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Lorraine Engel-Larchez

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Lorraine Engel-Larchez

Descriptif auteur

Diplômée avec mention d'un Master recherche en histoire de l'art & archéologie à l'École pratique des hautes études (EPHE), je suis spécialisée dans les interactions artistiques et transferts socioculturels entre Orient et Occident à l'époque contemporaine (XIXe-XXIe siècles - Maroc, Algérie, Qatar)
J'ai publié mon mémoire de Master aux éditions de l'Harmattan en 2015 sous le titre La Politique culturelle du Qatar, vers une légitimation identitaire ?

Mon passé de doctorante en histoire de l'art à l'université de Strasbourg et à l'École du Louvre m'a permis de mener des recherches sur la vie et l'œuvre d'une artiste française méconnue de l'école d'Alger à l'époque coloniale, tout en enseignant l'histoire des arts, du design, du cinéma et des médias au sein de divers établissements supérieurs d'enseignement artistique privés, où j'ai supervisé une dizaine de mémoires de recherche en master.


J'écris par ailleurs de la poésie et m'adonne à l'art du portrait (dessin).


 


Parcours universitaire

2015-2024 : troisième cycle en histoire de l’art contemporain à l'École du Louvre, sous la dir. du Pr François-René Martin (professeur d'histoire de l'art à l'École nationale supérieure des beaux-arts de Paris, membre de l'équipe de recherche de l'École du Louvre)


Sujet : "L'Art colonial au féminin en Algérie dans la première moitié du XXe siècle : autour d'Yvonne Kleiss-Herzig (1895-1968)"

2014-2015 : classe préparatoire aux concours externes de conservateur du patrimoine - Université Paris IV-Sorbonne
Option Musées, spécialité Histoire de l’art et des civilisations du monde occidental de la fin du XVIIIe siècle à nos jours

2014 : M2 d’histoire de l’art et archéologie, mention Bien - École pratique des hautes études (Paris)
Mémoire : La Politique culturelle du Qatar : vers une légitimation identitaire ?, sous la dir. de Jean-Michel Leniaud (directeur de l’École nationale des Chartes) - publié aux éditions de l'Harmattan en 2015

2012 : L3 professionnelle en histoire et marché de l’art, spécialité peinture et arts graphiques - Institut d’études supérieures des arts (Paris)
Mémoire : L’Orientalisme dans les arts du verre et du cristal au XIXe siècle, sous la dir. de Stéphanie Boulogne, chercheure associée au laboratoire d’Archéologie médiévale et moderne en Méditerranée d’Aix-en-Provence - publié aux Editions universitaires européennes en 2016

2010 : L1 d’histoire de l’art et archéologie, spécialité histoire des arts de l’Islam et archéologie orientale, option sumérien - École du Louvre (Paris)

2008 : Certificat d'études d’arts plastiques (CEAP), spécialité peinture - École nationale supérieure d’art (Nancy)

Parcours professionnel

Depuis septembre 2021 : professeure d'histoire de l'art & sciences humaines - Ecole de Condé, Rennes
Guide-conférencière trilingue - Office de tourisme, Rennes

1er semestre 2020-2021 : chargée de TD en méthodologie et histoire de l'art contemporain (licence 1 d'histoire de l'art & archéologie) - Université de Lille
Chargée de cours en culture générale & expression française (BTS GPME 1ère année) - Ecofac Business School, Le Mans

Depuis nov. 2019 : professeure documentaliste - lycée général & technologique André Malraux, Allonnes

Oct. 2016-mars 2018 : guide- conférencière trilingue (français, anglais, allemand) - Centre Pompidou-Metz

2e semestre 2016 : chargée d’enseignement - Cours d’Histoire de l’art des années 1960 à nos jours à destination des étudiants de L3 arts plastiques - Université Paris VIII-Vincennes Saint Denis

2015-2016 : enseignante en culture générale & revue de presse - Institut supérieur d'ingénierie (Libreville, Gabon)

Août 2015 : guide touristique trilingue (français, anglais, allemand) - Big Bus Tours (Paris)

