M’alerter sur les sorties
marcel Comby

marcel Comby

Contacter

marcel Comby

Descriptif auteur




Dans ma conception du monde et de la théologie, je m’inspire de Teilhard de Chardin sans toutefois le copier, bien au contraire. A vrai dire mes visions des choses résonnent en contrepoint des siennes.

En ce qui me concerne, j’enseigne depuis 1950 et je suis passé par toutes les niveaux scolaires depuis le primaire jusqu’à l’enseignement supérieur. Mes études universitaires ont porté sur les matières scientifiques : mathématiques, physique et mécanique rationnelle. J’ai donc, à partir de 1975, enseigné en classes préparatoires de l’Institut de Chimie et de Physique Industrielle de Lyon (actuellement rebaptisée : C P E) la branche scientifique de l’Université catholique. En 1980 j’ai fait un stage d’informatique à Strasbourg et par la suite, j’ai assuré l’enseignement de la programmation en diverses circonstances y compris en école primaire, dans le cadre des recherches pédagogiques en vogue à cette époque et ceci à la demande des inspecteurs de l’enseignement publique. J’ai pris ma retraite en 1995 tout en continuant de travailler. J’ai, en fait, garder un temps complet le jour où j’ai pris la succession d’une religieuse lyonnaise ayant fondé une assez grosse association (400 personnes en effectif) de soutien personnalisé contre l’échec scolaire. C’est alors que j’ai pris mes distances avec le scientifique pour m’occuper d’administration et d’intervention scolaire dans les matières linguistiques : anglais, espagnol, allemand et, ce qui est passionnant, l’enseignement du français à des primo arrivant anglophones.

Puis le virus de l’épistémologie s’est emparé de mes neurones. Ce qui est particulièrement intéressant, c’est l’utilisation de modèles scientifiques, de métaphores, de symboles, etc… pour arriver à la philosophie et même à la Bible.
C’est le chemin qu’a d’ailleurs emprunté Teilhard dans sa vision du monde.
J’ai participé, depuis plus de trente ans, à de nombreux colloques organisé par des instances chrétiennes et scientifiques. J’ai, en particulier, passé une semaine complète à l’abbaye de Sénanque, avec le physicien roumain Besarab Nicolescu et des personnes de toutes disciplines, à l’occasion d’une rencontre entre Orient et Occident. Il y a trente ans, les religions d’origine védique commençaient à attirer la curiosité de même que la pratique du Zen, même dans certains milieux religieux. Toute cette culture que j’ai emmagasinée durant un long laps de temps m’a, à moi aussi, inspiré une certaine organisation du monde…celle que je dépeins par exemple dans le livre que j’ai écrit : « Pour une unification du monde et son accomplissement ». En plus des connaissances, il y a aussi les expériences matérielles et spirituelles qu’on a vécues. Celles-là comptent beaucoup dans l’expression de sa propre pensée, mais certaines, naturellement, sont incommunicables à autrui.




Fonction(s) actuelle(s) : Soutien scolaire en langues étrangères ('lycéens et adultes)

Voir plus de filtres

1 livre

Vous avez vu 11 livre(s) sur 1

AUTRES PARUTIONS

Spectroscopie éditions Bénévent 2004

Le monde tel que je le comprends éditions TdB 2009

Fille de Sion, réjouis-toi éditions Aubin 2011

L'homme, qui est-il vraiment? éditions Edilivre 2012

LES CONTRIBUTIONS DE L’AUTEUR

Notes de lecture

Avis de lecteur

Notes de lecture

avis de lecteur

Commentaires / Avis de personnalités

Pour une unification du monde et son accomplissement

LES ARTICLES DE L'AUTEUR

Teilhard de Chardin: LE MILIEU DIVIN ATTENTE DE LA PAROUSIE

Représentation architecturale
Le tympan roman de l'abbaye de Conques en Aveyron est le chef d'œuvre de la renaissance romane du début du XIIe siècle. Il est communément admis qu'il représente le Jugement Dernier avec le Paradis d'un côté et l'enfer éternel de l'autre. Pourtant une analyse minutieuse des scènes, des personnages et de leurs gestes mais aussi des inscriptions, révèle que le tympan représente plus exactement la Parousie du Christ, La Parousie pouvant se concevoir comme un "éternel présent" (St. Irénée), bon nombre de scènes font référence à l'actualité du XIIe siècle : on y trouve par exemple une référence explicite à la Querelle des Investitures.
Ce qu'on doit contempler, ce sont les mains du Christ qui reçoivent les Grâces venues du Père et qui les déversent sur les hommes. Ce geste est souvent repris dans les représentations de l'Ascension. Le Christ y apparait s'élevant dans les nuées, bras droit levé vers le ciel, comme tiré vers le Père, bras gauche tendu vers la terre en signe d'adieu.
Mais ce geste représente aussi son retour qui nous est annoncé dans les Actes de Apôtres (1, 9-11) "Son retour se fera de la même manière que son Ascension, entouré de nuées"
Dans les deux cas, Ascension et Parousie, le geste est en forme de diagonale dont on peut extraire une symbolique. Ce geste des deux mains, pointant dans deux directions opposées, nous rappelle que Jésus est mort, descendu aux enfers, ressuscité puis monté au ciel.
Le jeu des mains évoque la double nature du Messie à la fois d'origine divine et incarné, le Fils de Dieu fait homme.
A la différence de Satan, le Christ ne pointe pas un doigt vengeur vers les réprouvés. Tout au contraire, il ouvre largement la paume de ses mains : "Je ne suis pas venu pour juger mais pour sauver" (Jn, 12, 47) Le jugement n'est pas la condamnation du pécheur mais celle du péché. La justice du Messie est la justification du pécheur, non pour ses hypothétiques mérites, mais par pur don gratuit de la Grâce divine pour ceux qui ont eu foi en lui.
Le tympan illustre la justification par la foi qui fonde la théologie de St Paul : "Dieu qui est riche en miséricorde, à cause du grand amour dont il nous a aimé, alors que nous étions morts par la suite de nos fautes, nous a fait revivre avec le Christ. C'est par la grâce que vous êtes sauvés." (Ephésiens, 2, 4-5)
"Là où le péché abonde, la grâce surabonde" (Epitre aux Romains, 5, 20)

Le Christianisme et l'harmonie universelle
La notion de Parousie est liée à celle de Fin du Monde qui reste une situation mystérieuse sans relation avec un état déterminé de l'humanité. On peut supposer que, dans une vision évolutionniste, il s'agisse d'un Point final de convergence, un point critique de retournement. C'est par les textes de Teilhard, d'une profonde beauté mystique, que nous tentons de concevoir la fin des temps. Depuis plus de 15 milliards d'années, l'univers est en marche suivant un unique processus : complexité de plus en plus grande avec l'émergence d'une conscience de plus en plus claire. Existe-t-il alors un point critique évolutif de maturation collective ? C'est celui selon lequel l'Homme serait psychiquement et spirituellement achevé, emporté par l'élan d'une convergence de l'en-avant et de l'en-haut. Teilhard insiste sur le processus d'avancée du Réel : ce n'est que par voie de complexification que la Vie, la Conscience, la Pensée ont pu successivement émerger, propulsées par le Souffle créateur, Verbe, Logos, Parole. La parousie finale, selon la vision teilhardienne, c'est le Christ d'abord qui se drape de toute la réalité de l'Univers, mais en même temps c'est l'Univers qui s'illumine de toute la chaleur et de toute l'immortalité du Christ.
C'est jusqu'à la fin des temps que l'Homme devra choisir entre le bien et le mal puis exercer sa responsabilité quant à sa destinée. Il est probable que dans ce contexte là et selon les Ecritures, la Terre sera traversée par un cataclysme indescriptible. L'attente de la Parousie ne peut être absolument passive mais faite d'une accumulation de désirs. Teilhard pressent qu'une effrayante "pression spirituelle", un désir éperdu de s'évader de la Terre s'exercera sous l'effort désespérément tendu d'une Humanité à la fois attaché à la vie terrestre et en quête d'un au-delà, d'un Absolu, d'un Amour qu'elle ne sait imaginer. J'ai entendu une fois prononcer cette métaphore : "Dans notre passage vers cet au-delà mystérieux, il nous faudra une période d'adaptation !" Autrement dit, l'homme se sentira comme étouffé par l'abandon de ses proches, de ses ambitions et de son auto suffisance naturelle. Comment imaginer, en fait, cet état décrit par Saint Paul : "Il n'y aura plus que Dieu Tout en Tout" (1,Co, 15-28)
Les caractères qui appartiennent essentiellement au christianisme le distinguent des autres religions importantes. En comparant ces caractères avec la structure générale de l'évolution formulée par Teilhard, on voit aisément comment cette religion lui paraît s'intégrer de façon harmonieuse en s'associant à l'ordre général de l'univers. Elle lui donne un centre suprême - le Christ - et une loi fondamentale - l'Amour - dans la dynamique du prolongement même de l'évolution universelle. Ainsi elle donne sens à la vie, à l'Humanité, au Cosmos tout entier qui tourne autour de l'Homme, flèche et pointe avancée de la Création. Le Christianisme paraît ainsi comme une religion qui nous met en harmonie avec le monde et qui prend à ses yeux la forme d'un couronnement naturel de la création tout entière. En approfondissant ce raisonnement on découvre une harmonie d'ordre supérieur, dont Teilhard ne cessait de célébrer la grandeur et la richesse. Cette harmonie entre les exigences d'une évolution convergente et la structure fondamentale du christianisme acquiert chez lui la signification d'une justification rationnelle de sa foi. (Comment je crois, 1934)
Pour Teilhard, l'harmonie constitue la caractéristique majeure de la vérité.
En conséquence, selon Teilhard, tout comme pour François d'Assise, l'expérience humaine impose des exigences fondamentales : D'abord rendre intelligible la vérité de la foi à l'homme d'aujourd'hui en la libérant de toutes les conceptions et formules dépassées, d'où le rôle attribué à la recherche scientifique. Orienter ensuite notre attention vers le problème du rapport entre Dieu et le monde. L'homme apparaît alors comme le collaborateur de Dieu, appelé à poursuivre et parfaire son œuvre. Il en résulte le besoin d'une théologie du travail et de l'effort humain ainsi que, sur le plan religieux, d'un œcuménisme de convergence. Le retour du Christ s'adresse à l'ensemble de l'humanité.
Les méditations de Teilhard l'ont conduit à situer le Christ dans le cadre d'une vision moderne du monde selon laquelle le lien entre le Christ et le monde n'est pas purement dogmatique ou moral, mais bien organique : le Christ, dans l'ensemble du cosmos, possède une fonction organique en tant que sens, terme et force motrice de toute l'évolution, en sorte que la Christogénèse apparaisse comme la sublimation de toute la Cosmogénèse. A bon droit Teilhard pouvait écrire alors : "Je ne fais rien autre chose que de transcrire en termes de réalité physique les expressions juridiques où l'Église a déposé sa foi". (Comment je crois, 1934). Présentée schématiquement, l'idée essentielle de Teilhard revient à ceci : dans la perspective d'une évolution du type convergent devant être achevée par la libre collaboration de l'homme, le travail, la science et la technique acquièrent une signification exceptionnelle et doivent être considérés par l'homme comme un devoir suprême et une mission sacrée.
Le vocable grec : παρουσια rendu directement en français par "parousie" figure dans les anciens auteurs, Sophocle, Euripide... dans le sens de "présence" occasion qui se présente, occasion favorable, arrivée de quelqu'un. C'est donc bien dans le sens direct de ce mot que Paul l'a employé dans sa deuxième épître aux Thessaloniciens: "Frères, nous voulons vous demander une chose au sujet de la parousie de notre Seigneur Jésus-Christ et de notre rassemblement auprès de lui : si l'on nous attribue une révélation, une parole ou une lettre, prétendant que le jour du Seigneur est arrivé, n'allez pas aussitôt perdre la tête, ne vous laissez pas effrayer. Ne laissez personne vous égarer d'aucune manière !" (2, 1-3)


ussi, à la lettre, son

Lire plus

NOUVELLE REVOLUTION EN RECHERCHE FONDAMENTALE Les ondes gravitationnelles

1- La première révolution en physique générale

. Qui n'a pas fait l'expérience d'un seau contenant de l'eau et que l'on fait tourner dans un plan vertical sans que cette eau tombe à terre. Il s'agit là d'un problème mettant en évidence des lois précises pouvant se traduire par des équations mathématiques issues de la très classique mécanique rationnelle. La même théorie peut expliquer mathématiquement comment notre planète Terre décrit en orbite autour du soleil une trajectoire elliptique en raison du fait que le soleil exerce sur notre planète une force attractive proportionnelle aux masses des deux corps en présence et inversement proportionnelle au carré de la distance entre les deux corps. Ce modèle newtonien s'est retrouvé posé au début du XXe siècle dans les recherches sur l'atome.
En physique subatomique, le modèle de Bohr fut d'abord établie sur le modèle planétaire de Rutherford, cherchant à comprendre la constitution d'un atome, et plus particulièrement, celui de l'hydrogène et des ions hydrogénoïdes (ions ne possédant qu'un seul électron). Cette théorie a été élaborée par Niels Bohr en 1913. Ce modèle est un complément du modèle planétaire d'Ernest Rutherford qui décrit l'atome d'hydrogène comme un noyau massif et chargé positivement, autour duquel se déplace un électron chargé négativement. La difficulté posée par ce modèle est que l'électron, charge électrique accélérée, devrait selon la physique classique, rayonner de l'énergie et donc finir par s'écraser sur le noyau.
On a longtemps été persuadé que la Terre évoluait sur son orbite autour du soleil en raison d'une force dite gravitationnelle. De même une station spatiale évolue de nos jours en orbite autour de la Terre à cause de la force de gravité exercée sur celle-ci par notre planète. La nature de l'espace dans les très grandes dimensions n'est pas pourtant pas fondée sur l'ancienne physique de Newton contrairement à ce qui se passe dans notre monde familier.
Une nouvelle physique allait naître au début du XXe siècle avec la théorie de la relativité et la mécanique quantique.
1- La nature de l'espace cosmique
Imaginons un astronaute sortant de la station spatiale pour se laisser emporter en orbite à ses côtés. Mais l'astronaute possède une masse beaucoup plus faible que le vaisseau de sorte qu'il faut moins de force pour le maintenir en orbite qu'il n'en faut pour maintenir le vaisseau. Alors la force de gravité se comporte comme si elle "savait" exactement distinguer la nature des objets en mouvement suivant la même trajectoire. La réponse à cette question se trouve dans la théorie de la relativité générale. La Terre déforme en réalité l'espace environnant ; on dit aussi qu'elle le courbe ou bien le gauchit. Ce qui fait que, par exemple, le vaisseau spatial et l'astronaute se déplacent sur des trajectoires incurvées différemment. On peut imaginer ce phénomène en considérant une piste de vélodrome qui ne serait pas absolument plane afin d'y accueillir des coureurs cyclistes de niveaux physiques très différents. On dit que la Terre crée une fossette dans l'espace tri dimensionnel et le soleil crée une fossette bien plus importante de sorte que la Terre ne puisse quitter son orbite. Il en va de même pour le soleil qui décrit une orbite circulaire autour du centre de la Voie lactée, ceci étant dû à une fossette gigantesque causée par les quelques 100 milliards d'autres étoiles dont est composée notre galaxie. La théorie d'Einstein est préférable à celle de Newton qui ne fait intervenir que des formules mathématiques. Mais cela induit le fait que l'espace n'est pas le néant, mais un quelque chose de mystérieux dont la potentialité est d'être éventuellement courbe.
Dans la théorie de la relativité générale, on doit abolir complètement le concept de force gravitationnelle. La terre n'exerce pas une force sur des objets en orbité mais exerce plutôt une action assez mystérieuse qui est de courber ou de gauchir l'espace environnant.
On appellera distorsion spatiale une modification du continuum espace-temps dans une région de l'espace déterminée. Il faut s'imaginer l'espace- temps comme une "toile" tendue au-dessus du sol. Une masse (ou une énergie, puisqu'il y a équivalence d'après Einstein : E=mc2) est comme une bille que l'on poserait sur la toile. Sous son poids, la toile formerait une cuvette. Si une autre bille était placée suffisamment près de la première, elle roulerait dans sa direction, c'est l'attraction gravitationnelle. La distorsion gravitationnelle est ici symbolisée par la distorsion de la toile. Quand cette distorsion est trop importante, la toile est "percée", il y a formation d'un trou noir. Pour avoir une distorsion, il est nécessaire de disposer soit d'une source d'énergie importante, soit d'une masse importante (ou les deux combinées). À noter que c'est cette distorsion spatiale qui permet aux satellites (artificiels et naturels) de tourner autour de leurs planètes.
2- Les ondes gravitationnelles
En physique, les ondes gravitationnelles sont des oscillations de la courbure de l'espace-temps. Albert Einstein en a prédit l'existence en 1918 en se basant sur sa théorie de la relativité générale. Les ondes électromagnétiques (perturbations des champs électrique et magnétique) sont produites par les particules chargées accélérées. De la même façon, les ondes gravitationnelles sont produites par des masses accélérées. La production efficace d'ondes gravitationnelles demande de très grandes masses et de très grandes accélérations. Ainsi, les sources d'ondes gravitationnelles sont principalement des systèmes astrophysiques impliquant des objets massifs et très denses comme les étoiles à neutrons ou les trous noirs pouvant supporter de telles accélérations.
Russell Hulse et Joseph Taylor ont fourni une preuve indirecte de l'existence de telles ondes en observant le pulsar binaire PSR B1913+16 et montrant que sa période orbitale décroît précisément comme le prédit la théorie de la relativité générale si l'on considère que ce système perd son énergie par émission gravitationnelle. Ce résultat a valu à ces deux chercheurs américains de recevoir le prix Nobel de Physique en 1993.
Dans la théorie de la relativité générale, la gravité provient de la courbure de l'espace-temps. Cette courbure est causée par la présence d'objets possédant une masse. Plus la masse de l'objet est grande, plus la courbure produite est grande et ainsi plus la gravité est intense. Lorsque des objets massifs se déplacent dans l'espace-temps, la courbure de l'espace-temps s'ajuste pour refléter le changement de la position de ces objets. Sous certaines circonstances, les objets accélérés peuvent produire une perturbation de l'espace-temps qui s'étend et se propage de manière analogue à "des vagues à la surface de l'eau". On désigne par onde gravitationnelle ce type de perturbation. On prédit qu'elles se propagent à la vitesse de la lumière. Ainsi, l'existence des ondes gravitationnelles résulte en quelque sorte de l'application à la gravité du principe d'invariance de Lorentz qui introduit le concept de vitesse limite pour la propagation des interactions physiques (concept inexistant dans la vision newtonienne de la gravitation, cette interaction se propageant à une vitesse infinie dans cette théorie).
L'analogie entre des charges électriques en mouvement et des masses en mouvement permet de mieux appréhender le phénomène : de la même manière que l'accélération de particules chargées produit des ondes électromagnétiques, l'accélération de particules possédant une masse produit des ondes gravitationnelles. La plupart des théories de gravité quantique postulent l'existence d'un quantum correspondant appelé le graviton de façon analogue à l'électrodynamique quantique dans laquelle le vecteur de la force électromagnétique n'est autre que le photon. L'onde gravitationnelle est associée au graviton et ses caractéristiques donnent alors de précieuses informations sur cette particule.
3- Notion de polarisation d'une onde
La polarisation est une propriété des ondes vectorielles, c'est-à-dire pouvant osciller selon certaines orientations. Les ondes électromagnétiques telles que la lumière ou les ondes gravitationnelles ont ainsi des propriétés de polarisation tandis que les ondes mécaniques (telles que les ondes sonores) ne sont pas concernées. Dans une onde électromagnétique, le champ électrique et le champ magnétique oscillent simultanément dans des directions différentes. Par convention, la polarisation de la lumière décrit la vibration du champ électrique. Ce champ peut osciller dans une seule direction (polarisation rectiligne) ou peut tourner autour de l'axe de propagation de l'onde. On parle dans ce cas de polarisation circulaire ou elliptique. Le sens de la rotation, droite ou gauche, est également un paramètre clé qu'il faut mettre en regard de la biréfringence et de l'activité optique des milieux traversés La polarisation des ondes occupe un place importante dans de nombreux domaines scientifiques tels que l'optique, la séismologie, l'étude des ondes radiofréquences et micro-ondes. Les technologies concernées sont plus particulièrement les lasers, les télécommunications (fibrées ou non) et les radars. Un exemple simple de polarisation se rencontre dans l'expérience familière de la réflexion d'un rayon lumineux sur un miroir dont nous pouvons percevoir certains effets. D'ailleurs on utilise la lumière polarisée dans certaines actions sur notre corps ou sur notre psychisme. En effet la lumière polarisée pourrait influencer favorablement la santé de l'organisme humain.
Les ondes gravitationnelles possèdent deux degrés de liberté indépendants notés h+ et hx. La polarisation d'une onde gravitationnelle est identique à celle d'une onde lumineuse à ceci près que l'angle entre les polarisations est de 45 degrés au lieu de 90 degrés. L'effet d'une onde rectilignement polarisée avec la polarisation "plus" est identique à celui avec la polarisation "croix" mais tourné de 45 degrés. La polarisation des ondes gravitationnelles résulte de la nature de leur source et le degré de polarisation dépend de l'orientation de la source par rapport à l'observateur. L'existence des ondes gravitationnelles a été longuement débattue. La question était de savoir si ces ondes avaient effectivement une réalité physique ou bien résultaient d'un "pur effet de jauge", autrement dit d'un choix de système de coordonnées. Cette question a été définitivement tranchée lors de la conférence de Chapel Hill (États-Unis) en 1957. Les contributions de Felix Pirani et Hermann Bondi ont été déterminantes. Pirani montre qu'en présence d'une onde gravitationnelle, un ensemble de masses en chute libre est alors animé d'un véritable mouvement l'une par rapport à l'autre. Bondi suggère qu'en connectant deux masses aux extrémités d'un piston, on absorbe alors l'énergie de l'onde en la transformant en chaleur, ce qui démontre que l'onde possède bien une réalité physique. Ce fut le point de départ des premiers développements d'instruments permettant la mise en évidence expérimentale des ondes gravitationnelles.

4- Les conditions et les résultats de l'observation du ciel
Les premières preuves directes de l'inflation de l'univers ont été détectées en mars 2014 par des astrophysiciens américains de la collaboration BICEP2. Cette découverte s'ajoute de façon retentissante à l'histoire de la cosmologie. Grâce à un télescope de 26cm de diamètre installé au pôle Sud, ce petit groupe dirigé par John Kovac, du département d'astronomie de Harvard, aurait observé pour la première fois des traces directes de l'état de l'univers quelques fractions de seconde après le bigbang. Durant ce phénomène d'expansion rapide de l'univers naissant, son diamètre fut multiplié par au moins 1050 (1 suivi de 50 zéros) en 10-35 seconde. La théorie de la relativité générale, proposée par Albert Einstein en 1915, prévoyait l'existence de distorsions de l'espace-temps capables de se propager suivant des "ondes gravitationnelles" crées par des fluctuations quantiques des champs de l'univers. On détecte ces ondes primordiales en étudiant le fond diffus cosmologique, rayonnement électromagnétique visible dans toutes les directions, émis quand l'univers était âgé d'environ 380.000ans. Selon Nicolas Ponthieu : "En distordant l'espace, ces ondes ont influé sur les mouvements de matière et de rayonnement au moment où le fond diffus se forma. Elles produisent alors des fluctuations, notamment dans la manière dont ce rayonnement est orienté et polarisé."
Ce sont ces anomalies de polarisation que les membres de BICEP2 ont traquées. Plus particulièrement l'une d'elles : celles de mode B qui prennent la forme de tourbillons ou d'hélices tel que le décrit Jean-Christophe Hamilton du laboratoire astroparticule et cosmologie de l'université Paris VII. Pour les détecter, John Kovac et ses collègues ont cherché le lieu où les observations de leur télescope seraient les moins faussées. D'où le choix du pôle Sud qui est l'endroit le plus sec de la Terre, où il y a le moins de perturbations liées à l'atmosphère. Ils ont alors braqué leur instrument sur une zone de 1% du ciel qui offre une fenêtre d'observation sur le rayonnement du fond diffus cosmologique peu perturbée par d'autres émissions. Enfin le télescope opérait sur une fréquence de 150 gigahertz, celle où le fond diffus émet le plus de photons.
Sur L'image du ciel prise par le télescope, apparaissent des tourbillons matérialisés par une multitude de petits traits noirs qui s'orientent dans un sens ou dans un autre un peu à la manière d'une carte des vents. Ils représentent les traces laissées dans le ciel par les premiers soubresauts de notre univers survenus un centième de milliardième de milliardième de milliardième de seconde après sa naissance. Jamais l'homme n'était remonté aussi loin dans le temps. Cela révèle que, peu de temps après l'étincelle initiale, le cosmos a bien été un minuscule corps brûlant, dense et agité qui, l'instant d'après, a connu une phase d'expansion tout-à-fait extraordinaire. Les cosmologistes l'avaient déjà prédit sur le papier comme "modèle cosmologique standard"
5- Quand la cosmologie dévoile un très ancien problème épistémologique !
Bicep2 a remonté le temps jusqu'au bigbang 10 - 38 seconde après sa naissance. L'espace-temps agité de soubresauts quantiques se mit à osciller et des ondes gravitationnelles se propagèrent. Ces ondes orientent le champ électromagnétique des particules qui peuplent alors l'univers : la lumière se polarise. Puis 380.000 ans plus tard, l'univers devint transparent et la lumière polarisée fut libérée et s'imprima sur le rayonnement de fond dont un échantillon est capté par Bicep2.
Pour comprendre, il faut remonter un an en arrière en mars 2013, lors de la publication retentissante de la photographie du fond diffus cosmologique réalisée par le télescope spatial Planck. Les cosmologistes avaient enfin devant eux l'image de la plus ancienne lumière de l'univers qui, cependant, était très éloignée de la phase d'inflation censée s'être déroulée au tout début de la première seconde. Les particules étaient tellement agitées que chaque grain de lumière émis par l'une d'elles était instantanément réabsorbé par une voisine. Tout était opaque. A la faveur du refroidissement ultérieur, la lumière s'est subitement libérée de l'emprise de la matière : en chaque point, le cosmos a émis un véritable flash dans toutes les directions ; c'est celui-ci qui baigne encore tout l'univers.
Depuis le suspens régnait : tous les scientifiques attendaient les résultats des analyses approfondies de l'image de ce flash ancestral. En particulier l'analyse de la direction des champs électrique et magnétique des grains de lumière qui le composent, c'est-à-dire leur polarisation. Les équations, en effet, indiquent que cette polarisation porte l'empreinte du chaos qui secoua le cosmos durant la première fraction de seconde. L'espace-temps lui-même se serait alors mis à osciller, cette agitation engendrant l'émission d'ondes qui ont déformé la structure spatio-temporelle, se propageant comme une onde sur la surface d'un lac. Or ces ondes dites "gravitationnelles" ont dû perturber la polarisation de la lumière, plus précisément une partie de cette polarisation que les spécialistes appellent les modes B. Seulement la théorie ne présageait en rien l'intensité de ces modes B. C'est alors qu'a eu lieu la découverte opérée grâce à bicep2.
A l'opposé du télescope spatial qui observe tout le ciel à la fois, Bicep2 est focalisé sur une petite fraction seulement, sélectionnée pour son éloignement par rapport à la lumière éblouissante de la Voie lactée. La lunette est équipée de 512 détecteurs ultra-sensibles opérant à la fréquence de 150 GHz soit la longueur d'onde où le fond diffus est le plus intense et la pollution galactique la plus faible. Son but est de mesurer la polarisation des photons, afin de détecter d'éventuels effets causés par les ondes gravitationnelles primordiales, effets que la théorie prévoyait formellement. Bicep2 a dû, en fait, mesurer ce que les astrophysiciens avait prévu sur un plan très technique. Sur l'image finale qu'il a livrée, chacun des 4000 pixels est représenté par un trait noir indiquant la polarisation moyenne de milliards de milliards de photons enregistrés en ce point. On recueille bien la taille attendue des fameux tourbillons. Jean-Loup Puget de l'institut d'astrophysique à Orsay, responsable scientifique de Planck ; s'était exprimé ainsi : "Nous n'aurons de preuve de l'existence de l'inflation qu'à condition de détecter les ondes gravitationnelles censées avoir pris corps au sein de la théorie" En outre, s'enthousiasme Liam McAllister, spécialiste du sujet aux Etats-Unis, "On a la preuve frappante que la gravité peut-être fusionnée avec la mécanique quantique". Car le phénomène qui a provoqué l'émission d'ondes gravitationnelles est d'origine purement quantique : l'univers lui-même se trouvait dans une superposition simultanée de plusieurs états. Avec l'image de Bicep2, il est pour la première fois possible d'observer directement cette dimension quantique de la gravité. Grâce à ces données chiffrées à mettre en face des idées théoriques, les chercheurs vont pouvoir s'atteler aux grandes questions de la cosmologie à savoir : la théorie du tout, l'existence de la matière noire, l'exploration d'autres univers, etc. La communauté scientifique attend maintenant les analyses de la polarisation sur l'intégralité du ciel observé par Planck. Matthew Kleban de l'université de New York affirme quant à lui : "Avec Bicep2, nous avons au moins une chance d'apprendre quelque chose sur une physique opérant à des énergies inaccessibles sur Terre, mille milliards de fois supérieures à celles mises en œuvre au LHC, l'accélérateur de particules du CERN près de Genève"
La question philosophique qui émerge de cet événement est posée depuis bien des décennies principalement dans les milieux scientifiques. En fait, serons-nous capables un jour de réaliser la grande unification de la physique quantique et de la théorie de la relativité générale ? On évoque la possibilité d'une réponse à partir de la "théorie des cordes". Pour décrire et comprendre les phénomènes de la nature, les physiciens ont toujours recherché des lois générales reposant sur le plus petit nombre de principes possible. Cette démarche est particulièrement flagrante en physique des particules, où la quête d'une théorie unificatrice est entamée depuis les années 1930 au moins. Quatre interactions fondamentales ont été identifiées dans la nature : la gravitation, la force électromagnétique, l'interaction faible et l'interaction forte, ces deux dernières n'agissant qu'à l'échelle des noyaux atomiques et en deçà. La réponse espérée viendra peut-être de l'observation du ciel et des étoiles.

Lire plus

Exite-t-il une morale cosmique? Chapitre d'un essai traitant du son et du langage

Teilhard de Chardin pense que l'évolution ne s'est pas terminée avec nous, mais que nous faisons partie d'un processus cosmique continu qui demande notre engagement. Je pense que la physique moderne nous a ouvert un horizon selon lequel notre identité d'homme n'est pas seulement soumise à une morale ou à des idéologies contraignantes, mais à un travail sur nous-même fondé sur une sagesse et une coopération. Celle-ci s'inscrit dans le cadre de l'harmonie universelle qui est beauté, ordre, répétition et rythme. Alors justement notre participation à une cosmogénèse du monde doit être au diapason de sa merveilleuse organisation en développant en notre être ce qui peut ressembler à une vibration sonore sinusoïdale : l'inlassable répétition de ce que nous savons faire de mieux pour nous-mêmes et pour les autres.
Cela pose le problème de notre adaptation à un monde de plus en plus marqué par l'individualisme et la confusion sociétale. Comment former les jeunes générations à respecter les lois naturelles d'harmonie intérieure ?

"L'homme ne continuera à travailler", écrit Teilhard de Chardin, "et à chercher que s'il conserve le goût passionné de le faire. Or ce goût est entièrement suspendu à la condition strictement indémontrable à la Science, que l'Univers a un sens." Mais nous ne pouvons pas, en tant qu'hommes raisonnables, ignorer le fait que la question de l'importance de l'homme a toujours été une énigme philosophique. Notre éducation nos autorise à penser qu'en temps de guerre, tuer est acceptable ! Notre fragilité peut nous pousser dès l'enfance à ne plus contrôler nos actes. Qu'est-ce donc la petite voix intérieure qui est en nous et que nous appelons conscience ? Ce doit être, en vérité, celle d'un adulte, celle d'une personne qui a réussi à ressentir ces deux impressions fondamentales : je suis bien en moi-même et je déclare que les autres sont importants pour moi. Ramener l'homme à sa juste place de personne, c'est justement le thème de la rédemption ou de la réconciliation ou bien encore de la lumière, thème central pour toutes les grandes religions du monde. Cette position implique que nous sachions devenir responsables les uns des autres et les uns pour les autres. Pour éduquer un enfant ne faut-il pas commencer par lui dire : "Soit expert et génial au moins dans un domaine ! Si tu veux te sentir important pour les autres, apprends à te sentir important pour toi-même !" Ceci entrant bien entendu dans le cadre d'une éducation bien comprise excluant l'idéal pervers de l'enfant - roi.
Teilhard qui, avec un émerveillement parfait, perçoit l'évolution de l'univers comme un processus éternel de perfectionnement et de convergence, termine néanmoins son ouvrage célèbre : "Le phénomène humain" sur une note douloureuse lorsqu'il contemple le mal dans l'univers, se demandant si la souffrance et l'échec, les larmes et le sang "ne trahissent pas un certain excès inexplicable pour notre raison si à l'effet normal d'Evolution ne se sur - ajoute pas l'effet extraordinaire de quelque catastrophe ou déviation primordiale" ?

Dans tout débat sur la condition humaine se pose la question de la transcendance ?
Existe-t-il une expérience religieuse qui soit autre chose qu'une crainte de l'inconnu ou une aberration psychologique ? L'esprit est-il simplement emporté par un désir irrationnel comme le suggérait Freud ? Ou encore n'est-ce qu'un fantasme ou une le résultat d'une manipulation ? L'idée de Dieu a pourtant survécu depuis plusieurs millénaires, mais ne peut-on pas simplement invoquer le darwinisme en affirmant que cette idée a été transmise selon le processus classique de la sélection naturelle et ainsi liée à la survivance des plus habiles ? Teilhard, dans le "phénomène humain", prend position en proposant le point de vue suivant sur l'évolution :
"Nous devons décidément renoncer à parler simplement du plus apte ou d'adaptation mécanique à l'environnement et à l'usage. Alors quoi ? Plus il m'est arrivé de rencontrer et de manier ce problème, plus l'idée s'est imposée à mon esprit que nous nous trouvions en l'occurrence, devant un effet, non pas de forces externes, mais de psychologie. Suivant notre manière actuelle de parler, un animal développerait ses instincts carnivores parce que ses molaires se font tranchantes et ses pattes griffues. Or ne faut-il pas retourner la proposition ? Autrement dit, si le tigre a allongé ses crocs et aiguisé ses ongles, ne serait-ce pas justement que, suivant la lignée, il a reçu, développé et transmis une âme de carnassier ?"

