
Evaluation et "referees"
La pratique d'une "évaluation en double aveugle" pour les textes soumis aux revues, a normalement pour objet de s'affranchir de l'arbitraire et des options personnelles des membres des comités de rédaction, dont la mauvaise foi est usuellement mise en cause par les auteurs dont les contributions sont rejetées (un comité de rédaction n'est pas autre chose qu'un comité d'évaluation).
Malheureusement cette pratique vient renforcer plus encore l'imputation de partialité qui pèse sur les animateurs de revues. En effet pour avaliser un texte comme pour le recaler -sans se compromettre- il suffit tout simplement de choisir les "referees" appropriés
A titre d'illustration D. PETERS et S. CECI avaient recyclé auprès d'une dizaine de revues un texte respectivement publié deux ans plus tôt par chacun de ces périodiques, ne modifiant simplement que le nom de l'auteur et le titre de l'article ; 14 % seulement des "referees" estimèrent que le texte était publiable (A manuscript mascarade, The sciences, septembre 1980).
Si l'on entend effectivement faire vivre la connaissance et la maintenir sous tension -l'état de crise est l'état d'une science en bonne santé- et émanciper les revues des cercles qui les exploitent, il existe une solution bien simple. Ce serait, au moins pour les périodiques financés sur fonds publics, de les contraindre à réserver un espace au débat contradictoire et d'organiser une possibilité de recours auprès d'une instance tierce en cas de refus de publication.
A cet égard les tenants de l'économie néo-libérale en France qui monopolisent les ressources de leur discipline, seraient infiniment plus crédibles dans leurs échanges avec les tenants des courants institutionnalistes, s'ils s'inspiraient minimalement des pratiques de leurs référents états-uniens. Dans l'American economic review principal périodique de la profession, la publication d'articles de fonds est régulièrement suivie de comments, notes, reply, etc, destinés à animer le plus possible la réflexion.
(Contribution refusée par Le Monde)
André DEMAILLY : <em>Herbert SIMON et les sciences de la conception </em> (L'Harmattan 2004)
Doué d'une rare capacité d'assimilation, lisant une vingtaine de langues, H. SIMON aura excellé dans plusieurs secteurs de recherche, même si un certain nombre de principes transcendants ─complexité, rationalité procédurale─ lui permettaient d'interpeller les inhumaines suffisances de l'ensemble des sciences humaines.
Sa bibliographie forte de plus d'un millier de contributions, s'échelonnant de 1937 à 2001, permet de préciser quelques dates originelles :
1937-1946 : Publications diverses sur l'administration publique, sanctionnées par un travail de PhD : Administrative behavior
1947 : H. SIMON devient un collaborateur régulier de la revue Econometrica et développe une activité de recherche formelle en science économique.
1950 : Investigation sur les "théories modernes des organisations"
1956 : Premier texte sur la modélisation, rédigé avec Allen NEWELL.
Science des organisations, théorie économique, disciplines de la conception, nous paraissent pouvoir résumer sans dommage les grands axes de l'uvre de Herbert SIMON.
Science des organisations :
Le premier ouvrage qui marquera la communauté des chercheurs ne sera pas Administrative behavior (pourtant publié avec une préface du grand Chester BARNARD) mais Organizations, rédigé avec le concours de James MARCH en 1958. Agencé autour de la "description de l'homme de l'organisation", thème revendiqué par les auteurs (p.133 de la 2éme édition française, trad. revue et corrigée), l'ouvrage apportait une bouffée de fraîcheur et de bon sens face au fouillis invraisemblable de données que débitait à l'époque la psychologie dite industrielle.
Emporté toutefois par sa passion de la modélisation ─inclination durable comme le relève A. DEMAILLY, puisqu'une bonne moitié de ses ouvrages sera publiée sous l'intitulé de "models" ─ H.SIMON produira au final avec Organizations un travail assez clos, lequel devait être inévitablement dépassé par l'évolution de la connaissance (ce que l'intéressé observait déjà dans la post-face à l'édition française). A l'encontre, le recueil Administrative behavior sera continuellement enrichi par de nouvelles investigations, notamment par l'étude majeure On the concept of organizational goal, où H. SIMON développe le fait, dans le fil de la réflexion de C. BARNARD, qu'il est difficile de traiter de "la" finalité d'une organisation, dans la mesure où les organisations humaines sont constituées de toutes les finalités propres à leurs participants, de surcroît conflictuelles, au moins au premier degré. La 4éme édition de Administrative behavior publiée en 1997 ─et inédite en langue française─ comportera même de volumineux compléments insérés après chaque chapitre de l'édition précédente.