Mai-juill. 2014 : attachée de conservation (stage), Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Marseille), sous la dir. de Madame Mireille Jacotin (responsable du pôle Vie publique), préparation de l’exposition Café, cafés

Févr.-avr. 2014 : secrétaire de rédaction (stage) - Centre Pompidou (Paris), Direction des publics, Service de l’information des publics et de la médiation, préparation du n°19 du magazine-programme Code Couleur

Oct.-déc. 2013 : assistante éditoriale (stage) - éditions Skira-Flammarion (Paris), correction d’épreuves pour les catalogues d’exposition Van Gogh-Artaud (Orsay), Indiens des Plaines et Sépik (quai Branly)

Août-sept. 2013 : chargée de location domaniale & assistante communication évènementielle (stage) - Centre des monuments nationaux - mise en place du cycle de conférences Histoires ouvertes (château de Vincennes), accueil trilingue du public lors des Journées européennes du Patrimoine (chapelle expiatoire de Paris)

Janv.-mars 2011 : chargée de recherche (stage), cabinet d’expertise en art islamique MC David, organisation d’une vente aux enchères avec l’étude Boisgirard & associés (hôtel Drouot, 31 mars 2011)

1er semestre 2009 : enseignante d’arts plastiques, école élémentaire et collège Tayba (Casablanca - Maroc)

Titre(s), Diplôme(s) : Historienne de l'art - guide-conférencière

Fonction(s) actuelle(s) : Professeure d'histoire des arts, cinéma & médias (Strasbourg)/ Guide-conférencière professionnelle trilingue (anglais, allemand)

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AUTRES PARUTIONS

Juillet 2016 : "De l'Orient à l'Occident, les mille et une facettes du cristal" (Sarrebruck, Editions universitaires européennes).


LES CONTRIBUTIONS DE L’AUTEUR

Vidéo

La culture a tout prix

Vidéo

Le Louvre d'Abu Dhabi, conçu par Jean Nouvel. [Martin Dokoupil - EPA/Keystone] Le Qatar à la conquête de son histoire (4/5) - La légitimation identitaire par l'art

Qatar, l'envers du décor
Articles de presse

Qatar, l'envers du décor

Émission Radio

Le Qatar, influenceur culturel

LES ARTICLES DE L'AUTEUR

Yvonne Kleiss-Herzig (1895-1968) Femme artiste du Grand Est à la Kabylie

Femme artiste, française d'Algérie d'origine suisso-alsacienne, issue d'une famille d'artistes, à la fois illustratrice, portraitiste, peintre de genre et artiste animalière, Yvonne Kleiss-Herzig est un personnage haut en couleurs qui se situe à la croisée des cultures et des genres, offrant de multiples facettes identitaires et artistiques. L'œuvre de cette artiste française née en Kabylie incarne la nouvelle vision de l'école d'Alger, opposant à un orientalisme rêvé un "orientalisme vécu" (Cazenave). Inclassable, elle a su se forger une œuvre unique au-delà des mouvances artistiques de son époque, notamment l'Art déco.

Admise à l'académie Julian, rare académie de l'époque à admettre les femmes

Née à Tizi Ouzou en 1895, Yvonne Kleiss-Herzig était fille du peintre français d'origine suisse Édouard Herzig et d'une mère alsacienne, Victoire Kreider, établis dès 1871 en Algérie. Cette fille d'artiste épouse en 1933 un autre artiste, le caricaturiste autrichien Hans Kleiss. Yvonne étudie à l'École nationale des beaux-arts d'Alger sous la direction de Léon Cauvy. Elle obtient une bourse d'étude du gouvernement général en 1913, part l'année suivante à Paris où elle devient l'élève de Jean-Paul Laurens à l'académie Julian - l'une des rares académies de l'époque à admettre les femmes - et suit durant toute la Grande Guerre les cours des artistes décorateurs Paul Follot et Eugène Grasset.