Il semble donc raisonnable de penser que l'état de l'homme a changé dans le processus de l'évolution. Celui-ci apparaît d'abord comme l'idéation de la transcendance et ensuite comme la transcendance elle-même. Teilhard dit plus loin dans le même livre :
"La loi est formelle. Aucune Grandeur au monde (nous le rappelions déjà en parlant de la naissance même de la Vie) ne saurait croître sans aboutir à quelque point critique, à quelque changement d'état."
Retenons que le premier changement d'état remarquable dans le développement de l'homme, s'est produit lorsqu'il a franchi le seuil de la réflexion, ce que Teilhard appelle une transformation critique, une mutation de zéro à l'infini. Avec le pouvoir de réflexion, la cellule est devenue quelqu'un. Nous nous trouvons mystérieusement transportés sur un plan biologique entièrement nouveau selon lequel a pu se développé une sorte d'homme transcendant, c'est-à-dire improbable, impossible, sans précédent.
La transcendance signifie une expérience de ce qui est plus que moi-même, d'une réalité extérieure à moi-même, d'une profondeur dont l'essence est infinie et inépuisable. Le Tout ou Dieu. La profondeur c'est aussi l'harmonie universelle que l'on peut côtoyer dans certaines circonstances de la vie, et n'est-ce pas la musique qui est la plus belle représentation de la beauté cosmique. Nos sociétés, semble-t-il, paraissent très loin de montrer leur plus beau visage. Teilhard a dit : "Ou bien la nature est close à nos exigences d'avenir et alors la Pensée, fruit de millions d"années d'effort, étouffe mort-née, dans un Univers absurde, avortant sur lui-même. Ou bien une ouverture existe." Une société ne peut changer tant que les personnes ne changent pas.



Le lien entre morale et liberté est essentiel : un être non libre n'a pas de rapport au bien et au mal, il est ce qu'il est sans pouvoir être autre. Le domaine des valeurs lui est étranger. Inversement, la morale révèle la liberté : la capacité à se déterminer d'après une valeur absolue, et non d'après des intérêts conjoncturels, prouve une liberté effective par rapport aux conditionnements. C'est à Kant que revient le mérite d'avoir montré nettement en quoi la morale est révélatrice de la liberté de l'homme.
La liberté est, de plus, essentiellement liée à la responsabilité. Le sujet, capable de se déterminer soi-même, est celui auquel il est possible d'imputer la paternité de ses actes et même de ses omissions. La question de l'extension de la liberté est délicate, mais, quelle que soit son ampleur, elle ne manque jamais de se poser : si l'agir dépend d'une décision qui aurait pu ne pas être prise, il est légitime d'y voir sa source et son fondement. Cette dualité morale et liberté engendre un mouvement intérieur de l'être qui apparaît comme une onde. Pour produire une onde, il est indispensable d'avoir un principe qui exerce une tension et une force de rappel. Pour que des ondes se propagent dans un milieu il faut que celui-ci soit stable: sous l'action d'une perturbation extérieure, le milieu doit développer un mécanisme de rappel le ramenant vers sa position d'équilibre. La nature et les propriétés de l'onde dépendent de la manière dont ce mécanisme agit. Ainsi, par exemple, pour les vagues, ce mécanisme de rappel est la pesanteur tendant à ramener la surface libre vers une position d'équilibre. Pour les ondes sonores, le mécanisme de rappel est la tendance d'un fluide à uniformiser sa pression. Pour les ondes de torsion (comme sur un violon joué à l'archet), le mécanisme de rappel est le couple exercé par la corde. Par ces considérations physiques, nous sommes de nouveau ramenés au problème de l'harmonie universelle. Cette harmonie suppose la cohérence du Tout qui est le principe de toute unité dans un ensemble diversifié. Cet éveil supérieur de la conscience qui met en concomitance le sens éthique universel de la conscience et la conséquence de son élaboration collective, fait émerger la réalité de la noosphère décrite par Teilhard de Chardin dans son livre : "Le phénomène humain", (ouvrage publié à titre posthume).
La "noosphère" serait le lieu de l'agrégation de l'ensemble des pensées, des consciences et des idées produites par l'humanité à chaque instant. Nous disons bien : le lieu. Il s'agit d'une réalité, non plus matérielle, mais spirituelle, au-delà de la matière, de la vie physique, de la pensée individuelle. "C'est vraiment une nappe nouvelle, la nappe pensante, qui, après avoir germé au Tertiaire finissant, s'étale depuis lors par-dessus le monde des Plantes et des Animaux : hors et au-dessus de la Biosphère, une Noosphère", une sorte de couche de faible épaisseur entourant la terre. Le modèle qu'il propose pour notre planète se composerait donc de différentes couches en interaction : la lithosphère, noyau de roche et d'eau ; l'atmosphère, enveloppe gazeuse constituant l'air ; la biosphère constituée par la vie ; la techno sphère résultant de l'activité humaine ; la noosphère ou sphère de la pensée. Il n'y aurait donc pas plus de solution de continuité entre la matière et la pensée, qu'entre la matière inerte et la vie, la vie apparaissant à un certain niveau de complexité de la matière, et la pensée à un certain niveau de complexité du cerveau. Cette intuition que Teilhard a explicitée, il l'a eu dans le Laboratoire de Marie Curie, entre 1922 et 1924, laboratoire où il côtoyait le savant russe Vladimir Vernadski et avait connaissance des travaux du philosophe français Edouard Leroy. Notre planète serait entourée non pas seulement d'une couche d'atmosphère, mais d'une couche de noosphère.
Parallèlement et indépendamment, la science des moyens de communication par les ondes faisait d'immenses progrès, depuis la téléphonie, la radiophonie, la télévision, les relais satellitaires. Tout cela étant du domaine de la matière. Soulignons qu'il n'y a pas de pensée sans support matériel, sans cerveau. En tout cas, nous n'en connaissons pas. Et donc les réalisations de ce monde nouveau qu'est la couverture mondiale par le réseau internet restent du domaine physique. On peut donc, à un certain point de vue, considérer l'informatique comme un "avatar" de l'intuition de la noosphère, même si elle ne s'en est jamais inspirée ni réclamée. Ainsi la "Noosphère" représentera une couche pensante de la Terre qui constitue un Tout spécifique et organique en voie d'évolution vers l'unité suprême. Dans cette configuration de la pensée, le monde ne doit pas être qu'un ensemble de choses et d'êtres humains subissant une pure cohabitation spatiale et matérielle, ne possédant que des liaisons banales, celles qui sont observables avec nos sens. On parle de "conscience collective" mais pour Teilhard il s'agit d'une sorte de "conscience du Monde." Or dans tout système en mouvement ou en évolution, existe ce qu'on appelle des "degrés de liberté" qui en gèrent le fonctionnement avec toute sa complexité. La notion de degré de liberté recouvre plusieurs notions dans des domaines différents. Un degré de liberté est, en mécanique, une notion recouvrant la possibilité de mouvement dans l'espace. Il représente une ou plusieurs contraintes qu'on peut éventuellement modifier
Sur le plan philosophique, la notion de liberté humaine fait l'objet d'une attention particulière puisqu'elle entre dans le cadre de tout ce qui constitue notre vie avec nos semblables et des contraintes qui régissent nos rapports avec nous-mêmes et avec autrui. Nous sommes tous soumis à des impératifs moraux ou matériels, à des contingences indépendantes de notre volonté, ce qui soulève une question fondamentale : dans quelle mesure sommes-nous libres ? Et si nous sommes chrétiens, dans quelle mesure le magistère ecclésial restreint-il davantage encore notre libre arbitre et nos pensées personnelles ? D'abord l'homme est un être complexe. L'autonomie parfaite et l'absence de contraintes familiales peut conduire à une déchéance de la personne qui ne peut se construire, tandis que la soumission aveugle à une autorité supérieure peut à contrario enfermer la personne dans une tour d'ivoire d'où elle ne peut s'évader. En fait, la morale autant que la liberté aident à vivre et à s'épanouir. On peut alors décrire la Noosphère comme un immense espace de relations et de libertés qui constitue la conscience du monde. Mais le problème est de savoir si les religions et en particulier la dogmatique chrétienne apportent au croyant un rétrécissement du libre arbitre donc un asservissement idéologique de la personne humaine qui ne sait plus témoigner de son discernement et qui ira se réfugier, soit dans la fuite vers d'autres sagesses, soit dans le sectarisme.

La liberté reçoit, en fait, son sens véritable par l'amont et par l'aval. La personne construit sa personnalité à partir de son éducation, de ses études, de ses expériences passées et des conséquences de toute action décidée par un choix. L'homme n'est pas un élément isolé mais bien au contraire un élément d'une chaine d'événements qui va donner un sens, positif ou négatif, à tel ou tel choix de vie. Ainsi la liberté n'est plus une réalité ponctuelle mais une réalité plus cosmique donc plus universelle, qui concerne tout un ensemble d'éléments de la vie humaine. Mais plus encore : la liberté doit conduire à un travail de création et d'enfantement, à une nouvelle naissance qui représente l'épanouissement de la personne et non son enfermement dans un culte des idoles qui sévissent dans notre monde : le pouvoir, l'argent et le sexe. La liberté est une vocation du cosmos et sa perspective est le Royaume divin et c'est grâce à elle que la noosphère accède à sa finalité : Dieu sera tout en tous, comme l'affirme St Paul.
Qu'en est-il alors de la liberté dans le cadre de la mystique chrétienne ?
Je cite donc un texte de St Paul traitant de la vie du chrétien dans l'Esprit :

"Destinés à la gloire. J'estime en effet que les souffrances du temps présent ne sont pas à comparer à la gloire qui doit se révéler en nous. Car la création en attente aspire à la révélation des fils de Dieu : si elle fut assujettie à la vanité, -non qu'elle l'eût voulu, mais à cause de celui qui l'y a soumise- c'est avec l'espérance d'être aussi libérée de la servitude de la corruption pour entrer dans la liberté de la gloire des enfants de Dieu. Nous le savons en effet, toute la création jusqu'à ce jour gémit en travail d'enfantement. Et non pas elle seule : nous-mêmes qui possédons les prémices de l'Esprit, nous gémissions nous aussi intérieurement dans l'attente de la rédemption de notre corps. Car notre salut est objet d'espérance ; et voir ce qu'on espère, ce n'est plus l'espérer : ce qu'on voit, comment pourrait-on l'espérer encore ? Mais espérer ce que nous ne voyons pas, c'est l'attendre avec constance." (Rm 8, 18 - 25)

En fait, l'acte libre se conçoit comme la conquête d'une certitude même lointaine à nos yeux qui ne peut s'accomplir que dans le cadre de la foi. Mais cette prouesse est le résultat d'un long et patient travail sur sa propre conscience face à Dieu et non plus sur des éléments extérieurs. C'est ce qu'accomplit si bien Benoît XVI avant de révéler sa décision de laisser sa charge pastorale. C'est ce qu'accomplit Teilhard de Chardin en découvrant en soi une autre vision du monde au risque de décevoir ses pairs. Alors justement le christianisme donne des moyens adéquats pour atteindre tout exercice spirituel visant à prendre une décision quelle qu'elle soit. Oser se détacher de la loi, du sacré même, de l'angoisse métaphysique et du jugement, c'est accomplir un authentique acte de liberté. La liberté chrétienne engendre normalement un état d'apaisement de l'esprit et la perspective de la mort se vit en toute sérénité. Ce qui est fondamental est finalement de pouvoir se situer devant Dieu et non plus face à des réalités contingentes. En tout état de cause, l'homme aura toujours peur du risque et du changement, surtout s'il est tenu de respecter un certain politiquement correct. Et pourtant la liberté constitue l'élément primordial de communication qui s'inscrit dans la Christo genèse, dans l'ultime concentration de la noosphère vers le point Omega.

Paul voit dans la liberté du chrétien bien autre chose qu'une simple marge de manœuvre laissée au croyant pour l'action journalière: la liberté est, à ses yeux, une qualité nouvelle que le Christ nous a obtenue et qui se trouve désormais enracinée dans notre être de fils de Dieu; c'est une sorte d'aisance et d'enthousiasme qui nous est enseignée par l'Esprit, et qui traduit dans l'action notre consécration radicale d'enfant de Dieu. On peut évoquer cette qualité d'optimisme dont Teilhard a su faire preuve face au spectacle du monde. Mais comme le propose Teilhard, en définitive, le champ d'action privilégié de la liberté chrétienne et le critère le plus sûr de son authenticité est l'amour fraternel à travers le mot juste et la pensée juste délivrés de tout archétype figé. En travaillant activement à sa libération, ou plutôt : en se laissant affranchir par l'Esprit, le chrétien libère dans sa vie les forces de la charité, élargit en lui-même l'espace du dialogue, et devient de jour en jour plus fraternellement présent à tous les hommes. Se libérant, il se trouve ; et, se trouvant, il se donne. On reconnaît aussi la liberté d'un chrétien à la capacité qu'il a d'y renoncer par amour. "Oui, libre à l'égard de tous, je me suis fait l'esclave de tous, afin d'en gagner le plus grand nombre. Je me suis fait juif avec les juifs, afin de gagner les juifs... je me suis fait faible avec les faibles, afin de gagner les faibles, je me suis fait tout à tous, afin d'en sauver à tout prix quelques-uns. Et tout cela, je le fais pour l'Évangile, afin d'avoir part à ses biens." (1 Co 9, 16-23)

Chez les catholiques il est question du sacrement de la réconciliation, cependant à ce sujet les choses ne sont pas toujours très claires sur la conscience de soi-même et de l'amour divin. Souvent le pécheur s'accuse d'une faute, ce qui constitue là un non-sens préjudiciable pour l'avenir. On entre dans le champ de la culpabilisation et seul Satan accuse ! L'homme n'a pas à rester dans l'attitude mortifère de la culpabilisation mais simplement dans la reconnaissance humble et objective d'être désaccordé d'avec Dieu. Le Fils, lui, est celui qui est parfaitement accordé au Père bien qu'il ait parfois transgressé la "loi." La conscience est le lieu le plus intime de la personne où Dieu réside, or tout examen de sa propre conscience doit mettre à nu l'état de notre situation spirituelle qui n'est pas uniquement jalonnée par un catalogue de fautes, d'erreurs et de péchés plus ou moins horribles à regarder. Depuis le début de cet essai, j'ai montré l'importance du son et du langage, ce qui m'incite de nouveau à insister sur le rôle éminent de la "verbalisation" qui a pour but essentiel de libérer. L'enfant doit se sentir ôté d'un poids lorsque sa maman le pousse gentiment à l'aveu. Mais que doit-on avouer en définitive ? Je reprends là cette pensée du Père François Potez selon laquelle" nous ne devons pas seulement confesser nos péchés mais aussi l'Amour." Ainsi, à l'image d'un beau texte musical, nous participons à cette harmonie universelle dont Teilhard de Chardin fut le chantre inconditionnel.

Lire plus

LE SON ET L'HARMONIE COSMIQUE Conférence donnée à LYON le 4 février 2014

1- Naissance du cosmos
La notion d'harmonie renvoie à la rigueur mathématique aussi bien qu'à l'expérience immédiate de la beauté. Pythagore a appliqué au monde le terme de kosmos
Le même Pythagore fit l'expérience du son : La hauteur des notes obéit à une loi de proportionnalité mathématique. Ainsi est née la gamme
La gamme est un univers sonore et l'univers une musique céleste (expérience de l'intuition)

A la suite du Big Bang, notre univers est rempli d'énergie et de vibrations. Les récits bibliques évoquent essentiellement la Parole qui crée. (Dieu dit…) Le son résulte de mouvements vibratoires rythmiques (compression - dilatation d'un milieu ambiant)
Il admet une fréquence qui se mesure en hertz
Selon la sagesse ou l'intuition des peuples, dans l'univers tout est vibrations : matière, esprit, chaleur, etc. Dans le domaine du symbolisme, le son est à l'origine du cosmos. L'attirance qu'exerce un symbole sur les hommes donne une idée du fonctionnement psychologique de leur cerveau, c'est un désir d'éternité, pulsion tout à fait respectable et naturelle. D'où la doctrine du verbe lumière issue du prologue de St Jean.

2- Vision propre à la civilisation hindoue
La Parole, le verbe (Vâk) produit l'univers sous l'effet du son primordial ; l'élément Ether est d'essence sonore ; tout ce qui est perçu comme son est shakti
(Puissance divine) Le son précède la forme ; l'ouïe est antérieure à la vue.
La connaissance est vision et perception auditive. D'où l'importance des mantra
et en particulier du son fondamental AUM qui reproduit le processus de la manifestation, le souffle créateur (tradition védique) ; le mental s'imprègne du mantra, l'énergie du son provoque des vibrations dont le rôle est vital et cosmique
.
3- Le symbolisme de la Parole dans les civilisations anciennes
Cette notion de parole est porteuse de germe de création et de première manifestation divine.
Civilisations concernées : les Dogons, les Bambaras, les indiens Guarani, les Canaques (la parole est un acte initial), les peuples de l'A T et du N T, les Grecs (origine du terme : Logos)
Les Egyptiens (le son est associé à la genèse de la création). La musique et en particulier le chant ont une importance capitale.

4- Décomposition d'une onde sonore en harmoniques
Si un signal sonore périodique noté F et de fréquence f, il est possible de décomposer F en une somme infinie d'ondes musicales ainsi notée :
F = F1 + F2 + F3 + …………….. jusqu'à l'infini
et qui vérifie la propriété fondamentale : Les fréquences des ondes successives figurant dans cette somme sont respectivement f 2f 3f … (Théorème de Fourier)
Cette remarquable propriété permet de conclure qu'il est possible de passer de la symbolique du son à la symbolique du nombre entier.
5- La loi de l'octave
La gamme des 7 tons : on peut affirmer qu'il s'agit d'une réalité qui confirme la loi d'harmonie que l'on retrouve partout dans l'univers puisqu'elle s'applique à différents domaines de la connaissance (acoustique, chimie, thermodynamique, optique, magnétisme)
Correspondance entre sons et couleurs du point de vue de la longueur d'onde.

L'organisme humain se trouve étonnement en résonance avec la nature périodique des ondes sonores et lumineuses. Les organes des sens constituent un récepteur ultrasensible à un stimulus vibratoire.
On utilise la musique dans certaines expériences de sophrologie.
Certaines personnes ayant contracté la maladie d'Alzheimer, sont privées de langage cohérent et pourtant il est possible de les faire chanter une mélodie de leur enfance : miracle de la musique.
Loi de l'octave correspond en musique à la plus parfaite des consonances ; elle admet naturellement des applications dans le domaine du symbolisme, également des applications dans le domaine de la thérapeutique : auriculothérapie et acupuncture.

6- Les langues parlées sur la planète
Pour bien parler une langue étrangère à sa langue maternelle, il faut, paraît-il, avoir une bonne mémoire et certaines aptitudes musicales. Les 6000 langues parlées dans le monde se caractérisent par leurs fréquences auditives. Thomatis a établi une corrélation entre la fréquence de la voix maternelle et la guérison de certains malades psychotiques. Il a également inventé un moyen technique d'apprentissage des langues étrangères.
Il a créé ce qu'on appelle les "bandes passantes" de certaines langues et leur rapport avec les capacités d'apprentissage.
Ainsi la bande passante de l'anglais est très élevée tandis que celle du français très restreinte !
La bande passante des langues slaves et du portugais est très étendue tandis que celle de l'espagnol est formée de fréquences basses (500 Hz)
La bande passante de l'italien correspond aux fréquences musicales

Certains scientifiques émettent l'idée que l'harmonie universelle suppose un équilibre entre les fréquences de différentes sources d'énergie. Ce qui explique la corrélation entre l'ensoleillement d'une région donnée du globe et la fréquence des sons émis dans le langage.

7- Existe-t-il une moralité cosmique ?
Teilhard de Chardin pense que l'évolution ne s'est pas terminée avec nous, mais nous faisons partie d'un processus cosmique continu qui demande à nous notre engagement. Je pense que la physique moderne nous a ouvert un horizon selon lequel notre identité d'homme n'est pas seulement soumise à une morale ou à des idéologies contraignantes, mais à un travail sur nous-même. Celui-ci s'inscrit dans le cadre de l'harmonie universelle qui est ordre, répétition et rythme. Alors justement notre participation à une cosmogénèse du monde doit être au diapason de sa beauté en développant en notre être ce qui peut ressembler à une vibration sonore : l'inlassable répétition de ce que nous savons faire de mieux pour nous et pour autrui.

Lire plus

Une généralisation et un approfondissement du sens de la Croix Teilhard de Chardin tome 10 "Comment je crois"

Citation :
"Ce que le monde attend en ce moment de l'Église de Dieu"

Un jour, un ami me déclara qu'il était athée et, me montrant un christ, il exprima sa profonde perplexité devant le spectacle d'un innocent condamné à mort et crucifié. Ce sentiment de désapprobation face à une telle injustice le poussait, en fait, à rejeter une telle religion fondée sur un vulgaire acte de barbarie. C'est dire combien l'événement de la crucifixion peut, chez toute personne non avertie, susciter un énorme malentendu. Oui, nous sommes face à un mystère dont le sens réel nous échappe et il convient de remercier Teilhard d'avoir tenté de soulever un côté du voile afin d'en extraire une parcelle de vérité à l'aide des moyens qui étaient les siens : la capacité de redonner à l'homme sa dignité et sa grandeur au sein de ce qu'il appela "l'Evolution".
Il écrit (page 257) : "Par naissance, et à jamais, le Christianisme est voué à la Croix, dominé par le signe de la Croix. Il ne peut rester lui-même qu'en s'identifiant toujours plus intensément à l'essence de la Croix. Mais, tout justement, quelle est exactement l'essence, - quel est le vrai sens de la Croix ?"
Face à cette terrible question, Teilhard refusa toute considération d'ordre traditionnel qui prône essentiellement les notions d'expiation et de réparation débouchant tout naturellement sur la Faute originelle et la perversion naturelle de l'homme. A cela, s'ajoute la méfiance générale pour tout ce qui se rapporte à la Matière qui fait figure de tentatrice dans le domaine du mal sous tous ses aspects. Teilhard alors substitue à la notion de résignation culpabilisante, la notion de progrès et de dynamisme psychique fondateur d'une humanité capable de réaliser son plein accomplissement dans la sérénité, l'optimisme et la liberté. La doctrine chrétienne, si elle veut être crédible, ne doit pas s'opposer aux réalités anthropologiques (1). Il me semble, en lisant l'œuvre de Teilhard de Chardin, que si la Noosphère est bel et bien un Corps vivant et organisé autour de la notion de convergence vers Omega, alors la Croix en est sa colonne vertébrale. Voyons plutôt.

Chacun peut se rendre compte que le symbolisme de la croix est puissant et universel. La question est trop vaste pour que j'y fasse référence ici même. Par contre s'il est quelque chose de difficile à admettre pour les hommes d'aujourd'hui c'est le sens de la souffrance, de l'échec, de l'abandon et de la mort. Pour Teilhard, la Croix ne doit en aucun cas disparaître de l'horizon de la Foi ni être atténuée dans ses conséquences dans l'évangélisation des temps nouveaux. Il faut bien sûr éviter qu'elle soit mal comprise ou incomprise et qu'elle devienne un obstacle dans l'annonce du Dieu vivant, même si elle restera toujours un mystère. Il précise : " Il est parfaitement vrai que la Croix signifie évasion hors du monde sensible et même en un sens rupture avec ce monde...Par les derniers termes de l'Ascension où elle nous convie, elle nous force en effet à franchir un palier, un point critique par où nous perdons pied avec la Zone des Réalités sensibles...Cet "excès" final, entrevu et accepté dès les premiers pas, jette forcément un jour, un esprit particulier sur toutes nos démarches...
Et voilà précisément où gît la folie chrétienne au regard des "sages" qui ne veulent risquer sur un total " Au-delà" aucun des biens qu'ils ont actuellement entre les mains.." (Milieu Divin 118)
La Croix...symbole d'un mal nécessaire...rarement un auteur chrétien a osé s'affronter à la question du Mal.et lui donner des réponses à la fois chrétiennes et scientifiques à l'échelle de notre logique de compréhension. Maintenant allons à l'essentiel.
D'abord il nous faut dépasser cette conception juridique et fixiste de la Rédemption selon laquelle l'homme déchu de l'état primordial et devenu "esclave" de Satan par le péché est "racheté" par le sang du Christ. La croix se présente comme la rencontre de deux ordres de réalité : l'horizontalité qui symbolise l'immanence, le monde créé, les éléments liés à l'espace - temps, et la verticalité qui symbolise la transcendance, le monde spirituel, le monde métaphysique. Le point de rencontre des deux directions horizontales et verticales constitue un centre par où s'établit la "communication" entre le domaine de la manifestation et le monde divin. Cette configuration est compatible avec le système dual des énergies tangentielles et radiales décrit par Teilhard. Autrement dit, la spiritualité chrétienne n'a rien à voir au seul déploiement des réalités terrestres et l'évolution n'est pas seulement la transformation des choses dans l'espace et dans le temps. Le centre de la croix, en fait, est le siège d'un rayonnement qui concerne tous les êtres situés dans le plan horizontal de l'immanence. Dans cette configuration, l'éloignement du centre correspond à la "chute originelle" qui est rupture avec l'Unité, tandis que la Rédemption est le retour au centre, donc à l'Unité principielle. L'autre face de l'évolution se situe donc hors de l'espace - temps ce qui bouscule toute une logique naturelle dont Teilhard fut le contempteur. Le mot "évolution" est en fait un symbole comme toute chose est symbole c'est-à-dire une entité immanente (ici une transformation) qui à sa réalité en Dieu. Cette fonction rayonnante du centre de la croix est unifiante, attractive et hiérarchisante. Elle apparaît dans de nombreux textes scripturaires dont je cite les principaux : "Et moi quand j'aurai été élevé de la terre, j'attirerai tous les hommes à moi" (Jean XII, 32)
"Nul ne peut venir à moi, si le Père qui m'a envoyé ne l'attire" (Jean VI, 44)
Caïphe prophétise que Jésus devait mourir "afin de réunir en un seul corps les enfants de Dieu qui sont dispersés" (Jean XI, 52)
Ce double mouvement intemporel d'éloignement et de retour au Centre est analogue aux deux phases de la respiration ou encore aux pulsations du cœur. Là encore nous faisons apparaître un symbole de vie, un symbole d'espérance qui transcendent les interactions entre les éléments du monde terrestre. "Mon Royaume n'est pas de ce monde" (Luc XVII, 20) d'où le rôle et la signification de la Croix. Porter sa croix ne signifie donc pas, d'un point de vue métaphysique, supporter les épreuves de la vie dans une perspective morale et psychologique, ne considérer que ce qui constitue un progrès vital à notre convenance, mais établir une communication avec ce Centre que Teilhard appelle le point Omega. Or c'est cette communication mystique qui manque à notre monde actuel.

Pour approfondir ce thème de la Croix du Christ, je me réfère à la réflexion de Mgr Pierre Debergé, ancien recteur de l'Institut catholique de Toulouse, SBEV, Bulletin Information Biblique n° 76 (juin 2011) p. 1 qui s'en remet aux lettres de Saint Paul.

Rien ne disposait Paul à devenir l'apôtre des nations et le messager de l'Evangile de Jésus-Christ crucifié et ressuscité. C'est dans sa rencontre avec Celui qu'il persécutait qu'il lui a été donné de comprendre que Jésus qu'il croyait, "maudit de Dieu" était, en réalité, son Fils, un Fils parfaitement "obéissant jusqu'à la mort sur la croix… élevé au rang de Seigneur de l'univers (Ph 2,9-11). Sur le chemin de Damas, Dieu a, en effet, "ôté le voile" qui empêchait Paul de voir sa gloire sur le visage du Christ Jésus crucifié. Dans le "dévoilement" du Fils (Ga 1,13-17), il a perçu le sens de la croix et la gratuité radicale de l'initiative de Dieu à son égard. Parce qu'il lui a été révélé que la Passion est l'expression parfaite de l'amour du Christ pour son Père et pour l'humanité, en même temps que la révélation de la nature paradoxale de la toute-puissance du Dieu de Jésus-Christ, Paul a donc décidé de ne chercher que Jésus Christ crucifié, pour être crucifié avec lui : " Avec le Christ, je suis un crucifié. Je vis, mais ce n'est plus moi, c'est Christ qui vit en moi. Car ma vie présente dans la chair, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m'a aimé et s'est livré pour moi" (Ga 2,19-20). En conséquence, s'il sera dominé par l'annonce de l'évangile qu'il a reçu (1 Co 15,3-5), le ministère de Paul sera surtout déterminé par la révélation de la nature déconcertante de la puissance de Dieu qui se donne à voir dans la faiblesse de Jésus-Christ crucifié. Alors que la première tradition chrétienne évoquait la mort de Jésus, mais sans nécessairement s'attarder sur la nature de cette mort, l'insistance sur la mort de Jésus par crucifixion sera même un trait caractéristique de la prédication de Paul. Comme on le constate à la lecture des deux premiers chapitres de la 1ère lettre aux Corinthiens rédigée dans les années 53-54, Paul, pour la première fois, mettra en œuvre une "théologie de la croix" qui ne relève pas d'une construction intellectuelle ou d'une théorie religieuse, car la croix a "parlé" dans son existence, lorsque Dieu s'est révélé à lui sous la figure d'un crucifié.
Pour bien saisir les enjeux de la théologie de la croix que Paul va élaborer, il n'est peut-être pas inutile de rappeler que la communauté de Corinthe était confrontée à de multiples problèmes, mais ce qui par-dessus tout semblait inquiéter l'apôtre, c'était l'existence de tensions identitaires au sein de la communauté (1 Co 1, 11). Chaque groupe en présence se référait, semble-t-il, à une figure fondatrice qui donnait une orientation particulière à l'expression de sa foi : Paul, Apollos ou Céphas (1 Co 1,12). Or, devant ces divisions, conséquence d'une trop grande importance accordée à la parole, à la connaissance ou à certaines manifestations de l'Esprit, que fait Paul ? Il plante la croix du Christ au milieu de la communauté déchirée de Corinthe : "Le Christ est-il divisé ? Est-ce au nom de Paul que vous avez été crucifiés ?" (1 Co 1,13)
A ceux qui sont divisés, Paul oppose ainsi un événement scandaleux qui n'offre, à cette époque, aucune possibilité de référence identitaire, puisque la crucifixion était le supplice le plus cruel et le plus infamant qui soit, celui que l'on réservait aux criminels et aux esclaves. Après avoir rappelé que l'unité de la communauté chrétienne n'a pas d'autre origine et fondement que la croix du Christ, l'apôtre consacre ensuite un long développement à la parole de la croix qui proclame sur Dieu le contraire de ce que les hommes conçoivent et comprennent habituellement de lui : "Le langage de la croix, en effet, est folie pour ceux qui se perdent, mais pour ceux qui sont en train d'être sauvés, pour nous, il est puissance de Dieu (…) Les Juifs demandent des miracles et les Grecs recherchent la sagesse ; mais nous, nous prêchons un Messie crucifié, scandale pour les juifs, folie pour les païens, mais pour ceux qui sont appelés, tant Juifs que Grecs, il est Christ, puissance de Dieu et sagesse de Dieu. Car ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes" (1 Co 1,18.22-25)
Bien qu'inséparable de la proclamation de la résurrection de celui qui est devenu, par elle, le Crucifié, la parole de la croix, est, pour l'apôtre Paul, un "scandale" pour les Juifs et une "folie" pour les Grecs. Elle est un scandale, une pierre d'achoppement, parce que l'aspect sous lequel le Messie se présente est en totale contradiction avec l'attente des Juifs et les représentations qu'ils se faisaient du Messie. La croix semble même être la preuve par excellence que Celui qui y est pendu ne peut être le Messie. La croix est une folie pour les Grecs au sens où ne peut prétendre être dieu, même au sens mythologique, quelqu'un qui subit une telle mort, infrahumaine, réservée aux esclaves.
L'événement de la croix heurte ainsi de plein fouet les deux cultures, grecque et juive. C'est un défi pour la raison puisque la croix proclame la puissance de Dieu là où la sagesse des hommes ne perçoit que l'impuissance et l'échec. C'est un non-sens apparent, une aberration, qui rejoint l'humanité - représentée ici par les Grecs à la recherche de la sagesse et les Juifs qui attendent de Dieu des signes de puissance, dans sa quête de vérité en faisant éclater les limites de la sagesse et de la piété, surtout lorsqu'à travers elles les hommes prétendent identifier Dieu, et par là se sauver eux-mêmes ou se poser comme leur propre fondement. La croix "scandalise tout ce qui mesure (et c'est la folie même) les choses divines à la mesure du visible et de l'humain"
A la lumière de la Résurrection, la mort de Jésus sur la croix, comprise par les hommes comme signe de faiblesse et d'anéantissement, met donc en échec toutes les représentations divines que l'être humain peut se faire, en même temps qu'elle donne accès à une nouvelle connaissance de Dieu (1 Co 1,23-25 ; 2 Co 13,4). Le Dieu que Juifs et Grecs croyaient connaître et dominer, est un Dieu qui se manifeste au cœur de l'humanité là où le plus horrible revêt, par la mort du Fils comprise comme mort d'oblativité (Ga 1,4 ; 2,20 ; Ph 2,8), la forme la plus extrême de l'Amour. Avec les conséquences qui en découlent pour la vie de l'Eglise et pour l'existence de chacun.
Pour illustrer les conséquences opérées par la parole de la croix pour la vie de l'Eglise, Paul indique ensuite aux chrétiens de Corinthe, comment, par leurs origines sociales ou leurs histoires personnelles, ils sont une illustration de la folie qui est au cœur de la prédication chrétienne : "Considérez, frères, qui vous êtes, vous qui avez reçu l'appel de Dieu : il n'y a parmi vous ni beaucoup de sages aux yeux des hommes, ni beaucoup de gens de bonne famille. Mais ce qui est folie dans le monde, Dieu l'a choisi pour confondre les sages ; ce qui est faible dans le monde, Dieu l'a choisi pour confondre ce qui est fort ; ce qui dans le monde est vil et méprisé, ce qui n'est pas, Dieu l'a choisi pour réduire à rien ce qui est, afin qu'aucune créature ne puisse s'enorgueillir devant Dieu" (1 Co 1,26-29)
Mais c'est aussi à l'intérieur de chaque communauté chrétienne, comprise comme Corps du Christ, que la parole de la croix fonde des exigences de fraternité, de solidarité, de communion et d'attention aux membres les plus faibles de la communauté "pour lesquels le Christ est mort" (1 Co 8,11). La manière dont Paul, dans la lettre aux Philippiens, relie sa bouleversante exhortation à l'humilité et à l'unité au Christ qui s'est abaissé et humilié en est une très belle illustration : "Ayez un même amour, un même cœur ; recherchez l'unité, ne faites rien par rivalité, rien par gloriole, mais, avec humilité, considérez les autres comme supérieurs à vous. Que chacun ne regarde pas à soi seulement, mais aussi aux autres. Comportez-vous ainsi entre vous, comme on le fait en Jésus Christ : lui qui est de condition divine n'a pas considéré comme une proie d'être l'égal de Dieu, mais il s'est dépouillé, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes, et, par son aspect, il était reconnu comme un homme ; il s'est abaissé devenant obéissant jusqu'à la mort, à la mort sur une croix. C'est pourquoi Dieu l'a souverainement élevé et lui a conféré le Nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu'au nom de Jésus tout genou fléchisse, dans les cieux, sur la terre et sous la terre, et que toute langue proclame que le Seigneur, c'est Jésus Christ à la gloire du Père" (Ph 2,2-11)
En invitant chaque baptisé à se comporter au sein de sa communauté chrétienne dans la fidélité au Christ Jésus qui s'est abaissé et s'est fait obéissant jusqu'à la mort sur la croix, Paul entend poser ici le critère ultime et décisif pour une vie communautaire réellement chrétienne (Ph 2,5). A cet effet, il rappelle que la communion requise des baptisés ne peut être que le reflet de la communion trinitaire qui se révèle sur la croix. Il n'y a donc pas d'autre exigence pour le baptisé que de revêtir les sentiments du Christ qui, en s'abaissant et en s'humiliant a "tué le mur de la haine" (Ep 2,14-18) et réconcilié l'humanité avec Dieu et avec elle-même "en ayant établi la paix par le sang de la croix" (Col 1,20). La parole de la croix fonde ainsi un universalisme que l'on retrouvera dans la manière dont Paul construira des communautés où "il n'y a plus ni Juif ni Grec, ni esclave ni homme libre, ni l'homme et la femme" (Ga 3,28).
Enfin - c'est une autre forme d'universalité -, si "la croix est l'excès de la honte, elle est pour nous le témoignage que, quelle que soit l'abjection dans laquelle un homme puisse tomber, en elle il trouvera la croix du Christ, lui qui s'est abaissé, humilié, pour compatir avec lui"
Pour que ne soit pas réduite à néant la croix du Christ. C'est le troisième aspect de notre réflexion ; il s'inscrit dans le droit fil du développement de Paul qui, après avoir montré aux chrétiens de Corinthe comment ils incarnent le monde nouveau- né de la mort et de la résurrection du Christ, poursuit sa réflexion en évoquant sa venue à Corinthe : "Moi-même, quand je suis venu chez vous, frères, ce n'est pas avec le prestige de la parole ou de la sagesse que je suis venu vous annoncer le mystère de Dieu. Car j'ai décidé de ne rien savoir parmi vous, sinon Jésus Christ et Jésus Christ crucifié". Ce à quoi il ajoute "Aussi ai-je été devant vous faible, craintif et tout tremblant ; ma parole et ma prédication n'avaient rien des discours persuasifs de la sagesse, mais elles étaient une démonstration faite par la puissance de l'Esprit, afin que votre foi ne soit pas fondée sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu" (1 Co 2,3-5)
Voilà qui montre que l'orientation de la réflexion de Paul sur le Christ, mort crucifié et ressuscité, avec ses conséquences par rapport aux représentations que l'on se fait de Dieu et à la vie des communautés chrétiennes, éclaire aussi la manière dont l'apôtre envisage son ministère, notamment en s'interdisant toute annonce de l'Évangile qui risquerait de le réduire à un simple discours de sagesse humaine : "Le Christ ne m'a pas envoyé baptiser, mais annoncer l'Évangile, et cela sans recourir à la sagesse du discours pour que ne soit pas réduite à néant la croix du Christ" (1 Co 1,17 ; 2,3-5). C'est la raison pour laquelle Paul défendra farouchement l'Évangile qu'il a reçu (Ga 1,6-9 ; 2,14ss) contre ceux qui, trahissant l'œuvre salvifique du Christ, en prônant surtout le retour à la loi de Moïse, annoncent des évangiles qui ne sont pas conformes à cet Evangile dont il ne cesse d'approfondir les conséquences pour l'humanité.
C'est aussi pour cela qu'à la lumière de la croix Paul interprètera les échecs et les épreuves qu'il rencontre. Ils sont un des lieux privilégiés de la configuration de l'apôtre au Christ et de la participation à son œuvre salvifique : "Sans cesse nous portons dans notre corps l'agonie de Jésus" (2 Co 4,10). Et l'auteur de la lettre aux Colossiens écrira : "Je trouve maintenant ma joie dans les souffrances que j'endure pour vous, et je complète ce qui manque aux tribulations du Christ en ma chair pour son corps qui est l'Église" (Col 1,24). Il n'en est pas moins vrai que s'ils sont l'occasion, pour l'apôtre, de communier aux souffrances du Christ sur la croix, les épreuves, les faiblesses et les échecs sont surtout le lieu où l'apôtre peut expérimenter la présence du Ressuscité et la puissance de l'Amour de Dieu qui console et rend fort (2 Co 1,3-5). D'autant plus que "nos détresses d'un moment sont légères par rapport au poids extraordinaire de gloire éternelle qu'elles nous préparent. Notre objectif n'est pas ce qui se voit, mais ce qui ne se voit pas ; ce qui se voit est provisoire, mais ce qui ne se voit pas est éternel" (2 Co 4,17 ; Rm 8,18).
Pour Paul, tel est le grand mystère de l'Annonce de l'Évangile : c'est dans la faiblesse et la pauvreté des situations que la puissance de Dieu peut donner toute sa mesure (1 Co 1,26ss ; 2 Co 4,7-10). C'est aussi le mystère de toute vie baptismale et de tout apostolat où, au plus profond de sa misère, de sa faiblesse, de ses échecs et de ses souffrances, s'impose la nécessité d'accueillir l'œuvre de la toute-puissance divine : "À ce sujet, par trois fois, j'ai prié le Seigneur de l'écarter de moi. Mais il m'a déclaré :'Ma grâce te suffit ; ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse afin que repose sur moi la puissance du Christ'. Donc, je me complais dans les faiblesses, les insultes, les contraintes, les persécutions et les angoisses pour le Christ. Car lorsque je suis faible, c'est alors que je suis fort" (2 Co 12,8-10).
Que dire en conclusion ? Que la croix, dans l'œuvre de Paul, est toujours en référence avec le Ressuscité ou le Seigneur de Gloire. Comprise comme "parole de la croix", elle porte avec elle un langage qui n'est pas de négativité, puisqu'il s'inscrit toujours dans un contexte d'amour (Ga 2,21), de réconciliation (Col 1,28), de paix (Ep 2,14-18), de justice, de sanctification et de délivrance (lCo 1,30). La croix a ainsi, dans l'œuvre de Paul, une fonction de révélation qui fait qu'à l'amour de Dieu manifesté par et sur la croix (Rm 8,31-39), le baptisé est invité à répondre dans un même élan d'amour et d'oblativité.
Mais, parce que la foi au Christ, crucifié et ressuscité comporte - et comportera toujours - un aspect de "scandale" et de "folie", on comprendra que la révélation chrétienne et l'existence du baptisé soient, pour Paul, irrémédiablement marqués du double sceau de la contradiction et de l'espérance qui lui est intimement liée, et qui fonde une manière particulière d'habiter la condition humaine (2 Co 4,8ss).

