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Vincent Francis Cyr Djeguede

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AUTRES PARUTIONS

OUVRAGES ET CHAPITRES D'OUVRAGES


Design et intermédiation: le dispositif Intercultural System Laboratory et son design de mobiliers (2023)


https://www.fabula.org/actualites/117338/pascal-laborderie-et-dounia-mimouni-meslem-dir-images-de-migrants-education-mediation-et-reception-audiovisuelles.html


Le masque et les couleurs; quand une société porte des masques (2021)


https://www.edilivre.com/le-masque-et-les-couleurs-djeguede-vincent-francis-cyr.html/


Nomenclature chronologique des Prêtres béninois de 1928 à 2010, Imprimerie Succès Plus ; Cotonou, Bénin, (2011)
Coup dur, Pièce de théâtre, Imprimerie Notre-Dame, Cotonou Bénin, août 2010


 


ARTICLES


REVUES


"La patrimonialisation comme phénomène d'entropie culturelle: des dynamiques créatives des immigrés dans la patrimonialisation en contexte français". Revue Archipélis (A paraître)


"Le mimétisme religieux au Bénin: interprétation psychanalytique et sociologique d'une crise de foi". Revue Chemin d'espérance, 29,2012


JOURNAUX


"Crise écologique: une menace réelle et grave pour la vie". La Croix du Bénin,numéro du 25 décembre 2009


"L'armée et la politique en Afriuqe: des rapports de fiat ou de droit ?" La  Croix du Bénin, 1086,2010


"Végétarisme: un problème ou une solution" La Croix du Bénin, 11441,2011


"La lente agonie du livre au Bénin: Quand écrire rime avec périr" Publisher books, 001, 2018


https://issuu.com/oape-africa/docs/publishers_book_-_magazine_-_juin_2


 


 


LES ARTICLES DE L'AUTEUR

Médias et Education au Bénin : Analyse sociohistorique et herméneutique d'un rapport asymétrique

Citation :
DJEGUEDE Vincent Francis, Ecrivain, Membre de la Société des Ecrivains d'Alsace et Lorraine ; Diplômé de l'Université de Strasbourg en Anthropologie socioculturelle et en Sciences de l'Education option Ingénierie et Médiation socioéducative

Dans l'édification de la personne humaine, l'éducation constitue un fondamental puisqu'elle est un processus coextensif à toute la vie à travers le contact personnel que l'individu prend avec les réalités. L'éducation revêt ainsi un caractère primordial et non relatif, de sorte que son absence ne manque pas de déséquilibrer, d'inhiber la personnalité en situation. De façon concrète l'éducation de l'individu touche la culture de l'esprit, de l'intelligence mais davantage la culture de l'intériorité. Puisqu'elle se cristallise dans un rapport dialogual entre l'individu et lui-même et l'individu avec les autres dans son environnement. L'éducation qui s'inscrit dans le processus d'édification de la personne n'est donc pas une simple philanthropie, mais véritable et complexe anthropologie. Elle revêt des exigences et requiert une vision et un esprit. Les médias constituent un moyen très important d'édification de la personne dans sa pluri-dimensionnalité, aidant à faire le lien entre les différents domaines de la vie sociale. Sur le plan culturel par exemple, Ils introduisent les enfants et les jeunes à leur héritage culturel, servent le bien commun en préservant et en enrichissant l'héritage culturel des nations. Les médias ne constituent donc pas exclusivement chemin de développement de la communication humaine, mais revêtent une importance particulière dans le processus de l'éducation en générale. Les médias en général et ceux du Bénin en particulier, ne devraient pas se borner à leur aspect informatif dans le domaine éducatif ; mais doivent découvrir la dimension performative surtout en ce qui concerne la jeunesse. Ces pages d'analyse et de réflexion, permettront de dresser un état des lieux de l'éducation au Bénin, d'estimer l'impact des médias sur les pratiques éducatives dans un rapport pourtant asymétrique ; du fait de la distance entre le développement des médias au Bénin et le développement des médias.


