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Les silences dans l'Eglise Vus par une victime

Citation :
Recension du livre d'Anne Mardon: Silences dans l'Eglise, par action et par omission, Ed. L'Harmattan, 2020.

Après Quand l'Eglise détruit, Anne Mardon, vient de publier, toujours aux Editions L'Harmattan: Silences dans l'Eglise par action et par omission (2020). La préface est de Jean-Louis Schlegel. A son propos, il faut mentionner que, fort de son cursus de sociologue ayant travaillé sur l'évolution du catholicisme et dont les livres ont été traduit dans plusieurs langues, il se permet d'être la voix magistérielle définitive qui remplace celle du magistère de l'Eglise qu'il taxe de cléricalisme.
Les deux livres ont pour toile de fond ce que nombre de personnes ont connu de la vie religieuse : des abus. Pour Anne Mardon, ces abus se concrétisent par un baptême expédié en trois mois, par le P. Thomas Philippe qui la rendit chrétienne malgré elle; par une relation avec un jésuite qui aboutit à une IVG; et enfin, par des années dramatiques passées sous l'emprise du P. Delfieux, dans les Fraternités Monastiques de Jérusalem. De convertie, elle devint chrétienne puis religieuse sans trop savoir comment, et enfin elle quitte l'Eglise pour ne pas perdre ce qu'il lui restait de foi. Ce parcours ne peut pas ne pas interroger.
Le livre qui vient de sortir est en quelque sorte un second volume qui suppose la lecture du premier pour être compris, car il y a des allusions à des événements relatés auparavant.

Un regard sur la table des matières provoque une surprise : le livre comporte trois parties, comme beaucoup d'ouvrages, mais elles sont très inégales. Alors que la première partie remplit soixante-dix-huit pages, la deuxième n'en comporte que onze et la dernière dix-sept. Les seize premières pages sont consacrées à une préface, un avertissement et une sorte de prologue au titre provocateur : "L'Eglise n'existe pas", qui campe la démarche. En fait, lorsqu'une victime de communauté nouvelle ou de nouvelle communauté, s'adresse à un membre de la hiérarchie ecclésiastique, c'est la réponse qui est donnée. Cela renvoie à la question : qui est responsable des dérives ? Ce ne peut être effectivement qu'une ou plusieurs personnes en responsabilité dans l'Eglise, mais pas l'Eglise en tant que telle. Car effectivement, en ce sens-là, elle n'existe pas ; et bien des victimes l'ignorent. Elles vont donc frapper à des portes qui souvent ne peuvent qu'écouter et ne peuvent rien faire. La question à poser est donc plutôt : qui est responsable dans telle ou telle situation ? Il y a un droit dans l'Eglise, et c'est en référence à ce droit que l'on peut déterminer la responsabilité. C'est dans ce cadre, que les silences dénoncés par l'auteur deviennent graves.
L'A. livre des faits, presque d'un bout à l'autre de l'ouvrage ; non pas pour relater sa vie, mais des faits qui montrent le silence qu'elle a reçu chaque fois qu'elle a voulu parler. La longue liste de tous ces silences décrits avec précision, ne laisse place à aucun doute sur leur réalité. Comme Anne Mardon le note elle-même, son histoire n'est pas nouvelle, bien d'autres ont vécu des parcours similaires et se sont heurtés au même silence.
Elle analyse donc le drame intérieur qu'elle a vécu et comment une lumière est venue le jour où elle a compris qu'elle n'était pas la seule responsable de ce qui lui était arrivé. D'autres sont aussi responsables, parce qu'ils se sont tus au lieu de parler. D'où le titre donné au livre : Silences dans l'Eglise. Mais que veut dire "silences… par action et par omission" ? L'A. s'inspire d'une formule de la messe : "J'ai péché en pensée, en parole, par action et par omission", supprimant bien sûr "parole". Mais la transposition est difficile à comprendre. Qu'est-ce qu'un silence par action ? un silence par omission ? Il aurait peut-être mieux fallu dire : par complicité et par démission.