Lire plus

La frontière entre l'homme et l'animal

Le Pas de la Vie
Soit par arrangement des parties, soit par acquisition d'une dimension de plus, rien n'empêche que le degré d'intériorité propre à un élément cosmique ne puisse varier au point de s'élever brusquement à un palier nouveau. La Vie à la surface de la Terre juvénile est un étonnant spectacle, un jet en avant de la spontanéité, un saut dans l'improbable, une explosion d'énergie interne consécutive et proportionnée à une super organisation fondamentale de la Matière. La Vie élémentaire est une multitude d'éléments différenciés qui forme un tout structurellement et génétiquement solidaire. Elle se propage comme une pulsation solitaire et une onde unique jusqu'à l'Homme.
A la base du processus d'enveloppement de la Vie, se place le mécanisme de la Reproduction. C'est une première brèche dans l'inorganisé. Ensuite on découvre le merveilleux procédé de la Conjugaison qui décrit la dualité des sexes, puis les combinaisons infinies de caractères. C'est sur les groupements de grosses molécules qu'ont apparu les premiers êtres vivants constitués d'une seule cellule. A une époque très proche de leurs origines, un clivage important a dû se produire, clivage séparant les proto Plantes (à nutrition chlorophyllienne) des proto Animaux (parasites des premières).Dégagé de l'énorme tronc des Végétaux sur lequel il s'enroule, le monde animal des Métazoaires laisse émerger deux tiges principales : celle des Arthropodes à squelette externe et celle des Vertébrés à squelette interne.
Puis est apparu plus tard le groupe dominateur des Tétrapodes marcheurs d'où émergent trois sous-groupes : Amphibiens, Reptiles et Mammifères. Là il faut trouver un fil conducteur. Il est fourni par la structure, l'agencement et la perfection des neurones cérébraux. L'axe principal de cérébralisation passe par la branche des Mammifères et présente un processus actif de complexification, flèche de l'Arbre de la Vie. Plus précisément l'axe de céphalisation passe par l'ordre des primates et plus exactement par la famille des Anthropoïdes. Chez eux les hémisphères cérébraux, chargés de sillons et de circonvolutions, recouvrent complètement le cervelet, d'où augmentation du volume de la tête. Si l'on tient compte de la distribution et de la fréquence des fossiles connus, on constate une intense activité de multiplications et de mutation chez des Anthropoïdes variés, vers les débuts du Pliocène, sur une large bande tropicale et subtropicale. Alors apparaît la Pensée !!
Tout se déroule durant un temps très long, comme si une énergie mystérieuse chargée d'information, avait inexorablement fait surgir depuis l'infime un toujours plus de Vie. En fait l'Homme, être pensant et clé de l'Univers, était en préparation dès l'aube des temps. Il ouvre aussi la porte sur le mystère de son Auteur. La Création et l'Evolution du Monde ne peuvent être, selon ces hypothèses, le seul fruit du Hasard qui est caprice et discontinuité. Par sa pensée réfléchie, l'Homme n'est pas seulement différent mais autre. On dit que la Vie est montée de conscience et que toute la Biogénèse se résume et se clarifie en ce point singulier qu'est l'être humain.
Pour déboucher sur une telle réalisation, l'Energie universelle doit prendre la forme d'une Energie Pensante. On peut évoquer la présence d'une transcendance dont l'action continue soulève l'Univers par le dedans. En se remémorant les fouilles dans les cavernes d'où il exhumait des vestiges de l'art religieux, Teilhard entrevoit Dieu penché sur le miroir de la Terre devenu intelligent et empreint d'une suprême Beauté. Il saisit alors que l'histoire humaine est essentiellement une histoire religieuse. La nature du lien qui unit Dieu et l'Univers pensant a pour nom : l'Amour. Pour Teilhard, l'Amour est la plus universelle, la plus formidable et la plus mystérieuse des énergies cosmiques.

La démarche évolutionniste
Union et différentiation sont deux mots clés chez Teilhard. Entre les deux infinis que
sont l'immensité cosmique et le monde subatomique, se situe un troisième infini : celui de la complexité. Pour lui la "montée de la complexité" a permis, par étapes successives, de passer de la matière inerte à la matière vivante, jusqu'à l'apparition de l'homme pensant, l'hominisation et la socialisation.
Dans le mouvement de la matière - énergie, il a perçu dans une profonde méditation, un travail immense d'enfantement des choses de la vie terrestre, qui ne cesse de produire de la complexification dans un dessein de convergence vers la perfection et d'unification du multiple qu'il désigne sous le nom de point Omega. La mondialisation doit être conçue comme une manifestation des "aspirations unitaires de l'univers autour de nous".

"Du point de vue expérimental qui est le nôtre, la Réflexion, ainsi que le mot l'indique, est le pouvoir acquis par une conscience de se replier sur soi, et de prendre possession d'elle-même comme un objet doué de sa consistance et de sa valeur particulière : non plus seulement connaître, mais se connaître. Non plus seulement savoir, mais savoir qu'on sait. Par cette individualisation de lui-même au fond de lui-même, l'élément vivant, jusque- là répandu et divisé sur un cercle diffus de perceptions et d'activités, se trouve constitué, pour la première fois, en centre ponctiforme, où toutes les représentations et expériences se nouent et se consolident en un ensemble conscient de son organisation"
(Phénomène humain I, 181)
Le point de convergence Oméga est le Christ qui vient : telle est la grandiose et discutable intuition de Teilhard qui fait que l'Evolution créatrice se situe de Alpha (commencement) à Oméga (accomplissement), ce dernier attirant le monde en construction et en devenir. Il s'agit d'un "Christ Evoluteur" qui féconde par son Amour et sa Croix, l'humanité et l'ensemble du cosmos. Dans cette perspective

Le statut de l'animal
Pour situer la place de l'animal par rapport à l'homme, je ferai les remarques suivantes qui s'inscrivent, non dans une recherche scientifique au sens de Popper, mais dans une heuristique philosophique.
1- L'humain est caractérisé par l'existence d'une conscience réflexive : l'homme sait qu'il sait ; il n'en va pas de même de l'animal. Celui-ci ne sait donc pas qu'il souffre. Se pose alors une question : Comment l'animal ressent-il l'angoisse, la peur, le désir et toutes émotions et sensations ?
2- Mon fils avait un terrier tibétain. Une nuit j'ai assisté à la scène suivante : Nous étions tous en famille en chambre d'hôtes y compris le chien. Ce dernier chaque nuit avait l'habitude de japper au moindre bruit nocturne. Cette fois-là il resta parfaitement muet car il semblait apprécier d'être couché sur mon lit et semblait juger que le son de sa voix lui aurait coûté cette confortable place dont il était généralement privé. La morale de l'histoire est que le chien semble être capable d'analyser une situation et choisir le comportement le plus favorable pour lui. Notre analyse à nous sur un événement de ce type est bel et bien un anthropomorphisme et j'y reviendrai plus loin.
3- Il n'existe pas une science de la vie, c'est vrai ; mais les progrès de la physique quantique nous livrent quelques clés de l'organisation du monde…et encore beaucoup de mystères ! On a raison de parler de relation et certains philosophes utilisent le mot : enchevêtrement. Il me fait penser à la notion d'intrication quantique qui, à un niveau très subtil (celui des particules subatomiques), évoque une idée de correspondance mystérieuse entre particules même très éloignées après avoir subi une interaction. Alors il est permis d'émettre des hypothèses sur les mystérieuses relations au niveau de la matière vivante à une échelle très réduite. Mais dans le monde des expérimentations actuelles sur la matière, nous nous heurtons au mur de Planck au-delà duquel rien ne nous est révélé sinon une place pour des réalités de nature métaphysique. Il faut donc s'engager dans cette direction.
4- Je conçois personnellement le monde comme un univers de type feuilleté et j'emploie le terme : superposition pour désigner l'état de certains mondes intermédiaires qui justement se recouvrent sans continuité ni passerelle phénoménologique mais qui entrent subtilement en correspondance par un effet d'analogie. Ces mondes ont leurs entités propres et leurs lois propres mais ils se ressemblent du point de vue phénoménologique. C'est d'une façon particulière que le sujet est confronté à ses expériences, ce qui exclut toute compréhension d'un phénomène de niveau n par un observateur de niveau n+1. Cet anthropomorphisme que j'ai cité plus haut n'est en définitive qu'une vision de nature analogique qui enseigne que l'animal reproduit des gestes humains dans un contexte vital de nature bien différente.
5- Je pense que le récit de la Genèse nous donne une idée du monde créé qui va dans le sens de ce que j'ai présenté comme modèle. Dieu créa l'homme à son image et sa ressemblance implique que la nature est modélisée sous cet aspect de correspondance analogique entre les différents niveaux de complexité qui constituent la création. Ainsi l'animal, à des degrés divers, est à l'image de l'homme sans s'identifier à lui dans une quelconque caractéristique physique et mentale. Mais cette affirmation impose que l'on raisonne au-delà du "mur de Planck". Au niveau du simple macrocosme, il est bien connu que l'animal peut nous ressembler !
6- Les évangiles ne disent rien sur la souffrance de l'animal ni sur les devoirs de l'homme vis-à-vis de l'animal. Mais il est raisonnable de penser que faire souffrir l'animal peut provoquer chez l'homme des sentiments opposés à toute charité authentique.

Lire plus

Le phénomène chrétien d'après le livre de Teilhard de Chardin: "Comment je crois"

Il est indéniable que la problématique des commencements nous échappe, tant sur le plan de la formation du monde matériel que sur l'avènement du vivant, le premier humain et le premier outil sont à jamais perdus. Nous ne pouvons faire des hypothèses que loin des origines. L'aube de la spiritualité n'échappe pas à cette règle.
L'homme a pu contempler depuis toujours le ciel et les nuits semées d'étoiles, le soleil qui réchauffe et qui éclaire comme le feu qu'il a dompté. Il a pris conscience de la mort qui enlève mystérieusement l'être présent et aimé. Il a découvert l'absence, mais il a pu admirer l'étrange apparition d'un nouveau vivant expulsé du ventre de sa mère. Cette nature qui le domine et la conscience qu'il a de lui-même le conduisent insensiblement à la réflexion sur l'organisation du monde et le mystère qui enveloppe toute chose. Du chasseur de l'âge de pierre aux grands physiciens de l'époque moderne, s'est déroulée toute une série de mutations dans la relation entre l'homme et son Créateur, qui va de la reconnaissance de la toute puissance protectrice de Dieu à une forme régressive de la spiritualité représentée par la fameuse "déclaration des droits de l'homme". Pour parler comme Teilhard, disons que le centre spirituel de tout homme créé ne serait-il pas inconsciemment relié dès sa conception à tous les autres centres et plus précisément à une toute puissance divine qui envelopperait subtilement la noosphère dans l'attente du plérôme.
L'homme de la préhistoire a conscience de cette puissance dominatrice de la nature et des hommes. Les rites d'inhumation des derniers survivants des peuples de chasseurs de l'âge de pierre sont moins élaborés que ceux de l'homme de Neandertal, mais la spiritualité imprègne leur vie quotidienne. Dans son émouvant recueil intitulé : Pieds nus sur la terre sacrée, l'ethnologue américain : J Mc Culloch rapporte les propos, datant de 1911, d'un indien Dakota sur la prière :

"Dans la vie de l'Indien, il n'y a qu'un devoir inévitable - le devoir de prière - la reconnaissance quotidienne de l'invisible et de l'éternel. Ses dévotions quotidiennes lui sont plus nécessaires que sa nourriture de chaque jour. Il se lève au petit jour, chausse ses mocassins et descend à la rivière. Il s'asperge le visage d'eau froide ou s'y plonge entièrement. Après le bain, il reste dressé devant l'aube qui avance, face au soleil qui danse sur l'horizon, et offre sa prière muette. Sa compagne peut l'avoir précédé ou le suivre dans ses dévotions mais ne doit jamais l'accompagner. Le soleil du matin, la douce terre nouvelle et le grand silence, chaque âme doit les rencontrer seule !
Chaque fois qu'au cours de sa chasse quotidienne, l'homme rouge arrive devant une scène sublime ou éclatante de beauté - un nuage noir chargé de tonnerre avec l'arche étincelante d'un arc-en-ciel au-dessus d'une montagne, une cascade blanche au cœur d'une gorge verte, une vaste prairie teintée de rouge sang d'un couchant - il s'arrête un instant dans la position d'adoration. Il ne voit pas le besoin de distinguer un jour parmi les sept pour en faire un jour saint puisque pour lui tous les jours sont de Dieu."

Certes le monde a profondément changé et semble, du point de vue phénoménologique, avoir suivi, tout au moins chez l'homme occidental, un chemin de régression. Un souvenir me vient subitement à l'esprit. Au beau milieu du XX e siècle, conjointement à mes études universitaires, j'exerçais des fonctions d'encadrement dans un internat catholique. L'enseignement religieux dispensé à l'époque et les offices réguliers maintenaient dans les esprits une religiosité non remise en cause. Ainsi le règlement imposait que chaque surveillant rassemble ses élèves le soir pour la prière commune. Ce que je garde en mémoire c'est l'ambiance particulière qui régnait durant ces quelques instants. Grâce au fait que tous ces jeunes acceptent sans polémique une telle tradition disparue, je ressentais un profond apaisement. Nous ne célébrions pas l'arrivée du jour comme cet Indien Dakota, mais la profondeur du silence après une journée active voire conflictuelle parfois. La prière était vécue comme une réconciliation collective et une union avec le monde invisible, prélude à la nuit où tout s'oublie et se fond dans l'attente d'un sommeil réparateur.

L'expérience religieuse, dans ce qu'elle a de radical et de plus intime, se dérobe à toute forme d'explication la réduisant à une simple réalité psychologique, anthropologique, sociologique et historique. Elle émerge dans la conscience dés l'origine de l'humanité comme donnée première, irréductible à toute autre. Le développement des cultures va multiplier les figures au travers desquelles cette expérience tentera de s'exprimer : ce sont les religions. Mais cet habillage culturel ne réussira jamais à masquer le fait premier de cette Donation, surgissant comme venue d'ailleurs dans une conscience d'homme. On se trouve là aux limites de la rationalité qui rend l'homme incapable de penser sa spécificité. La foi religieuse n'est pas de l'ordre de la connaissance et du savoir. Elle est une attitude générale face à la vie, une prise de position vitale par rapport à cette donation, comme fut le fiat de Marie en réponse à l'annonce de l'ange. La foi est reconnaissance du mystère de l'être et adhésion à ce mystère.
Cette prise de position n'est pas propre au christianisme. On la retrouve dans toutes les religions ou sagesses philosophiques en quête d'une transcendance ou d'absolu. Il existe donc dans toutes les religions même les plus archaïques et les plus primitives un élément commun ; ce qui fait dire à certains : "toutes les religions se valent !". Cependant toutes les religions ne sont pas équivalentes ; catholique signifie universel. Elles sont étroitement dépendantes des terreaux culturels sur lesquels elles ont pris naissance. Au-delà de la quête de transcendance qui leur est commune, elles ne répondent pas aux mêmes défis sur les plans sociologiques, anthropologiques, historiques, etc. Leurs corpus religieux se trouvent diversement influencés et interpellés par les nouveaux savoirs acquis au cours de l'Histoire. D'où l'importance des sciences humaines dans la recherche théologique en général, et celle en particulier qui mettra en évidence l'originalité du christianisme et sa cohérence par rapport aux autres aspects de la Connaissance.
 Dans son intimité, Dieu est d'abord "RELATION". La doctrine de la Trinité, en langage humain, enseigne que cette relation est faite d'amour ; et c'est parce Dieu est relation d'amour en lui-même qu'il l'est aussi dans son rapport à la Création. Au sein de cette création, l'homme est alors considéré comme personne et non seulement comme individu.
 Dans le christianisme, importance est donnée à l'Histoire : celle qui évoque la révélation divine, l'événement de l'Incarnation du Verbe divin dans l'homme, qui comporte une longue préparation dans le temps, les douze siècles de l'histoire d'Israël, le mystère de l'Alliance toujours renouvelé. Cet événement, qui a pour mission de transmettre la "Bonne Nouvelle" à toutes les nations de la terre, représente déjà là une sorte de mondialisation, contribuant à l'édification du corps Total du Christ.
 Importance est donnée également à l'INTERPRETATION. La croyance chrétienne ne porte pas d'abord sur un texte, mais sur un événement historique dont la nature d'événement singulier, protéiforme, paradoxal, mystérieux, nécessite le recours à l'utilisation de toutes les méthodes de l'exégèse moderne.
 Les progrès de la Science ont mis en évidence la notion de complexité. Celle-ci se trouve au cœur de la relation de l'homme à Dieu, mais aussi de la relation avec les autres. La complexité est inhérente à l'histoire humaine faite d'un nombre considérable d'interactions qui s'inscrivent dans le cadre de toutes les dualités. La complexité est mise en évidence chaque fois que la logique formelle se trouve piégée par la nature du Réel. On a alors recours à des formules surprenantes et paradoxales, les "oxymores", jouant surtout sur les images suggestives : Dieu est à la fois Un et Trois, proche et lointain, absent et présent, tout-puissant et faible, Jésus vrai Dieu et vrai homme, le salut qui est donné mais qui reste à venir, pur don de Dieu mais que les hommes ont à construire, une Eglise sainte mais pécheresse et sans cesse à réformer.

La pensée chrétienne, surtout par la voix de ses mystiques, a su dire ces choses-là, mais comment apprendre à penser cette complexité afin de construire un monde toujours plus compliqué en raison des impératifs de la mondialisation. Teilhard s'inquiète justement de l'état religieux du monde actuel (nous sommes en 1950)
"Car enfin, en toute et profonde vénération pour les paroles humaines de Jésus, est-il possible de ne pas observer que la Foi judéo-chrétienne continue à s'exprimer (et par force !) dans les textes évangéliques, en fonction d'un symbolisme typiquement néolithique ? (…) Dans un pareil Univers comment imaginer, sans contradiction psychologique, que le Monothéisme ait pu se traduire autrement qu'en termes de Dieu grand Chef de famille et suprême propriétaire du Monde habité ?
Or tel est précisément le cadre ou milieu mental hors duquel notre conscience moderne est en train d'émerger de plus en plus. Irrésistiblement, autour de nous, par tous les accès de l'expérience et de la pensée, l'Univers va se liant organiquement et génétiquement sur lui-même. Comment, dans ces conditions, le Dieu - Père d'il y a deux mille ans (un Dieu du Cosmos encore) ne se transfigurerait-il pas insensiblement, sous l'effort même de notre adoration, en un Dieu de Cosmogénèse, c'est-à-dire en quelque Foyer ou Principe animateur d'une création évolutive au sein de laquelle notre condition individuelle apparait beaucoup moins celle d'un serviteur qui travaille que celle d'un élément qui s'unit ?".
Mais il ne faut pas se bercer d'illusion et, pour les clercs, sombrer dans une espèce de populisme qui, pour éviter la réprobation du peuple de Dieu, ne cesse de proclamer que Dieu est amour et qu'il pardonne inconditionnellement toutes nos fautes. Le processus de la Cosmogénèse fondé sur cette union au Christ est profondément exigeant. Tout chrétien est appelé à suivre une voie qui est à l'image de celle de Jésus souffrant et mort sur une croix. En cela le Christianisme est bien loin de se réduire à des rites stéréotypés, à une morale sociale ou individuelle, et même à des pratiques de grande vertu et de sacrifice surhumain.
Pour moi, l'avenir du Christianisme est représenté par la voie de l'enfance spirituelle, celle pratiquée par sainte Thérèse de Lisieux. Celle-ci n'est pas de nature psychologique et n'a rien à voir avec un culte des états d'âmes ou de la soumission passive. Elle s'apparente à la "pauvreté en esprit" symbolisée par la "porte étroite" et le "trou de l'aiguille" dont il est question dans les évangiles. Il faut la situer au niveau ontologique. C'est un stade de "non expansion" où toutes les puissances de l'être sont concentrées en un point réalisant par leur unification une simplicité indifférenciée, apparemment semblable à la potentialité embryonnaire. Cet état d'enfance n'est encore que potentiel ou virtuel et il doit être actualisée par le Christ. A cet égard, il est comparable à l'état virginal de la Théotokos dont les virtualités doivent être actualisées par la descente du Logos ou de l'Esprit-Saint. Concrètement il s'agit d'un chemin de liberté, de sérénité, d'offrande de soi et d'abandon. Il est tout-à-fait compatible avec l'évolution évoquée par Teilhard dont on connaît l'attrait pour un Christ attracteur et amorisant. L'Eglise catholique romaine se doit de conformer son action pastorale et missionnaire à tout principe laissant l'homme grandir et se déculpabiliser.

Lire plus

SCIENCE ET PHILOSOPHIE

1- La science
Elle se présente comme une approche objective de la connaissance en forme de système, un ensemble de savoirs que l'on peut répartir en trois catégories :
- Les sciences de la nature : la physique, la chimie, la biologie, l'astronomie, l'astrophysique, etc. avec toutes leurs subdivisions internes. Elles tentent, par les moyens qui leur sont propres, d'expliquer les phénomènes naturels se rapportant à une région particulière de l'existence (la matière, le vivant, le cosmos). On distingue par exemple physique newtonienne et physique quantique qui se rapportent à deux mondes bien distincts composant la matière. Dans ce cas précis on doit distinguer le macrocosme et le microcosme au sein desquels les lois d'organisation sont totalement différentes. Les sciences de la nature s'appuient souvent sur les mathématiques qui leur confèrent leur cohérence en matière de logique rationnelle.
- Les sciences humaines ou sciences de l'esprit : histoire, linguistique, sociologie, psychologie, économie politique, ethnologie, etc. Elles tentent de comprendre la diversité des phénomènes humains. Elles s'appuient souvent sur un ensemble de données statistiques et sur les probabilités.
- Les sciences eidétiques (eidos en grec désigne les essences) : dans cette catégorie se placent la logique formelle et les mathématiques. Ces dernières constituent une science autonome ayant son langage propre décrivant des entités abstraites et les relations qui les font correspondre suivant les principes d'induction, de déduction et de récurrence. Les mathématiques ont la propriété fondamentale de procurer des modèles de pensée sensés rendre le monde intelligible.
Les mathématiques et les sciences physiques sont souvent appelées : sciences dures en comparaison avec les sciences ne reposant pas sur la rigueur de la logique formelle ; l'esprit n'est pas quantifiable ! Les problèmes que posent les sciences humaines sont très différents de ceux posés par les sciences de la nature.

On appelle épistémologie l'aspect de la philosophie qui est concerné par l'étude
des spécificités, des problèmes posés par une discipline scientifique. C'est une réflexion générale sur la science dont le but est la critique de l'origine logique de telle ou telle science ou telle ou telle hypothèse scientifique, sa validité et sa portée au sein de la Connaissance. On peut citer par exemple la fameuse théorie du Big Bang en cosmologie.

Il existe une immense diversité des sciences mais il convient de préciser ce qu'elles ont en commun. Selon le paradigme de l'objectivité, le savoir doit pouvoir être structuré suivant des théories dont la logique puisse s'imposer à tout esprit et être mis à l'épreuve, soit dans des démonstrations convaincantes pour ce qui est des sciences eidétiques, soit par la mise en évidence de faits précis notamment dans la relation à l'expérimentation pour ce qui concerne les sciences de la nature et les sciences humaines. Cela signifie que l'approche objective doit l'emporter catégoriquement sur toute représentation subjective, telle se présente le véritable esprit scientifique. Le paradigme de l'approche objective de la connaissance est historique dans sa constitution et son fonctionnement. Il caractérise notre civilisation occidentale depuis le XVIIe siècle. En effet, ce modèle culturel n'est pas unique dans l'histoire de l'humanité. L'esprit de notre temps veut que l'on parle le langage de la science comme il fallait parler dans la Grèce antique le langage de la philosophie, comme les hommes du Moyen Age parlaient le langage de la religion, comme beaucoup de peuples parlent le langage du mythe, comme les orientaux de tradition bouddhiste parlent le langage de l'illusion du monde et de son impermanence.

Il convient de remarquer que l'emploi courant de connaissance scientifique n'implique en rien que nous ayons une idée précise de la science ni du réel qu'elle est sensée décrire. Notre pensée, notre langage et nos techniques d'observation sont essentiellement limités. Nous ne possédons pas une conscience suffisamment claire pour briser le carcan de l'incomplétude qui est le propre de notre condition humaine dans le domaine de la recherche. Le Réel nous est inexorablement voilé.

En ce qui concerne l'objectivité, son empire est très varié. Ce qu'on est en droit d'attendre de l'objectivité en mathématiques, est très différent de ce qu'on doit attendre de l'objectivité en physique ou en histoire ou en psychologie. Chaque région de l'être nécessite une approche qui lui est particulière et qui lui convienne.