I-Bref historique du développement de l'éducation formelle au Dahomey/Bénin

D'un point de vue chronologique, ce serait en 1903 que furent adoptés les premiers textes organisant l'instruction publique dans la Colonie du Dahomey et dans les colonies de l'Afrique Occidentale Française. L'arrêté n°806 du Gouverneur de cette colonie et des autres, en date du 24 Novembre 1903 avait instauré quatre sortes d'enseignements : primaire-élémentaire, les écoles régionales et les écoles urbaines, l'enseignement secondaire supérieur et commercial dispensé à l'école Faidherbe de Saint Louis au Sénégal1. Les objectifs du système éducatif colonial avaient et continuent de susciter des questionnements. Mis à part le fait d'un placage de système éducatif, "les finalités de l'enseignement laïc, c'était d'asseoir la colonisation en formant des cadres auxiliaires et de contribuer au développement des colonies et indirectement de la France. Cela se déclinait en un double objectif : diffuser dans les masses une instruction rudimentaire tout en formant une élite soigneusement triée"2. S'il est vrai que l'institution de l'école coloniale était advenue dans le contexte qui vient d'être décrit et qui est le sien, alors il serait bien réaliste de dire que l'école coloniale observait une vision éducative basée en partie sur les idéaux politiques de la colonisation. Plus précisément, les pionniers de l'éducation coloniale recevaient une éducation tournée vers un autre modèle, mais qui restait un processus rigoureux et linéaire.
Comme nous le disions dans notre article intitulé : La crise de l'éducation au Bénin envisagée à partir du cas des séminaires catholiques : Approche anthropologique et philosophique d'un modèle d'éducation adapté ; la période révolutionnaire fut très importante à la maturation du système sociopolitique du Bénin après la période coloniale. Pour l'essentiel, on ne le dira jamais assez, la période révolutionnaire a été celle de l'école Nouvelle instituée par l'ordonnance N°75-30 du 23 Juin 1975 portant Loi d'orientation de l'Education Nationale3. Elle portait comme enjeu, la cohérence et la continuité entre école et vie sociale ; mais certains facteurs d'ordre conjoncturel ne permirent pas l'atteinte de ces objectifs. Vers la fin des années 80, l'engouement et le nouvel élan impulsés par la Conférence des Forces Vives de la Nation favorisa l'investissement financier et matériel du PNUD et de l'UNESCO qui entreprennent une analyse du système afin de parvenir à un diagnostic de la crise de l'éducation. L'Approche par compétences fut adoptée et fit suite à l'Approche par Objectifs. Les compétences recherchées et dans l'Approche par Compétence, vont au-delà du savoir académique et s'enracinent dans la réalité quotidienne. Mais nombre de défis restent à relever, et celui du rapport entre éducation et médias demeure très important. Cette évaluation de l'éducation scolaire au Bénin, nous fournit les matériaux objectifs pour procéder à l'analyse critique de l'impact des médias sur la qualité de l'éducation de la jeunesse béninoise à travers l'histoire.

II- Brève généalogie des médias et évaluation de leurs rapports aux pratiques éducatives béninoises