En matière de "description de l'homme de l'organisation" par Herbert SIMON, nous retiendrons plus particulièrement de notre côté le salubre travail Economics and psychology publié dans le recueil de G. LINDZEY et E. ARONSON ed. : Handbook of social psychology (2éme ed. 1969, vol.5) exposé apparemment si dérangeant pour les corporatismes établis, qu'il fut retiré des éditions suivantes.
Science économique :
La plus large part de l'apport de H. SIMON en ce domaine réside dans une critique magistrale des dévoiements de la théorisation régnante, position que le statut de nobélisé en 1978 ne fera qu'amplifier.
Où est le scandale ? (retenons au passage une intervention célèbre, The failure of armchair economics : Challenge, novembre 1986). L'étude formelle d'un agent économique idéal est sans intérêt pour la connaissance. La présentation de résultats "ceteris paribus" n'est qu'une clause de style, ces deux mots suffisant à invalider la portée de toute spéculation.
Prédire le comportement d'un agent économique, suppose en effet :
1) une connaissance de sa fonction d'utilité : parler de la plate recherche d'un intérêt ne veut rien dire ; l'économiste lui-même, pris comme consommateur, ne se conduira pas de la même façon s'il est keynésien ou monétariste.
2) une connaissance des objectifs de l'agent considéré (sujet individuel ou collectif, ex. entreprise) : la rationalité de son comportement est limitée par sa capacité d'accès à l'information et au traitement de cette information; il ne recherche pas un résultat maximé mais seulement acceptable ─excellente restitution par A. DEMAILLY (p.126) du critère simonien de "satisfacing".
3) une connaissance objective de son environnement, et plus encore une connaissance de la manière dont il perçoit cet environnement.
A l'encontre d'une rationalité dite substantive issue du formalisme économétrique, il faut prendre en charge des comportements réels, définissant une rationalité dite alors procédurale.
Le comble de l'imposture pour H. SIMON réside sans doute dans le "joker" qu'opposent à ce type de réflexion les usagers de l'économie mathématique : qu'importent les prémisses d'un raisonnement, s'ils conduisent à des conclusions neuves. Avec une telle disposition, n'importe qui arrivera toujours à démontrer n'importe quoi, le problème ne relevant alors que de l'invention d'une axiomatique sur mesure. Misère de la discipline !
Sciences cognitives :
A. DEMAILLY recourt ici à l'intitulé de "sciences de la conception" : intelligence artificielle, modélisation de la pensée. Sauf erreur de notre part Herbert SIMON a toujours fermement revendiqué l'inclusion de ses recherches dans le champ de la psychologie cognitive. Il n'en demeure pas moins que l'ensemble de ces percées a largement contribué à faire éclater le cloisonnement disciplinaire de la psychologie. (Pour ce qu'il subsiste des rapports de cette dernière avec les autres sciences du comportement, nous nous permettons de renvoyer à l'annexe V de notre recueil, E. SARIN : Introduction conceptuelle à la science des organisations, L'Harmattan 2003).
Il est impossible de résumer ici toute la richesse des développements multiples auxquels procède André DEMAILLY.
S'agissant des mécanismes de prise de décision, le parallèle avec la démarche procédurale ─initialement revendiquée pour la science économique─ est immédiat : il faut se fonder sur des comportements réels, au mieux identifiés en situation de laboratoire.