L'une des seules femmes à prendre part à l'Exposition coloniale de 1931

Pendant plus de trente ans, elle s'évertue à peindre des scènes de la vie rurale et urbaine dans sa Kabylie natale et la région de Tlemcen. Membre fidèle de la Société des Artistes orientalistes et algériens dès 1911, elle est l'une des rares femmes à prendre part à l'Exposition coloniale de 1931. Signe de sa reconnaissance institutionnelle en tant que femme artiste, elle remporte dès 1928 le Grand Prix artistique d'Algérie. En 1952, elle s'installa à Sidi Slimane au Maroc, avant de s'éteindre à Mougins en 1968.

Sa technique naturaliste au service du monde scientifique

Avec ses gouaches linéaires, Kleiss-Herzig pourrait être simplement considérée comme une illustratrice hors pair. Mais l'originalité de son œuvre réside dans l'alliance d'un style décoratif unique et d'une rigueur ethnologique dans ses représentations de la vie quotidienne, des mœurs et coutumes de la population kabyle, entre autres des conditions de travail des femmes (Les Porteuses d'eau). En lui confiant la commande d'une série de dessins scientifiques sur les scorpions en 1952, l'institut Pasteur d'Alger lui offre l'occasion de mettre sa technique naturaliste au service de la science.

Redonner leurs lettres de noblesse aux femmes artistes de l'Algérie française


Si Yvonne est l'une des rares artistes françaises d'Algérie à avoir connu une certaine fortune de son vivant, qu'en est-il des autres femmes artistes coloniales au Maghreb dans la première moitié du XXè siècle ? Car autour de Kleiss-Herzig nombreuses sont les petites "maîtres" inédites du désert qui n'attendent qu'un hasard heureux pour guider les pas des amateurs vers leurs chefs-d'œuvre. Plus qu'une simple étude iconographique, cette thèse transdisciplinaire croisant histoire de l'art, sociologie culturelle et ethnologie, mais aussi histoire des genres entend redonner leurs lettres de noblesse aux actrices méconnues de l'art colonial au Maghreb.

Signature :
Lorraine Engel-Larchez

Historienne de l'art spécialisée dans les interactions socioculturelles contemporaines entre Orient et Occident, Lorraine Engel-Larchez, actuellement doctorante en histoire de l'art à l'université de Strasbourg et à l'École du Louvre, nous raconte ici le destin original de l'artiste française d'Algérie qu'elle a choisi d'étudier. Elle est notamment l'auteur de "La Politique culturelle du Qatar" paru chez l'Harmattan en 2015.

Notes :
Bibliographie indicative :

Terre d'Afrique illustrée, no 69, janvier 1923.
Paris-Alger, Revue mensuelle de la femme, "Madame Kleiss-Herzig", mars 1937, n° 26, p. 14.
ANGELI Louis-Eugène, "Les Maîtres de la peinture algérienne", 1956, revue Algeria, p. 45-49.
ANGELI Louis-Eugène, "Yvonne Kleiss-Herzig, Grand prix artistique de l'Algérie, revue Algeria, novembre-décembre 1952, n° 29, p. 48.
ARAMA Maurice, "Itinéraires marocains, regards de peintres", Jaguar, collection Arts, 1991, 192 p.
CAZENAVE Elisabeth, "Les artistes de l'Algérie, Dictionnaire des peintres sculpteurs graveurs 1830-1962", Bernard Giovanangeli Éditeur et Association Abd-El-Tif, 1998 et 2001 (ISBN 2-909034-27-5)
FRANKLIN John, "Mémoire vive", magazine du CDHA, 1er trimestre 2003, n° 21, p. 6-7.
VELLA Daniel, "Les pastorales kabyles d'Yvonne Kleiss-Herzig", revue L'Algérianiste, 15 décembre 1977, n°1.
VIDAL-BUE Marion, "Yvonne Kleiss-Herzig", revue L'Algérianiste, no 133, mars 2011.
VIDAL-BUE Marion, "L'Algérie des peintres, 1830-1962", Paris, Paris-Méditerranée, collection Méditerranée pour mémoire, 2002, 320 p.
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La culture, outil d'émancipation pour la femme arabe ?