A la suite de l'état des lieux de l'éducation au Bénin, une généalogie des médias s'impose afin d'établir une vision synoptique entre le développement de l'éducation et celui des médias. Cette démarche sera ponctuée par l'évaluation des rapports entre médias et éducation formelle. En effet, cette analyse primordiale nous permettra de dégager quelques enjeux en termes de réforme de l'éducation.
De la fin du 19ème siècle au début du 20ème siècle, le Cinéma a pris son envol dans l'espace de la communication ; à la suite de la machine de Gutenberg et de la Presse. Marshall Mc Luhann fut d'ailleurs un précurseur averti dans le domaine des études des médias et de leurs impacts sur la société et sur l'éducation. Il traite des mutations induites par les médias à partir de la fin du 19ème à travers deux de ses ouvrages : La Galaxie Gutenberg : face à l'ère électronique, les civilisations de l'âge oral à l'imprimerie (1962) et Pour comprendre les médias, les prolongements technologiques de l'homme (1968). McLuhan affirme que les médias, par leur existence même et indépendamment des messages qu'ils véhiculent, imposent leur propre logique aux nations qu'ils façonnent. Mc Luhann structure l'histoire de l'humanité en trois époques : d'abord l'ère tribale, où dominait la parole, puis l'ère typographique, déterminée par l'imprimé, et enfin l'ère moderne, retribalisée par les médias électroniques4. Quels furent alors les rapports entre les médias et l'éducation au Dahomey/Bénin ? Les premiers médias qui ont pris forme au Dahomey/Bénin furent les journaux. Aux journaux de presse franco-coloniale tels : L'Echo du Dahomey et Le Bénin a succédé une génération de presse dahoméenne. Au nombre de ceux-ci, on peut citer Le Guide du Dahomey, La Voix du Dahomey, Le Phare du Dahomey, La Presse Portonovienne, Le Courrier du Golfe du Bénin, L'Echo des Cercles et L'Etoile du Dahomey5. Il est cependant important et crucial de souligner que certains journaux dont France Dahomey ou encore La Croix du Dahomey furent de véritables bastions de lutte intellectuelle en vue de l'Indépendance. La jeunesse Dahoméenne consciente des enjeux historico-politiques avait très tôt perçu la Presse, comme instrument, outil d'expression et d'affirmation.
Avec la création de Radio Cotonou le 07 Mars 1953 ; la mise au point de la Télévision à partir de 1960 et Le lancement de la chaîne nationale Béninoise le 30 Décembre 1978, le Dahomey/ Bénin entre dans une deuxième phase de la vie des médias. En dépit de l'intérêt que ces nouvelles machines suscitaient dans le monde des jeunes Dahoméens de cette époque, il n'y avait pas un véritable contact des médias audiovisuels avec la jeunesse ; les télévisions et radios appartenaient aux parents et tous les foyers n'en possédaient guère. L'accès à ces médias par la jeunesse fut progressif et leur développement non moins lent. L'accompagnement des pratiques éducatives par les médias restait encore très embryonnaire. On assiste par-contre au développement de la presse écrite facilitant un accès direct à l'information. Jusque-là les médias restent des réalités encore éloignées de la jeunesse et de son éducation.
A partir des années 90, le monde entre dans la phase des Technologies de l'Information et de la Communication (TIC) avec l'expansion d'Internet ; et bien évidemment, le Bénin n'en fut pas en marge. La vulgarisation d'internet au Bénin s'est faite progressivement et parallèlement avec celle des chaînes audiovisuelles privées. Il s'agit d'une troisième ère, particulière et très complexe pour l'éducation de la jeunesse béninoise. L'explosion des TIC(s) au Bénin en moins de trois décennies depuis les années 90, reste stupéfiante, la jeunesse est désormais en contact direct avec certains médias et l'accompagnement des pratiques éducatives par les médias semble prendre forme. Mais l'absence à la base d'une politique éducative conséquente, suscita de nouvelles problématiques. Ces problématiques restent actuelles : l'usage rationnel des ressources numériques, la formation à la recherche numérique, la gestion du temps, l'éthique des médias, la responsabilité partagée de la production/diffusion d'images etc…
Par rapport à l'éthique des médias et des risques d'Internet pour les jeunes, les résultats d'une enquête réalisée auprès de populations jeunes par une équipe de chercheurs s'avèrent édifiants : "On a pu constater l'obsession des parents, relayée par celle des chercheurs, concernant la question des dangers auxquels les jeunes s'exposeraient au contact d'Internet (pornographie, pédophilie, sites haineux, etc.), de même que l'importance accordée au contrôle parental"6 La question de l'authenticité et de la fiabilité des informations et des sites qui les produisent se pose aussi avec acuité : " il y a d'autres risques auxquels on devrait sensibiliser les jeunes, au premier chef il y a celui du respect de la propriété intellectuelle, qui est systématiquement bafouée par l'utilisation et l'appropriation des informations qui se trouvent sur le Web, ainsi que celui des questions touchant la crédibilité et la fiabilité des sources auxquelles les jeunes sont confrontés"7. Cette réflexion se révèle on ne peut plus pertinente dans le contexte béninois marqué par une absence de sécurité et de protection des données personnelles et des risques de cybercriminalité grandissants. Tout ceci nous ramène à
la question des politiques éducatives en matière numérique au Bénin. L'intégration des TIC(s) n'est pas encore effective dans l'enseignement au Bénin exception faite de quelques écoles ou universités privées qui sont pionnières dans ce domaine. Mais de façon générale, il urge de développer aujourd'hui plus que jamais une éducation aux médias qui accompagnerait les pratiques éducatives par les médias.
Par rapport à l'usage rationnel des ressources numériques et à la gestion du temps, " Très peu de sujets déclarent effectuer des recherches en vue de compléter ou d'approfondir leurs connaissances dans certaines disciplines dispensées à l'école : seulement 5 % le font "8. Les problématiques nouvelles que posent les médias et les TIC(s) au Bénin restent entières et nécessitent une profonde réforme du système éducatif qui tout en intégrant définitivement les TIC(s) dans les écoles, collèges, universités, développe une politique de régulation et de formation des étudiants et enseignants qui éprouvent de grandes difficultés à trouver l'information sur les contenus disponibles sur Internet.