Si l'on convient par ailleurs que l'être humain est un I.P.S (Information processing system) agencé de dispositifs de perception, de traitement de l'information, de mémorisation et de décision, la modélisation de son comportement ne pose pas de problèmes de principe. Mais H. SIMON est allé beaucoup plus loin en partant du postulat (réaliste) qu'on pouvait décrire les représentations mentales sous la forme de symboles, et par suite présenter le fonctionnement du psychisme comme résultant de flux d'opérations sur des symboles. La pensée humaine apparaissait dès lors homogène à un langage formel, susceptible d'être étudié par simulation sur ordinateur. Schématisme très audacieux, que certains poids lourds de la recherche en psychologie apprécièrent plutôt sévèrement. Voir notamment la recension du recueil princeps Human problem solving publié en 1972, par L. BAINBRIDGE (Ergonomics, n°6-1973 p.892sq). L'on sera ici reconnaissant envers A. DEMAILLY de tenter de faire le point des débats sur cette question.
Cet ouvrage de fond comporte enfin un important index des concepts simoniens.
Syndicalisme et conflictualité. Hier et aujourd'hui.
Sur la baisse de conflictualité par la grève.
Des années 1970 à la fin du siècle on serait passé de 3 millions à 500.000 journées individuelles non travaillées dans l'année.
Les données macro-économiques ne distinguent apparemment pas les grèves locales −la conflictualité interne à chaque entreprise ou site d'emploi− des grèves interprofessionnelles à l'échelon national, ce qui fausse les comparaisons. A la différence du présent, les grèves "interpro" étaient fréquentes dans les années 1970, parfois même plusieurs fois dans le mois. La situation économico-politique était tout autre : programme commun de la Gauche, unité d'action CGT-CFDT, plein emploi, inflation salariale (à l'issue des accords de grenelle le SMIG est augmenté de 35%). La grève nationale était en outre signifiante, car elle était réellement pénalisante pour les entreprises, −d'où le thème patronal d'alors des "syndicats politiques".
Aujourd'hui depuis l'effondrement de légitimité (au regard des salariés) des structures confédérales −en gros depuis la loi quinquennale du gouvernement BALLADUR qui a décapité le syndicalisme dans les P.M.E− la capacité de mobilisation de ces appareils est très faible. Seule la CGT arrive encore à tirer son épingle du jeu [ et pour combien de temps encore (1) ? ] : ses adhérents forment la masse des cortèges de manifestants ; ceux des autres enseignes confédérales sauf exception, apparaissent des plus minoritaires : n'y participent généralement que des militants disposant de "crédits d'heure" dans leurs entreprises (aucun coût salarial).
Nota : Tout travail objectif sur le syndicalisme devrait commencer par circonscrire son espace d'intervention :
- un syndicat est une organisation locale que des travailleurs se donnent pour la défense de leurs intérêts immédiats, tout comme les instances représentatives élues du type Comité d'établissement, à l'élection desquelles la participation n'a guère faibli ;
- une confédération syndicale relève de ce qu'on appelle en science politique un "corps intermédiaire", défendant largement des intérêts d'appareil (voir pour l'analyse sociologique classique, les travaux d'OSTROGORSKI, MICHELS, LEVERDAYS) et en l'occurrence et pour le présent, requis par le pouvoir dominant pour tenter d'envelopper d'une légitimité factice ses décisions (2).
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La grève comme modalité d'action syndicale est aujourd'hui trop souvent dénuée de pertinence, et s'avère par ailleurs infiniment plus coûteuse pour le salarié.
* Une grève n'a de sens que si elle permet d'exercer une pression efficace sur l'employeur ; or sur ce plan, et en période de chômage de masse et de législation d'emploi précaire, celui-ci apparaît infiniment moins vulnérable.
* Une mobilisation suppose une perspective de gain crédible, ce qui n'est pas toujours le cas dans les situations de récession ou de stagnation, enseignement classique de l'histoire économique [ E.SARIN : Introduction conceptuelle à la science des organisations, L'Harmattan 2003, p.89sq −recueil de travaux par la suite désigné ICSO ].
* Phénomène de "paupérisation du salariat" (thème patronal, secteur économique du logement). Dans la plupart des entreprises, à la différence des décennies antérieures, on observe un gel des promotions internes et de l'évolution salariale. A cela s'ajoutent la croissance :
- du coût du logement : sur vingt ans le "taux d'effort" des classes populaires en secteur HLM (part des ressources consacrée au paiement du loyer et des charges) a doublé, et dépasse désormais les 30%. Pour le cas du secteur libre, rappelons que la loi ROCARD du 6 juillet 1989 en son célèbrissime article 17c stipule que les loyers sont désormais fixés par référence aux prix du marché ! En Ile de France ces loyers libres ont été multipliés par trois [ E. TULO : La loi des propriétaires, Temps modernes, novembre 1999 ].