La place prééminente des femmes au sein du système universitaire qatari (représentant jusqu'à 80 % des effectifs dans certaines filières) a permis à l'émirat de décrocher le titre "meilleur pays d'accès à l'université pour les femmes" selon une enquête de l'Independent à l'occasion de la Journée internationale de la femme en 2012. De toute évidence, la présence de femmes aux postes-clefs des secteurs de l'éducation, de la culture semblent attester par ailleurs de certaines mutations sociales. Les femmes y apportent malgré la culture traditionnelle masculine environnante et la polygamie, une contribution majeure de nature à servir l'évolution de leur condition et l'image de leur pays. Dans le même temps, on observe que 68 % des jeunes femmes de plus de trente ans ne sont pas mariées. Des faits d'actualité qui attestent d'une évolution. Que faut-il en penser ?

La Sheikha Mozah : une femme ambassadrice de l'éducation

Une liberté nouvelle : la toute première dame qatarie à apparaître seule en public

On entend peu parler des Qataries dans la presse occidentale. Seules celles en parenté avec les dirigeants, semblent à cet égard sortir du lot. Ainsi la charismatique, Sheikha Mozah (1) l'une des trois épouses de l'émir du Qatar, jusqu'au récent passage de témoin de son époux à un de ses fils, nouvel émir du Qatar au cours de l'année 2014, seule à apparaître en public, a été, une première dame qui ne passe pas inaperçue en Occident. La princesse consort a même été désignée en 2011 par le magazine Forbes comme la femme d'affaires la plus influente du monde arabe.

L'éducation comme cheval de bataille

Dès l'accession au trône de son époux le Sheikh Hamad en 1996, cette femme éduquée au Koweït n'hésite pas à s'investir dans les domaines indispensables au développement humain: famille, éducation, accès à la culture, religion... La préservation du cadre familial, la promotion sociale de la femme et l'accès optimal à la santé sont les priorités de la Sheikha Mozah. En 2002, elle devient présidente du Conseil suprême des Affaires familiales et en 2011 coprésidente de l'Alliance des civilisations à Doha aux côtés de Ban Ki-Moon, Secrétaire général des Nations unies. Envoyée spéciale de l'UNESCO pour l'éducation et l'enseignement supérieur et présidente de la Fondation arabe pour la Démocratie, la Sheikha ambitionne de s'attaquer au problème éducatif dans l'ensemble du monde arabe, en Irak comme dans la bande de Gaza.

La relève en marche : la Sheikha al-Mayassa et l'accès à la culture

Présidente de l'Autorité des musées du Qatar Née en 1982, la Sheikha al-Mayassa bint al Khalifa al-Thani pour sa part, est la quatorzième fille du sultan Hamad al-Thani et de Sheikha Mozah. Elle a étudié la littérature et les sciences politiques à l'Université Duke de Caroline du nord et l'université Columbia de Manhattan à New York, puis poursuivi un master à l'Institut de Sciences Politiques de Paris et à l'université Paris I-Panthéon Sorbonne. Sa mère est présidente de la Fondation du Qatar alors qu'elle est présidente de l'Autorité des musées du Qatar. Conviée à s'exprimer pour la chaîne télévisée anglophone TED à Doha en décembre 2010, la trentenaire férue d'art prononce son désormais célèbre discours "Globalizing the local, localizing the global" (2) qui explique sa vision de la vague actuelle de globalisation et modernisation culturelle dans le Golfe à laquelle son pays, le Qatar, prend part avec enthousiasme. Oui, elle a bien conscience d'incarner ces mutations sociales, elle qui préside l'Autorité des musées du Qatar, tout comme la directrice de l'Université d'Études islamiques, qui est également une femme.

La culture, outil d'émancipation pour la femme qatarie?