Pour ne pas conclure, l'implication insuffisante des médias audiovisuels, d'internet dans l'éducation de la jeunesse au Bénin, réside dans les missions que ces derniers se donnent : on assiste à une primauté des réalités politico-économiques sur celles socioculturelles et éducationnelles, ou du moins ces dernières sont assimilées aux activités ludiques à travers la musique, les feuilletons, avec une grande emphase publicitaire. La jeunesse béninoise a perdu la notion du temps et a acquis par contre celle de la distraction et a développé des contre- valeurs. Elle a développé un rapport servile aux productions audiovisuelles et une est tombée dans l'extraversion culturelle. Les rapports entre médias et éducation gardent de plus bel leur asymétrie considérant les écarts entre leur développement respectif et les divergences observées dans leurs finalités. Le dépassement des rapports asymétriques demeure un enjeu de taille et requiert une éducation aux médias, une éthique des médias qui intègre et accompagne les pratiques éducatives au Bénin.

Notes :
1- Cf. Michel-Robert GOMEZ et Adren HOUANNU, l'éducation au service du développement du Bénin ; Editions CAAREC 2009, P.9
2- Denise BOUCHE, l'enseignement dans les territoires Français de l'Afrique Occidentale de 1817 à 1920 : Mission civilisatrice ou formation d'une élite,Paris 1974
3-Cf. Traité de législation scolaire à l'usage des enseignants, Nouvelles Editions Africaines, 1983 P. 182
'- Cf. La Galaxie Gutenberg : face à l'ère électronique, les civilisations de l'âge oral à l'imprimerie 1962
5-Cf. Abdel Kader Babatoundé KPADONOU, L'Appropriation de l'internet par la presse béninoise, Mémoire,2002

6-Jacques Piette, LE NOUVEL ENVIRONNEMENT MÉDIATIQUE DES JEUNES Quels enjeux pour l'éducation aux médias ?, Université de Sherbrooke, Québec Recherches en communication, n° 23 (2005) P. 251
7- Ibidem P. 252
8-Okri Narcisse KOUTIYA, L'éducation informelle par les Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication -NTIC- au Bénin : cas de l'Internet dans l'éducation des adolescents de la Commune de Porto-Novo, Mémoire de fin de cycle,2004
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Comment réussir son Avenir aujourd'hui ?

Citation :
DJEGUEDE Vincent Francis, Ecrivain, Membre de la Société des Ecrivains d'Alsace et Lorraine ; Diplômé de l'Université de Strasbourg en Anthropologie socioculturelle et en Sciences de l'Education option Ingénierie et Médiation socioéducative

L'à-venir pose fondamentalement la question du devenir et de l'être. Dans cette veine, traiter de réussite de l'à-venir paraît soit une prétention ou une illusion. Mais l'avenir est un engagement au présent, il est en acte une responsabilité. Réussir son avenir conserve donc toute sa complexité et requiert des fondamentaux.