- du coût de la santé (retrait de la Sécurité sociale, dépassements d'honoraires), de l'école et des études, de l'énergie, du passage à l'euro, de la hausse des impôts indirects, etc.
* Développement du temps de travail non rémunéré. Dans le secteur privé la loi sur les 35 heures se rapporte strictement à une semaine de 35 heures payées 35. Dans les grandes entreprises ou celles qui bénéficiaient de sections syndicales efficaces, des négociations ont été conduites pour qu'il n'y ait pas ou peu de diminution des salaires, moyennant évidemment diverses contreparties (débats sur la R.T.T). Mais dans les petites structures, a t-on fait le bilan de celles où l'on a continué de travailler autant qu'avant tout en étant rémunéré sur 35 heures ? Le thème des heures supplémentaires impayées constitue aujourd'hui l'essentiel de l'intervention des salariés auprès de l'Inspection du travail [ G.FILOCHE : Tornade patronale sur le droit du travail, Monde diplomatique, mars 2008 ]. La situation n'est d'ailleurs pas près de s'améliorer, puisque la réforme du code du travail −sordidement présentée comme effectuée à droit constant− a fait disparaître nombre de moyens de contrôle légaux de la durée du travail. Ajoutons qu'au sein des grandes entreprises du tertiaire, où le régime des 35 heures payées 39 a entraîné une usuelle absence de rémunération des heures supplémentaires, tout travail non effectué par suite de grève, est très rapidement rattrapé dans les jours qui suivent par les salariés (c'est très triste d'un point de vue militant, mais c'est la réalité). Que reste t-il dès lors de la grève comme moyen de pression sur l'employeur ?
L'hypothèse d'une baisse de la conflictualité sur les lieux de travail.
Il convient tout d'abord de remarquer, qu'en principe, la conflictualité au sein de l'entreprise devrait être permanente. Cette considération s'entend sans doute mieux si l'on rappelle que la réduction des coûts de production et la recherche d'une croissance du profit, constituent des objectifs managériaux essentiels en économie libérale. Au regard des gestionnaires harcelés par le Capital, l'intervention sur la composante salariale est généralement la plus réactive, et de surcroît demeure toujours valorisante pour l'image patronale (ex. licenciements boursiers).
L'action syndicale devrait dès lors se concevoir d'une manière tout aussi permanente, tant comme contre-poids aux décisions de l'employeur, qu'intervention offensive pour améliorer le sort des salariés. En système libéral la place d'un syndicat est celle d'un acteur économique sur un marché : au thème valorisé par les Ecoles de commerce, de la "gestion des ressources humaines", devrait répondre celui d'une "gestion des ressources patronales". Ce n'est qu'une question de logique structurelle.
Evidemment hier comme aujourd'hui, tout dépend au sein de l'entreprise de l'existence d'une organisation syndicale et des convictions de ses membres.
Les leviers de l'action pertinente ont changé. La journée de grève classique n'a de sens que par son pouvoir coercitif vis à vis d'un décideur, or elle est devenue très peu pénalisante, et par ailleurs infiniment plus coûteuse pour le salarié. Les syndicats combatifs ont dès lors dû revoir leurs modalités d'action.
On notera au passage que ces considérations ne sont pas vraiment nouvelles. La CFDT y réfléchissait déjà dans les années 1970 à l'issue des "trente glorieuses", et avait notamment fait traduire le grand ouvrage de Saul ALINSKY : Manuel de l'animateur social (Seuil 1976 − titre anglais : Rules for radicals ; l'auteur avait été un compagnon de route de John LEWIS, animateur de la centrale progressiste états-unienne CIO face à la très conservatrice AFL).