La sœur de l'actuel émir Tamim envisage la culture comme un outil d'émancipation pour la femme qatarie. En construisant des ponts entre les civilisations, la Sheikha souhaite avant tout pacifier les relations internationales et rassurer l'Occident en renvoyant l'image d'une société avancée, tolérante et tournée vers le futur… Devant son auditoire américain spécialement dépêché depuis Washington à l'occasion de l'ouverture du nouveau Musée d'art islamique de Doha, elle évoque avec fierté, le festival de cinéma de Doha et l'école de réalisation récemment inaugurée où près de 60 femmes cinéastes qataries exercent déjà. Sur le grand panneau de projection au-dessus de la scène apparait une mosaïque de photos révélant des femmes qataries dirigeant des tournages derrière leur caméra, toutes de noir vêtues, un large sourire aux lèvres. Une modernité dont la Sheikha semble fière et qui pour elle n'est pas incompatible avec les valeurs traditionnelles d'une société islamique. Par son éloquence et sa détermination, cette femme de tête semble avoir gagné le cœur de son public d'outre-Atlantique. La Sheikha cite l'exemple d'un peintre qatari qui a travaillé dans l'atelier de Picasso à Paris. C'est avant tout une quête identitaire pour son pays qu'elle revendique : pour elle, le Qatar n'entend pas imiter platement les musées occidentaux. Il a ses propres artistes qu'il ne connaît pas encore et ambitionne de découvrir…

Scission générationnelle: 68 % des femmes de plus de trente ans non mariées


La place prééminente des femmes au sein du système universitaire qatari (représentant jusqu'à 80 % des effectifs dans certaines filières) a permis à l'Émirat de décrocher le titre "meilleur pays d'accès à l'université pour les femmes" selon une enquête de l'Independent à l'occasion de la Journée internationale de la femme en 2012. Le meilleur niveau d'éducation des jeunes Qataries est à l'origine d'une scission générationnelle et d'un déséquilibre des genres qui augmente le célibat, malgré la politique gouvernementale d'encouragement de la natalité. Un problème démographique encore plus prégnant aux Emirats arabes unis où 68 % des jeunes femmes de plus de trente ans ne sont pas mariées.

Une contribution majeure : des mutations sociales en route ?

Cette politique culturelle qatarie contribue indéniablement à une légitimation identitaire et culturelle, où les femmes apportent malgré la culture traditionnelle masculine environnante et la polygamie, une contribution majeure de nature à servir l'évolution de leur condition et l'image de leur pays. Certes le rôle et les domaines qui leur sont essentiellement laissés (culture, famille, éducation) - comme souvent encore en Occident d'ailleurs - sont encore sectaristes, mais ils autorisent de fait une ouverture inespérée*, qui fera date dans l'histoire de la condition féminine, même si cette évolution ne concerne qu'une extrême minorité d'entre elles. Serait-ce - au-delà du Qatar - une tendance de fond dans les pays arabes, si l'on en croit les rôles joués dans le même temps par d'autres personnalités célèbres que sont Rania de Jordanie, la Sheikha al-Sabah au Koweït, et Lalla Salma au Maroc, lesquelles renvoient une image très éloignée des générations précédentes ? La femme serait-elle "l'avenir de l'homme" selon les célèbres propos de Louis Aragon ?

Signature :
Lorraine Engel-Larchez

Notes :
[1] La Sheikha Mozah épousée par le Sheikh Hamad en 1977 pour sceller la paix avec le clan des al-Missned.
[2] "One of 1000+ Talks", Sheikha al-Mayassa: "Globalizing the local, localizing the global", Doha, TEDx (Technology, Entertainment, Design), décembre 2010, retransmission en direct à Washington par TED Women.
*Le taux d'emploi des femmes au Qatar était de 27 % en 2001, 36 % en 2008. Sources : Mehdi Lazar, Le Qatar aujourd'hui, Paris, Michalon, 2013, 238 p.
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LE QATAR, NOUVEL HÉRAUT DU PATRIMOINE EN TERRE ARABE

" À quoi joue le Qatar ?" En avril 2013, le Courrier international s'affolait déjà des velléités d'hégémonie de la pétromonarchie : sport, immobilier, industrie, luxe, culture… Aucun secteur n'échappe désormais aux investissements massifs des Qataris. Par sa stratégie de rayonnement international depuis une dizaine d'années, le micro-Émirat, jadis si discret, a réussi à s'imposer sur l'échiquier géopolitique du Golfe. Mais qu'en est-il de sa politique culturelle ?