Xavier Emmanuel n'avait-il pas perçu ce qu'il convient d'appeler la question existentielle, quand il affirmait que la plus grande tâche qui soit, c'est de réfléchir sur la vie ? Toute réflexion sur la vie demeure une gageure mais en même temps une nécessité, un impératif catégorique. L'homme en situation dans le monde demeure un phénomène unique, une entité consciente et intelligente. Il est donc vital pour lui de réfléchir sur sa propre existence. La perfectibilité de l'homme lui fait entreprendre nombre de moyens pour se réaliser. La réalisation de l'homme se décline objectivement au futur à-venir comme processus. Dans ce sens réussir son avenir demeure l'œuvre de toute la vie. Mais paradoxalement, aujourd'hui, la réussite a perdu du sens, et le sens lui non plus ne connaît guère de réussite. La réussite est assimilée à l'avoir et au pouvoir dans un contexte anaxiologique. Parler de réussir son avenir aujourd'hui au jeune, revient primordialement à écarter ce dernier des parodies du succès et des pseudo-discours sur la réussite de l'avenir. La réussite de l'avenir n'est guère à confondre avec une quête égocentrique d'un bonheur insulaire. De fait la société du 21ème siècle tend vers un individualisme morbide et suicidaire qui emmure l'individu dans l'illusion de sa propre réussite. La réussite de l'avenir n'est pas une accumulation de biens ; puisque la société développe en l'homme un instinct besacier qui l'enferme dans une vision matérialiste de la vie. La réussite de l'avenir pour le jeune ne doit guère s'assimiler à une quête frénétique et désespérée du pouvoir sous toutes ses formes et par tous les moyens.
Réussir garde certes toute sa légitimité, mais savoir réussir reste un défi aujourd'hui pour la jeunesse, livrée en pâture aux prédateurs les plus insoupçonnables que la société elle-même génère et nourrit au risque de se défigurer elle-même. La réussite de l'avenir aujourd'hui reste un défi crucial qui nous occupera dans les prochaines lignes.


I-L' avenir : un avènement incertain, un engagement certain

Lorsqu'il arrive de parler de réussir ou de bâtir l'avenir, un certain présupposé de la finalité comme factualité et une sorte de réflexe de cette quête, occasionne une impasse sur l'objectivité et la complexité de la question. L'à-venir est un référentiel du Temps qui demeure lointain, insaisissable incertain et par conséquent jamais atteint. L'à-venir pose fondamentalement la question du devenir et de l'être. Dans cette veine, traiter de réussite de l'avenir paraît soit une prétention ou une illusion. Traiter de l'avenir avec objectivité revient à en exclure toute connaissance et donc toute action. Certains Philosophes comme Hegel et bien d'autres avant lui avaient déjà perçu cette complexité de la notion de l'à-venir. Hegel défend la thèse de l'impossibilité de connaître l'avenir. Il mentionne pour l'essentiel l'historicité, l'inscription de l'individu dans son époque présente et dans son Histoire de la philosophie, il donne un argument épicurien : "Que le futur soit ou qu'il ne soit pas, cela ne nous concerne pas ; il ne doit pas être pour nous un motif d'inquiétude. C'est là la juste pensée concernant l'avenir". Cieszkowski compare la thèse hégélienne sur l'avenir à l'impossibilité kantienne de connaître l'absolu. L'avenir serait chez Hegel le dernier bastion imprenable de l'absolu dans sa transcendance. La difficulté à traiter de l'avenir avec certitude amène Hegel à développer une vision totalisante du présent, laquelle exclut l'avenir. Cette position de Hegel et de certains philosophes avant lui témoigne du caractère métacognitif de ce référentiel du temps. L'avenir demeure ainsi lointain puisqu'il ne relève que de la "projectualité" d'un non-accomplissement permanent. On n'y approche jamais, il se s'épaissit sans cesse et sans fin. L'avenir du fait de sa distance paraît insaisissable. Nul ne saurait en décider comme s'il décidait du présent comme s'il disposait de faits et d'événements dont il a accès. De ce fait personne ne tient l'avenir et donc ne saurait l'orienter convenablement et de manière efficiente. L'avenir devient dans cet ordre d'idées incertaine ; un risque, un ensemble de probabilités toutes autant évanescentes. Comment peut-on alors réussir un à-venir autant complexe ?
Pour réussir l'avenir, il convient de le percevoir positivement, comme un processus dynamique. A l'impossibilité objective de connaître l'avenir et donc d'en disposer on pourrait apporter une nuance relative d'ordre dialectique. Les travaux de Cieszkowski sur la connaissabilité de l'avenir revêtent à cette étape toute leur pertinence. La tentative de Cieszkowski d'inclure l'avenir dans la philosophie de l'histoire n'est pas nouvelle. Certains philosophes de l'histoire comme Condorcet entrevoient clairement l'avenir comme un progrès. Cieszkowski conçoit une trilogie dans l'accomplissement de l'histoire : le sentiment (prophétie), la pensée (philosophie de l'histoire) et la volonté (action) Cette philosophie s'inspire admirablement du principe de faisabilité de l'histoire avec R. Koselleck. L'avenir devient alors un engagement du sujet, un engagement responsable de l'Homme.
Le référentiel du temps que constitue l'avenir conserve il est vrai toute sa complexité en restant lointain, insaisissable et incertain, mais il n'est pas absolument lointain, insaisissable et incertain. L'avenir est un engagement au présent, il est en acte une responsabilité. De fait, puisqu'il y a à tout moment, dans la conscience une présence des phénomènes passés, il y a également une anticipation ou une projection du futur qui implique l'Homme comme protagoniste et agent. La conception pratique de l'avenir appelle indéniablement, dès lors une nouvelle compréhension du concept d'action. L'action serait dans cette veine d'idées, un paradigme, la matrice du futur. Mais quel est le contenu de ce concept ? Cieszkowski lui attribue trois caractéristiques principales : l'action est un type d'événement, une synthèse et une modalité de la liberté. L'action est un événement actif qui est la conséquence d'une praxis consciente, parce qu'il n'est pas étranger à la pensée, mais est conscient avant d'être réalisé. L'avenir s'il veut être réussi au sens le plus relatif du terme devrait être alors davantage perçu, non plus comme horizon d'attente, mais comme champ d'action. L'impossibilité de connaître l'avenir, soulignée avec force par Hegel, peut ainsi s'expliquer par sa dimension pratique, en vertu de laquelle il relève, par-delà le savoir, de la liberté infiniment créatrice de l'esprit.
L'engagement à travers l'action devient une nécessité pour l'Homme si on se réfère à sa situation dans le temps. Il est essentiel de comprendre l'engagement comme un état de fait, lié à la condition humaine comme telle. Nous sommes condamnés à l'engagement de la même façon que nous sommes condamnés à être libres1. D'un certain point de vue, l'engagement ne serait pas ainsi l'effet d'une décision volontaire, d'un choix qui lui préexisterait2.Le sujet engagé ne saurait être réduit à un simple déterminisme des causes et des choses. L'homme est fondamentalement engagé, et responsable et bâtit l'avenir et le futur à travers ses choix. L'engagement revêt de ce point de vue une teneur morale en tant qu'obligation. En définitive réussir l'avenir est un appel de fait et un devoir fondamentalement.