Il serait tout-à-fait illusoire de penser que les mathématiques constituent une science absolument parfaite du point de vue de la pure rigueur.
Les théorèmes d'incomplétude de Gödel sont deux théorèmes célèbres de logique mathématique, démontrés par Kurt Gödel en 1931 dans son article : "Sur les propositions formellement indécidables des Principia Mathematica et des systèmes apparentés". Énoncé de façon certes approximative, le premier dit essentiellement qu'une théorie suffisante pour faire de l'arithmétique est nécessairement incomplète, au sens où il existe dans cette théorie des énoncés qui ne sont pas démontrables et dont la négation n'est pas non plus démontrable : c'est-à-dire qu'il existe des énoncés que l'on ne pourra jamais déterminer en restant dans le cadre de la théorie. Sous le même genre d'hypothèses sur les théories considérées, le second théorème affirme qu'il existe un énoncé exprimant la cohérence de la théorie - le fait qu'elle ne permette pas de démontrer tout, et donc n'importe quoi - et que cet énoncé ne peut pas être démontré dans la théorie elle-même. À cause des hypothèses des théorèmes, toute théorie qui prétend formaliser l'ensemble des mathématiques, comme la théorie des ensembles, est concernée. Faut-il pour autant renoncer à ce qu'un discours mathématique ait une valeur de vérité universelle ? Sur quoi se fonder pour savoir s'il est cohérent, puisqu'il semble que l'on ne puisse y arriver par des moyens purement internes aux mathématiques ? Les théorèmes de Gödel ne donnent pas de réponse mais permettent d'écarter celles qui sont trop simples.
On en arrive alors à la notion d'axiome.
De toute façon toute théorie doit s'appuyer sur un langage procuré par une théorie qui la précède. Or peut-on définir le concept de droite, de parallélisme et d'orthogonalité ? C'est là que l'on reconnait les limites de notre condition humaine.
La science satisfait la soif de connaître en livrant à l'esprit des explications mais elle trouve son achèvement dans les pratiques de techniques les plus variées. La science met à notre portée des moyens extraordinaires de maîtriser la matière, de maîtriser la vie grâce aux neurosciences en particulier, de manipuler l'environnement, de domestiquer la nature ou de la détruire !! Il s'agit d'un bel instrument de puissance capable de transformer le monde. Cependant, comme nous le verrons, la vocation de la science ne s'arrête pas à cet aspect des choses en raison de l'unité du Monde.
2- Relation entre science et philosophie
La relation est bi - univoque. La philosophie joue son rôle de critique vis-à-vis de la science et réciproquement cette dernière peut féconder la philosophie d'une manière que l'on développera plus loin. La philosophie ne se range pas à côté des autres sciences et elle ne se définit pas par un objet spécifique. La philosophie est concernée par le sujet lui-même, faisant un retour sur soi pour mieux se comprendre et sa vocation est par nature englobante.
Dans sa théorie sur l'évolution, Teilhard de Chardin évoque cette possibilité pour l'homme de prendre possession de soi grâce au pas de la réflexion. L'homme sait qu'il sait et il est capable de porter des jugements de valeur sur ce qu'il sait.
Ainsi Teilhard insiste sur l'importance à ses yeux, de la Centralité, c'est à dire de la conscience propre à l'Homme d'un dedans des choses. D'où la loi de complexité-conscience (structure de la personnalisation) qui caractérise la Centro genèse.
Ce Centre est toujours devant nous, il s'épanouit en Oméga. Teilhard souligne "cette obstination instinctive de la pensée humaine à vouloir réduire le monde à l'unité" et à notre conviction naturelle à croire "l'Univers intelligible dans la totalité de son développement". Dans un autre texte, il parlera de la "nostalgie de l'Unité". Notre réflexion nous porte toujours à "faire un pas de plus, en avant". Nous sommes perpétuellement en quête de "l'Etre", mais en recherche"non pas d'une Métaphysique abstraite, mais d'une Ultra-physique réaliste de l'Union".
Il y a continuité entre l'étape de la Vie et celle de la "structure granulaire (atomique, moléculaire) de l'Univers", en tant que Matière. A ce titre "la Conscience est, en d'autres termes, une propriété moléculaire universelle (super-molécule)"
Mais par son extrême complexité, l'Homme ("flèche de l'Evolution"), ajoute à une énergie physique, une énergie psychique propre, fruit de sa liberté et de sa conscience réflexive. Ce centre psychique le fait accéder au dedans des choses : plus d'intériorité, donc de centréité (âme). "L'Univers se découvre traversé et mu par un flux de centration". Dans la Centro genèse, il y a, non pas opposition mais coïncidence entre le Personnel et l'Universel ! Les rapports de la matière et de l'esprit en sont bouleversés.
Les deux aspects du Réel, spirituel et matériel, s'appellent nécessairement et complémentairement l'un l'autre, comme les deux faces d'un même objet. A côté d'une Réalité matérielle, visible et phénoménale, il y a une Réalité spirituelle, invisible et pour ainsi dire virtuelle ! A strictement parler la Matière n'existe pas. Elle résulte de l'effet du phénomène de décohérence quantique propre à l'observation macroscopique. De ce point de vue, il n'y a dans l'Univers, que de l'Esprit, à des états ou degrés divers d'organisation ou de pluralité.
Toute connaissance fait partie de la philosophie, pour autant qu'elle fait retour sur soi et se repense au sein de la Totalité de l'Être.
3- Influence des sciences sur la philosophie
Durant le XXe siècle, beaucoup de savants empruntèrent un chemin de pensée en amont de leur spécialité. Un des plus connus fut Bernard d'Espagnat. Depuis la fin des années 1960, il s'est distingué par ses travaux sur les enjeux philosophiques de la mécanique quantique et en particulier par sa conception du réel voilé qui constitue une approche originale du réalisme en physique. Notons aussi l'austro - américain Lothard de Schäfer qui publia un livre intitulé : "In search of divine Reality" ! Citons encore Fritjof Capra qui, dans son ouvrage : "Le Tao de la physique", mit en évidence les corrélations entre les lois de la physique quantique et la phénoménologie se rapportant à la mystique orientale et à la sagesse traditionnelle des peuples extrême-orientaux. " L'univers est engagé dans une danse cosmique ininterrompue. C'est un système composé d'éléments inséparables, sans cesse en mouvement, animés par un continuel processus d'interaction. L'observateur en fait partie intégrante. Ce système reflète une réalité, située au-delà du monde de la perception sensorielle ordinaire, il implique des dimensions plus vastes et transcende le langage ordinaire et la logique raisonnante."
N'oublions pas Pierre Teilhard de Chardin. Scientifique de renommée internationale, considéré comme l'un des théoriciens de l'évolution les plus remarquables de son temps, Il est à la fois un géologue spécialiste du Pléistocène et un paléontologiste spécialiste des vertébrés du Cénozoïque. L'étendue de ses connaissances lui permet de comparer les premiers hominidés, tout juste découverts, aux autres mammifères, en constatant l'encéphalisation propre à la lignée des primates paléoanthropologues. Dans Le Phénomène humain, il trace une histoire de l'Univers, depuis la pré-vie jusqu'à la Terre finale, en intégrant les connaissances de son époque, notamment en mécanique quantique et en thermodynamique. Il ajoute aux deux axes vers l'infiniment petit et l'infiniment grand la flèche d'un temps interne, celui de la complexité en organisation croissante, et constate l'émergence de la spiritualité humaine à son plus haut degré d'organisation. Avec Teilhard, matière et esprit ne sont plus que deux faces d'une même réalité. En tant que prêtre de la Compagnie de Jésus, il donne un sens à sa foi en l'incarnation du Christ, à la dimension de la cosmo genèse et non plus à l'échelle d'un cosmos statique comme l'entendait la tradition chrétienne.

Quels sont, sur le plan théorique, les qualités de l'esprit scientifique qui peuvent contribuer à une authentique formation de la pensée ? On en relève quatre :
a/ L'approche objective de la connaissance doit donner libre cours à la curiosité intellectuelle, au désir de connaître, l'étendue de la recherche se révélant illimité. Gaston Bachelard a écrit : "Il n'y a de science que du caché". L'amour de la vérité ne doit pas se confondre avec le besoin de sécurité dans les vérités définitives. Bachelard dit encore : "Quand nous désirons savoir, c'est pour mieux interroger, non pas pour dormir dans des opinions arrêtées, fussent-elles étiquetées de scientifiques".
b/ Toute recherche sérieuse et dynamique exige implicitement un sens aigu de l'esprit critique. Celui-ci représente l'art de bien juger en discriminant le vrai du faux, l'objectif et le subjectif, le certain et l'incertain, le commun et le paradoxal, etc. Toute croyance doit être mise à l'épreuve de l'expérience autant de fois que le contexte l'exige.
c/ Ce qui est particulier à l'approche objective des sciences, c'est qu'elle suppose que les preuves scientifiques soient strictement logiques et formulées en langage mathématique ou tirées de l'expérimentation comme c'est le cas en physique, chimie, biologique, etc. On ne peut se baser sur une pure conviction intellectuelle dans un principe d'autorité qui serait extérieur à l'esprit authentiquement scientifique
d/ Toute formation scientifique doit apprendre l'indépendance du jugement, le désintéressement qui fait que le chercheur reste avant tout soucieux de la vérité, l'humilité devant l'immense complexité de la nature, la probité intellectuelle qui engage à s'assurer de la validité d'une hypothèse et à respecter une certaine déontologie scientifique.
Ainsi la philosophie est partout présente dans les sciences car elle est à l'origine des questions que la science adresse à la nature et aussi des questions qui relèvent du comportement humain face au progrès et à toutes les énigmes restant encore sans réponse. Réciproquement, la pratique de la méthode scientifique confère à l'esprit humain une saine formation à la rigueur et à la vertu, qui lui sera utile dans l'exercice de ses activités professionnelles et sociologiques. Plus généralement la logique et la rigueur imposées par cette formation auront une répercussion certaine sur tout spéculation de nature philosophique.

4- Le monde mystérieux des archétypes

a/ Le regard de notre esprit
Un archétype en psychologie analytique est un concept créé par Carl Gustav Jung qui désigne une structure psychique a priori, un symbole universel qui sert de modèle idéal à une entité structurelle d'un ordre plus élevé ou, comme l'aurait dit Teilhard, à un élément cosmique de la noosphère. Elle réside dans l'inconscient de tout être humain et possède un caractère très précis, unique, immuable et permanent. Elle ne représente pas le Réel mais un ensemble de liaisons logiques dans le domaine de la pensée universelle. La noosphère est comparable à une fractale. Une fractale désignant des objets dont la structure est invariante par changement d'échelle. Au bas de l'échelle se trouve notre psyché. Comment, en fait, la situer par rapport au monde ?

Lors d'un examen universitaire de physique générale qui se déroulait il y a 60 ans, l'épreuve pratique qui me fut attribuée, portait sur l'utilisation d'un spectroscope mobile dans le but d'observer certaines caractéristiques d'un objet microscopique. Celui-ci occupait le centre d'un support circulaire tandis que l'appareil pouvait être déplacé le long de la périphérie. Une source de lumière blanche permettait d'entreprendre l'étude de la configuration de l'objet compte tenu des résultats fournis par les mesures angulaires opérées sur les différentes raies spectrales. Qui ne connaît ces fameux anneaux lumineux composant l'arc- en- ciel après la pluie ? Si je cite cet événement apparemment assez banal sur le plan scientifique, c'est qu'il contient une grande valeur métaphorique. L'objet central, qui ne révèle rien au niveau de l'observation directe, peut être considéré comme le symbole d'une réalité dans son sens absolu. Le spectroscope, qui a le pouvoir de transformer la nature invisible pour nos sens en une analyse intelligible faisant intervenir les couleurs de l'arc-en-ciel, représente pour moi tout l'ensemble des facultés de la psyché. Celle-ci se comporte comme une sorte de filtre qui va laisser passer seulement des modèles et des images tels que les expressions du langage, l'ensemble des nombres entiers, l'univers infiniment suggestif des formes géométriques, le réservoir abondant des concepts et des notions, le trésor infiniment riche de nos émotions et de nos intuitions, etc…
L'archétype est la possibilité formelle de reproduire des manifestations de l'esprit conformément aux propriétés de similitude, d'analogie et d'homologie. Bien entendu les apparences peuvent varier selon les époques, les ethnies et les personnes dans leurs singularités. L'ensemble des archétypes de l'humanité constitue, en fait, une sorte de conscience collective qui se manifeste à son tour sous des apparences diverses suivant les époques et les civilisations.
Eh bien justement, certaines représentations qui se rencontrent à travers l'histoire de la recherche scientifique et le langage qui s'y rapporte, constituent des schémas dont la portée est universelle. C'est comme si notre esprit était une image homothétique de l'univers. Ainsi, à l'instar de cet appareil magique qui nous livre certains secrets de la matière, nous savons construire une carte intellectuelle de la réalité dans laquelle les choses se réduisent à leur profil général. La philosophie peut ainsi s'enrichir de toute une pédagogie capable de nous apprendre à réfléchir et à comprendre l'organisation du monde et en particulier l'organisation ordonnée de tous nos modes de pensée. Teilhard de Chardin a très largement utilisé la science, le langage, les images, les archétypes, les métaphores, pour décrire tout ce qu'il comprenait de l'homme et de l'univers. Qu'en est-il des mathématiques ?
L'émergence de la pensée mathématique a ainsi pris naissance dans l'Antiquité avec Thalès qui, au pied des pyramides d'Egypte, au risque d'être fautif de sacrilège auprès des dieux du Panthéon et d'extraire une parcelle d'abstraction. Ce fut la découverte fabuleuse de l'invariant : il s'agit ici du rapport. Rapport d'ordre numérique et aussi, par extension, rapport des hommes à leur environnement. Cette métaphore concerne en particulier la notion de séparation. Séparation sans exclusion telle que le montre l'imbrication inconcevable visuellement des nombres rationnels et des nombres irrationnels. Séparation avec exclusion qui entre dans le champ subtil de la dualité. Les facultés de l'esprit commencent à émerger dès la petite enfance. L'une d'elles concerne les processus d'identification et de fusion. C'est de là que se forgent les ingrédients de la Culture. On peut considérer celle-ci comme étant le point de jonction entre l'être et le connaître. L'autre grande faculté naturelle est la capacité d'apparier 2 collections.
b/ Exemples d'archétypes universels
Le mouvement du spectroscope autour de son axe central évoque un événement très ancien ; celui qui nous rappelle les déplacements, autour de l'une des pyramides d'Egypte, de ce grand précurseur nommé Thalès. Avec lui nous assistons à l'éclosion véritable de la démarche mathématique qui s'affranchit de tout l'imaginaire lié à la culture antique, mais qui porte encore en soi une certaine image cohérente des structures unifiées de la pensée humaine. Beaucoup peuvent se demander, avec juste raison, comment il est possible que la science puisse mener à la philosophie, au spirituel, au religieux, à Dieu ? Ce n'est pas une certitude, loin de là, même si la science et la religion s'ouvrent ensemble respectivement au mystère du comment et à celui du pourquoi des choses d'ici-bas. Depuis Galilée qui est, en l'occurrence, le précurseur en matière scientifique, on sait que la science ne fait que rendre le monde intelligible et ne s'occupe pas du pourquoi des choses.
Thalès de Milet s'est occupée à mesurer la hauteur d'un objet inaccessible au risque de commettre un sacrilège. En fait, il a mis en évidence la notion universelle de rapport. Tout comme le sommet de la pyramide ne peut être atteint par un seul mouvement de la main, le Réel demeure inaccessible à l'homme même en utilisant des moyens perfectionnés. La science, donc, ne sait montrer que des relations !

Dans l'Antiquité, on savait déjà construire un angle droit en fabriquant un triangle dont les mesures des côtés étaient des multiples des entiers : 3, 4, 5 (Théorème de Pythagore). La notion d'orthogonalité qui est présente un peu partout devient en réalité un archétype dans la mesure où l'on traite des sujets faisant intervenir l'immanence et la transcendance. Teilhard cite l'énergie tangentielle et l'énergie radiale pour parler d'organisation du monde suivant deux modèles complémentaires.

En algèbre moderne, la notion qui intervient en premier lieu, est l'appariement. Dès son plus jeune âge, 15 ou 16 mois environ, l'enfant commence à savoir établir une correspondance entre les objets de deux collections. Ainsi s'il dispose de 5 chaises et de 5 poupées, il va assez facilement asseoir chacune des poupées sur chacun des sièges. Si l'on modifie le nombre de chaises ou le nombre de poupées, il va également saisir qu'il existe une anomalie et il en sera troublé. Dans le cas le plus favorable où l'on dispose autant de chaises que de poupées, on dira que la correspondance unité par unité est une correspondance biunivoque ou encore une bijection. Pour qu'il y ait bijection, il faut nécessairement deux collections ou deux ensembles structurés ou non par des opérations spécifiques. Beaucoup de démonstrations mathématiques sont réalisées par ce procédé simple qui consiste à effectuer des comparaisons. C'est ainsi que les physiciens du XX e siècle ont découvert d'étranges liens entre deux réalités de nature profondément différentes : la réalité concernant l'organisation de la matière au niveau de l'atome, et la réalité concernant les religions orientales. La connaissance humaine procède ainsi par le mécanisme de l'analogie. Des mots seront souvent prononcés par les initiés, le mot : isomorphisme ou le mot homomorphisme qui relient logiquement deux univers distincts. Si on lit les travaux d'un mathématicien ou ceux d'un biologique, on risque de trouver ces termes qui, en définitive, sont fondés tout simplement sur l'idée de comparaison entre deux collections d'objets à étudier.
Le savant français Duhem spécifie l'analogie comme un des procédés les plus féconds dans la construction d'une théorie scientifique, au sens où elle permet au savant d'aller toujours plus loin aussi bien dans la conceptualisation des phénomènes connus que dans la découverte de faits inédits.

Maintenant nous abordons un grand concept universel : celui de la dualité. Il met en évidence 2 ensembles notés : E et E * appelés espaces en raison de la nature de leurs éléments et de leur structure bien particulière. Mathématiquement cela se passe ainsi : Il existe une correspondance du type isomorphisme entre le premier espace dans lequel
effectue des constructions à caractère géométrique et le second espace dont les éléments sont des nombres. L'isomorphisme fait que tout se comporte comme si les travaux de construction dans E admettaient dans E* un système de codes numériques qui leur correspondent. Cette configuration mathématique est riche d'enseignements. Elle dévoile deux conceptions du monde :
La première est l'archétype de la Synthèse ou encore de la pensée globale.
La seconde : l'archétype de l'Analyse ou plus précisément de la pensée analytique.
D'une part on compose, d'autre part on décompose.
Lorsque vous achetez un bouquet de fleurs chez un fleuriste, soit vous le faites en tenant compte simplement de sa composition indépendamment du prix de chaque fleur, soit vous le faites en tenant compte avant tout du prix des fleurs. Ainsi pour faire simple, si vous achetez x fleurs A, y fleurs B et z fleurs C et si la lettre P symbolise le terme : "prix de", vous obtenez la formule bien connue des étudiants en mathématiques :
P(xA + yB + zC) = xP(A) + yP(B) + zP(C)
Cette formule s'applique naturellement à des ensembles qui ne sont plus des fleurs et P désigne un objet mathématique beaucoup plus compliqué.
Le second membre peut s'écrire sous une forme plus simple : ax + by + cz
Si l'on tient compte de l'importance relative donnée aux lettres, on s'aperçoit que l'on se trouve en face d'un choix : soit on privilégie le triplet : (a, b, c) ; soit on privilégie le triplet (x, y, z). Il existe une symétrie dont le sens se situe dans l'existence de deux réalités opposées, interchangeables, c'est-à-dire l'existence d'une bipolarité.
Disons de plus que la lettre E représente un espace où s'applique un principe actif tandis que la lettre E * représente un principe passif. Sur le plan de l'épistémologie, ces deux principes antagonistes fondent la configuration du Monde. D'ailleurs, si l'on aborde le champ de la théologie, il est dit : "Tout ce qui est immanent est sujet à dualité" ; la résolution de la dualité s'effectuant alors dans le Christ attracteur, source de l'Unité.
Nous retrouvons là aussi les archétypes chrétiens de l'identification qui traduisent les deux états de l'âme : sa ressemblance à Marie dans l'accueil de Dieu fait homme, et sa ressemblance à Jésus dans l'action missionnaire et sa participation au Mystères de la Mort et de la Résurrection. Teilhard, dans son livre : "Le phénomène humain", invente carrément ce qu'il appelle : le dehors des choses et le dedans des choses.
La topologie, ou science du lieu, offre de nombreuses métaphores à l'étude des représentations du monde organisé. Nous y trouvons les concepts d'ouverture, de fermeture, d'intérieur, d'extérieur, de connexité, d'adhérence, de limites, de compacité, de continuité, etc…Ces mots figurent d'ailleurs dans le vocabulaire de la vie de tous les jours. Par la suite nous trouverons l'idée de création continue.
Considérons une courbe plane fermée (C), délimitant deux parties du plan :
L'une d'elles : A est intérieure à la courbe et ne contient pas son pourtour. L'autre : B est extérieure et contient le pourtour. On dit bien entendu que les parties planes A et B sont complémentaires l'une de l'autre.
En topologie on dit que A est une partie ouverte. Pourquoi ?
Imaginons un insecte infiniment petit, se déplaçant dans A, et qui désirerait atteindre le pourtour (C) en se plaçant uniquement en des points de A. Ses tentatives seraient inévitablement vouées à l'échec même s'il les recommence indéfiniment. Cette situation- là faisait dire à un de mes collègues de "taupe" cette parole intuitive : "un ouvert c'est très grand !". N'avez-vous jamais utilisé ce qualificatif à propos du comportement de l'un de vos amis ? Ne jamais atteindre ses frontières, ses limites, c'est tout simplement se laisser pénétrer par toutes les nouveautés rencontrées dans la vie dans une attitude d'accueil à l'autre et de générosité.
Dans le cas où le même insecte se déplacerait dans la partie B, alors il pourrait aisément atteindre le pourtour (C) puisque tous les points de cette ligne frontière appartiennent à B.
En topologie on dit que B est une partie fermée même si elle a des dimensions infinies…et, pour ce même collègue, un fermé c'était très petit !
Mais attention : le langage humain est trompeur. En topologie une partie peut être à la fois ouverte et fermée ! Le mot "ouvert" n'est donc pas le contraire de "fermé" contrairement à notre logique habituelle. Vous rencontrerez sur votre chemin des personnes absolument fermées à vos opinions sur telle ou telle chose. Vous voyez donc que la psychologie peut éventuellement rencontrer les mathématiques dans un processus d'analogie.
De même on peut parler du mot : grandeur sachant qu'il ne désigne plus une quantité mesurable ou infinie, mais une qualité d'un autre ordre : Allah est grand !
Maintenant parlons de la frontière qui sépare A et B.
Considérons un point a de la ligne (C). Il est facile de comprendre que tout cercle de centre a et de rayon ρ si petit soit-il, rencontre à la fois les parties A et B ;
On dit que le point a est adhérent à A et à B. D'ailleurs ce petit cercle qui entoure le point a, constitue d'une certaine manière, ce qu'on appelle : un "voisinage" de a.
Cette notion de frontière réserve des surprises. La définition logique de ce mot est très abstraite pour un profane : la frontière de deux parties A et B d'un espace topologique est l'intersection de leurs adhérences. Dans le cas où l'on se limite à de la géométrie plane toute simple, il est aisé de se faire une idée de cette réalité familière. Mais si A et B désigne respectivement l'ensemble des nombres rationnels (fractions) et celui des nombres non rationnels, la définition conduit à un résultat inattendu et notre logique primaire est incapable de nous conduire vers des représentations concrètes faisant partie de notre vécu habituel.
Le mot : complémentaire réserve également des surprises : un astrophysicien connu a écrit un jour : "La science et la foi sont deux domaines complémentaires". Et bien en réalité non !
Nous pouvons poser ici la question des limites de notre langage, celles de nos perceptions, celles de notre vision du monde. L'idée que nous avons du "péché d'origine" se heurte à nos limites de compréhension et, cependant, on sait qu'il se transmet de générations en générations comme une perversion de la connaissance se traduisant par l'impuissance de reconnaître l'unité du Monde dans le Mystère divin
Nous en sommes réduits à approcher de manière approximative, les différents aspects de ce Mystère. Il s'agit en fait d'une séparation qui n'admet pas de description matérielle. Toutefois Teilhard traite de ce sujet d'une manière très personnelle.
Dans cet ordre d'idées, la surface de Möbius constitue ce que le philosophe Patrick Tort appela la "métaphore topologique du renversement continu" applicable dans la fameuse loi de sélection naturelle de Darwin. L'homme serait alors l'aboutissement d'un processus mystérieux dont nous aurions une modeste clé de compréhension. On sait que l'Eglise Catholique a adopté ce schéma anthropologique des origines de l'humanité, ce qui ne veut pas dire qu'on en possède l'explication.
La question fondamentale est de savoir s'il existe réellement une organisation de la nature dont la configuration décrite par analogie au ruban de Möbius, constitue une image, un modèle, une métaphore. Une autre question est de savoir s'il existe des configurations analogues en dimensions supérieures à 2 ?
On arriverait alors à expliquer certaines structures de l'univers à l'aide d'autres modèles que ce que l'on connaît actuellement. Les astrophysiciens connaissent une grande quantité de détails intéressants au sujet du cosmos, mais ils ne savent rien sur l'organisation globale de ce cosmos. Le grand ballet des étoiles et des constellations est bien loin d'avoir livré toute sa complexité. Un scientifique s'est amusé un jour à reproduire sur écran le mouvement du monde céleste et ce, à l'aide d'équations puisées dans la mécanique céleste. Puis il enleva un tout petit élément : la lune !! Ce qui arriva dans sa belle construction, c'est que tout le système s'en trouva fortement perturbé. On parle volontiers de l'homogénéité du cosmos qui permet d'arriver à certaines conclusions logiques mais cette homogénéité est encore à prouver.
Encore en topologie, la notion de compacité évoque des réalités bien spécifiques. L'exemple le plus simple d'espace compact est l'intervalle fermé et borné noté : [a, b].
Le mot compact évoque essentiellement la rigidité, la solidité, la densité, mais aussi la dureté du cœur, le fondamentalisme qui enferme l'esprit. Nous pouvons encore à ce propos évoquer le fusionnel et les tensions psychiques fortes. L'homme a la capacité d'être libre mais fidèle dans ses engagements, de s'identifier à autrui, de conserver des convictions solides qui peuvent, cependant, se réduire au culte du fondamentalisme et des idéologies. En vérité nous apercevons toute la complexité des choses.
Le père Thierry Magnin, recteur de l'Université Catholique de Lyon a écrit un livre dont le titre est : "L'expérience de l'incomplétude".
Le terme incomplétude dérive du mot : complet qui désigne, en topologie générale, tout espace où il est question de suites convergentes, d'infini et de limites. En fait les mathématiques ne servent pas seulement de langage logique destiné à décrire en physique des phénomènes, mais elles produisent des modèles possédant une valeur épistémologique significative.
En mathématiques, un espace métrique M est dit complet ou espace complet si toute suite de Cauchy de M a une limite dans M (c'est-à-dire qu'elle converge dans M). La propriété de complétude dépend de la distance. Il est donc important de toujours préciser la distance que l'on prend quand on parle d'espace complet. Intuitivement, un espace est complet s'il "n'a pas de trou", s'il "n'a aucun point manquant". Par exemple, les nombres rationnels ne forment pas un espace complet, puisque la racine carrée de deux n'y figure pas alors qu'il existe une suite de Cauchy de nombres rationnels ayant cette limite. Il est toujours possible de "remplir les trous" amenant ainsi à la complétion d'un espace donné. De plus un espace complet est nécessairement fermé. Ce qui importe dans ce langage sibyllin n'est pas de comprendre la signification des propositions logiques mais c'est de s'attacher aux mots qu'elles contiennent et de faire une transposition dans le domaine de la philosophie. On comprendra alors que l'incomplétude se rapporte à une situation mentale qui fait intervenir la notion de relation, d'interaction, de connexion, d'infini, d'ouverture et de non connaissance du fond des choses.
-Le physicien d'aujourd'hui prend conscience que le réel lui échappe, mais il est en perpétuelle recherche de l'Un. -Le théologien vit aussi l'incomplétude face à l'Inconnaissable, le Tout Autre, Dieu, le mal, etc…
Scientifiques, philosophes, théologiens sont tous en quête d'ORIGINE.
Mais bien distinguer que "Origine" n'est pas synonyme de "Commencement". On appelle origine la condition essentielle de l'être.

Revenons à ce grand principe de la DUALITÉ
On distingue sur le plan universel trois types de dualités :
- La dualité formelle qui décrit l'état d'un monde indépendant du rôle de l'homme : blanc - noir, haut - bas, jour - nuit, extérieur - intérieur, masculin - féminin, etc…
- La dualité fonctionnelle qui désigne des comportements de l'homme face à des décisions qui s'inscrivent dans sa liberté de choix.
Avancer - reculer, monter - descendre, aimer - haïr, bien - mal, etc…
Disons que globalement, le bien unit tandis que le mal divise.
- La dualité ontologique qui met en évidence des enseignements bibliques : pour développer ce thème, il conviendrait d'observer le Portail Royal de la cathédrale de Chartres ; il nous montre à la fois deux événements de l'action divine : l'Ascension où Jésus s'élève et l'Incarnation qui montre un Dieu descendant sur notre terre, le tout encadrant le Christ en majesté. Nous sommes en présence de toute une symbolique sur laquelle nous ne nous étendrons pas.
Revenons à Teilhard de Chardin dont l'œuvre témoigne de l'existence d'une dualité dans la description et l'interprétation des réalités du monde dans leur aspect universel. La pensée de Teilhard porte essentiellement sur la notion d'évolution et celle de complexité, qui est un état intermédiaire entre le chaos et l'organisation parfaitement décrite à l'aide d'équations mathématiques. Autrement dit c'est au départ un système organisé selon l'ordre mathématique ou la théorie des probabilités, au sein duquel apparaît des phénomènes d'émergences et de l'improbable.
- La vision dite "Cosmos" est la description d'un monde statique, ordonné par des lois immuables et une absence de finalité. La matière et l'esprit restent étrangers l'un à l'autre dans un dualisme qui écarte toute recherche unificatrice indispensable à tout progrès humain. Le Créateur est lointain dans les esprits, considéré comme édificateur d'un univers qui demeure enfermé dans un système d'interactions régies par la mécanique newtonienne et un conglomérat de règles morales qui sont sensées assurer le bon fonctionnement de nos sociétés et protéger nos santés ou nos biens. C'est alors que se déroule toute la banalité de nos vies en recherche de toujours plus de bonheur facile.
- La vision dite "cosmogénèse" est basée sur le fait que l'Univers se comporte comme un ensemble de nature organique au sein duquel matière et esprit constituent les deux composants d'un même arrangement, chargés d'assurer l'un et l'autre une certaine cohérence dans un monde essentiellement perfectible et porteur d'énergies et d'informations. Dans ce mode de pensée, le Créateur est animateur de l'Univers, non seulement auteur de toutes choses mais acteur privilégié dans un grand mouvement d'évolution du monde. Cette évolution est donc, avec le Christ attracteur et amorisant, de nature humano - divine.
Pour analyser ces deux systèmes de pensée qui s'opposent, je reviens sur la propriété fondamentale de la physique quantique, à savoir : toute particule, électron ou photon, possède une double nature, corpusculaire et ondulatoire. On sait que le mot : corpuscule évoque la matière compacte, la rigidité et la force de gravitation capable d'exercer des pressions sur le milieu environnant. Le mot : onde évoque au contraire la vibration d'un certain milieu, l'écoulement plus ou moins violent de matière liquide ou gazeuse, la mobilité de toutes choses et en particulier celle des molécules, etc…
Cette réalité physique me fournit une belle métaphore, celle qui évoque justement la nature de notre monde. Victor Hugo écrivait : "Les choses du monde sont comme les vagues de l'océan, elles se composent et se décomposent sans cesse". Autrement dit pour moi, les deux visions du monde qui s'opposent, font, en fait, partie de l'organisation de l'univers. L'homme lui-même possède une nature foncièrement paradoxale : d'une part il a besoin de règles statiques et rigoureuses qui lui confèrent des repères indispensables à sa survie ; d'autre part il doit pouvoir se libérer des contraintes qui risquent d'étouffer sa personnalité, et dans cette perspective, il est bon qu'il lise Teilhard. Le monde n'est pas qu'évolutif, il est aussi vibratoire. Lorsqu'on lit le songe de Jacob où les anges montaient et descendaient le long d'une échelle, on est en droit de préciser que l'évolution n'est pas qu'un phénomène orienté vers une direction unique. L'homme en particulier connaît des phases bien connues de mouvements volontaires vers un but à atteindre et de remises en cause, de retournements imprévus qui parfois ressemblent à une nouvelle naissance. Teilhard nous parle d'un Dieu créateur et évoluteur.
Si la diversité constitue la richesse du monde vivant, sa cohésion est réalisée à travers tout un système d'interconnections de nature logique et analogique. Le langage mathématique va décrire l'universel chaque fois qu'il apportera à l'homme cet éclair de génie qui fait que toute chose revêt un sens. C'est ainsi qu'en découvrant l'art de mesurer la dimension d'objets inaccessibles, le philosophe grec Thalès accorda inconsciemment au mot "rapport" une valeur métaphorique. Le sens de la vie est, en effet, entièrement conçu comme la capacité de l'être humain à communiquer. Comment ? Dans la vérité certes ! L'angle droit constitue une configuration qui englobe deux aspects fondamentaux de la Connaissance : l'horizontalité qui traite des relations biunivoques entre les réalités terrestres et la verticalité qui propose à l'être humain la recherche d'une spiritualité qui va le pousser à découvrir le sens de sa vie. C'est là que se situe le mystère de la Croix du Christ. L'orthogonalité devient alors la métaphore du vrai. La science et la théologie ne sont pas des domaines complémentaires, comme le proposent certains, mais plutôt des domaines orthogonaux. Leur point d'intersection entre dans la perspective eschatologique de l'Unité de toutes choses à la fin des temps.
Quittons les mathématiques pour nous intéresser, plus généralement, à ce qu'on appelle la "psychologie des profondeurs" étudiée en particulier par Karl Gustav Jung. La théorie qui s'y rapporte, met en évidence le rôle joué dans la psyché, par les mythes et des symboles, marquant ainsi un progrès sur le matérialisme et le rationalisme en vogue au XIIème siècle. D'après les thèses émises par certains philosophes, ce serait "l'inconscient collectif" qui produirait des représentations comme les mythes et les symboles ; ce qui fait que c'est l'homme qui "inventerait" Dieu et les religions. Nietzsche, Freud et Marx se rejoignent sur cette vision négative de la réalité. Comment "le subconscient" peut-il être à l'origine de représentations d'ordre supérieur et d'un renversement de l'ordre des choses aboutissant à un nivellement par le bas niant toute hiérarchie des valeurs. Notons qu'à la fin du XXIème siècle, la diffusion d'une nouvelle organisation des mathématiques (on parlait des mathématiques modernes) avait pour tâche d'unifier les concepts afin de promouvoir le rôle exclusif de la "déduction" au détriment du qualitatif et de l'intuition. En fait les psychanalystes n'ont forgé qu'une théorie absolument incomplète et incohérente de l'inconscient en fabriquant une réalité nouvelle : "l'inconscient collectif" dont ils ne savent rien expliquer à propos de l'organisation au sein du monde de la pensée et des croyances en particulier.
La psychologie de Jung est intéressante car elle utilise la notion d'archétype pour désigner des images abstraites et anciennes qui font partie du trésor commun de l'humanité et qui se retrouvent dans toutes les mythologies. On y rencontre des symboles universels et constants tels que les images de l'arbre, du serpent, de la montagne, du roi, de l'enfant, de la Foudre, etc…Jung déborde les explications primitives de l'inconscient collectif, origine ou lieu des mythes et des symboles, en affirmant "l'affinité entre la figure du Christ et certains contenus de l'inconscient. L'archétype de l'homme dieu est éternellement présent de sorte que l'âme se trouve marquée d'une empreinte : celle de l'imago Déi. C'est d'après une similitude avec le Christ qu'a été créée notre psyché. Il s'agit donc là d'un redressement, d'une inversion, par rapport aux théories précédentes. Il n'en reste pas moins qu'on peut toujours opérer la démarche opposée en affirmant que c'est l'inconscient collectif qui est à l'origine de l'imago Dei. De tous temps, les hommes ont été, sont et seront enclins à concevoir des dieux à leur convenance, conformes à leurs rêves, à leurs fantasmes, à leurs frayeurs, à leurs interrogations. Ils n'hésitent pas, dans le cadre de la recherche scientifique par exemple, d'attribuer à un Etre Supérieur toute anomalie expérimentale détectée pour la première fois : le "Dieu des brèches" comme le désigne, non sans malice, l'astrophysicien Hubert Reeves. En fait on a coutume d'affirmer que, depuis Galilée, les progrès de la Science font reculer les limites de la transcendance, la "frontière" entre la connaissance rationnelle et le Divin. Or, d'après l'axiome de "séparation sans exclusion", ce raisonnement est un pur sophisme.
Dieu ne se situe pas aux confins de la recherche scientifique qui inexorablement demeure encadrée par nos limites conceptuelles et notre logique naturelle et la dite frontière n'existe pas. Il s'agit d'une vue anthropomorphique qui ne rend pas compte de la vérité sous- jacente à la relation homme Dieu. Autrement dit le "Royaume de Dieu" est, à tous les niveaux de la connaissance, une réalité théologique infiniment proche de notre psyché sans s'identifier à elle ; ce qui implique que, quel que soit le niveau de culture d'un individu, celui-ci est confronté inéluctablement à cette démarche de la psyché qu'on appelait jadis : "la foi du charbonnier !".
Selon la théologie chrétienne, le Verbe est le lieu des possibles ; et l'homme étant "créé à l'image de Dieu", les Archétypes in divinis doivent, à leur tour, se refléter dans l'âme humaine, à condition bien sûr, que l'on puisse exprimer une distinction entre l'âme et l'esprit. Comme ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, il est normal que ces reflets, ces empreintes, se situent au niveau le plus bas de la psyché, qui est précisément le "subconscient", individuel ou collectif. Le Christ peut être considéré comme "l'Archétype des archétypes". Saint Paul parle de la "récapitulation de toutes choses en Jésus Christ, celles qui sont dans les cieux et celles qui sont sur la terre" (Ephésiens I, 10). L'archétype du Christ en tant que principe d'intégration et de récapitulation, porte en lui l'universalisme absolu. "Dieu sera tout en tous" (1 Cor. XV, 28) permet de situer les mythes et les symboles universels au-delà de l'humain. Les archétypes subsistent à la fois en Dieu et dans la psyché humaine ; il en découle que, au niveau le plus élevé de notre entendement, les distinctions Orient et Occident restent illusoires. Les mythes servent alors de support à la Révélation qui revêt leurs formes, de même que le Verbe a revêtu la forme humaine, pour exprimer "l'inexprimable", communiquer "l'incommunicable". On doit parler d'un "dynamisme de l'image" qui fait que celle-ci n'est pas qu'une reproduction statique d'un modèle ou d'un Archétype. L'image de l'Archétype divin possède une fonction prophétique : d'une part l'être humain a pour mission de se préparer à l'avènement (le mystère de l'Annonciation) ; d'autre part l'image exprime le désir de Dieu de devenir homme en tant qu'Archétype in divinis.
"Le Christ est venu chez lui et les siens (le peuple juif) ne l'ont pas reçu" (Jean I, 11)
Il faut bien se garder de voir ici le moindre panthéisme ou immanentisme et de tomber dans le piège moderne selon lequel Dieu est contenu dans la matière ou selon lequel l'Univers tout entier porte en soi une conscience. La question fort complexe traitant des mythes et des symboles conduit à faire la part du spirituel véritable et celle de l'aberration. Les psychanalystes parlent justement d' "amour mythique" pour désigner un ensemble d'émotions fondées sur un culte illusoire du merveilleux qui serait contenu dans telle ou telle personnalité. Des névroses peuvent se greffer sur cette sorte de perversion psychologique.
Les mythes sont fondés sur certains "rapports homologiques" et on les retrouve dans les rites de certaines civilisations ou de certains groupes humains pratiquant des formes d'initiations bien spécifiques. On doit signaler une forme particulière de déviation très répandue dans le monde moderne. Elle se fonde sur une logique anthropomorphique qui met en avant certaines images d'ordre cosmique. L'homme, en effet, est plus ou moins subjugué par la question des origines, celle du retour aux "premiers commencements", celle de la "fin du monde", celle de la réincarnation, etc…Les aberrations qui en résultent (citons entre autres le millénarisme) opèrent une confusion entre différents domaines : l'histoire, l'ordre cosmique, la superstition, la psychologie, la théologie, les traditions orientales, un prétendu Age d'or, etc…
Ces "divagations" de la culture reposent essentiellement sur l'ignorance des doctrines traditionnelles, sur l'incompréhension des mythes, sur les visions faussement optimistes exprimées par des scientifiques mal informés sur les questions relatives à la spiritualité, sur l'oppression exercée par les techniques, etc…
Il convient de reconnaître que l'esprit humain se noie dans le superficiel et qu'il réclame toujours plus de preuves et de tangibilité, alors qu'il est appelé à saisir, non pas l'incompréhensible, mais l'inexprimable et l'incommunicable.
Le mythe, qui signifie : silence est un récit symbolique qui ne dit pas ce qu'il veut dire, mais ce qu'il suggère en vertu d'une correspondance analogique, fondement même de tout symbolisme. Son rôle, comme celui des Evangiles, est "l'initiation aux mystères". On comprend que le silence considéré comme "discipline du secret" découle de la nature même du mystère dont le domaine est celui du suressentiel et celui du sur intelligible, Divulguer le mystère, c'est profaner la réalité ontologique ; on comprend alors le rôle destructeur de la critique contemporaine et des forums divers qui engendrent la confusion et l'intolérance.