La légitimation identitaire d'une communauté en déclin

Déchirée entre un courant progressiste et une tendance conservatrice, la société qatarie est aujourd'hui en voie de disparition, représentant moins de 15% de la population, un pourcentage qui équivaut à la part d'expatriés occidentaux. Les 70% restants sont constitués par une population émigrée et non qualifiée issue du Bangladesh, du Pakistan, de l'Inde et des Philippines. Malgré ce contexte d'inégalité socioéconomique, le Qatar est passé entre les mailles des Printemps arabes, observant d'un œil circonspect les soulèvements vite étouffés chez son voisin bahreïni. De plus, les Qataris, d'origine bédouine, sont détenteurs d'une culture orale transmise de générations en générations, qui se caractérise par très peu de vestiges matériels. Dans un article sur le Qatar en 2012, l'Independent ironisait sur la possibilité de "créer de la culture là où il n'y en a pas" [1]. À cela, un conservateur qatari interrogé en 2013 par Le Monde répond : "Pour la plupart des gens ici, les deux grands artistes du XXè siècle sont italiens et se nomment Ferrari et Maserati !" [2]. Voilà donc une décennie que les riches commanditaires qataris ont mis leur intelligence au service de l'invention d'un "patrimoine à l'occidentale" - et d'un héritage matériel - en présentant le résultat des récentes fouilles dans des musées flambants neufs encore peu fréquentés par les autochtones…


De l'UNESCO à la guerre en Syrie : l'ambivalence du Qatar

En 2014, le Qatar se faisait déjà le héraut de la conservation du patrimoine en terre arabe : "La pétromonarchie du Golfe, toujours à l'affût des évènements médiatiques et qui dépense sans compter pour promouvoir ses entreprises et son image, accueillait la 38è session du Comité du patrimoine mondial de l'UNESCO, […] du 15 au 25 juin 2014" à Doha [3]. Après avoir fait inscrire la fauconnerie en 2012 sur la Liste du patrimoine culturel immatériel de l'humanité, le Qatar a ajouté, avec ses voisins d'Oman et des Émirats arabes unis, les majlis, espaces traditionnels de réunion de la communauté, ayant un rôle prépondérant dans le transfert du patrimoine oral, comme la poésie nabati [4]. En 2015, c'est au tour du café arabe, "symbole de générosité" de rejoindre la Liste [5]. Sur les terres du Qatar, un seul site archéologique classé au patrimoine mondial toutefois, Al Zubarah, ville côtière fortifiée du Golfe devenue centre de la pêche perlière au XVIIIè siècle et qui sera abandonnée en 1811 [6]. En effet, avec les destructions massives perpétrées par l'État islamique entre mai et octobre 2015 à Palmyre, fameuse cité de la reine Zénobie au IIIè siècle, la question de la préservation du patrimoine matériel dans le monde arabe s'est révélée plus que jamais d'actualité. La guerre en Syrie, qui fêtait tristement ses cinq ans cette année, a d'ailleurs fait l'objet d'une exposition du 15 au 30 mars 2016 au sein du village culturel Katara à Doha, dans le cadre des Journées internationales de la Francophonie. Le photographe franco-syrien Ammar Abd Rabbo (1966-) y a livré un témoignage poignant dévoilant la destruction de la citadelle d'Alep du XIIIe siècle et la vie quotidienne des habitants sous les décombres [7]. Derrière la beauté de cette action culturelle en faveur de la paix en Syrie se cache toutefois les véritables raisons - économiques - du conflit : l'existence d'un projet de gazoduc qatari soutenu par les États-Unis qui transporterait le gaz vers l'Europe via Homs en contournant l'Irak au détriment de l'axe pétrolier Russie-Iran-Irak-Syrie.