II-L'avenir : un avènement programmé

La réussite de l'avenir, appel de fait et devoir fondamentalement, implique primordialement l'Homme comme agent et reste ainsi l'œuvre de toute la vie ; mais surtout une œuvre qui s'enracine profondément dans le présent comme emblème et matrice du futur. Par induction, on pourrait affirmer que la réussite de l'avenir s'enracine dans la période de la Jeunesse comme moment crucial de la vie, une sorte de présence unique de l'individu à lui-même. Réussir l'avenir revient à le concevoir non plus comme horizon d'attente, fatalité mais comme champ d'action qui nécessite la volonté et la liberté du Jeune. La réussite de l'avenir apparaît ainsi comme une véritable programmation certes pas mécanique, mais intelligente et raisonnable. Le jeune qui aspire à la réussite de son avenir, devra davantage développer son sens de responsabilité et ainsi optimiser sa volonté et sa liberté intérieure. Toute réussite et celle du jeune en l'occurrence s'affirme sur une triple dimension, constitutive de la totalité et de l'unicité de l'Homme : la dimension affective, la dimension sociale et la dimension spirituelle.

*La dimension affective

Une certaine philosophie conçoit l'affectivité comme une mosaïque d'états affectifs, plaisirs et douleurs fermés sur eux-mêmes qui ne se comprennent pas et ne peuvent que s'expliquer par notre organisation corporelle. Cette même philosophie affirme par ailleurs que l'affectivité n'est pas reconnue comme un mode original de conscience3 même si chez l'homme elle se "pénètre d'intelligence". Tout en relevant la pertinence scientifique d'un tel point de vue, il convient d'entrevoir l'affectivité dans le déploiement de la vie relationnelle de l'homme ; elle est surtout un mode de conscience qui s'intègre à la relation de l'homme à son environnement et à la société. Et c'est dans ce sens qu'elle constitue un aspect de la sexualité. La sexualité dans son aspect purement physiologique est la base de l'équilibre de la sexualité comme relation à l'autre sexe. En effet l'individu, le jeune devra acquérir une maturité dans le rapport à son propre corps, le comprendre et l'accepter avant d'entrer en relation avec l'autre sexe. La sexualité comme dans son aspect physiologique est capitale pour la réussite de l'avenir puisqu'elle définit l'identité ; principe ontologique du sens de responsabilité. Un jeune instable affectivement ne saurait réussir convenablement sa dimension sociale et d'une façon indirecte son avenir.