Lire plus

Suggestions pour servir une théologie nouvelle

Teilhard de Chardin a écrit dans son livre "Comment je crois" page 213 :
"Sans création, d'abord, quelque chose, semble-t-il, manquerait absolument à Dieu considéré dans la plénitude, non pas de son être, mais de son acte d'Union. Créer, donc, pour Dieu, c'est par définition s'unir à son œuvre, c'est-à-dire s'engager d'une façon ou de l'autre dans le Monde par incarnation. Or "s'incarner", n'est-ce pas ipso facto participer aux souffrances et aux maux inhérents au Multiple en voie de pénible rassemblement ? Création, Incarnation, Rédemption : vus à cette lumière les trois mystères ne deviennent plus en vérité, dans la Christologie nouvelle, que les trois faces d'un même processus de fond…"
Il est étonnant que, dans une théorie de l'évolution bien comprise, Teilhard n'ait pas évoqué là-même un quatrième mystère : celui de l'Assomption de Marie la Théotokos. Mgr Dagens, évêque d'Angoulême, a dit un jour : "Dieu s'est mis en quatre pour sauver l'humanité". Pour moi, le Christianisme repose bien sur quatre piliers car toute la théologie mariale est à envisager sous un angle universel, cosmique comme le suggère l'œuvre poétique de Teilhard : "L'éternel féminin" dont je donne ici les premiers extraits :

Je suis apparue dès l'origine du Monde...
Dès avant les siècles je suis sortie des mains de Dieu...
Ébauche destinée à s'embellir à travers les temps
Coopératrice de Son œuvre

Tout dans l'Univers se fait par union et fécondation...
par rassemblement des éléments qui se cherchent
et se fondent deux à deux
Et renaissent en une troisième

Dieu m'a répandue dans le Multiple Initial
comme Force de condensation
et de concentration...

C'est Moi la face conjonctive des êtres...
Moi le parfum qui les fait accourir et les entraîne
librement... passionnément
sur le chemin de leur unification

Par Moi tout se meut et se coordonne...

Je suis le Charme mêlé au Monde pour le faire se grouper
L'Idéal suspendu pour le faire monter

Je suis l'Essentiel Féminin
Certains croyants voient d'un mauvais œil la piété mariale : elle serait vieillotte, entachée de mièvrerie, voire de superstition… Or, l'attachement que Sœur Véronique Margron voue à Marie est d'un tout autre ordre : "Pour moi, Marie est d'abord l'audacieuse, celle qui a dit oui à l'ange, qui a gardé l'enfant qu'elle portait et affronté le regard des autres, celle qui va rester fidèle à Jésus jusqu'à la fin. C'est un très beau visage humain de persévérance, de constance", explique la doyenne de la faculté de théologie de l'Université catholique de l'Ouest, à Angers. Teilhard parle de trace de l'axe de la Vie. Nous sommes là dans une autre dimension, celle d'un principe passif selon lequel le chrétien s'identifie à elle afin de rechercher toute la plasticité de l'âme. Penchons-nous sur le texte qui suit :

"Un grand signe apparut dans le ciel : une femme revêtue du soleil, qui avait la lune sous les pieds et une couronne de douze étoiles sur la tête. Elle allait mettre au monde un enfant, et les peines de l'accouchement la faisaient crier de douleur. Un autre signe apparut dans le ciel: un énorme dragon rouge qui avait sept têtes et dix cornes, et une couronne sur chaque tête. Avec sa queue, il balaya le tiers des étoiles du ciel et les jeta sur la terre. Il se plaça devant la femme qui allait accoucher, afin de dévorer son enfant dès qu'il serait né. La femme mit au monde un fils, qui dirigera toutes les nations avec une autorité de fer. L'enfant fut aussitôt amené auprès de Dieu et de son trône. Quant à la femme, elle s'enfuit dans le désert, où Dieu lui avait préparé une place, pour qu'elle y soit nourrie pendant mille deux cent soixante jours." (Apo 12 :1-6)
Ce récit de l'Apocalypse est profondément marqué par le symbolisme. La lune est
l'astre qui préside à la division du temps en jours, mois, années, saisons (Gn 1,14-19). Si la lune reste sous les pieds de la femme, cela veut dire que la femme exerce une domination sur le temps, comme le Seigneur exerce une domination sur les ennemis qui sont sous ses pieds (cf. Ps 110, 1 ; Jos 10, 24). Cette domination sur le temps transparaît lorsque, bien que "l'heure ne soit pas venue", par l'intercession de Marie, les disciples vont déjà voir la gloire de Jésus et le reconnaître comme messie (Jn 2, 1-11). L'attitude de Marie au calvaire rejaillit au commencement en "dénouant" l'attitude d'Eve : c'est une autre forme de domination sur le temps. Dominer le temps c'est aussi savoir que l'Alliance avec Dieu va au-delà des vicissitudes terrestres : elle est éternelle (Ps 89,37-38). En ce sens, Israël peut vivre le mémorial de l'Exode : l'amour que Dieu manifesta envers ses pères lors de la sortie d'Egypte, c'est pour eux aujourd'hui (Dt 5, 3). Mais en corollaire, l'Alliance est toujours en train de se faire, le partenaire doit toujours être en train de répondre. C'est aujourd'hui que les choses se jouent. Le nombre douze est d'ailleurs le symbole d'un accomplissement : le Plérôme. De la même façon, la théologie orthodoxe considère que "la Mère de Dieu conduit toujours au Christ" et précise qu'on n'honore pas "la mère indépendamment du Fils" et toute la piété mariale découle de la foi en le Christ et sa victoire sur la mort, car Jésus reste "le seul sauveur et médiateur du salut". La notion de Christ universel évoquée par Teilhard s'appuie, en fait, sur les rôles complémentaires d'un Dieu, qui vient vers l'humanité en passant par le bas, et de Marie dont le prophétisme s'exprime dans la prière du Magnificat. Dans une perspective évolutionniste, prier la Vierge ne signifie pas d'abord méditer la figure de Marie, mais l'Evangile du Christ en union avec Marie. C'est ce que veut souligner Teilhard lorsqu'il écrit : "Tu aimeras Dieu dans et à travers la genèse de l'Univers et de l'Humanité". Nous sommes bien là dans la métaphysique de l'Union.

Les partenaires de cette union sont le Christ d'une part et son Eglise d'autre part dont le représentant primordial est Marie qui est femme dans le mystère de l'Alliance. L'Assomption se conçoit alors, non comme un événement du passé concernant une personne unique, mais comme un enlèvement de tout le créé vers la "Terre promise", comme le retour du manifesté vers la Jérusalem Céleste ; tels sont, il me semble, les aspects mystérieux et supra naturels de ce que Teilhard appelle : la Christo genèse. Cette conception des choses a le mérite de mettre en évidence une réalité fondamentale dont les conséquences entrent dans le cadre de l'anthropologie : l'égale importance des principes masculin et féminin dans leurs spécificités propres. En outre l'introduction de la féminité dans le contexte religieux permet à certaines personnes de se sentir plus à l'aise au sein d'un monde marqué par la violence à condition que, dans toute théologie nouvelle, on sorte des enfantillages et des interprétations d'un autre siècle. La connaissance de l'homme dans toute sa complexité et ses paradoxes permettrait à l'Eglise et à ses fidèles de faire preuve d'inventivité face aux détresses multiples et à la concurrence d'autres mouvements chrétiens dont les principes et agissements sont parfois contestables. Encore faut-il que le monde où nous vivons se donne la peine de rejeter son propre "Veau d'or" et de produire suffisamment de maîtres à penser au service de leurs frères.


•

Lire plus

NAISSANCE ET DEPLOIEMENT DU COSMOS

1- La cosmo genèse
Les galaxies s'écartent progressivement les unes par rapport aux autres avec une vitesse proportionnelle à leur distance. Plus un amas de galaxies est éloigné, plus son mouvement de récession est rapide. Ce phénomène s'appelle l'expansion de Hubble (1929). A partir des vitesses des amas de galaxies et des distances de celles-ci par rapport à nous, il est possible de calculer qu'à un moment extrêmement éloigné dans la passé (13,7 milliards d'années) la totalité de la matière de l'Univers devait être concentrée en un point. Il y eut une gigantesque explosion : le Big Bang censé être le commencement de cet Univers. Une explosion aussi violente a dû engendrer une boule de feu ultra chaude. Effectivement, les vestiges refroidis de cette gigantesque boule de feu ont été détectés en 1966 par Arno Penzias et Robert Wilson. Il s'agit de ce qu'on appelle : le rayonnement cosmique fossile qui se situe dans le domaine des micro-ondes. En plus de cela, il a même été possible de calculer la composition chimique à laquelle il faudrait s'attendre pour de la matière émergeant du Big Bang : des éléments les plus légers, hydrogène et hélium dans un rapport massique de 3 pour 1, assortis de très peu d'autres éléments. Telle est la composition du gaz interstellaire, matière première à partir de laquelle les étoiles se sont formées par la suite.
La question primordiale qui se pose est la suivante : jusqu'à quelle proximité temporelle du Big Bang serons-nous capables, selon toute vraisemblance, de pousser nos investigations ?
Observer des objets éloignés revient à remonter le temps sachant que la lumière se déplace à vitesse finie. Plus le dit objet est éloigné de nous, plus les faits observés sont anciens. On ne peut aller de ce fait au-delà de 300 000 ans après le Big Bang en raison des phénomènes liés aux interactions entre particules et photons à très haute température qui rendent l'Univers non transparent vis-à-vis de la lumière.
On peut faire mieux en considérant les neutrinos (particules qui n'interagissent avec quoi que ce soit) Avec des appareils sophistiqués, on peut cependant les détecter. Cela offre la perspective de pouvoir détecter les neutrinos qui auraient pénétré le brouillard radiatif initial et qui pourraient ainsi révéler ce qui a dû se passer à des époques plus anciennes : aller, par exemple, 1 seconde après le Big Bang. On peut encore utiliser des ondes gravitationnelles dues à l'accélération d'objets massifs. On pourrait explorer jusqu'à l'instant du Big Bang, mais ces ondes sont très difficiles à détecter.

Une autre question se pose quant à l'homogénéité et l'isotopie de l'Univers qui font que les propriétés physiques de celui-ci seraient identiques dans toutes les directions, ce qui suppose que le rayonnement fossile est uniforme à travers le ciel à l'échelle des micro-ondes. Quelle que soit la direction d'observation, le spectre présente le même profil de longueurs d'ondes, indiquant une température identique (3 kelvins).
(Le kelvin est la fraction 1/273,16 de la température thermodynamique du point triple de l'eau (H2O), et une variation de température d'1 K est équivalente à une variation d'1 °C. Toutefois, à la différence du degré Celsius, le kelvin est une mesure absolue de la température qui a été introduite grâce au troisième principe de la thermodynamique. La température de 0 K est égale à -273,15 °C et correspond au zéro absolu (le point triple de l'eau est donc à la température 0,01 °C). La dite homogénéité de notre Univers, si elle confirmée, a pour les physiciens un aspect tout-à-fait étrange. En 1980, Alan Guth (cosmologiste américain qui pense que la taille de l'ensemble de l'univers est d'au moins 1023 fois supérieure que celle de l'univers observable. L'univers existe également parmi d'innombrables autres univers avec de nombreuses différentes lois physiques) émit une hypothèse selon laquelle il y a du avoir à l'origine une période comparativement calme, juste après l'instant du Big Bang, de sorte que l'uniformisation des températures a pu se faire. Ce n'est qu'après cette période infiniment courte que l'expansion survint, un phénomène d'une intensité fulgurante appelée : inflation cosmique débutée 10 -36 seconde après le Big Bang. Elle aurait duré 10 -32 seconde avant de s'apaiser pour en revenir au rythme plus majestueux de l'expansion de Hubble.
Mais on n'a pas de preuve de l'inflation cosmique !

En outre, il y a une énorme différence entre le fait de préciser à quoi ressemblait l'Univers une infime fraction de seconde après le Big Bang et le fait de pouvoir dire ce qu'il était à l'instant même de cet événement cosmique. La totalité de l'Univers devait se résumer en un point, un espace de volume nul dont la densité a donc dû être infinie. On se trouve en présence d'une réalité que les scientifiques appellent singularité. Stephen Hawking imagina même que le temps lui-même pourrait changer de nature lorsqu'on se rapproche de l'instant primordial, ce qui induit que la notion même d' "instant primordial" serait dénuée de sens ! Et, de même, il serait faux de dire que l'explosion cosmique a projeté un gigantesque flux de particules dans l'espace en raison du fait qu'à l'instant primordial, l'espace n'existait pas.
Ce qui est raisonnable de penser est que le temps et l'espace sont nés avec le Big Bang ce qui interdit toute spéculation de nature anthropomorphique sur une réalité qui est plutôt d'ordre métaphysique. Se greffe alors cette question fondamentale : Pourquoi, dans l'absolu, existe-t-il un monde ?
Nos ancêtres avaient une image statique de l'Univers. Dans la cosmologie judéo-chrétienne, Dieu a créé l'univers, les étoiles, le Soleil et les planètes tels que nous les observons, Dans ce décor il a mis les animaux et les plantes selon les espèces que nous connaissons. Puis, l'Homme fut placé par Dieu dans la Création pour dominer toutes les autres créatures. Cette Création, dans la Bible, n'est âgée que de quelques milliers d'années Aujourd'hui, la Science nous offre une image radicalement différente, celle d'une Cosmo genèse, d'un Cosmos en genèse continue depuis le Big-Bang originel, partant d'un univers très condensé, à très haute température, suivi d'une expansion et au refroidissement qui l'accompagne La Cosmogénèse s'inscrit dans une évolution qui place tous les phénomènes dans une histoire, Les atomes, les plantes, les animaux, les hommes et leurs sociétés, un jour, sont apparus. Ils n'ont pas toujours existé. Remplacer le Cosmos par la Cosmogénèse est une révolution de la pensée humaine scientifique, philosophique et théologique dont beaucoup de nos contemporains ne sont pas conscients. Le mathématicien Alexandre Friedmaun pose, en 1923, les fondements de ta cosmologie moderne en introduisant les modèles dits du "Big Bang originel" modèles qui prévoient une explosion à partir d'un point de densité infiniment élevée. En 1927, le chanoine Georges Lemaître est le premier à envisager un Univers en expansion dans le cadre de la Relativité Générale. Il formule en 1931 "l'hypothèse de l'atome primitif". Edwin Hubble découvre le déplacement vers le rouge des raies de la lumière émise par des galaxies lointaines et il l'explique en appliquant aux ondes lumineuses l'effet Doppler observé pour les ondes sonores. Hubble fournit ainsi, en 1929, une base expérimentale aux modèles cosmologiques de Friedmann et Lemaître. En 1965, la découverte d'un "bruit de fond" cosmique de rayonnement confirma le modèle du Big-Bang accepté, depuis, par la grande majorité de la communauté scientifique. Le Big-Bang est un modèle mathématique décrivant l'évolution de l'Univers en partant de conditions initiales telles qu'il atteigne aujourd'hui l'état que nous observons. Les paramètres définissant l'état initial sont le résultat d'une projection rationnelle vers le passé s'appuyant sur les informations que nous possédons sur l'univers et sur les lois de la physique que nous connaissons. Ces lois permettent un enchaînement déterministe entre les conditions initiales et l'état actuel de l'univers.
2- La taille du cosmos
Tous les amas de galaxies s'étendent à perte de vue, ce qui pose la question de l'étendue véritable de l'Univers. Je rappelle qu'il faut 4 années pour que la lumière émise par l'étoile la plus proche nous atteigne à la vitesse spectaculaire de 300 000 km à la seconde. A titre de comparaison, la lumière met 100 000 années pour traverser d'un bout à l'autre notre galaxie : la Voie lactée. On perçoit des objets dont la lumière a pu nous rejoindre en moins de 13,7 milliards d'années. Ceci impose une limite à l'étendue de l'Univers observable. Celui-ci est immensément grand, tel est l'état actuel des théories admises. L'absence de limite montrerait que l'Univers est infini. Mais qu'entend-on par infini ? On observe en mathématiques que deux infinis n'ont pas nécessairement même puissance, autrement dit même ordre de grandeur. Il existe une hiérarchisation dans les différents infinis. Nicolas de Cues élabore au xve siècle une métaphysique de la singularité à partir de l'infinité du Principe et de son expression dans le fini. Cependant ce processus de singularisation universel ne va pas sans soulever des difficultés. Comment la singularité de la créature peut-elle s'ouvrir à l'infini ? Comment les créatures singulières peuvent-elles former un monde commun et se rapporter à leur Principe sans perdre leur distinction ?
En physique fondamentale, il n'est pas toujours possible d'expliquer les phénomènes en termes d'analogie familière que l'on puisse aisément représenter. Les explications exigent plutôt une formulation mathématique.

En ce qui concerne le rôle de la courbure : plus la densité de matière et l'énergie dans l'Univers sont grandes, plus la courbure de cet Univers est importante (d'après la théorie de la relativité). Il doit alors exister une densité dite : densité critique, dont la valeur est telle que si la densité réelle devait lui devenir supérieure, il s'ensuivrait que l'espace s'incurverait sur lui-même, ce qui en ferait un Univers fermé. Or en additionnant tout ce qu'on connait, on n'arrive même pas à 5% de la valeur critique. Lorsqu'on examine comment les étoiles tournent par rapport au centre de leur galaxie, on découvre que celles-ci évoluent beaucoup trop vite et qu"elles ne pourraient pas être maintenues ainsi sur leur trajectoire par la seule gravité exercée par le reste de la matière visible de la galaxie en question. La matière que nous sommes donc capable de voir n'est qu'une fraction du total. Le reste est appelé la matière sombre (celle qui n'émet pas de lumière). On sait d'ailleurs faire une estimation de la quantité de matière sombre par le calcul. Il existe également de la matière sombre entre les diverses galaxies. En totalisant toutes les sortes de matière sombre, on atteint environ 25% de la densité critique. Il faut préciser ici que l'on ne sait pas encore de quoi est constituée la matière sombre.
Lorsqu'on additionne la matière sombre et la matière observable, il subsiste toujours un déficit de 70% correspondant à de l'énergie invisible. Le mécanisme d'inflation cosmique implique la création de matière nouvelle. La majeure partie de la matière observable aujourd'hui autour de nous n'a pas été formée à l'instant du Big Bang. Celle-ci a été créée une fraction de seconde plus tard. La quantité de matière ainsi produite a du être telle que la densité globale puisse atteindre exactement la valeur critique.

3- La nature de l'espace cosmique

En ce qui concerne le Big Bang, il s'agirait d'une explosion au sein de laquelle l'espace lui-même se serait dilaté en emportant avec lui les amas de galaxies. Mais que représente cet espace : le vide ou tout simplement le néant ? La Terre évolue sur son orbite autour du soleil en raison de la force gravitationnelle. De même une station spatiale évolue en orbite autour de la Terre à cause de la force de gravité exercée sur celle-ci par notre planète. Imaginons un astronaute sortant de la station spatiale pour se laisser emporter en orbite à ses côtés. Mais l'astronaute possède une masse beaucoup plus faible que le vaisseau de sorte qu'il faut moins de force pour le maintenir en orbite qu'il n'en faut pour maintenir le vaisseau. Alors la force de gravité se comporte comme si elle "savait" exactement distinguer la nature des objets en mouvement suivant la même trajectoire. La réponse à cette question se trouve dans la théorie de la relativité générale. La Terre déforme en réalité l'espace environnant ; on dit aussi qu'elle le courbe ou bien le gauchit. Ce qui fait que, par exemple, le vaisseau spatial et l'astronaute se déplacent sur des trajectoires incurvées différemment. On peut imaginer ce phénomène en considérant une piste de vélodrome qui ne serait pas absolument plane afin d'y accueillir des coureurs cyclistes de niveaux physiques très différents. On dit que la Terre crée une fossette dans l'espace tri dimensionnel et le soleil crée une fossette bien plus importante de sorte que la Terre ne puisse quitter son orbite. Il en va de même pour le soleil qui décrit une orbite circulaire autour du centre de la Voie lactée, ceci étant dû à une fossette gigantesque causée par les quelques 100 milliards d'autres étoiles dont est composée notre galaxie. La théorie d'Einstein est préférable à celle de Newton qui ne fait intervenir que des formules mathématiques. Mais cela induit le fait que l'espace n'est pas le néant, mais un quelque chose de mystérieux dont la potentialité est d'être éventuellement "courbe". On reconnait ce qui se passe dans le vide quantique, à savoir que l'espace n'est pas un vide absolu. La matière n'est qu'une forme particulière d'énergie de sorte que des particules, qui n'étaient pas là auparavant, aient soudainement pu apparaître. Cette affirmation est contraire à l'ancienne loi de Lavoisier : "La matière ne peut être ni créée ni détruite". La matière peut être convertie en d'autres formes d'énergie, l'énergie peut être utilisée pour produire de la matière. L'énergie et la masse sont équivalentes comme le montre la célèbre formule d'Einstein : E = m. c2 où c désigne la vitesse de la lumière. L'état actuel des connaissances scientifique comporte encore beaucoup d'interrogations. Ainsi on a beaucoup à apprendre au sujet du vide, de la matière et de l'antimatière, de la conservation de l'énergie, de la division de l'espace en distances de plus en plus petites, etc. Le but final serait d'arriver à concilier la physique quantique et la relativité générale et à formuler une théorie unifiée. Celle-ci dépendrait étroitement de trois constantes fondamentales :
- La constante gravitationnelle G
- La vitesse de la lumière c
- La constante de Planck h qui contrôle les fluctuations d'énergie
Le physicien allemand Max Planck (prix Nobel 1918) fut un des créateurs de la théorie quantique et il découvrit qu'il y avait une manière assez exceptionnelle de les combiner de sorte à pouvoir définir une quantité ayant le profil d'une longueur : Ip = 1,6 x 10 -35 mètre.
C'est la longueur de Planck. On définit également le temps de Planck : tp = 5,3 x 10 -44 sec
C'est le temps mis par la lumière pour parcourir la longueur de Planck.
Ainsi, pour donner une idée de l'état de la recherche actuelle, la distance la plus petite explorée expérimentalement correspond à 10 -18 mètre. Le temps le plus petit atteint correspond à 10-16 sec
Au-delà de ces nombres infiniment petits, le secret de la nature reste insaisissable pour des raisons pratiques.

4- Relation entre espace et temps

Elle fut étudiée essentiellement par Einstein.
Rappelons que la vitesse de la lumière dans le vide est c = 300 000 km/s et qu'elle est inférieure dans la traversée de l'eau et du verre. La lumière est constituée d'ondes électromagnétiques qui se déplacent à travers l'espace (études réalisées par Clerk Maxwell). Dans la mesure de cette vitesse, on trouve la même valeur quel que soit l'observateur à condition qu'il se déplace d'un mouvement uniforme : principe de la relativité.
De façon générale au sein de notre macrocosme, la vitesse d'un mobile est obtenue en divisant une distance parcourue par le temps que cela a nécessité. Alors il y a un problème lorsqu'on aborde le cas de la lumière dont la vitesse est une constante pour tout observateur.
C'est à la suite d'une telle considération qu'Einstein a élaboré sa théorie de la relativité restreinte publiée en 1905. La théorie de la relativité générale aborde non seulement la question de la lumière mais également les effets additionnels de la gravité (concept d'espace incurvé). Le principe fondamental est que le temps peut être affecté par le mouvement. Dans un vaisseau spatial lancé de la Terre à grande vitesse vers une autre planète, tout fonctionnement de l'électronique du vaisseau ainsi que le rythme respiratoire et cardiaque des astronautes ou encore des processus qui font vieillir ou penser, sont, pour un observateur fixe lié au sol terrestre, ralentis. C'est le principe de la dilatation du temps. Ainsi, à une vitesse de 0,9 c tout événement est ralenti par un facteur proche de ½. Il en résulte qu'il existe aussi une contraction des longueurs. Les distances entre les objets du vaisseau se contractent dans le sens du mouvement tandis que les distances à angle droit par rapport au mouvement restent inchangées. A une vitesse de 0,9 c la distance Terre - Planète, selon l'astronaute, vaudra la moitié de celle fixée par un observateur au sol.
L'astronaute n'a mis que la moitié du temps pour faire un voyage car il n'a parcouru que la moitié de la distance. Tout mouvement est relatif. Le vaisseau se déplace par rapport à la Terre mais la Terre se déplace par rapport au vaisseau. C'est comme cela qu'il faut envisager les choses. D'ailleurs rien n'est fixe dans le cosmos. Tout observateur, qu'il soit lié au vaisseau ou lié à la Terre ou à toute autre réalité astrale, possède son propre système de cohérence quant à l'évolution de sa situation. Celui lié au vaisseau considère que le temps se déroule sur Terre à la moitié de sa vitesse normale. Les observateurs fixes par rapport à la Terre et mobiles par rapport celle-ci n'ont ainsi pas la même façon de concevoir les choses. Attribuer une valeur à une distance où à un intervalle de temps ne peut se faire que dans le contexte d'un observateur précis dont le mouvement relatif au phénomène observé a été précisé.
En 2002, Giovanni Amelino-Camelia proposa une variante de la théorie appelée théorie de la relativité doublement restreinte selon laquelle les longueurs qui sont proches de la longueur de Planck pourraient ne pas être sujettes à la contraction habituelle. Mais il s'agit d'une hypothèse purement spéculative. Le problème du crayon dont la longueur apparente varie suivant l'angle sous lequel il est observé donc suivant la perception visuelle qu'on en a, constitue une métaphore d'un problème plus général. Dans le cas du crayon, sont associés deux réalités de natures différentes : une distance et un angle. Dans le cas de la relativité, les paramètres distance et temps ne sont que des apparences c'est-à-dire des projections d'une propriété donnée dans notre manière de percevoir le monde. Ces paramètres ne sont pas des entités séparées. Ces entités regroupées constituent un ensemble bien structuré dénommé : Espace - Temps à quatre dimensions. Toute distance entre deux éléments est donnée par une formule mathématique simple découlant du célèbre théorème de Pythagore et incluant le temps. La difficulté pour nous est d'admettre que l'on ait le droit d'additionner des mesures portant sur des objets n'étant pas de même nature. L'idée même d'une intrication étroite entre l'espace et le temps semble invraisemblable. Où se situe donc la cohérence ?

En fait, le Big Bang correspond à la naissance simultanée de l'espace et du temps. Ce qui est réel, ce ne sont pas les distances spatiales ni les intervalles de temps que nous manipulons, mais une entité semblable aux particules subatomiques qui possèdent une double nature. Cette entité créée au tout début du monde, présente des aspects à la fois spatiaux et temporels, ce qui n'est pas représentable pour notre cerveau limité. On lui donne le nom d'événement localisé qui représente la vraie distance définie dans l'Espace - Temps.
Einstein déclara un jour : "Désormais nous devrons nous intéresser à une réalité à 4 dimensions et pas à une réalité tri dimensionnelle évoluant dans le temps !". Chaque événement de cet Espace - Temps ne représente-t-il pas un élément de notre vie terrestre capable de se mouvoir du passé vers le futur en passant par le présent. Ne fait-on pas là finalement, grâce à notre cher Einstein, un saut dans la métaphysique ?

Conclusion
La recherche scientifique n'en finira pas de nous étonner et de nous poser de nouveaux points d'interrogation. En fait, que savons-nous de la réalité du Big Bang ? C'est l'effet Doppler - Fizeau fondé sur l'étude des ondes lumineuses qui, vers 1850, permit de conclure à l'expansion des galaxies. Le principe est que l'éloignement des objets lumineux produit un décalage vers le rouge du spectre obtenu sur les appareils d'observation. Or il s'avère que ce décalage peut avoir une autre cause mise en évidence récemment par un physicien français qui se base sur ce qu'on appelle l'effet CREIL.
Ainsi les galaxies ne s'éloigneraient plus de nous. L'Univers ne serait plus en expansion. Cet effet CREIL fut découvert par le professeur français Jacques Moret-Bailly.
L'effet CREIL se produit dans le vide de l'espace. Ce vide est plus vide que le meilleur des vides que l'on sait créer sur terre, mais il contient un gaz ténu, constitué principalement d'hydrogène. Ce gaz, très transparent, est parcouru par la lumière "chaude" venant des étoiles et par le rayonnement thermique à 2.7 kelvins popularisé par les prix Nobel Penzias et Wilson (lumière "froide"). Comme dans un laser, certaines molécules du gaz interagissent avec les lumières, sans provoquer de déviation des faisceaux donc sans troubler les images des étoiles. Cette interaction transfère de l'énergie de la lumière "chaude" vers la lumière "froide". Il en résulte une légère baisse globale des fréquences de la lumière chaude et une hausse pour la lumière froide. Il est équivalent d'écrire que le spectre de la lumière des étoiles est décalé vers le rouge, et celui de la lumière froide vers le bleu. Cet effet, banal pour un spécialiste des lasers, a été négligé jusqu'à présent par les astrophysiciens. La matière gazeuse étant répartie assez uniformément dans l'univers (en dehors des astres), l'effet étant cumulatif, le décalage vers le rouge est en gros proportionnel à la quantité de matière traversée, donc à la distance.
Plus le spectre d'un astre est décalé vers le rouge, et plus l'astre est éloigné : c'est la loi de Hubble, expliquée désormais par l'effet CREIL et non par l'effet Doppler qui introduit une expansion de l'Univers. L'effet Doppler n'intervient plus que comme conséquence de mouvements locaux des astres. Les conséquences de cela sont révolutionnaires en astronomie, car sans expansion de l'Univers, le big-bang est remis en question, et avec lui, toutes les audacieuses constructions qui s'y rattachent.