Le Qatar, pionnier du "patrimoine durable" dans le Golfe

Le Qatar le sait : "La modernité se définit comme un progrès décisif de la conscience de soi" [8]. Érigeant d'abord des musées dont l'architecture est inspirée de symboles arabes - la mosquée Ibn Tulun au Caire (879) pour le musée d'Art islamique de Pei ou la rose des sables pour le Musée national de Nouvel -, le Qatar franchit aujourd'hui un pas supplémentaire dans la quête de ses propres racines, en capitalisant sur son architecture locale. La restauration récente de quatre maisons traditionnelles a donné lieu à l'ouverture de musées au cœur de Msheireb [9], quartier commercial historique de Doha. "Rooted in the past while looking to the future", le nouveau complexe muséal est certifié par le label international Leadership in Energy and Environmental Design. Conscient d'être le premier pollueur au monde [10], le Qatar a ouvert en 2013 la plus grande centrale d'énergie solaire du pays. Il lui tient donc à cœur de donner naissance à une nouvelle forme durable du patrimoine. Avec une biosphère vernaculaire préservée, tels les falaises blanches de la péninsule de Ras Brouq ou l'île de la pourpre (Jazirat Bin Ghanam) fréquentée par les pêcheurs de perles dès le 2e millénaire av. J.C., la pétromonarchie fait désormais partie des destinations vertes.


Entre crise économique et sociale, les nouveaux défis du Qatar

En raison de la chute du cours mondial du baril de pétrole, le Qatar a été contraint de supprimer 240 postes au sein de l'Autorité des musées du Qatar, entreprise privée depuis 2014 [11]. Pourtant, début 2016, la presse soupçonnait Doha d'être l'auteur de la transaction privée de 300 millions de dollars pour l'achat de la toile Quand te maries-tu ? par Gauguin (1892). Alors que le marché moyen-oriental est habituellement détenu par les maisons de ventes internationales - Sotheby's s'est installé à Doha en 2009, Christie's à Dubaï en mai 2006 puis Bonham's en 2008 - depuis le 6 mars 2016, les ventes aux enchères s'ouvrent à la concurrence avec l'ouverture de la société Al Bahie [12]. Pas de souci économique majeur donc du côté de l'art et de l'image …

Dans le même temps, le Qatar se voit confronté à un tournant décisif de son histoire sociale. Harcelé par des ONG de défense des droits de l'homme telle Amnesty International dénonçant les quelques 1400 ouvriers qui ont déjà trouvé la mort sur les chantiers de la Coupe du monde 2022 [13], Doha se serait enfin décidée à "abolir" le 30 octobre 2015 le système archaïque de la kafala, assimilé à de l'esclavage moderne, empêchant les ouvriers étrangers de changer d'emploi ou de quitter le pays sans l'autorisation de leur patron. Depuis, la capitale qatarie a transformé la Bin Jelmood House en musée de l'histoire de l'esclavage dans le monde arabe, une manière de réécrire cet aspect tabou de son histoire [14]… Prisonnières de la tradition islamique, les femmes qataries cherchent quant à elles à s'émanciper par la création artistique. Les princesses font bien figure d'exception - question d'image -, ainsi, la Sheikha Mozah [15], mère de l'actuel émir Tamim, préside la fondation du Qatar dédiée à l'éducation et la famille, tandis que sa fille, Sheikha al-Mayassa [16], préside l'Autorité des musées du Qatar. D'ailleurs, avec un meilleur niveau d'éducation, les Qataries sont aujourd'hui 68 % à ne pas être mariées [17]… Faut-il y voir un espoir d'émancipation [18] ?

N'oublions pas qu'à travers le cas du Qatar, ce sont les notions de progrès, de modernité et du rôle de l'art dans le développement social qui sont à redéfinir au cœur d'un référentiel non-occidental. Si la modernité en Occident est synonyme de démocratie, d'égalité des droits entre hommes et femmes et de lutte contre l'arbitraire et la corruption, la modernité à laquelle le Qatar aspire se veut propre au monde arabe. Pour autant, cette heureuse émancipation de l'Occident en tant que "modèle type du progrès" [19] ne l'affranchit pas du respect des droits de l'Homme. Car "L'histoire est […] par l'expérience, le moyen de tout perfectionnement" (Lamartine, Antar, 1864).