Les auteurs du rapport Entre grèves et conflits relèvent notamment une conflictualité supérieure dans le secteur bancaire. Parmi les leviers de l'action militante "gagnante" que l'on peut identifier ici, notons :
- La grève d'une heure, peu coûteuse pour les salariés, mais déclenchée à un moment de la journée ou de la semaine soigneusement choisi pour pénaliser financièrement l'employeur au maximum.
- Le recours tactique aux prérogatives des comités d'établissement pour tenter de bloquer les décisions patronales (temporairement, au moins six mois).
- L'atteinte à l'image des dirigeants : tracts et caricatures à l'intérieur de l'entreprise, déconsidération auprès des actionnaires, saisie de la presse et des notables politiques, actions diverses dans le quartier de résidence des intéressés.
- L'intervention dans les manifestations publiques de l'entreprise : inaugurations d'agences, colloques locaux, foires et salons, réunions d'actionnaires, etc.
Certaines modalités de protestation consignées dans le rapport mériteraient plus ample analyse.
* Refus des heures supplémentaires : voir ci-dessus.
* Absentéisme : L'aggravation des conditions de travail, la pression du rendement, l'angoisse de la précarité de l'emploi, etc, constituent des réalités reconnues même par le patronat ; l'arrêt maladie est souvent justifié.
* Pétition : Ce type d'intervention a t-il jamais permis de faire aboutir quelque revendication substantielle ? M. FOUCAULT observait que "les bons gouvernements aiment la sainte indignation des gouvernés, pourvu qu'elle reste lyrique" (Dits et écrits, IV.708).
* Grève du zèle : C'est un thème qui n'a guère de place au sein du secteur privé : dans l'entreprise libérale la règle est quasiment inexistante, sinon fortement contingente (ICSO p. 186) ; nous ne sommes pas ici dans un système constitutionnel ou dans une administration publique. Comme l'a énoncé très conceptuellement pendant un demi-siècle la Chambre sociale de la Cour de cassation −organe régulateur suprême des rapports professionnels en France− l'employeur est seul juge ! formule policée traduisant assez bien les prérogatives patronales états-uniennes du "hire and fire" [ Pour des illustrations concrètes et quotidiennes, on pourra se reporter aux périodiques Jurisprudence sociale (UIMM) et Cahiers prud'homaux (MEDEF) ; et pour ouvrir tout à fait l'espace du débat on renverra au travail insigne d'un analyste et historien des institutions, Pierre LEGENDRE, notamment Le désir politique de Dieu, Fayard 1988 ].
Nota : Il s'est développé ces dernières années chez nombre de sociologues une spéculation sur le thème de la règle, qui apparaît proprement métaphysique. Ces intervenants sont peut-être ici victime de la promotion irréfléchie des idéaux de M. CROZIER et de ses disciples, naïvetés pourtant maintes fois relevées par les auteurs spécialisés sur l'entreprise, notamment J.D. REYNAUD et R. SAINSAULIEU (développements : ICSO p. 68 et 214). Ajoutons qu'en ce qui concerne l'application du droit, tout est ici appendu au bon fonctionnement de l'instance judiciaire. Malheureusement la justice française relève trop souvent de la loterie, tant la fantaisie délibérante du juge y apparaît envahissante et incontrôlée (ICSO p.83sq). C'est un pouvoir d'Ancien Régime qui n'est équilibré par aucun contre-pouvoir ; l'affaire d'OUTREAU ne constitue pas un phénomène accidentel, mais proprement structurel. Il y a trente ans le rapport du Comité Sudreau sur la Réforme de l'entreprise consignait que l'obligation primordiale de l'Etat était d'assurer l'application de la loi ; or la première mesure positive dans ce sens vient tout juste d'être engagée : la réforme du Conseil de la magistrature, qui ne sera plus constitué majoritairement par des juges.
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(*) Ce texte fut initialement publié sur le site internet de l'A.F.S (GT.18 - 12 décembre 2008) puis sur le site REINET, 9 février 2009.
1) Sur la montée des formations dissidentes au sein de l'appareil cégétiste, consulter Gestion sociale du 27 novembre 2008 et Liaisons sociales du 4 décembre 2008.
2) E. SARIN : Situation du syndicalisme français, documents publiés sur le site REINET, 28 avril 2008.