Lire plus

L'auto-organisation de la matière Aspect général de ce qui constitue un mystère Une vision d'exception: celle de Teilhard de Chardin

I- La flèche du temps
C'est la manière correcte et logique de montrer, lors d'un événement, la direction du temps. Cette notion va nous guider dans tout ce qui suit. Mais d'abord imaginons deux séquences filmées que l'on visionne soit dans un sens soit dans le sens inverse.
Premier film : la scène montre successivement un nuage de poussière qui s'abat sur un tas de gravats jonchant le sol. Ce nuage disparaît et les gravats sautent spontanément en l'air pour finalement se rassembler miraculeusement de manière à former une cheminée d'usine. Les flammes et la fumée sont aspirées dans un trou à la base et le trou se referme de lui-même. On aperçoit sur cet édifice intact quelques bâtons de dynamite. On fait dérouler le film dans l'autre sens et l'on découvre cette fois-ci un événement sensé qui montre en toute logique le passé, le présent et le futur.
Second film : une caméra est placée juste au-dessus du centre d'une table de billard orientée Nord - Sud. Deux groupes de boules provenant respectivement des directions Nord et Sud convergent à la même vitesse et suivant des chemins rectilignes aléatoires, convergent vers le centre. Lorsqu'il y a collision de deux boules au centre, celles-ci s'écartent en suivant des directions opposées, l'une s'en allant exactement vers l'ouest et l'autre exactement vers l'est tout en étant comme aspirées par les bandes latérales du billard. L'état final du système est un alignement de deux ensembles équipotents de boules suivant les directions Est - Ouest et Ouest - Est. On suppose qu'il n'y a pas de collisions en dehors du centre. Quelle est alors la manière correcte de visionner ce film ? Et bien il est impossible de trancher cette question ; aucun argument ne peut orienter notre choix car les deux interprétations sont plausibles. Simplement, en passant du premier au second film, nous changeons de niveau de connaissances et de paradigmes ; le premier film se passe dans un univers newtonien accessible à notre logique cartésienne tandis que le second se passe symboliquement dans un univers quantique beaucoup plus complexe. Les chocs entre les boules préfigurent les collisions entre des réalités de nature vibratoire : les électrons, les atomes, les molécules, etc. On met ici en évidence ce que les physiciens appellent : invariance du retournement temporel. On obtiendrait une propriété semblable en enregistrant les mouvements du balancier d'une horloge.
Dans cette configuration, aucun événement ne contient d'information en direction du temps bien qu'une situation soit plus vraisemblable que l'autre. Il s'agit d'une question de probabilité. Le fait que l'on puisse concevoir une flèche du temps est dû à l'intervention du deuxième principe de la thermodynamique : le désordre ne peut qu'augmenter avec le temps. Une cheminée représente un état de matière ordonnée contrairement à l'état de gravats jonchant le sol. Peut-on alors imaginer que des tas de briques en désordre deviennent des cheminées ? La réponse est oui dans la mesure où il s'agit d'un système ouvert, c'est-à-dire une situation susceptible d'être influencée de l'extérieur.
1
Dans le cas du premier film, il s'agira de l'intervention d'ouvriers du bâtiment. Le second principe de la thermodynamique ne s'appliquera qu'à des systèmes fermés. Les ouvriers concernés consomment de l'énergie laquelle entre en ligne de compte dans l'élaboration de la cheminée. Tout ceci nous amène en définitive au fameux principe anthropique, à savoir au fait que l'Univers est extraordinairement bien conçu pour que la vie puisse s'y développer.
II- La créativité innée du monde physique
Supposons que le Big Bang ait produit un Univers qui soit un système dans lequel certains états soient bien plus probables que d'autres. Il est raisonnable et vraisemblable de penser que cet Univers se soit construit de préférence à partir d'états probables constituant un continuum plus ou moins uniforme d'atomes se déplaçant au hasard en tous sens. Mais si l'Univers avait dû naître de cette manière, il se serait présenté sous une forme monotone à l'infini. En réalité tout est parti d'un quelque chose de très compact, ultra chaud, prêt à subir une expansion ; ce n'est que dans un futur éloigné qu'il dégénèrera vers sa mort thermique. Il est intéressant de noter que l'état initial de l'Univers réside dans sa potentialité pure et simple investie dans le scénario du Big Bang. Si l'on évoque le thème de la créativité humaine, on sait que tout œuvre se trouve d'abord en germe dans la tête de son auteur. Bien au contraire ce qui caractérise la créativité de l'Univers est une potentialité innée bourrée d'information qui sera investie dans la réalisation d'objets ayant un sens et une mission, une potentialité qui émerge seulement lors de l'écoulement du temps parmi toute une panoplie d'états plus ordinaires, une sorte de hasard chanceux qui serait à la base du principe anthropique.

III- La matière est capable de s'auto-organiser
Il n'y a rien d'illogique quant au fait de convertir en cheminée un tas de briques et des sacs de ciment en faisant appel au travail de l'homme et des plans conçus par l'architecte. Qu'en est-il du corps humain ? Celui-ci dérive lui aussi de matières premières fondamentales : nourriture, boisson, oxygène, etc. Une fois de plus, de l'ordre est créé à une échelle bien délimitée, en accord avec le second principe de la thermodynamique lorsque tous les facteurs sont pris en considération. Mais cette fois-ci, on peut se demander où se trouvent le plan d'organisation préalable et les ouvriers réalisateurs ? La théorie de l'évolution par sélection naturelle démontre que l'être humain a évolué au cours du temps à partir d'ancêtres plus primitifs lesquels, à leur tour, proviennent au départ de composés chimiques inanimés : la "soupe primordiale". C'est le résultat, non d'une pensée initiale, mais de phénomènes naturels. Tout a émergé de la nature organisatrice de la matière. Il s'agit de l'aptitude, propre à certains constituants de la matière, de s'assembler et de pouvoir ainsi générer des structures dont les conformations et les propriétés sont les plus diverses. Exemple assez étonnant : en mélangeant deux gaz tels que l'oxygène et l'hydrogène, on constitue un système hautement inflammable et détonant ; mais si l'on réussit à fusionner, atome par atome, chacune de ces deux substances, cela donne lieu à la formation de molécules d'eau, liquide qui justement sert en particulier à éteindre des incendies. Il en est de même du sel de table, encore appelé chlorure de sodium, qui est la combinaison d'un métal explosif avec un gaz hautement toxique. Ne parlons pas de la haute puissance symbolique du sel dans les récits évangéliques.
2
Notre monde est formé de constituants fondamentaux qui s'apparentent davantage à des pièces de Légo plutôt qu'à des éléments géométriques simples : sphère, cube, tore, etc. Dans un monde régi par le second principe de la thermodynamique, il existe de multitudes de poches d'activité évoluant en sens inverse de celui du désordre. Qu'y a-t-il de plus ordonné et de plus compliqué que le cerveau humain ? La mécanique quantique a permis, dans une large mesure, d'avancer dans la compréhension de l'auto organisation des atomes ; ceux-ci s'assemblent et engendrent des entités appelées molécules dont les propriétés sont totalement différentes des constituants initiaux.
IV- Une théorie générale de l'auto-organisation ?
Les sciences de la complexité débouchent sur une nouvelle vision des processus d'auto-organisation. Mais la théorie du chaos qui se consacre à de tels processus évoque, par son appellation, son contraire. La génération d'ordre à partir du désordre ne permet pas de se représenter de manière claire et synthétique la généralité des phénomènes considérés. De nombreux auteurs ont cherché à faire la synthèse des grands courants de pensée sur l'évolution, l'organisation et la complexité croissante. Certains avaient noté la différence profonde entre les deux grandes dérives de la matière vers la vie et l'entropie. D'autres, comme Teilhard de Chardin, ont cherché à expliquer par une loi de "complexité / conscience" l'émergence de la vie, de la pensée et de la conscience réfléchie. D'autres encore comme Francesco Varela, Jean Piaget, Edgard Morin, ont mis en avant les conditions d'autonomie d'un système complexe au cours de son évolution créatrice.

V- La vision personnelle de Pierre Teilhard de Chardin
Paléontologiste, Teilhard ne tarde pas à constater la progression au cours des âges de la cavité crânienne des mammifères et corrélativement, l'enrichissement en poids et en ramification nerveuses de la matière cérébrale. Teilhard découvre un troisième infini : l'infini de la complexité. Est complexe cet état situé entre le chaos et l'organisation strictement rationnelle, ce qui suppose l'existence de phénomènes d'émergence.
1/ De l'atome à l'homme
Présentant en lui, simultanément, l'aboutissement de la vie et le jaillissement de la pensée, l'homme est la clé de l'Univers. Du fait qu'il constitue, au terme de milliards d'années, le sommet de la montée de l'atome à la conscience douée du pouvoir de réflexion, l'homme devient comme la flèche indicatrice du sens de la vie, et le repère qui permet de situer les êtres selon leur valeur, leur degré d'organisation, leur complexité. Par ordre de complexité citons : le quark, l'électron, la molécule, le noyau chimique, la cellule vivante, qui se distinguent entre eux par la multiplicité organisée et la complication centrée. Tout ensemble arrangé géométriquement et par ordre de densité, tel que la fameuse cheminée, n'est qu'un agrégat. On peut établir selon un coefficient de complexité une classification naturelle et universelle en partant des 92 corps simples de la chimie pour arriver au mystérieux virus. Au-delà du million d'atomes, tout se passe comme si les corpuscules matériels s'animaient, se vitalisaient, si bien que l'Univers s'arrange suivant une série d'entités orientées et montantes jusqu'aux vivants les plus évolués. De plus la place occupée par chaque entité particulière situe chronologiquement cette chose-là dans la genèse de l'Univers.
3
D'où la place du temps dans cette configuration. Il y a, selon Teilhard, conformité entre le déroulement du temps évolutif et l'axe montant vers la plus grande conscience. C'est dans cette remarque que Teilhard fonde sa propre vision d'un monde qui ne demeure pas statique. La Terre représente dans le cosmos, en raison du fameux principe anthropique, l'espace portant en son sein la fortune et l'avenir du monde. De son état primordial est apparue à un moment donné une étonnante masse de matière organisée : la Biosphère. La vie psychique du monde commence avec l'apparition de la cellule qui ira de révolutions en métamorphoses.
2/ La pré vie
Teilhard tente d'expliquer l'univers aussi loin que son intuition ne lui permette, ce que ne font les scientifiques, adeptes de la pure rationalité. Jusqu'au XXe siècle, science et religion s'opposent de manière très dure. Teilhard tend donc d'établir un pont entre les deux systèmes de pensée, ce que tenteront de faire beaucoup d'autres scientifiques jusqu'à nos jours. Il se présente donc comme un précurseur dans cette réalisation. Sa dialectique repose essentiellement sur une vision holistique du monde :
"Pluralité, unité, énergie, sont les trois faces de la matière".
Ainsi la matière n'est pas seulement un agencement de particules liées par des forces gravitationnelles ou électromagnétiques, mais une entité au sein de laquelle règnent de mystérieuses liaisons. L'une d'elles est l'énergie, source d'enrichissement et d'épuisement, qui constitue ce qu'il appelle : l'étoffe de l'univers. Cette réalité fondamentale se décrit essentiellement en termes de totalité, de complexité, d'unité, de conscience. A cela s'ajoute le fait que le monde doit se concevoir en perpétuel mouvement, ce qui introduit une nouvelle notion : l'Evolution de la matière.
Teilhard compare l'immensité cosmique à la tranche de coupe d'un tronc d'arbre dont les racines plongent dans l'abîme d'un passé insondable et dont les branches s'en vont quelque part vers un avenir illimité. C'est la Cosmogénèse, terme qui définit une évolution toujours plus évoluée de la matière. Aussi pour distinguer ce qui est du domaine du visible, du compact, du mesurable, et ce qui est du domaine de l'invisible présent dans les phénomènes internes, Teilhard invente une dualité nouvelle : il parle du "dehors des choses" et du "dedans des choses" qui représente comme un "Elément de Pensée" dont la matière serait pourvue et qui participerait à un développement dynamique cohérent et unitaire des choses de la vie. Exemple : tous les corps émettent un rayonnement, tout est question d'intensité de rayonnement. Cette dualité rappelle un peu les métaphores de la cheminée et des boules de billard. Pour Teilhard, le monde possède une cohérence et pour montrer que tout n'est pas le résultat d'un hasard ou de simples interactions physico - chimiques observables et mesurables, il affirme que la vie suppose l'existence d'un projet initial qu'il appelle pré vie.
En ce qui concerne l'énergie, Teilhard entreprend une unification des différentes énergies, sachant que l'Energie Fondamentale se divise en deux composantes consubstantielles :
- Une énergie dite : Tangentielle, qui assure l'organisation d'éléments possédant un même degré de complexité suivant les lois générales de la physique et la thermodynamique.
4
- Une énergie dite : Radiale d'évolution, qui tend à conférer aux éléments un supplément de complexité.
Teilhard ne manque pas de citer et d'exploiter ces termes de centre, centréité, centration, décentration, pour désigner cette intelligence de la matière qui assure un sens à l'univers et qui intègre la spiritualité dans un monde apparemment statique. Les textes de Teilhard ne sont pas des démonstrations scientifiques au sens classique et rationnel du terme mais des textes méditatifs qui laissent une large place à l'intuition et à la créativité littéraire soutenue par des images tirées du vocabulaire de la topologie, de la mécanique rationnelle et de la thermodynamique qu'il a très bien su exploiter. On sait par exemple que dans le mouvement d'un point mobile sur une trajectoire, l'accélération normale (ou radiale) a un support qui passe par le centre de courbure de la trajectoire en ce point. Or Teilhard utilise ce terme de courbure comme métaphore pour donner un sens à tout univers dont les éléments sans distinctions subissent des attractions ou des répulsions de la part d'autres éléments de cet univers.
3/ Le pas de la vie
Soit par arrangement des parties, soit par acquisition d'une dimension de plus, rien n'empêche que le degré d'intériorité propre à un élément cosmique ne puisse varier au point de s'élever brusquement à un palier nouveau. La vie à la surface de la terre juvénile est un étonnant spectacle, un jet en avant de la spontanéité, un saut dans l'improbable, une explosion d'énergie interne consécutive et proportionnée à une super organisation fondamentale de la matière. La vie élémentaire est une multitude d'éléments différenciés qui forme un tout structurellement et génétiquement solidaire. Elle se propage comme une pulsation solitaire et une onde unique jusqu'à l'homme.
A la base du processus d'enveloppement de la vie, se place le mécanisme de la reproduction. C'est une première brèche dans l'inorganisé. Ensuite on découvre le merveilleux procédé de la conjugaison qui décrit la dualité des sexes, puis les combinaisons infinies de caractères. C'est sur les groupements de grosses molécules qu'ont apparu les premiers êtres vivants constitués d'une seule cellule. A une époque très proche de leurs origines, un clivage important a dû se produire, clivage séparant les proto plantes (à nutrition chlorophyllienne) des proto animaux (parasites des premières). Dégagé de l'énorme tronc des végétaux sur lequel il s'enroule, le monde animal des métazoaires laisse émerger deux tiges principales : celle des arthropodes à squelette externe et celle des vertébrés à squelette interne.
Puis est apparu plus tard le groupe dominateur des tétrapodes marcheurs d'où émergent trois sous-groupes : amphibiens, reptiles et mammifères. Là il faut trouver un fil conducteur. Il est fourni par la structure, l'agencement et la perfection des neurones cérébraux. L'axe principal de cérébralisation passe par la branche des mammifères et présente un processus actif de complexification, flèche de l'arbre de la vie. Plus précisément l'axe de céphalisation passe par l'ordre des primates et plus exactement par la famille des anthropoïdes. Chez eux les hémisphères cérébraux, chargés de sillons et de circonvolutions, recouvrent complètement le cervelet, d'où augmentation du volume de la tête. Si l'on tient compte de la distribution et de la fréquence des fossiles connus, on constate une intense activité de multiplications et de

5
mutations chez des anthropoïdes variés, vers les débuts du Pliocène, sur une large bande tropicale et subtropicale. Alors apparaît la pensée !!
Tout se déroule durant un temps très long, comme si une énergie mystérieuse chargée d'information, avait inexorablement fait surgir depuis l'infime un toujours plus de vie. En fait l'homme, être pensant et clé de l'Univers, était en préparation dès l'aube des temps. Il ouvre aussi la porte sur le mystère de son auteur. La création et l'évolution du monde ne peuvent être, selon ces hypothèses, le seul fruit du hasard qui est caprice et discontinuité. Par sa pensée réfléchie, l'homme n'est pas seulement différent mais autre. On dit que la vie est montée de conscience et que toute la Biogénèse se résume et se clarifie en ce point singulier qu'est l'être humain. Pour déboucher sur une telle réalisation, l'énergie universelle doit prendre la forme d'une énergie pensante. On peut évoquer la présence d'une transcendance dont l'action continue soulève l'Univers par le dedans. En se remémorant les fouilles dans les cavernes d'où il exhumait des vestiges de l'art religieux, Teilhard entrevoit Dieu penché sur le miroir de la terre devenu intelligent et empreint d'une suprême beauté. Il saisit alors que l'histoire humaine est essentiellement une histoire religieuse. La nature du lien qui unit Dieu et l'Univers pensant a pour nom : l'amour. Pour Teilhard, l'amour est la plus universelle, la plus formidable et la plus mystérieuse des énergies cosmiques.

4/ La démarche évolutionniste
Union et différentiation sont deux mots clés chez Teilhard. Entre les deux infinis que sont l'immensité cosmique et le monde subatomique, se situe un troisième infini : celui de la complexité. Pour lui la "montée de la complexité" a permis, par étapes successives, de passer de la matière inerte à la matière vivante, jusqu'à l'apparition de l'homme pensant, l'hominisation et la socialisation.
Dans le mouvement de la matière - énergie, il a perçu dans une profonde méditation, un travail immense d'enfantement des choses de la vie terrestre, qui ne cesse de produire de la complexification dans un dessein de convergence vers la perfection et d'unification du multiple qu'il désigne sous le nom de point Omega. La mondialisation doit être conçue comme une manifestation des "aspirations unitaires de l'univers autour de nous".
"Du point de vue expérimental qui est le nôtre, la Réflexion, ainsi que le mot l'indique, est le pouvoir acquis par une conscience de se replier sur soi, et de prendre possession d'elle-même comme un objet doué de sa consistance et de sa valeur particulière : non plus seulement connaître, mais se connaître. Non plus seulement savoir, mais savoir qu'on sait. Par cette individualisation de lui-même au fond de lui-même, l'élément vivant, jusque- là répandu et divisé sur un cercle diffus de perceptions et d'activités, se trouve constitué, pour la première fois, en centre ponctiforme, où toutes les représentations et expériences se nouent et se consolident en un ensemble conscient de son organisation"
(Phénomène humain I, p181)

Trois types de réflexions sont envisagés dans l'élaboration d'une conscience commune et la formation d'un véritable système nerveux de l'humanité :

6
- La réflexion individuelle de chaque homme qui sait qu'il sait.
- La Co - réflexion de l'humanité dans la Noosphère convergente, qui conduit au point d'ultra - réflexion. Il s'agit de la réflexion planétaire de toute l'humanité convergente, traduite par le phénomène social et par la planétisation de la recherche en matière de politique, d'économie, de progrès multiples et d'amour.
- Réflexion de Dieu en Oméga sur l'Humanité Co - réfléchie représentée par la Révélation.
Le point de convergence Oméga est le Christ qui vient : telle est la grandiose et discutable intuition de Teilhard qui fait que l'évolution créatrice se situe de Alpha (commencement) à Oméga (accomplissement), ce dernier attirant le monde en construction et en devenir. Il s'agit d'un "Christ Evoluteur" qui féconde par son amour et sa croix, l'humanité et l'ensemble du cosmos. Dans cette perspective teilhardienne, l'homme est intimement lié avec tout le cosmos ; il en est le produit le plus évolué et le plus complexe qui, par le truchement de sa conscience, sait prendre la flèche de l'évolution en dialogue avec Oméga, compte tenu de sa liberté qui lui fait emprunter tel chemin ou tel autre. Telle est d'ailleurs la problématique qui s'offre à nous dans une perspective aussi bien optimiste que pessimiste.
5/ un nouveau concept : la noosphère
La pyramide de la complexité d'Hubert Reeves (astrophysicien) va tout à fait dans le sens des intuitions de Teilhard. On retrouve cette évolution de la matière inerte et vivante à travers les notions modernes d'émergence et d'auto - organisation. L'histoire de l'univers et de la vie nous présente une montée de complexité qui aurait été impossible à détecter si tout se passait près d'un état d'équilibre et sans dissipation d'énergie. Ainsi les dualités : ordre et désordre, régularité et irrégularité, stabilité et instabilité, prévisibilité et imprévisibilité, se conjuguent pour créer la complexité. Dans une structure complexe, l'ordre est dû à l'existence d'interactions et le désordre permet de rapprocher les constituants du système pour favoriser des interactions. Il apparaît alors une certaine dialectique qui exprime que le Tout est plus que la somme des parties : la cellule est plus qu'un simple agrégat de molécules ; car dans le Tout émergent des propriétés nouvelles dont sont dépourvus les constituants ; ce qui fait que le Tout est doté d'un dynamisme organisationnel. Il existe au sein de la vie un faisceau de qualités émergentes (l'auto - reproduction par exemple). La vie contient simultanément un élément d'ordre (programme génétique par exemple) et un élément de désordre dégénératif. Dans un tel contexte la mort est inséparable de la vie et ainsi l'organisation du vivant se conçoit comme une réorganisation permanente. Sur le plan de l'évolution du vivant, il existe un cône de divergence globale représenté par la croissance inexorable de l'entropie (mort thermique de l'univers) et un cône de convergence locale vers le point Oméga représentant pour Teilhard la victoire finale de la vie. Notre histoire actuelle, marquée par l'accélération du progrès scientifique s'inscrit dans la formidable énergie créatrice de l'évolution. De nombreuses questions se posent justement à propos du rôle joué par le point Oméga.
- L'existence du point Oméga est-il de l'ordre de la prévision scientifique ? C'est peu probable !
7
- Existe-t-il une relation physique entre le Christ et le cosmos ?
- La présence de Jésus au monde est à la fois enracinée dans l'histoire d'un peuple élu (comme fils de David) et liée ontologiquement au fait qu'il est aussi fils de Marie par l'opération de l'Esprit Saint.
En fait la complexification actuelle d'un monde ultra - matérialisé peut ouvrir la voie à des possibilités nouvelles de recherche de sens, pourvu que l'homme s'en donne la peine. Cependant l'idée d'évolution continue à susciter des controverses dans le monde intellectuel. On peut discuter à souhait sur le hasard, sur le déterminisme et la loi de sélection naturelle. Le langage humain ne suffit évidemment pas pour rendre compte et expliquer vers quelle direction il faut aller pour se rapprocher de la vérité.
On peut douter de la valeur conceptuelle des mots : qu'appelle-t-on en fait sélection naturelle par exemple ? On sait cependant que la pensée de Teilhard privilégie le mouvement de l'être, celui de la matière, celui du Monde, celui de l'Humanité, ainsi que le principe d'union dans la différentiation. C'est le grand moteur de l'évolution sous l'effet du Christ Evoluteur. La démarche est séduisante car elle s'oppose à un certain fixisme de la pensée. Le développement récent du dialogue sciences - religions n'existait pas au début du siècle dernier. Teilhard insiste également sur la symbolique de la dualité : masculin - féminin qui met en évidence une complémentarité indispensable avec l'introduction de "l'Eternel Féminin" source de valeurs éminemment humanistes. Malgré cette merveilleuse histoire que constitue l'ascension de tout le cosmos vers le point Oméga, suprême réalisation du projet divin et accomplissement de la Noogénèse dans un éternel Amour, Teilhard reconnaît que cette configuration optimiste est liée inexorablement au rôle joué par le libre arbitre de la personne humaine. Pratiquement l'homme doit utiliser sa réflexion pour adhérer à la puissance créatrice et permanente de Dieu. L'homme est instrument de la Création. L'homme, sous l'effet de la grâce venant du Christ - Oméga, doit poursuivre une œuvre d'amour dans un contexte qui de nos jours, rapproche les individus, les peuples, les nations, les cultures, les religions. Pour Teilhard, l'action divine n'est pas du type "interventionniste" ou semblable à l'action des créatures dans le seul espace - temps. Elle est une force continue qui rend possible l'existence et le devenir des créatures.
"Dieu fait que se fassent les choses"
Il s'agit d'une sorte de "superposition" de l'action divine et celle de l'homme, bien que l'action divine reste transcendante et non accessible directement par l'examen des phénomènes. Les changements positifs dans la complexité résultent de la capacité d'accueil des créatures qui, en raison de la plus importante capacité des structures, sont en mesure de participer à un enrichissement de l'énergie créatrice. L'action de Dieu n'est donc pas un acte isolé dans le temps et dans l'espace, mais se révèle comme une énergie fondatrice et munie d'un projet auquel l'homme est associé…s'il le veut bien ! Ainsi la "Noosphère" représentera une couche pensante de la Terre qui constitue un Tout spécifique et organique en voie d'évolution vers l'unité suprême. Dans cette configuration de la pensée, le monde ne doit pas être qu'un ensemble de choses et d'êtres humains subissant une pure cohabitation spatiale et matérielle, ne possédant que des liaisons banales, celles qui sont observables avec nos sens.
8
On parle de "conscience collective" mais pour Teilhard il s'agit d'une sorte de Conscience du Monde.
VI- Le rôle joué par les conditions initiales
En Algèbre moderne on définit la notion de couple : ensemble constitué par deux nombres réels ayant chacun un ordre de priorité. Dans le couple noté : (a, b) a désigne le premier nombre et b le second. Ceci est très important car par la suite les deux nombres ne jouent pas le même rôle dans les théories auxquelles ils sont mêlés. On reconnaît le principe de dualité par exemple dans le couple homme - femme, principes respectivement actif et passif. Nous allons découvrir quelque chose d'étonnant. On considère un premier ensemble de couples noté : C au sein duquel on définit deux opérations : On saura additionner deux couples pour obtenir un troisième couple, par exemple :
(A, b) + (c, d) = (a + b, c + d)
De même on saura multiplier deux couples pour obtenir un troisième couple, ainsi :
(a, b) x (c, d) = (ac - bd, ad + bc)
On démontre par le calcul que les deux opérations ainsi définies possèdent les mêmes propriétés que les opérations ordinaires sur les nombres familiers. Nous obtenons donc un système parfaitement cohérent qui contiendra naturellement la division. On dit alors que cet ensemble C constitue ce qu'on appelle un Corps.
On considère un second ensemble de couples noté : D au sein duquel on définit deux opérations en modifiant à peine les formules précédentes. Ainsi:
(A, b) + (c, d) = (a + b, c + d)
(a, b) x (c, d) = (ac, ad + bc)
On démontre par le calcul que cet ensemble D possède lui aussi une structure cohérente mais moins riche que celle de C et ce second ensemble prendra le nom d'anneau.
Les éléments de C sont appelés nombres complexes parmi lesquels on trouve les fameux nombres imaginaires, le plus connu s'appelle "i" dont le carré vaut : -1 qui pourtant est un nombre négatif !
Les éléments de D sont dits : nombres duaux et le plus connu est "ω" dont le carré vaut tout simplement "0" sans que ω soit lui-même nul !!!
Tout cela ressemble à de la magie, et pourtant les conséquences scientifiques et épistémologiques sont considérables.
De déductions en déductions il est possible de construire à l'aide des nombres complexes une longue théorie qui va servir de support à de nombreux secteurs des sciences dures : mathématique et physique. On peut également tenter de manipuler les nombres duaux avec une démarche identique.
9
On obtient d'agréables surprises, des sortes de monstres mathématiques qui s'articulent dans une parfaite harmonie…puis patatras ! Ce que l'on croyait découvrir ne représente plus qu'une chimère, et la belle théorie débouche sur du vide.
J'ajouterai que la manipulation des nombres duaux dans un cadre géométrique, fait apparaître essentiellement le monde de Thalès, celui qui traite des rapports et uniquement les rapports. Bien au contraire la manipulation des nombres complexes dans un cadre géométrique, ouvre au monde des translations, des rotations, des similitudes, du vibratoire, etc…. C'est ce qui en fait son exceptionnel intérêt.
On doit constater finalement que deux petites égalités sont à la base d'une grande part de la Connaissance scientifique, et qu'il suffit d'une légère modification dans une de ces égalités pour se rendre compte du caractère dérisoire du résultat obtenu bien qu'on soit resté durant un temps respectueux de la cohérence du tout.
N'en est-il pas ainsi dans la naissance de la Vie et dans l'Evolution des choses créées ?
Il existe au départ ce qu'on appelle : des conditions initiales c'est-à-dire une information. C'est le potentiel d'intelligence humaine qui va traiter cette information dans une direction bien déterminée. Une merveilleuse métamorphose énergétique va faire éclore toute une floraison de découvertes les plus diverses. On peut donc comprendre là toute la dialectique de Teilhard dont j'ai en quelque sorte exposé une métaphore numérique assez simple. A l'exemple du déplorable destin des nombres duaux, ne peut-on pas imaginer que la mystérieuse disparition des dinosaures ait pour cause une simple information initiale qui décide de la finalité ? Nous sommes là en plein imaginaire mais étant donné les nombreuses homologies au sein d'un univers cohérent et non séparé, il est permis de rêver aux multiples interactions entre tous les aspects de la Connaissance.









10

Lire plus

Evolution et Rédemption

Dans le cadre de cette difficile question, deux métaphores me viennent à l'esprit.
Imaginons une ligne électrique de très haute tension (800 kV ou plus) sur laquelle on désire placer en dérivation un appareillage quelconque. Il faudra que celui-ci possède une résistance excessivement élevée pour qu'il ne s'évanouisse pas instantanément. C'est un peu l'image de notre condition humaine qui représente comme un passage à travers l'Espace-Temps d'une parcelle de cette réalité absolue appelée : la VIE. Cette haute résistance à l'infinie puissance vitale se trouve réalisée grâce à celle de la multitude de nos egos lesquels sont dotés d'une formidable capacité de résistance et de liberté. Le retour à la Vie divine ne peut, dans ces conditions, être réalisé qu'au sein d'une manipulation de nature transcendantale. L'homme ne peut se sauver seul ; le salut ne se réalise que dans le Christ. Ce passage de l'être humain dans une structure immanente n'est ni plus ni moins que le processus de l'évolution qui écarte toute idée anthropomorphique liée à la notion de péché originel et qui, de plus, ne doit se concevoir qu'à travers le passage par la Croix.

Un jour j'ai connu un enfant qui respirait le bonheur jusqu'à ce que, au fil du temps, il devînt un être fermé sur lui-même et un terrible camarade d'école ajoutant les sottises aux mauvaises notes, et ainsi de suite durant plusieurs années. Se croyant fort, il refusait toute explication à son comportement. En fait ses parents ne l'aimaient pas mais il ne voulait surtout pas montrer par orgueil son désarroi intérieur. Voilà qu'un beau jour il rencontre un adulte compatissant qui réussit à le faire parler sur sa vie passée. Il fondit en larmes tout en révélant la vérité à son ami. Il se sentait un peu pitoyable et son désir profond aurait été de tout casser autour de lui, témoignage de force morale et de réussite personnelle. Par la suite la vie prit une autre tournure en dépit de cet échec apparent. L'essence des choses est parfois invisible à priori. Certains théologiens vous diront, non sans subtilité, que la Rédemption est fondée sur une philosophie d'échec, sachant qu'il convient de réaliser tout le sens que ce mot suggère en vérité. Il ne s'agit nullement de gâcher sa vie dans une sorte de quiétisme irresponsable.

Pour aller plus loin, je cite Teilhard de Chardin qui écrit dans son livre "Comment je crois" (p 191 - 192) les lignes suivantes : Je ne crois pas me tromper en affirmant que, lentement mais sûrement, une transformation spirituelle est en cours, au terme de laquelle le Christ souffrant, sans cesser d'être "celui qui porte les péchés du Monde" et justement comme tel, deviendra de plus en plus pour les croyants, "celui qui porte et supporte le poids du Monde en évolution". Sous nos yeux, dans nos cœurs, j'en suis persuadé, le Christ - Rédempteur va s'achevant et s'explicitant dans la figure d'un Christ - Evoluteur. Et, du même coup, c'est la Croix dont le sens s'élargit et se dynamise à notre regard : la Croix symbole, non seulement de la face obscure, régressive, - mais aussi et surtout de la face conquérante et lumineuse de l'Univers en genèse ; la Croix symbole de Progrès et de victoire à travers les fautes, les déceptions et l'effort, la seule Croix, en vérité, que nous puissions honnêtement, fièrement et passionnément présenter à l'adoration d'un Monde devenu conscient de ce qu'il était hier et de ce qui l'attend demain".
En fait, l'économie de la rédemption est fondée sur une loi paradoxale inaccessible à notre rationalité. Le succès réside dans l'échec ! Tout chrétien doit suivre l'exemple du Sauveur en réalisant en soi, et d'une certaine façon, la mort du Christ afin d'avoir part à la gloire du Père. Cette convergence du Monde vers le point Omega ne peut se faire que par l'agir et le don de soi par Amour. "Si le grain de blé ne meurt, il demeure seul ; s'il meurt alors il porte beaucoup de fruits" (Jean XII, 24) La loi de vie est donc une loi de mort. Etre chrétien, c'est réaliser en soi et dans sa vie le modèle divin ; telle est la loi de l'Evolution qui repose toutefois sur une dualité ontologique. L'Être se doit d'agir, mais dans un esprit de pauvreté. Autrement dit si nous nous attachons exclusivement à nos actions et à nos succès alors nous péchons par orgueil ; mais a contrario, si nous pensons cultiver l'esprit de pauvreté dans le non agir alors nous commettons également une faute d'amour propre. La loi de l'évolution c'est à la fois la conjugaison de liberté, progrès, acceptation de l'échec, appel à une renaissance et au final, mort et résurrection.

Teilhard écrit : (p 229 - 230) Création, Incarnation et Rédemption n'apparaissent plus que comme les trois faces complémentaires d'un seul et même processus : la Création entraînant (parce qu'unificatrice) une certaine immersion du Créateur dans son œuvre, et en même temps (parce que nécessairement génératrice de Mal, par effet secondaire statistique) une certaine compensation rédemptrice (…) le mystère n'est nullement éliminé, mais simplement reporté à sa vraie place (c'est-à-dire tout en Haut et dans le Tout), qui n'est ni la Création, ni l'Incarnation, ni la Rédemption dans leur mécanisme, mais "la Pléromisation."
Une vision mécaniste de la création consiste à dire : l'acte créateur consiste en la production des éléments du monde et leur mise en place optimale au sein d'un système bien ordonné, parfaitement et définitivement codifié ; le déroulement postérieur du système obéissant alors aux seules lois de la nature. L'action créatrice se limite donc à un premier instant, et c'est suivant cette logique réductrice que la pensée commune considère les premiers mots de la Genèse comme un commencement de la Vie. Telle était le sens de la création donné par Descartes en son temps où l'on pensait selon les paradigmes de la physique classique. Le scénario qui suit l'acte créateur n'est plus alors qu'un accompagnement du créateur qui peut intervenir ponctuellement et si nécessaire, pour réorienter et assurer le passage d'un ordre à un autre. Certains évoquent l'idée d'un retrait de Dieu pour dire l'acte créateur : vision fragmentée des choses qui s'exprime en termes d'interactions dans un ensemble dont on a du mal à saisir et à préciser le sens métaphysique. En fait, la création ne se réduit pas au premier moment de l'Univers. Elle est le don de l'être coextensif à la durée du cours des âges. Dieu s'inscrit dans la temporalité de sorte que le concept de Vie n'est plus simplement fondé sur une vision mécaniste du monde. La notion de création récuse l'image de l'intervention qui place, de façon anthropomorphique, cette réalité sur le même plan que les causes et faits naturels. Dans notre monde les dépendances sont multiples : la vie du corps, celle de l'esprit, les contraintes sociales, morales et politiques. Mais il y a une autre dépendance, celle qui vient de l'acte créateur qui est un acte relationnel selon lequel l'accès à l'autonomie ne se fait pas contre, mais grâce à la volonté et l'action du créateur. Il s'agit d'une dépendance particulière, source de vie. La maturité spirituelle consiste, selon les mystiques, à écarter les dépendances infantilisantes ou aliénantes pour accéder à la liberté. La création continue est un processus qui repose sur l'idée de présence permanente. Dieu accompagne et suscite le mouvement des êtres vivants vers un accomplissement, non pas nécessairement de manière directe interventionniste mais plutôt indirectement dans un processus qui fait intervenir plusieurs acteurs. L'action de Dieu est la réalisation du vœu de la nature et l'action créatrice mène chaque chose à son achèvement. La théorie de l'évolution en montre le déploiement et la création fonde l'être du monde dans sa continuité et sa cohérence. Telle se présente cette complémentarité entre la théologie de la création et la théorie de l'évolution.