Signature :
Lorraine Engel-Larchez

Notes :
[1] Tahira YAQOOB, "Can billion-dollar investments put Qatar on the cultural map ?", The Independent, samedi 20 octobre 2012.
[2] "Moi Qatar, maître du monde … MQMM ?", Le Monde, mars 2013, Dossiers & Documents (p. 1-10), n° 428, rubrique "Promouvoir la culture islamique", article "Le musée-phare des arts islamiques", p. 10.
[3] Jean-Christophe CASTELAIN, "UNESCO : 1007 sites inscrits au Patrimoine mondial", Le Journal des arts, 4 juillet-4 septembre 2014, n° 417.
[4] "Le Majlis, un espace culturel et social", site Internet officiel de l'UNESCO, Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité, URL : http://www.unesco.org/culture/ich/fr/RL/le-majlis-un-espace-culturel-et-social-01076, consulté le 13 avril 2016.
[5] "Le café arabe, symbole de générosité", site Internet officiel de l'UNESCO, Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité, URL : http://www.unesco.org/culture/ich/fr/RL/le-cafe-arabe-un-symbole-de-generosite-01074, consulté le 13 avril 2016.
[6] Cf. 37è comité du Patrimoine mondial de l'UNESCO à Phnom Penh (Cambodge), 22 juin 2013.
[7] Patricia GENDREY, "Alep, à elles, eux, paix", Qatar Actu (Actualité, culture et guide des expatriés francophones du Qatar), 15 mars 2016, consulté le 2 avril 2016.
[8] Selon le philosophe français du courant démocrate-chrétien Étienne Borne (1907-1993).
[9] Msheireb Downtown Doha, URL : http://www.msheireb.com/en-us/projects/msheirebdowntowndoha.aspx, consulté le 13 avril 2016.
[10] Suivi des Émirats arabes unis et du Bahreïn, selon le programme 2011 des Nations unies pour le Développement, in Nabil ENNASRI, L'Énigme du Qatar, Paris, Iris et Armand Colin, 2013, 199 p.
[11] Nathalie EGGS, "Le Qatar doit couper ses budgets culture", Le Journal des arts, 14 mars 2016.
[12] Nathalie EGGS, "Le Qatar inaugure sa première maison de ventes aux enchères régionale", Le Journal des arts, 31 mars 2016.
[13] Selon le rapport de la confédération syndicale internationale en 2014.
[14] Tom FINN, "Qatar slavery museum aims to address modern exploitation", Reuters, 18 novembre 2015.
[15] Seconde femme du précédent émir Sheikh Hamad al-Thani, épousée en 1977 pour sceller la paix avec le clan d'opposants réformistes des al-Missned, présidente de la Fondation du Qatar depuis 1995, vice-présidente du Conseil suprême des Affaires familiales depuis 2002, présidente de la Fondation arabe pour la démocratie, envoyée spéciale de l'UNESCO pour l'éducation et l'enseignement supérieur en 2003, instigatrice en 2008 du Centre de Doha pour la liberté de presse, co-présidente en 2011 de l'Alliance des civilisations à Doha aux côtés de Ban Ki-Moon, Secrétaire général des Nations unies.
[16] Née en 1982, elle est détentrice d'une licence en littérature à l'université Duke de Caroline du Nord puis Columbia de New York avant de décrocher son master à Science Po Paris. Surnommée la "culture queen" par les Britanniques en raison de ses achats aux prix exorbitants sur le marché de l'art, elle a été sacrée parmi les cent femmes les plus influentes au monde par le magazine Forbes en 2012.
[17] Les femmes représentent aujourd'hui jusqu'à 80% des effectifs dans certaines filières à l'université de Doha, selon Mehdi LAZAR, Le Qatar aujourd'hui, la singulière trajectoire d'un riche Émirat, Paris, Michalon, 2013, 238 p.
[18] Selon Mehdi LAZAR dans Le Qatar aujourd'hui, la singulière trajectoire d'un riche Émirat (Paris, Michalon, 2013, 238 p.), le taux d'emploi des femmes au Qatar était de 27 % en 2001 et de 36 % en 2008.
[19] À ce sujet, le philosophe égyptien Hassan Hanafi (1937-) affirmait en 1991 dans son Introduction à la science de l'occidentalisme : "L'occidentalisme, en tant que science, vise précisément à renverser la tendance. L'Occident n'est plus la source du savoir, il devient objet du savoir. Celui-ci doit cesser d'être le modèle suprême, le modèle indiscuté et indiscutable du savoir."
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