Ce second volume montre une avancée dans la réflexion, si on le compare au premier. Anne Mardon cherche à prendre du recul par rapport à ce qui lui est arrivé ; elle cherche à comprendre ce qui l'a rendu possible et elle pointe le silence.
Dans la première partie de l'ouvrage, l'A. distingue donc trois sortes de silence, qu'elle a rencontrés. Le silence de l'entourage et le silence en interne, qui peut se dédoubler en silence imposé par l'autre et en silence imposé par soi-même. D'où le mot silence au pluriel dans le titre. Ce sont les trois sortes de silence auxquels bien des victimes d'abus se sont heurtés, dans l'Eglise. Dans les deux autres parties, l'A. envisage tour à tour, comme sortir du silence et comme libérer les enchaînés.
Ces silences émanent d'hommes d'Eglise chargés de veiller sur ceux qui entrent dans l'Eglise ou dans la vie religieuse : soit de religieux appartenant à la communauté où elle a vécu ou à d'autres communautés, soit des responsables — les évêques et leurs collaborateurs — ; elle cherche donc à comprendre pourquoi ces silences ont entravé sa route, ont empêché l'écoute de sa conscience, l'ont rendu prisonnière d'une réalité qui l'empêchait de grandir à tout point de vue, de devenir responsable de sa vie.
Elle s'est demandée au terme de cette réflexion, "si ce ne serait pas [le fait religieux lui-même] qui entraverait, contre ce qu'il prétend prêcher et promouvoir, l'expression de la liberté profonde de l'homme. A mon sens, ce n'est pas la liberté qui libère l'homme, elle ne fait que lui donner un cadre pour canaliser ses angoisses. Pour ceux qui croient en Dieu, c'est Dieu qui libère. Et pour les chrétiens, c'est le Christ. Je ne suis pas certaine que celui-ci ait voulu fonder une religion. En tout cas, pas en tant que système de pratiques et de croyances, qui sera par définition tenté de le cerner et de se l'approprier. En voulant annoncer ou donner le Christ, l'Eglise l'a enfermé. En étant si sûre de sa pensée et de ses traditions, forgées sur deux millénaires, et en voulant imposer celles-ci à celui qui cherche Dieu, elle a éteint en lui la voix de sa conscience, empêchant ainsi trop souvent le Christ, ou Dieu, d'advenir en lui. A donner à l'homme une parole stéréotypée, fût-ce celle qu'elle dit venir du Verbe lui-même, elle a imposé le silence au Dieu "plus intime à moi-même que moi-même" de saint Augustin, à celui qui "devient et dédevient", comme le dit maître Eckart." Et à l'appui, elle cite les fondations vermoulues de tout ce qui surgit dans l'Eglise, le système qui s'effondre. Sa conviction : il est nécessaire que les religions se taisent.
A travers ces paroles, on perçoit qu'Anne Mardon est en quête d'un univers sacral où Dieu est immédiatement perceptible, sans médiations. Ceci est diamétralement opposé à la foi catholique et suffit à montrer que le baptême qu'elle a reçu n'était pas accompagné de la foi catholique, foi dans le Fils de Dieu fait chair, mort et ressuscité. Sa découverte de Dieu ne l'a pas conduite jusqu'à la foi chrétienne, car elle a été paralysée dès son émergence. Aucune formation ne l'a aidée à découvrir le Mystère de la Trinité, le Mystère du Verbe fait chair, le Mystère de l'Eglise, la profondeur de la vie chrétienne. Personne n'a pensé, d'après ce qu'elle rapporte, à lui ouvrir la porte qui aurait pu l'y conduire. Elle n'a connu de l'Eglise que la caricature que certains de ses membres en font.

Le livre d'Anne Mardon montre une réelle recherche de construction intérieure, en essayant de comprendre ce qui s'est passé, pourquoi cela est arrivé ; en essayant de mesurer le degré de responsabilité de tous ceux qui ont été acteurs de sa descente aux enfers.
Mais elle ne peut pas arriver à la compréhension qui la libèrerait et lui ouvrirait une route d'espérance, car elle n'a jamais découvert la beauté de la foi chrétienne, la beauté de l'Eglise. Or c'est cela qui lui permettrait de situer à leur juste mesure les déviances qu'elle a rencontrées. L'expérience d'Eglise qui a été faite est celle que l'on peut faire dans un mouvement sectaire : contrainte, absence de liberté de conscience, la raison évacuée, l'esprit de clan qui interdit de dénoncer le chef. Pour terminer, je proposerai volontiers comme titre pour l'ouvrage : Mensonges dans l'Eglise, en parole, par action et par omission.

Signature :
soeur Marie Ancilla

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