Lire plus

Noosphère et liberté chrétienne

La noosphère, citée par Pierre Teilhard de Chardin dans Le Phénomène humain, (ouvrage publié à titre posthume) serait le lieu de l'agrégation de l'ensemble des pensées, des consciences et des idées produites par l'humanité à chaque instant. Nous disons bien : le lieu. Il s'agit d'une réalité, non plus matérielle, mais spirituelle, au-delà de la matière, de la vie physique, de la pensée individuelle. "C'est vraiment une nappe nouvelle, la nappe pensante, qui, après avoir germé au Tertiaire finissant, s'étale depuis lors par-dessus le monde des Plantes et des Animaux : hors et au-dessus de la Biosphère, une Noosphère", une sorte de couche de faible épaisseur entourant la terre. Le modèle qu'il propose pour notre planète se composerait donc de différentes couches en interaction : la lithosphère, noyau de roche et d'eau ; l'atmosphère, enveloppe gazeuse constituant l'air ; la biosphère constituée par la vie ; la techno sphère résultant de l'activité humaine ; la noosphère ou sphère de la pensée. Il n'y aurait donc pas plus de solution de continuité entre la matière et la pensée, qu'entre la matière inerte et la vie, la vie apparaissant à un certain niveau de complexité de la matière, et la pensée à un certain niveau de complexité du cerveau. Cette intuition que Teilhard a explicitée, il l'a eu dans le Laboratoire de Marie Curie, entre 1922 et 1924, laboratoire où il côtoyait le savant russe Vladimir Vernadski et avait connaissance des travaux du philosophe français Edouard Leroy. Notre planète serait entourée non pas seulement d'une couche d'atmosphère, mais d'une couche de noosphère.
Parallèlement et indépendamment, la science des moyens de communication par les ondes faisait d'immenses progrès, depuis la téléphonie, la radiophonie, la télévision, les relais satellitaires. Tout cela étant du domaine de la matière. Soulignons qu'il n'y a pas de pensée sans support matériel, sans cerveau. En tout cas, nous n'en connaissons pas. Et donc les réalisations de ce monde nouveau qu'est la couverture mondiale par le réseau internet restent du domaine physique. On peut donc, à un certain point de vue, considérer l'informatique comme un "avatar" de l'intuition de la noosphère, même si elle ne s'en est jamais inspirée ni réclamée. Ainsi la "Noosphère" représentera une couche pensante de la Terre qui constitue un Tout spécifique et organique en voie d'évolution vers l'unité suprême. Dans cette configuration de la pensée, le monde ne doit pas être qu'un ensemble de choses et d'êtres humains subissant une pure cohabitation spatiale et matérielle, ne possédant que des liaisons banales, celles qui sont observables avec nos sens. On parle de "conscience collective" mais pour Teilhard il s'agit d'une sorte de Conscience du Monde. Or dans tout système en mouvement ou en évolution, existe ce qu'on appelle des degrés de liberté qui en gèrent le fonctionnement avec toute sa complexité. La notion de degré de liberté recouvre plusieurs notions dans des domaines différents :
• un degré de liberté est, en mécanique, une notion recouvrant la possibilité de mouvement dans l'espace. Il représente une ou plusieurs contraintes qu'on peut éventuellement modifier
• un degré de liberté est, en physique et en chimie, une notion indiquant la possibilité pour un système d'évoluer dans une direction non contrainte.
• un degré de liberté est également une notion de statistiques.
• Les degrés de liberté sont, en anatomie, les trois types de mouvements permis par les diarthroses ou articulations synoviales.
Sur le plan philosophique, la notion de liberté humaine fait l'objet d'une attention particulière puisqu'elle entre dans le cadre de tout ce qui constitue notre vie avec nos semblables et des contraintes qui régissent nos rapports avec nous-mêmes et avec autrui. Nous sommes tous soumis à des impératifs moraux ou matériels, à des contingences indépendantes de notre volonté, ce qui soulève une question fondamentale : dans quelle mesure sommes-nous libres ? Et si nous sommes chrétiens, dans quelle mesure le magistère ecclésial restreint-il davantage encore notre libre arbitre et nos pensées personnelles ? D'abord l'homme est un être complexe. L'autonomie parfaite et l'absence de contraintes familiales peut conduire à une déchéance de la personne qui ne peut se construire, tandis que la soumission aveugle à une autorité supérieure peut à contrario enfermer la personne dans une tour d'ivoire d'où elle ne peut s'évader. En fait, la morale autant que la liberté aident à vivre et à s'épanouir. On peut alors décrire la Noosphère comme un immense espace de relations et de libertés qui constitue la conscience du monde. Mais le problème est de savoir si les religions et en particulier la dogmatique chrétienne apportent au croyant un rétrécissement du libre arbitre donc un asservissement idéologique de la personne humaine qui ne sait plus témoigner de son discernement et qui ira se réfugier, soit dans la fuite vers d'autres sagesses, soit dans le sectarisme.

La liberté reçoit, en fait, son sens véritable par l'amont et par l'aval. La personne construit sa personnalité à partir de son éducation, de ses études, de ses expériences passées et des conséquences de toute action décidée par un choix. L'homme n'est pas un élément isolé mais bien au contraire un élément d'une chaine d'événements qui va donner un sens, positif ou négatif, à tel ou tel choix de vie. Ainsi la liberté n'est plus une réalité ponctuelle mais une réalité plus cosmique donc plus universelle, qui concerne tout un ensemble d'éléments de la vie humaine. Mais plus encore : la liberté doit conduire à un travail de création et d'enfantement, à une nouvelle naissance qui représente l'épanouissement de la personne et non son enfermement dans un culte des idoles qui sévissent dans notre monde : le pouvoir, l'argent et le sexe. La liberté est une vocation du cosmos et sa perspective est le Royaume divin et c'est grâce à elle que la noosphère accède à sa finalité : Dieu sera tout en tous, comme l'affirme St Paul.
Qu'en est-il alors de la liberté dans le cadre de la mystique chrétienne ?
Je cite donc un texte de St Paul traitant de la vie du chrétien dans l'Esprit :

"Destinés à la gloire. J'estime en effet que les souffrances du temps présent ne sont pas à comparer à la gloire qui doit se révéler en nous. Car la création en attente aspire à la révélation des fils de Dieu : si elle fut assujettie à la vanité, -non qu'elle l'eût voulu, mais à cause de celui qui l'y a soumise- c'est avec l'espérance d'être aussi libérée de la servitude de la corruption pour entrer dans la liberté de la gloire des enfants de Dieu. Nous le savons en effet, toute la création jusqu'à ce jour gémit en travail d'enfantement. Et non pas elle seule : nous-mêmes qui possédons les prémices de l'Esprit, nous gémissions nous aussi intérieurement dans l'attente de la rédemption de notre corps. Car notre salut est objet d'espérance ; et voir ce qu'on espère, ce n'est plus l'espérer : ce qu'on voit, comment pourrait-on l'espérer encore ? Mais espérer ce que nous ne voyons pas, c'est l'attendre avec constance." (Rm 8, 18 - 25)

En fait, l'acte libre se conçoit comme la conquête d'une certitude même lointaine à nos yeux qui ne peut s'accomplir que dans le cadre de la foi. Mais cette prouesse est le résultat d'un long et patient travail sur sa propre conscience face à Dieu et non plus sur des éléments extérieurs. C'est ce qu'accomplit si bien Benoît XVI avant de révéler sa décision de laisser sa charge pastorale. C'est ce qu'accomplit Teilhard de Chardin en découvrant en soi une autre vision du monde au risque de décevoir ses pairs. Alors justement le christianisme donne des moyens adéquats pour atteindre tout exercice spirituel visant à prendre une décision quelle qu'elle soit. Oser se détacher de la loi, du sacré même, de l'angoisse métaphysique et du jugement, c'est accomplir un authentique acte de liberté. La liberté chrétienne engendre normalement un état d'apaisement de l'esprit et la perspective de la mort se vit en toute sérénité. Ce qui est fondamental est finalement de pouvoir se situer devant Dieu et non plus face à des réalités contingentes. En tout état de cause, l'homme aura toujours peur du risque et du changement, surtout s'il est tenu de respecter un certain politiquement correct. Et pourtant la liberté constitue l'élément primordial de communication qui s'inscrit dans la Christo genèse, dans l'ultime concentration de la noosphère vers le point Omega.

Paul voit dans la liberté du chrétien bien autre chose qu'une simple marge de manœuvre laissée au croyant pour l'action journalière: la liberté est, à ses yeux, une qualité nouvelle que le Christ nous a obtenue et qui se trouve désormais enracinée dans notre être de fils de Dieu; c'est une sorte d'aisance et d'enthousiasme qui nous est enseignée par l'Esprit, et qui traduit dans l'action notre consécration radicale d'enfant de Dieu. On peut évoquer cette qualité d'optimisme dont Teilhard a su faire preuve face au spectacle du monde. Mais comme le propose Teilhard, en définitive, le champ d'action privilégié de la liberté chrétienne et le critère le plus sûr de son authenticité est l'amour fraternel à travers le mot juste et la pensée juste délivrés de tout archétype figé. En travaillant activement à sa libération, ou plutôt : en se laissant affranchir par l'Esprit, le chrétien libère dans sa vie les forces de la charité, élargit en lui-même l'espace du dialogue, et devient de jour en jour plus fraternellement présent à tous les hommes. Se libérant, il se trouve ; et, se trouvant, il se donne. On reconnaît aussi la liberté d'un chrétien à la capacité qu'il a d'y renoncer par amour. "Oui, libre à l'égard de tous, je me suis fait l'esclave de tous, afin d'en gagner le plus grand nombre. Je me suis fait juif avec les juifs, afin de gagner les juifs... je me suis fait faible avec les faibles, afin de gagner les faibles, je me suis fait tout à tous, afin d'en sauver à tout prix quelques-uns. Et tout cela, je le fais pour l'Évangile, afin d'avoir part à ses biens." (1 Co 9, 16-23)

Marcel Comby

Lire plus

Complémentarité entre théorie de l'évolution et théologie de la création

1-Introduction Cette complémentarité se retrouve dans les deux actions divines présentes dans les
textes bibliques : d'une part Dieu sépare et d'autre part Dieu rassemble.
Si Dieu sépare d'abord, en fin de compte son plan est de rassembler ses enfants, de réunir même toutes choses, au temps fixé par lui. Séparer et rassembler, ce n'est contradictoire qu'en apparence. Avant de pouvoir entrer dans un alliage à usage industriel, l'or brut doit subir l'affinage. Cette opération consiste à séparer l'or des autres métaux qu'il contient (argent, platine, cuivre, par exemple) par voie chimique ou électrolytique. Alors seulement l'or fin (or pur) peut subir une deuxième opération: l'alliage, par la fonte de cet or pur avec une quantité déterminée de métaux d'appoint, eux-mêmes préalablement purifiés. On obtient ainsi un or allié, au titre exact désiré répondant aux exigences techniques requises, pour entrer dans le circuit de fabrication. On ne saurait parler d'alliage sans affinage préalable. Dieu, d'abord, sépare, ensuite seulement il allie. Dans son plan le Seigneur apparaît comme le grand rassembleur.
Teilhard, dans ouvrage : "Le phénomène humain", nous fournit une explication bien personnelle. Il parle de cette évolution de la matière inerte et vivante à travers les notions modernes d'émergence et d'auto - organisation. L'histoire de l'univers et de la vie nous présente une montée de complexité qui aurait été impossible à détecter si tout se passait près d'un état d'équilibre et sans dissipation d'énergie. Ainsi les dualités : ordre et désordre, régularité et irrégularité, stabilité et instabilité, prévisibilité et imprévisibilité, se conjuguent pour créer la complexité. Dans une structure complexe, l'ordre est dû à l'existence d'interactions et le désordre permet de rapprocher les constituants du système pour favoriser des interactions. Il apparaît alors une certaine dialectique qui exprime que le Tout est plus que la somme des parties : la cellule est plus qu'un simple agrégat de molécules ; car dans le Tout émergent des propriétés nouvelles dont sont dépourvus les constituants ; ce qui fait que le Tout est doté d'un dynamisme organisationnel. Il existe au sein de la vie un faisceau de qualités émergentes (l'auto - reproduction par exemple). La vie contient simultanément un élément d'ordre (programme génétique par exemple) et un élément de désordre dégénératif. Dans un tel contexte la mort est inséparable de la vie et ainsi l'organisation du vivant se conçoit comme une réorganisation permanente. Sur le plan de l'évolution du vivant, il existe un cône de divergence globale représenté par la croissance inexorable de l'entropie (mort thermique de l'univers) et un cône de convergence locale vers le point Oméga représentant pour Teilhard la victoire finale de la vie. Notre histoire actuelle, marquée par l'accélération du progrès scientifique s'inscrit dans la formidable énergie créatrice de l'évolution. En fait la complexification actuelle d'un monde ultra - matérialisé peut ouvrir la voie à des possibilités nouvelles de recherche de sens. Cependant l'idée d'évolution continue à susciter des controverses dans le monde intellectuel. On peut discuter à souhait sur le hasard, sur le déterminisme et la loi de sélection naturelle. Le langage humain ne suffit évidemment pas pour rendre compte et expliquer vers quelle direction il faut aller pour se rapprocher de la vérité. On peut douter de la valeur conceptuelle des mots : qu'appelle-t-on en fait sélection naturelle par exemple ? L'évolution admet-elle une finalité ?
On sait cependant que la pensée de Teilhard privilégie le mouvement de l'être, celui de la matière, celui du Monde, celui de l'Humanité, ainsi que le principe d'union dans la différentiation. C'est le grand moteur de l'évolution sous l'effet du Christ Evoluteur.
2- Dieu sépare
"Vous serez saints pour moi, car je suis saint, moi, l'Eternel; je vous ai séparés des peuples, afin que vous soyez à moi." (Lev, 20, 26)
a / Dieu sépare la lumière Au début des actes créateurs de Dieu intervient une séparation: la lumière est séparée des ténèbres. Au-delà de l'institution du premier jour, apparaît ici la révélation fondamentale que Dieu est lumière. Il veut se faire connaître comme tel, intrinsèquement lumière, seule source de lumière. Cette pensée rejoint le prologue de l'évangile de Jean, où le Fils éternel du Père est présenté comme la véritable lumière que les hommes n'ont pas reçue, pas comprise Ainsi, dès le commencement, apparaît l'incompatibilité absolue entre les ténèbres et la lumière. En dehors du royaume de la lumière instauré par le Père des lumières, de qui descend tout don parfait, il existe un royaume des ténèbres. Face au royaume de la lumière, dans lequel nous sommes introduits par la foi, se trouve donc un royaume des ténèbres, dont le but est d'entraîner la créature de Dieu dans "les ténèbres du dehors", loin de la lumière divine. C'est, avant tout, ce que suggère la séparation divine, au premier jour de la création. Outre le symbole, cette séparation dégage un grand principe, qui se vérifie tout au long de l'Ecriture, selon lequel:
1) Dieu a toujours en vue le bonheur de l'homme;
2) La séparation selon Dieu est toujours une mesure de protection et de bénédiction. En effet, en séparant la lumière des ténèbres, l'Eternel ne prépare-t-il pas (comme dans tout son œuvre créatrice) les conditions terrestres idéales pour cet homme qu'il va créer à son image ? L'alternance des jours et des nuits, des soirs et des matins, n'offre-t-elle pas à l'homme des conditions de vie agréables, bienfaisantes et harmonieuses, un équilibre entre le temps réservé à l'activité et celui du repos ?

b / Dieu sépare les eaux Dans cette même perspective d'un séjour agréable pour l'homme, sont séparées les eaux au-dessous de l'étendue et celles au-dessus, ainsi que les mers et la terre ferme, grâce aux lois naturelles, merveilleuses et admirables, établies par le Créateur, qui régissent l'échange des eaux et des vapeurs dans l'atmosphère. Cet équilibre fut rompu au déluge, quand toutes les sources du grand abîme jaillirent et les écluses des cieux s'ouvrirent (Ge, 7.11). Alors fut interrompue la séparation des eaux, par le jugement de Dieu. A Noé l'Eternel promet qu'il n'y aura plus de déluge, tant que la terre subsistera (Ge, 9.11). Cette alliance, attestée par l'arc-en-ciel, met l'humanité à l'abri, grâce au décret divin, d'un futur déluge. Dans la Bible, l'arc-en-ciel apparaît après le déluge en signe d'alliance offerte par Dieu à "tous les êtres vivants" (Ge, 9, 12-17). Dieu s'engage à regarder chaque apparition de l'arc-en-ciel et à se souvenir ainsi de cette alliance perpétuelle... c'est la renaissance de la vie sur terre. Mais les couleurs de l'arc-en-ciel sont obtenues à partir de la décomposition de la lumière blanche, il s'agit donc du symbole de la rationalité avec toutes les dualités, paradoxes et contradictions qu'elle véhicule. La réunification s'opérera dans l'événement de la Transfiguration : la blancheur symbolisera le Christ rédempteur.

c / Dieu sépare un peuple A la séparation dans la création succède la séparation dans l'humanité. Dieu honore la foi d'un homme qui accepte sa grâce dans l'obéissance: Abraham, appelé le père des croyants. Il lui promet une descendance dont il fera un peuple témoin, (distinct du reste de l'humanité détournée de Dieu), par l'effet d'une séparation protectrice, lui permettant d'être béni. Toute l'histoire d'Israël se déroule en fonction de ce thème conforme à la pensée divine: Je vous ai séparés des peuples, afin que vous soyez à moi (Lev 20.26). Propriété de Dieu, peuple élu, béni, choyé, Israël connut des temps forts et des temps difficiles. Chaque fois qu'il perdit de vue la séparation, la mise à part dont il était l'objet, il en subit les conséquences tragiques et douloureuses (après l'intervention de Balaam, par exemple). Par les prophètes, le peuple était averti, exhorté, repris. Dieu les suscitait pour engager le peuple à marcher dans l'obéissance à sa Parole, dans la séparation. Il ne suffisait pas qu'Israël se tienne à l'écart des autres peuples (ce qui aurait pu devenir simple ségrégation raciale); il devait en connaître la raison. Il fallait donc distinguer ce qui est saint de ce qui est profane (Jer 15.19). Ainsi seulement le prophète pouvait être comme la bouche de l'Eternel, c'est-à-dire son oracle. Le prophète était le porte-parole de Dieu, avec toute la puissance correspondante, à la condition qu'il sépare, lui-même au préalable ce qui est précieux de ce qui est vil. A l'Eglise, Paul ne rappelle rien d'autre; il faut se séparer de tout ce qui se rapporte au culte des idoles. Dieu est saint et le temple du Dieu vivant (que nous sommes) ne supporte pas des contacts avec ce qui est impur. Mais il ne nous est pas demandé de vivre en reclus, à l'écart de nos semblables, retranchés dans un isolement sectaire. Le Seigneur l'a dit: "Je ne te prie pas de les ôter du monde, mais de les garder du Malin" (Jean 17.15). Restons sur nos gardes; il y a des contacts extrêmement dangereux et des proximités redoutables à éviter absolument. " Séparez-vous, dit le Seigneur; ne touchez pas à ce qui est impur" (2 Cor 6.17).
Telle se présente la théologie de la création.
3- Dieu rassemble
Se référer à (Jean, 11, 50-52) Par sa mort, Jésus réunit en un seul corps les enfants de Dieu dispersés. Le fils de l'homme rassemblera les élus des quatre vents, de l'extrémité de la terre jusqu'à l'extrémité du ciel. Enfin, quand les temps seront accomplis, le Seigneur réunira toutes choses en Christ, celles qui sont dans les cieux et celles qui sont sur la terre. Rappelons-nous que, si Dieu nous veut séparés à certains égards, il veut aussi, compte tenu du grand rassemblement qu'il prépare, que nous cherchions à nous rassembler. Ne promet-il pas sa présence à ceux qui se réunissent au nom de Jésus Christ? Certains récits évangéliques mettent en évidence cette Naissance éternelle selon laquelle être baptisé dans l'Esprit Saint ne s'accomplit que hors du temps. Tout homme qui se trouve encore dans le temps, c'est-à-dire dans le champ de toutes les spéculations terrestres, ne peut comprendre cette parole. Il existe au fond de l'homme un quelque chose qui se trouve hors du temps et hors de l'espace. C'est en ce lieu que s'accomplit le baptême dans l'Esprit Saint. La disparition de Jésus laisse, en fait, les êtres humains devant une terrible réalité qui les dépasse : Jésus est à la fois présent et absent. Ce que le Père promet est ce qu'il désire accomplir. Le Père ne peut vouloir qu'une chose : c'est engendrer le Fils Unique ! Et il l'engendre par l'Esprit Saint. Cette Naissance éternelle, hors du temps et de l'espace, s'accomplit aussi dans l'homme, dans sa partie la plus noble : son âme, qui constitue le centre de l'être vers lequel aucune science ne peut converger. Jésus au Temple fut découvert par ses parents, non pas dans la foule, qui peut symboliser ici les multiples événements de la vie, mais au milieu des Docteurs, images des puissances de l'âme. La difficulté pour tout homme est de concevoir ce mystère et d'en vivre pleinement selon ses possibilités et ses capacités. La sublime grandeur du mystère transcende les multiples casuistiques que nous aimons manipuler par complaisance pour notre besoin de puissance, de domination, de certitude…Aime et fais ce que voudras !
La spiritualité de Pierre Teilhard de Chardin est corrélative de sa vision du monde qui entre dans le cadre d'une pensée mystique, holiste et évolutionniste. Teilhard est ce mystique du XXIème siècle qui a su faire croître en lui, corrélativement, sa connaissance positive scientifique du monde, et son intelligence du mystère du Christ. A cet égard, l'attitude de Teilhard est profondément biblique: le regard que Teilhard jette sur la création est empreint d'une certaine hauteur de vue peu commune à son époque : le ciel et la terre enseignent la gloire de Dieu; Dieu est connaissable par l'intelligence à partir de son œuvre. L'amour de la création, chez Teilhard s'est développé en même temps que son amour pour le Christ. Ce fut là son charisme propre auquel il est possible de faire écho. Teilhard n'a cependant guère pratiqué la Bible, mais la rencontre n'en est que plus frappante : Teilhard a spontanément retrouvé les principes d'une mystique de type biblique. Une expérience a été décisive pour la genèse de la pensée de Teilhard : c'est celle du schisme entre les aspirations les meilleures, les exigences les plus légitimes du monde moderne, et le Christianisme tel qu'il était, et tel qu'il est encore trop souvent présenté. Teilhard a ressenti d'une manière aiguë, et exprimé à son tour, cette pathologie de la Chrétienté, de la spiritualité chrétienne, que Nietzsche, Marx et Freud, pour ne parler que des plus grands, ont dénoncée si vigoureusement, et si utilement. La spiritualité de Teilhard de Chardin peut être définie comme un effort magistral pour libérer la spiritualité et la mystique chrétienne des restes de manichéisme et d'enfantillages qui la grèvent encore secrètement. De cette expérience décisive d'un déchirement, nous trouvons une expression passionnée dès les premiers écrits du Père Teilhard : "Car enfin, pour être chrétien, faut-il renoncer à être humain au sens large et profond du mot, humain âprement et passionnément? Faut-il, poursuivre jésus et avoir part à son corps céleste, renoncer â l'espoir que nous palpons et préparons un peu d'absolu, chaque fois que, sous les coups de notre labeur, un peu plus de déterminisme est maîtrisé, un peu plus de vérité acquise, un peu plus de progrès réalisé? Faut-il, pour être uni au Christ, se désintéresser de la marche propre de ce Cosmos enivrant et cruel qui nous porte et qui s'éclaire en chacune de nos consciences? Et une telle opération ne risque-t-elle pas de faire, de ceux qui la tenteraient sur eux-mêmes, des mutilés, des tièdes, des débilités? Voilà le problème de vie où se heurtent inévitablement, dans un cœur de chrétien, la foi divine qui soutient et la passion terrestre qui est la sève de tout l'effort humain. C'est ma conviction la plus chère qu'un désintéressement quelconque de tout ce qui fait le charme et l'intérêt les plus nobles de notre vie naturelle n'est pas la base de nos accroissements surnaturels" (La Vie cosmique 1916) Ce que Teilhard, avec un instinct très sûr, a refusé dès le début, c'est un Christianisme exclusivement juridique, moral, social, individualiste, et platonisant. "Le Christianisme, écrivait Teilhard en 1916, est une religion cosmique", une "cosmogonie". "Quel sera donc enfin, le chrétien idéal, le chrétien à la fois nouveau et ancien, qui résoudra en son âme le problème de l'équilibre vital en faisant passer toute la Sève du Monde dans son effort vers la divine Trinité?" (La Maîtrise du Monde 1916) Pour Teilhard, l'aventure de la vie et de la conscience est assurée d'arriver à un accomplissement, malgré l'absurdité apparente du mal et de l'injustice. Cette certitude s'enracine sur une vision cosmique de la présence divine dans l'univers et dans l'évolution. Ainsi, toute l'activité et toutes les passions humaines convergent vers la construction du "Point Oméga" où l'humanité, l'univers et Dieu se rencontreront dans un face à face éternel. Même sans être religieux ni croire en Dieu, n'importe qui est assuré de trouver dans la pensée de Teilhard l'air pur d'une pensée généreuse et optimiste. En ce sens, il est très actuel. Teilhard s'est opposé aux doctrines très rigides de son temps concernant la transmission de la doctrine chrétienne. Sa conception des rapports entre l'Homme et Dieu lui paraissait absolument inacceptable pour le scientifique qu'il était, chercheur inlassable de cohérence des choses du monde sous leur aspect physique et métaphysique.
4- La création continue
Une vision chrétienne cohérente du monde implique que toute théorie de l'évolution
tienne compte, non seulement de la transformation contingente des choses dans l'espace-temps, mais de l'origine de ces choses hors de l'espace et hors du temps. Il en résulte que la théologie de la création et la théorie de l'évolution constituent, non pas une dualité, mais ce que certains théologiens appellent une duellité, c'est-à-dire un couple de deux réalités en synergie et non en opposition. On en connait un exemple fameux comme l'onde et le corpuscule en physique subatomique.
L'ancienne vision mécaniste de la création consistait à dire : l'acte créateur consiste en la production des éléments du monde et leur mise en place optimale au sein d'un système bien ordonné, parfaitement et définitivement codifié ; le déroulement postérieur du système obéissant alors aux seules lois de la nature. L'action créatrice se limitait donc à un premier instant, et c'est suivant cette logique réductrice que la pensée commune considérait les premiers mots de la Genèse comme un commencement de la Vie. Telle était le sens de la création donné par Descartes en son temps où l'on pensait selon les paradigmes de la physique classique. Le scénario qui suit l'acte créateur n'est plus alors qu'un accompagnement du créateur qui peut intervenir ponctuellement et si nécessaire, pour réorienter et assurer le passage d'un ordre à un autre. Certains évoquent l'idée d'un retrait de Dieu pour dire l'acte créateur : vision fragmentée des choses qui s'exprime en termes d'interactions dans un ensemble dont on a du mal à saisir et à préciser le sens métaphysique.
En fait, la création ne se réduit pas au premier moment de l'Univers.
Elle est le don de l'être coextensif à la durée du cours des âges.
Dieu s'inscrit dans la temporalité de sorte que le concept de Vie n'est plus simplement fondé sur une vision mécaniste du monde. Se pose alors la question difficile du sens du mot : "intervention divine" dont l'usage se fait souvent sans discernement. Ce mot peut être, soit banni par les matérialistes ou les agnostiques, soit utilisé pour désigner le "Dieu bouche-trou" servant à pallier les déficiences ou les ignorances dans le domaine philosophique ou scientifique. La notion de création récuse l'image de l'intervention qui place, de façon anthropomorphique, cette réalité sur le même plan que les causes et faits naturels : Il s'agit d'une dépendance particulière, source de vie comme une relation entre personnes peut être source de bienfaits, de liberté, de bonheur et d'épanouissement. La création continue est un processus qui repose sur l'idée de présence permanente. Dieu accompagne et suscite le mouvement des êtres vivants vers un accomplissement : le Plérôme.
Marcel Comby

Lire plus

Monothéisme et mystère trinitaire

Je me propose ici de faire écho à la pensée de Teilhard sur la Trinité (p 185) en m'inspirant du livre de Didier Gonneaud : "Dieu, question nouvelle ?".
Dire quelque chose de Dieu : c'est déjà une question de théologie trinitaire. En effet les Ecritures attestent qu'il revient au seul Verbe incarné de pleinement "dire Dieu", d'être en personne "l'exégète du Père" (Jn 1, 18). Si la possibilité de voir Dieu face à face est un jour accordée, c'est à cause du Verbe qui contemple le Père dans la simplicité de sa relation filiale
1- Personne - Essence - Relation
La notion de personne renvoie à la fois à l'essence et à la relation, mais la personne n'est pas la synthèse de ces deux notions, au sens où cinq est la synthèse de trois et de deux. Essence et relation disent la totalité de la personne et non une partie. Penser la notion de personne, c'est entrer par deux portes avec un choix à faire. Ainsi on doit dire : "Le Christ est le Fils en étant aussi Verbe" et réciproquement : "Le Christ est Verbe en étant aussi Fils". Il est impossible de dire les deux en même temps, de même qu'il est inconcevable de penser la notion de particule à la fois onde et corpuscule. Dans la logique théologique, ce qui nous sert à distinguer les trois personnes divines, nous sert en même temps à identifier ; les Trois ont en commun ce qui les distingue, à savoir d'être des personnes. En toute rigueur, il faudrait donc dire : "la Personne du Père", la Personne du Fils", "la Personne de l'Esprit". Cependant, ce terme de personne ainsi que les types de relation entre les personnes, ont donné lieu historiquement à de nombreux débats entre théologiens. Dieu est-il une personne, par exemple ? Selon la théologie trinitaire de St Thomas, tout d'abord, en Dieu, la relation ne peut être autre chose que la personne elle-même et non un accident ; ensuite la notion d'essence vient envelopper la relation pour dire sa caractéristique proprement divine. Ainsi le Père est différent du Fils et de l'Esprit en étant identique à sa relation à eux. Le pari de St Thomas est le suivant : découvrir à partir de l'expérience humaine métaphysiquement réfléchie, que la relation est le seul principe susceptible de différencier une essence sans la multiplier, mais que c'est uniquement en Dieu que peut se réaliser une telle caractéristique. St Thomas pense pouvoir définir ainsi un monothéisme cohérent. Se pose un autre problème : celui du nombre de Personnes qui constituent la Trinité ! En fait ce caractère ternaire renvoie à l'expérience humaine par le truchement de l'analogie. On peut trouver dans l'homme des triades correspondantes : esprit - connaissance - amour (par exemple) Il s'agit de mettre en correspondance des relations et non des caractères. Cette dernière analogie psychologique a justifié chez St Thomas la doctrine du FILIOQUE, c'est-à-dire la procession de l'Esprit à partir du Père et du Fils et non à partir du Père seul.
2- Le Filioque (en français : Et le Fils)
Normalement la Sainte Trinité est représentée symboliquement dans nos églises par un triangle équilatéral. L'harmonie géométrique de cette figure évoque certes la perfection divine. En fait, il existe plusieurs manières de situer trois éléments dans un plan et, à l'aide de flèches montrer les relations de correspondance attractive entre eux. La plus simple consiste à placer l'Esprit Saint entre le Père et le Fils sur une même ligne droite. Cette configuration, logique pour certains, enferme Dieu dans une situation selon laquelle le Père et le Fils sont éternellement unis par un profond Amour identifié à l'Esprit. Elle est de plus incompatible avec toute théorie de l'évolution qui admet comme principe que Dieu est présent par son Esprit dans le développement de la vie humaine. Dans tout schéma symbolisant le mystère trinitaire, on doit donc sortir du carcan de la symétrie et de la juxtaposition qui fonctionnent comme une clôture hermétique. Benoit VIII introduisit en 1024 la doctrine du Filioque qui se présente ainsi : quatre relations réciproques et non symétriques, distinguent les trois personnes et les deux processions.
Du Père vers le Fils (paternité) Du Fils vers le Père (filiation)
Du Père et du Fils ensemble vers l'Esprit (spiration active)
De l'Esprit vers le Père et le Fils ensemble (spiration passive)
Dans ce schéma, le Filioque apparait comme la conséquence nécessaire de l'identité entre personne et relation. L'Esprit procède non pas du Père seul, auquel cas rien ne le différencierait vraiment du Fils, mais bien du Père et du Fils ensemble.
L'équilibre trinitaire d'unité et de différence se joue donc ici ; ce qui fait l'unité et la distinction entre le Père et le Fils, c'est de spirer ensemble l'Esprit. Chacun donne à l'autre d'être ensemble principe unique spirant une seule et même personne. La spiration passive fait retour au Père et au Fils, achevant ainsi de l'intérieur leur relation d'unité et de différence.
3- L'homme et la Révélation trinitaire
"Je suis celui qui suis !" St Thomas fait converger sur ce nom la raison et la révélation. Il y voit un point de rencontre entre les traditions monothéistes, tout en affirmant que la théologie trinitaire est une forme parfaite de monothéisme. Dieu est-il immatériel ? St Thomas fonde le monothéisme, non sur une opposition entre matérialité et immatérialité, mais sur le fait que la transcendance divine est sa parfaite simplicité. Seul Dieu est simple ; les créatures sont composées : c'est la composition entre l'essence et l'acte d'être. La transcendance de Dieu est identité absolue de l'essence et de l'exister. "Je suis celui qui suis" désigne une universalité quant à sa forme ; on doit affirmer l'identité de ce nom et de chacun des autres noms divins. La différence entre créé et incréé est entre complexité et simplicité. La montée de la complexité n'est pas négative ; elle s'exprime comme désir qui est l'essence même de la liberté comme créé. Il est son mode propre de réalisation. Ainsi tout ce qui est créé désire Dieu. Dans leurs multiples distinctions, toutes les créatures forment un seul univers dont le principe d'unité est de tendre vers Dieu. Mais ce désir n'a rien de fusionnel ; l'essence de chaque être créé, c'est ce par quoi cet être désire Dieu en ayant à se réaliser lui-même ; la suppression du désir de Dieu entrainerait l'absence du désir d'être soi. L'homme est appelé à réaliser une ressemblance sous la forme d'une image. Contempler Dieu c'est le désir de tous les désirs selon St Thomas. En outre le motif formel de la vision béatifique est la gratuité de cette vision, gratuité et désir ne s'opposant pas. Ce terme : désir n'est-il pas un élément de langage propre à la théorie de l'évolution conçue par Teilhard ? Celui-ci écrit : "La nature trinitaire de Dieu n'est pas sans attache spécifique avec nos besoins religieux les plus actuels. Mais elle se découvre comme la condition essentielle de la capacité inhérente à Dieu d'être le sommet personnel d'un Univers en voie de personnalisation". Didier Gonneaud précise que la vérité selon laquelle l'Esprit est, face au Père et au Fils, la distance même de leur réciprocité et la profondeur même de leur amour mutuel, implique une autre vérité selon laquelle l'Esprit est pour tout homme, au sein de la plus grande contingence, la vivante communication de cet amour et de cette réciprocité.
Je conclus en disant d'abord que le contraire du péché n'est pas en premier chef la vertu mais la foi qui est communication avec la Vie trinitaire ; on peut encore parler ici d'évolution de la personne dans la Christo genèse. J'ajoute ensuite que c'est la Connaissance donc la raison qui rend libre et je rends ici à Teilhard de Chardin d'avoir livré des clés indispensables pour parfaire cette connaissance. Mais dans le mystère du salut de l'homme se greffe le mystère de l'Incarnation qui n'évacue en rien la théologie mariale un peu sous-estimée par l'Eglise catholique. Mgr Dagens, évêque d'Angoulême, disait un jour plaisamment : "Dieu s'est mis en quatre pour sauver l'humanité !". Ce qui veut dire finalement que la Christo genèse évoquée par Teilhard, cette Terre qui est enlevée pour rejoindre le Ciel, relève finalement de la quaternité comme je l'ai montré dans d'autres occasions.

Lire plus

judaïsme et christianisme Réflexions du philosophe Rosenzweig en recherche de sens

On dit que le christianisme prend ses racines dans le judaïsme. Etant donné la complexité du sujet, je me propose de décrire la pensée intime du philosophe juif allemand : Franz Rosenzweig (1886 - 1929). Ses réflexions sont extraites de son livre : "L'étoile de la rédemption". Il s'agit de l'œuvre d'un homme ayant longuement hésité entre les deux religions. Rosenzweig n'aime guère le mot "religion" qui évoque une entreprise humaine alors que, pour lui, le mot doit être pris dans un sens "ontologique" ; la religion définit la façon même dont l'être est ; elle se définit donc comme la "trame de l'être", la pulsation même de la vie où Dieu entre en rapport avec l'homme et l'homme avec le monde et avec son créateur. La religion devient ce qui relie en profondeur, dans l'être même, l'homme, le monde et Dieu. Examinons maintenant les divers aspects de la théologie de Rosenzweig.
1- La Création
Elle est le fondement durable dont la Révélation a besoin ; commencement du monde, elle est aussi commencement et accomplissement de Dieu. Dieu naît à lui-même en sortant de soi et en accédant à l'extériorité. C'est le "premier miracle" ; là se brise l'enveloppe du mystère d'une divinité enfermée dans son Soi éternel. En la création Dieu se dit ; celle-ci est déjà annonce et promesse de Révélation et de la Rédemption.
2- La Rédemption
La Rédemption implique et englobe à la fois Création et Révélation. En effet, dans la Rédemption, celle du monde par l'homme et celle de l'homme par le monde, Dieu se donne sa propre Rédemption ; l'homme et le monde s'effacent dans la Rédemption ; Dieu, lui, s'accomplit ; c'est seulement dans la Rédemption que Dieu devient l'Un et le Tout. En elle se réalisent l'unification et l'achèvement d'un système universel.
3- La Révélation
Elle possède aussi un rôle dominant dans la pensée de Rosenzweig. En elle, Dieu se manifeste comme Dieu d'amour et son auto négation toujours actuelle. La Création était déjà révélation de Dieu mais non une révélation définitive, perdue dans le passé des origines. Il fallait une seconde révélation qui témoigne de toute chose, non seulement ayant été créée, mais comme créée en cet instant-ci et en tout instant, et donc comme don actuel et perpétuel de l'amour de Dieu. Pour Rosenzweig, l'amour n'est pas un attribut de l'essence divine car Dieu n'aime pas par nécessité de nature mais il aime par un acte toujours nouveau. Dieu n'aime pas par besoin ; l'amour divin est toujours totalement dans l'instant. Quant à l'homme, la Révélation le révèle à lui-même comme aimé de Dieu. Ce qui est merveilleux résulte dans le fait qu'entre l'Infini et la créature, il y a échange d'amour et même échange d'être. Dans le oui de l'âme aimée, Dieu trouve ce qu'il ne pourrait trouver en soi-même : affirmation et durée. Dans le témoignage de l'âme croyante, Dieu acquiert lui-aussi de l'être : "quand vous me confessez alors je suis". L'être de Dieu se rétracte pour faire place à celui de l'univers. Les expressions un peu outrancières et mystiques de Rosenzweig ne font que dire l'indicible de Dieu. Le philosophe n'ignore pas la dimension historique de la Révélation ; mais il en retient surtout l'aspect existentiel et intime, l'âme s'éveille en l'homme au contact de la parole de Dieu. Du rocher du "soi" jaillit alors une source nouvelle : l'âme. Il n'y a de pensée que dans la Révélation ! L'éthique de la loi s'efface devant celle de l'amour. La Révélation de l'amour divin est le cœur du Tout : affirmation plus chrétienne que juive ! Si le christianisme est une mystique plus qu'une éthique, le judaïsme est davantage une éthique qu'une mystique. Cependant Rosenzweig récuse le terme de mystique qui possède une connotation négative : le repliement sur soi et les ravissements de l'intellect. Notons cependant une tendance mystique du philosophe qui écrit : "L'âme prend figue, en passant de la Révélation à la Rédemption ; elle entre dans le sur-monde de la Rédemption, et c'est ainsi que se réalise le Royaume".
On pressent chez Rosenzweig un accord indéniable entre judaïsme et christianisme.
4- Le temps et l'éternité
Le monde est dans le temps et, comme le temps, il n'est pas achevé ; il est créé avec "la détermination de devoir l'être" Or ce monde en travail d'éternisation et d'accomplissement, c'est le Royaume, déjà accompli et pourtant encore à achever, marqué d'éternité et pourtant livré à la temporalité. L'éternité n'est pas un temps très long, mais un demain qui pourrait aussi bien être aujourd'hui, non pas un temps qui passe mais un temps qui dure, un instant immobile, un maintenant arrêté. L'éternité désigne une qualité du temps liée à une expérience limite, celle d'une certaine immobilisation. "Le Royaume est au milieu de vous" C'est précisément au cœur de leur rapport commun à l'éternité que Rosenzweig voit comment le christianisme et le judaïsme se démarquent l'un de l'autre. Pour lui, le juif est déjà dans la "vie éternelle", le chrétien, lui, dans la "voie éternelle" Ce dernier vit l'éternité comme une marche à travers le temps. Il travaille le temps de l'intérieur pour le transformer et, par son activité missionnaire, s'efforce de transformer le monde. On est donc en présence de deux attitudes convergentes quant à leur terme, mais opposées dans la pratique. Le peuple juif, peuple éternel, "achète son éternité au prix de la vie dans le temps ; pour lui, le temps n'est pas sien" Les événements dont il fait mémoire : le Sinaï, l'Exode, sont comme figés à jamais dans un temps immobile ; il vit donc hors de l'histoire des nations ; il vit déjà sa propre Rédemption ; il a anticipé pour soi l'éternité ; sa temporalité n'est jamais qu'une attente, une errance plus qu'une croissance. Le peuple juif tient donc l'éternité de sa nature même ; sa "communauté de sang" fait son unité et sa pérennité ; "seul le sang donne à l'espérance en l'avenir une garantie dans le présent" Ainsi l'orientation vers la venue future du Royaume est déposé dans notre sang dès la naissance. Lorsqu'il nait, un chrétien est encore païen alors qu'un juif est déjà juif !
5- L'élection
Pour le juif, le miracle de la renaissance se trouve avant la vie individuelle ; sa seconde naissance, sa vraie naissance à la judéité, est métahistorique. Elle précède la première ; elle est accomplie dès l'instant éternel où se noue l'Alliance de Dieu et du peuple élu. Le Ici actuel, dans les contingences de la vie terrestre, entre dans le grand Maintenant de l'expérience vécue mémorisée. La Rédemption va directement au peuple, alors que, pour le chrétien, elle concerne d'abord l'âme individuelle. La notion d'élection est difficile à penser compte tenu de l'universalité de la bonté divine qui ne saurait concerner qu'un groupe d'hommes. D'autre part, on sait que Dieu appelle chaque homme par son nom propre, apporte ses dons à toute âme individuelle en état d'éveil. Lors du Yom Kippour, rappelle Rosenzweig, chacun en particulier se soumet humblement au jugement de Dieu. Ce n'est pas le peuple qui est jugé, pas plus que le monde ou l'histoire, mais la personne en soi "dans sa singularité nue" qui confesse son péché. Selon le philosophe allemand, il y aurait ainsi, dans l'économie du salut, deux pôles symbolisés par deux religions : d'un côté, le peuple issu du sang et uni par la liturgie, le repas et l'écoute de la parole ; de l'autre, l'Eglise, une assemblée d'individus, où chacun garde sa liberté et accueille les autres comme "frères dans le Seigneur" C'est dans ces deux manières d'éterniser le temps que Rosenzweig hésita sans cesse. Est-il possible pour un peuple d'être hors du temps et de l'histoire ? Est-il possible, d'autre part, d'être frère d'un Dieu dans l'Alliance ? De multiples questions… ! L'histoire d'un peuple élu n'est-elle pas celle, plus universelle, du peuple de Dieu tel que le conçoivent les chrétiens ?
6- Vie éternelle - Voie éternelle
Rosenzweig suggère une belle métaphore : "A la vie dans le temps, Dieu arracha le juif en jetant jusqu'au ciel le pont de sa Loi, par-dessus le fleuve du temps". Le juif est donc sur le pont qui surplombe le fleuve qui s'écoule. Le chrétien, quant à lui, se trouve dans le fleuve. Le philosophe entame une autre comparaison : la vie éternelle et la voie éternelle diffèrent "autant que l'infinité diffère d'un point et d'une ligne". L'infinité d'un point, représente "l'éternelle autoconservation du sang qui ne cesse pas d'engendrer ; celle de la ligne, c'est la possibilité de prolongation illimitée". Le judaïsme dit maintenance et pureté alors que le christianisme dit expansion missionnaire sans limites. D'une part l'étoile, de l'autre la croix. L'étoile de David concentre tous ses rayons sur son foyer ardent, le feu qui brûle en son centre ; la croix du Christ, quant à elle, étend ses bras à l'infini sur le monde. L'éternité du peuple s'enracine "dans le Soi le plus profond" tandis que l'éternité de la voie s'étend "au dehors dans toutes les directions". Rosenzweig ne voit cependant pas une grande différence entre la vie et la voie : pour le juif comme pour le chrétien, l'homme vit dans le temps ; créé à l'image de Dieu, il porte en lui la marque et l'appel de l'éternité à laquelle il participe ; cet appel est à la fois vie éternelle et voie éternelle ; le juif attend le Messie, le chrétien attend la Parousie du Seigneur, mais tous deux agissent dans le monde et donnent croissance au Royaume ; tous deux vivent dans la prière et l'être-ensemble liturgique, l'éternité au cœur du temps. La distinction essentielle est à chercher ailleurs.
7- Face à la personne du Christ
Ce qui définit le juif, c'est sa foi au Dieu unique qui se traduit par l'adhésion de tout son être à la Torah. Ce qui définit le chrétien, c'est, en lien avec sa foi au Dieu unique, la foi au Christ Verbe de Dieu fait homme et la volonté de marcher à sa suite. Dans les rapports entre les deux religions, il s'agit du "signe de contradiction" face auquel il faut prendre position. En fait Rosenzweig parle peu de la christologie qui ne fait que d'entrer dans le cadre du dogme chrétien et de la déclaration de st Paul : "lorsque tout lui sera soumis, le Fils remettra sa royauté au Père et alors Dieu sera tout en tout". Ce qui concerne le Christ n'est qu'idée portant sur la fin des temps ; en attendant, la royauté appartient au Fils et Dieu n'est pas tout en tout ; aucun pont n'est jeté entre les deux rives du temps et de l'éternité ; le Fils de l'homme est "déifié dans le temps et l'Envoyé devient Seigneur. Sans l'Ancien Testament, poursuit le philosophe, et sans le peuple juif qui l'atteste, sans le Jésus historique sur les routes de la vie, le Christ qui ne serait que Christ se prêterait "à toutes les tentatives de déification et d'idolâtrie". Ainsi, conclut-il, sommes- nous pour le chrétien ce dont il ne peut douter : "notre existence garantit leur vérité"
8- Face au mystère
La transcendance absolue de Dieu semble avoir été pour Rosenzweig, au plan intellectuel, la raison dernière de sa décision de ne pas se convertir au christianisme. A ses yeux, la croyance en l'Homme-Dieu constitue un reste de paganisme. Celle-ci renoue avec le besoin très vif dans l'Antiquité païenne, de recourir à un médiateur pour accéder à un dieu lointain et fermé sur soi. En fait, Rosenzweig se trouve confronté comme tout un chacun au mystère divin et d'autres que lui ont tranché différemment. Le mystère n'est tel que par ses profondeurs et les dogmes de l'Incarnation et de la Trinité ouvrent sur des perspectives infinies. La notion de "sortie de soi" de Dieu, de don de soi, de séparation d'avec soi de Dieu pour habiter avec son peuple, de "retrait" de Dieu pour que le monde et l'homme soient, constitue un axe majeur de sa pensée philosophique.
9- Face à l'histoire
Rosenzweig ne prend guère en compte la réalité de l'histoire et de son déroulement dans le temps qui montre tout le développement et l'évolution du monde : la temporalité au service de l'éternité donc l'histoire œuvrant pour le Royaume. Le peuple d'Israël est lui aussi dans le temps de l'histoire. Tout l'Ancien Testament est une histoire humano-divine. Là où le philosophe voit une rupture entre judaïsme et christianisme, d'autres voient au contraire une continuité et un accomplissement, celui de l'Alliance, les faits et gestes de Jésus réalisant la parole des prophètes. Henry Bergson écrivit dans son testament que le christianisme constituait l'achèvement complet du judaïsme. Ne pourrait-on pas voir dans la symbolique du ruban de Möbius une manifestation de la sagesse et de l'amour divin dans le fait d'avoir confié d'abord au seul peuple d'Israël le dépôt de la Promesse et la garantie de l'Alliance, pour ensuite par un retournement mystique, ouvrir à toutes les nations du monde les bienfaits de la Révélation et de la Rédemption ? Rosenzweig n'a finalement pas su dégager de l'histoire une vue globale compatible avec la théorie de l'évolution telle que Teilhard de Chardin l'a initiée en son temps.
10- Convergence entre judaïsme et christianisme
Rosenzweig dans son livre : "L'étoile de la rédemption", entame une profonde réflexion sur "la Vérité éternelle". Ni le juif ni le chrétien n'ont la vérité totale. Le peuple juif est "l'unique noyau" et le cœur de l'étoile, centre incandescent qui alimente invisiblement les rayons qui deviennent visibles dans le christianisme et qui s'éparpillent à travers lui pour entrer dans la nuit du pré-monde du paganisme. Le judaïsme est ainsi la base solide du christianisme, la garantie de son devenir. A lui seul, tourné vers le dehors, vers l'expansion, le christianisme risquerait de se perdre dans l'exaltation du sentiment, l'idéalisation et la chimère ; le juif, peuple toujours bien vivant, le rappelle à plus de réalisme. Les deux religions sont donc complémentaires, car elles ont la vérité en partage. Les juifs contemplent dans leur cœur l'image fidèle de la vérité, et ainsi se détournent du temps ; les chrétiens ne voient pas la vérité, mais son guidés par ses rayons au cours du temps. Nous ne sommes que des créatures en condition d'existence temporelle. A ce titre nous avons seulement part à la vérité ; tel est notre partage ; ainsi même dans le sur-monde de la Rédemption, notre "vrai" est encore un "vrai" de l'homme ; Dieu seul est la Vérité, au-delà de toutes nos vérités. Le juif, par sa seule existence, contraint le chrétien à se dire que la Rédemption n'est pas encore achevée, et ainsi l'aide-t-il à se préserver de l'illusion. Quant au christianisme, il lui revient de répandre parmi les païens la connaissance du vrai Dieu. Le christianisme est le rameau greffé sur le tronc de l'olivier du judaïsme, chacun gardant son identité propre, tous deux nourris à la même racine.
Sur le plan philosophique, une telle vision théologique se fonde sur la distinction entre l'éternité de Dieu et notre éternité à nous. Ainsi dans l'éternel présent de Dieu, notre passé et notre avenir sont tout autant présents que notre présent. Dieu crée aujourd'hui, Dieu se dit et s'incarne aujourd'hui, Dieu sauve aujourd'hui. En ce sens, la Révélation est sous la Rédemption, comme un substrat et un socle porteur, tout comme la Création est sous la Révélation. Les événements de toute histoire sont tous intégrés dans le présent divin éternel. Notre éternité à nous n'est jamais qu'un instant tangentiel à l'éternité de Dieu dans la série des instants successifs. De même notre vérité n'est jamais purement et simplement vraie, totale, absolue et immuable ; elle est avec nous dans l'histoire. La vérité qui se dit dans le Nouveau Testament est plus pleinement manifestée que celle que confère le Premier Testament, car Dieu, dans sa sagesse, se révèle dans un processus temporel d'évolution dans la fidélité aux origines. Rosenzweig n'a pu toutefois franchir le pas, mais il a le mérite de nous inviter à sortir des lieux communs.

Lire plus

L'essence du Christianisme

La configuration conique imaginée par Teilhard dans son livre: "Comment je crois" p 155, est très loin de rendre compte des réalités se rapportant à une approche convenable du Christianisme. On n'y retrouve pas tous les aspects bipolaires que l'on découvre dans les Ecritures. Ne faudrait-il pas prolonger le cône vers le haut pour exprimer le double mouvement de l'Etre dans sa manifestation ?
Dans les récits sacrés, on parle en effet de la lumière et des ténèbres, du masculin et du féminin (Adam et Eve entre autres), l'Abîme, monde des profondeurs opposé au monde des hauteurs, la cataphase et l'apophase, le principe actif opposé au principe actif, l'Ascension et la descente aux enfers, le Bien et le Mal, etc.
Le Christianisme est essentiellement une manifestation de la Miséricorde divine qui est l'un des aspects du Verbe porteur de la Toute Possibilité Universelle, tout comme le Vide quantique est chargé d'états virtuels capables de s'actualiser à tout instant (je raisonne ici par analogie pour saisir l'agir de Dieu au sein de la création). Il s'agit de l'Amour au sens le plus élevé : "Je veux la miséricorde et non le sacrifice" (Mat XII, 7). Le sacrifice imposé par la Loi mosaïque est centré sur un unique symbole : le Christ (donc le point Oméga) et corrélativement sur le rite eucharistique. Dans un sens "descendant", celui de la Révélation chrétienne, Dieu se manifeste d'abord comme Père en tant que Personne qui envoie en mission le Fils et l'Esprit pour proclamer une Loi Nouvelle. Cette personnalité divine se révèle dans l'Unité de trois Personnes distinctes, mystère qui se trouve à la base de l'humain créé à l'image et à la ressemblance de Dieu. Dans le Christianisme, Dieu se révèle par l'Incarnation du Verbe, parfaite image du Père, par le Sacrifice suprême et la Rédemption. Cette œuvre se réalise par la Maternité divine qui représente le principe complémentaire de celui de la paternité. Marie sera, dans l'œuvre de salut de l'Homme, la nouvelle Eve tandis que le Christ est le nouvel Adam. Teilhard écrit, page 157 de son livre "Comment je crois" : "De ceci il résulte que, prises dans leur sens plein, Création, Incarnation, Rédemption ne sont pas des faits localisables en un point déterminé du temps et de l'espace, mais de véritables dimensions du Monde (non pas objets de perception, mais condition de toutes les perceptions." L'Homme peut donc être lui-même un Symbole c'est-à dire transparence de la réalité divine. Dans le Christianisme, tout processus initiatique comporte une "descente aux Enfers" et un retour à "l'Etat primordial". Le chrétien est celui qui réalise en mode actif et en mode passif les virtualités du baptême : "Agir comme Jésus et ressembler à Marie".

L'essence du Christianisme réside aussi dans le fait que l'économie de la Rédemption s'inscrit dans une dialectique qui met en évidence une loi paradoxale, ce qui n'a rien de surprenant dans la mesure où l'on reconnait à l'Homme sa capacité de choisir entre le Bien et le Mal. Cette liberté doit en fait, non pas le mettre dans une situation d'oppression mentale et de culpabilité, mais au contraire l'épanouir en tant que flèche montante de l'Evolution. C'est pour cette raison que le paradoxe réside dans le fait que nous sommes en présence, non d'une religion prônant l'exercice de la vertu dans un sens totalitariste, mais d'une philosophie de l'échec. D'ailleurs le scandale de la Croix nous situe dans un mystère qui évacue tout aspect glorieux et prométhéen qui placerait l'Homme égal à Dieu. "La lumière luit dans les ténèbres et les ténèbres ne l'ont point reçue" (St Jean, prologue). Dans l'évolution de sa personne, l'être humain vit des états les plus divers et termine son chemin terrestre par la mort. Ce qui lui est demandé se situe dans une "docte ignorance" de son devenir. Autrement dit, la réussite n'est pas contenue dans les seules contingences terrestres mais au contraire dans la reconnaissance de sa fragilité et de sa condition de personne, pécheresse et mortelle. Cette montée de conscience vers le point Oméga (le Christ) est alors le fruit d'une rencontre. Cette loi d'échec ne terrasse pas l'Homme, mais au contraire le libère ; en cela le Christianisme ne peut être périmé à condition qu'il ne soit pas considéré de manière simpliste, soit par des adeptes d'une tradition fondamentaliste, soit, plus nombreux, par les partisans d'un relativisme confortable. La direction de l'évolution est celle où l'être humain se sentira aimé de son créateur et, par suite, plus enclin à aimer ses semblables. On donne plus volontiers dans la mesure où l'on a beaucoup reçu, telle est la loi de la nature et aussi celle de la loi divine.

Lire plus

Le miracle dans l'évolution

1- L'action de Dieu dans la création
Teilhard, dans son livre : "Comment je crois" page 141, s'exprime ainsi : "Le miracle, bien compris, reste à mes yeux un critère de vérité, mais subordonné et secondaire." Cette remarque me parait assez énigmatique et insuffisante. J'aimerais pousser plus loin la réflexion sur une notion qui mérite toute notre attention. Le concept de miracle n'est probablement pas le même suivant que nous nous placions dans la vision cosmos ou dans la vision cosmogénèse. Le conflit entre science et foi est inéluctable dans la mesure où la théologie et la science ont recours à la notion de causalité, tant pour expliquer les phénomènes naturels que la manière dont Dieu agit. Or cette notion ne cesse de changer sous l'effet du progrès dans les sciences ; ce qui rejaillit nécessairement sur la compréhension de l'action de Dieu.
2- Une conception déterministe de la causalité
La naissance de la science classique a donné une importance majeure à la représentation mathématique des phénomènes physiques. Il en est résulté une interprétation du monde dominée par un paradigme, le déterminisme qui est passé de la méthode scientifique à une philosophie générale. Si la représentation mathématique est parfaite dans son ordre, le monde est régi par des lois invariantes et inflexibles dont Dieu est l'auteur. La notion de création en lien avec le paradigme déterministe a été formulée par Descartes avec le souci de fonder en Dieu la solidité du savoir. Dans Les Principes de la philosophie, on voit bien comment sa conception de la création est étroitement liée à la science nouvelle.
Dieu ne change jamais sa façon d'agir et il conserve le monde avec la même action qu'il l'a créé. Pour Descartes et pour ceux qui sont éduqués dans cet idéal de la raison, la création consiste en la mise en place d'un univers selon une disposition bien proportionnée et des lois rigoureuses de manière que le monde puisse être pour le mieux. L'expression sécularisée de cette philosophie est donnée par un texte célèbre de Laplace, dans son Traité sur les probabilités. La philosophie du déterminisme a pour ambition de tout expliquer par raison nécessaire et de ne rien laisser hors de son champ. Ce texte célèbre montre comment, dans la perspective déterministe, connaître, c'est comprendre ; comprendre, c'est expliquer ; et enfin expliquer, c'est prévoir. Dans cet esprit, l'intervention de Dieu était comprise comme une rupture des lois de la nature, ou comme une action spéciale venant pallier un manque ou assurer un saut entre des "niveaux de réalité". Cette action spéciale est appelée "intervention" : ce qui vient "entre". Elle est pensée comme une rupture, de l'enchaînement des causes et des effets. Cette philosophie fait de Dieu un agent qui s'inscrit dans la série des causes.
3-. Une nouvelle conception de l'action
La remise en question du paradigme déterministe a des racines déjà anciennes. La critique de la mécanique classique est venue de la science de la thermodynamique. Dans ce contexte, l'étude scientifique utilise des lois statistiques. Cette manière de voir renouvelle la conception déterministe de Laplace. Pour celui-ci, la connaissance du comportement de la particule élémentaire permettait de connaître le comportement de l'ensemble. Au contraire, en thermodynamique statistique, même si le mouvement d'une particule ne peut être connu individuellement, on peut prévoir le comportement de l'ensemble. Le calcul des probabilités permet de décrire l'évolution d'un système. Il apparaît alors que l'on peut résoudre des questions qui étaient insolubles dans le cadre de la mécanique rationnelle. En particulier, ce qui est lié aux tourbillons ou aux catastrophes.
Plus généralement, la physique quantique a fourni des éléments pour comprendre le déroulement de bien des phénomènes de la nature jusqu'alors inexpliqués. Il en est résulté un langage nouveau de la science pour formaliser et modéliser le devenir. La biologie a pris le pas sur la mécanique rationnelle pour servir de paradigme dans l'organisation des savoirs. On le retrouve entre autres dans la présentation de la théorie de l'évolution. On y parle de bifurcations pour montrer des possibilités diversement actualisées à certains moments. La science actuelle invite donc à voir la nature sous le paradigme du temps et de l'histoire et non plus sous celui d'un déroulement selon une absolue nécessité.
La rupture de la science actuelle avec le paradigme déterministe permet de renouer avec une conception plus large de l'action de Dieu. Cette conception repose sur quelques principes qui rendent compte de la réalité observée.
Le premier principe est étroitement lié à la confession de foi monothéiste. Dieu n'est pas un être du monde, fût-ce le premier. Doit-on parler de synthèse du Christ et de l'univers pour évoquer le Christ universel ? Ne devrait-on pas plutôt parler de symbiose ? Pour cette raison, son action ne fait pas nombre avec les forces de la nature. L'action de Dieu n'est pas une force parmi d'autres, fût-ce la plus grande. Dieu n'est pas un élément du monde. Il est le créateur, c'est-à-dire la source de tout ce qui est, présent en tout ce qui est. Son action est coextensive à la réalité. Elle ne s'immisce pas dans les failles du réseau prédéterminé des causes. Ainsi prend sens la notion théologique selon laquelle "tout est de Dieu et tout est de la nature", selon une formule célèbre. L'omniprésence de Dieu se superpose à toutes les réalités naturelles.
Le deuxième principe révèle que la nature n'est pas fermée dans un réseau d'impossibilités, mais que, en chaque événement, il y a des possibilités données dans le temps. Ainsi la nature n'est pas close, mais elle est toujours ouverte sur des possibles. Le langage scientifique exprime ceci en termes d'aléatoire, tandis que le langage philosophique l'exprime en termes de contingence. Mais au fondement se trouve la même réalité : le donné est une possibilité et donc une ouverture. C'est dans le cadre de cette disponibilité que Dieu agit pour qu'apparaisse du neuf. Son action n'est pas une intervention qui changerait le cours naturel, mais une utilisation des possibilités latentes. Dieu seul peut le faire, car il est à la source de l'ensemble du processus et son action est une actualisation du possible. L'action de Dieu dans le cours du processus évolutif permet de faire que ce possible émerge dans le temps qui se déploie.
Un troisième principe est que l'action de Dieu ne se limite pas à des événements particuliers, mais qu'elle réalise un plan d'ensemble. Dieu a un projet sur la totalité du processus tant dans la cosmogénèse que dans la biogenèse. Il n'est pas limité à l'instant présent dans le processus. Ainsi l'action de Dieu échappe-t-elle à l'arbitraire, voire la violence, notions connotées par la notion d'intervention. Il peut donc anticiper et tracer des étapes, voire utiliser des échecs, en se fondant sur le désir de l'être. C'est en cherchant le meilleur que chaque élément du monde réalise l'intention de Dieu et s'oriente vers lui. Il n'y a pas de divergence entre le désir de chaque être d'advenir à sa plénitude et la réalisation du projet divin. Ainsi, c'est en réalisant pour le mieux ses propres possibilités que chaque être répond en quelque sorte à un appel de Dieu et à sa prévenance.
L'action de Dieu n'est plus pensée comme une intervention, par manière d'écart avec les lois de la nature, mais plutôt comme une action qui accompagne l'explicitation de possibilités insoupçonnées. Dans ce nouveau cadre de pensée, on doit renouveler la présentation du miracle. Le théologien est ainsi invité à reconnaître que l'aspect spectaculaire n'est pas le seul critère du miracle. Le miracle s'inscrit dans la relation unique entre l'être humain et Dieu donc dans l'histoire biblique de l'Alliance qui met en évidence les mystères de la crucifixion et de la rédemption. La foi préside à cette relation qui peut atteindre, par une grande concentration de l'esprit, un niveau profond de spiritualisation. En fait le cerveau humain n'est pas isolé du milieu divin bien qu'il puisse ressembler, la plupart du temps, à une terre aride. Le miracle peut être un aboutissement mais il n'est en rien comparable à un satori au sein duquel tout est ravissement et bonheur parfait. Interroger Saint François d'Assise, Marthe Robin et autres stigmatisés. En fait le chrétien est appelé à vivre du Christ donc il doit accepter cette voie qui le conduira vers la perfection. La notion de miracle est par suite associée à une dualité : souffrance et guérison. Dans cette Christo genèse, il existe des chemins de plaine assez confortables et des chemins escarpés et caillouteux. Les chemins sont balisés mais notre monde occidental a tout simplement opté pour l'auto construction et la marchandisation des individus qui ne seront plus que des choses et non des Personnes. Jésus regarda les apôtres et dit : "Pour les hommes, c'est impossible, mais pour Dieu tout est possible." (Mat 19, 23-30) Se référer à la chute du mur de Berlin et l'écroulement du marxisme qui s'effectuèrent naguère sans bain de sang. L'action de l'homme ne fut pas absente d'ailleurs ; qui se souvient de cet homme hors du commun : Jean Paul II.

Lire plus

L'évolution de la foi

Exposé fait le 25 / 01 / 2013 à Brignais 69

"Comment je crois" Chapitre 8 Tome 10 1ière partie

Ayant reçu une formation scientifique, je suis naturellement porté à pousser loin les règles de la logique. Or ce qu'il faut ne pas oublier, c'est que nous sommes capables d'un langage évolué et cohérent capable de décrire la nature (ce qui nous distingue de l'animal), mais que ce langage est imparfait et limité. Ceci est vrai lorsqu'on aborde l'étude du microscopique et l'est d'autant plus vrai lorsqu'on parle métaphysique. Le mot "pitié", quand on parle du divin peut facilement mettre mal à l'aise ; de même que le mot "tolérance" qui peut avoir un caractère péjoratif, etc…Alors qu'un grand mathématicien : Hilbert croyait pouvoir réaliser une merveilleuse synthèse des connaissances mathématiques, un autre savant Gödel lui coupa l'herbe sous le pied tout simplement en vertu de ce que j'ai écrit plus haut. C'est la raison pour laquelle je préfère parler de "résonance", à propos de l'étude d'un auteur ou d'une théorie, plutôt que de "soumission dialectique" pour expliciter mon accord avec la chose ou le personnage en question. L'essentiel n'est pas ce qui est dit ou fait, mais ce qui nous pousse à dire ou à faire.
Citation : "Je crois que l'univers est une évolution". Ce mot évolution reste encore très vague. Cette citation de Teilhard n'est ni plus ni moins que la référence à un dogme, à une norme. Or logiquement, une norme ne peut entrer dans le cadre d'une évolution ! En fait, lorsque nous utilisons un mot, il faut penser à son contraire. Lorsque nous parlons de l'homme ou de l'univers, il faut penser en termes de contradiction. Un neurobiologiste a écrit récemment : "il n'existe pas de lois dans la nature". Cet énoncé suggère pourtant que dans la nature, il existe une loi fondamentale : l'absence de lois ! Il s'agit là, de ma part, de montrer de manière humoristique le genre de contradiction que l'on peut découvrir dans l'usage de notre langue. Plus généralement notre vie s'écoule suivant deux directions : d'une part nous avons besoin de règles de vie qui peuvent être imposées soit par la force des lois en vigueur soit par la parole divine contenue dans les textes bibliques ou le Coran ou les exhortations d'un maître bouddhiste et cela est nécessaire ; d'autre part nous avons autant besoin de liberté pour nous épanouir et bien sûr évoluer au sens courant du terme. C'est là, évidemment, où notre réflexion prend tout son sens.
Je reprends le titre de cet article : "L'évolution de la foi". Je me souviens d'avoir entendu dans mon enfance ce prêtre qui disait du haut de sa chaire : "jusqu'à la dernière minute de votre vie, vous pouvez vous damner !". Je précise ici que, suivant les principes évangéliques, jusqu'à la dernière minute toute âme pècheresse peut être sauvée. Je reconnais que notre éducation et les événements vécus entrent dans le cadre d'une évolution naturelle et contingente qui s'effectue dans l'espace et dans le temps…dans quelle direction ? Tout dépend du contexte et des personnes. Je remarque que, dans mon cas personnel, se juxtaposent deux réalités : d'une part ce que j'ai fait de ma vie en bien ou en mal, ce que j'ai subi, ce que j'ai apprécié, etc. ; d'autre part ce que Dieu m'a apporté à telle ou telle partie de mon existence. Mais je sais qu'à l'heure de mon extinction terrestre, j'aurai la liberté, le courage ou la lâcheté, de dire oui ou non à mes engagements spirituels. En fait, pour définir l'évolution, il convient de s'affranchir de l'idée que seule compte l'espace et du temps. Les choses se transforment de manière contingente dans l'espace et le temps mais l'origine de ces choses se situe hors de l'espace et hors du temps. "Mon Nom est inscrit dans le ciel" disait sainte Thérèse de Lisieux qui ignorait que cette belle parole n'avait ni plus ni moins qu'un caractère cosmique au sens où Teilhard le comprenait certainement. Néanmoins, cette interdépendance entre la transcendance et l'immanence demeurera à jamais un profond mystère. Or il n'en demeure pas moins que la réalité de l'évolution et celle des origines constituent une parfaite énigme !

Lire plus