• La dimension sociale

Ce deuxième niveau touche certains aspects interpersonnels de notre vie et de notre personne qui ont le sens et la valeur que nous leur attribuons, compte tenu de la culture ambiante, de l'image que nous forgeons de nous-mêmes ou de l'étiquette que les autres nous collent, des besoins subconscients ou conscients qui nous habitent. La dimension sociale prend davantage en compte la place et le rôle dans la société. Et c'est d'ailleurs elle qui concentre le sens que l'entendement humain donne à la réussite. La réussite de l'avenir implique pour le jeune en question une efficience sociale qui passe par ses qualifications professionnelles. La qualification professionnelle n'est en fait que la résultante d'une réussite scolaire et universitaire. Selon le Père Sertillanges, la première règle du travail intellectuel, c'est la lecture : " La lecture est le moyen universel d'apprendre, et c'est la préparation immédiate ou lointaine de toute production. (….) Tout le monde intellectuel peut être comparé, grâce à la lecture, à une salle de rédaction ou à un bureau d'affaires : chacun trouve dans le voisinage l'initiation, l'aide, le contrôle, le renseignement, l'encouragement qu'il faut. Savoir lire et utiliser ses lectures est donc pour l'homme d'étude une nécessité primordiale"4. La deuxième règle du travail intellectuel c'est l'organisation de la mémoire : "On ne vit pas de sa mémoire, n se sert de sa mémoire pour vivre. Gravez en vous ce qui peut vous aider à concevoir ou à exécuter, s'assimiler à votre âme, répondre à votre but, vivifier votre inspiration et soutenir votre œuvre. Quant au reste, livrez-le à l'oubli 5". La mémoire est un instrument très important pour le travail intellectuel, pour la réussite scolaire et universitaire. Son importance tient de son utilité et de sa nécessité pratique. La réussite du travail intellectuel et donc des études pour le jeune qui aspire à la réussite de son avenir sur le plan social tient enfin selon le père Sertillanges, des notes : " Les notes, qui sont un papier" disait Montaigne, doivent se réduire énormément par rapport aux lectures ; mais elles peuvent s'élargir plus que le souvenir, le suppléer, par suite le soulager et venir au secours du travail dans une mesure difficilement assignable" 6. La gestion"du temps est à l'avant-garde de toutes ces règles définies par le père Sertillanges. Le jeune élève, étudiant qui voudrait réussir est en demeure de faire un usage efficient et rationnel de son temps.

• La dimension spirituelle

Au-delà des diatribes les plus violentes sur le spirituel, le religieux, l'âme, Dieu, il convient de mettre tout le monde devant une évidence, celle des limites propres à la nature humaine et par ricochet de sa Raison. L'homme se butte à des questions qui l'interpellent et le font se douter d'une réalité transcendante. On ne peut entreprendre une réussite de l'à-venir, sans la référence au transcendant tout aussi immanent. "Les trois niveaux de la vie psychique sont inséparables. L'homme n'est réductible ni à sa corporéité biochimique, ni à ses interactions socioculturelles, ni à une pure monade autonome. Il est esprit incarné, socialisé, ouvert à la transcendance et à la liberté. Ces trois niveaux sont naturellement ordonnés l'un à l'autre " 7. La réussite de l'avenir transite également par la référence à la vie spirituelle comme intériorité et relation au Tout-Autre ; puisqu'en définitif, l'à-venir n'est l'apanage de personne si non que de Dieu lui-même qui y associe éminemment et réellement l'homme. La réussite de l'avenir nécessite l'observance des principes éthiques et le respect de l'autre comme alter ego, c'est-à-dire un autre soi-même.

Du reste, le thème de la réussite de l'avenir porte une complexité objective du fait des caractéristiques de l'à-venir comme au-delà ; mais il constitue un appel ontologique à l'homme ; au jeune comme responsable de son avenir. L'avenir ne serait plus un avènement incertain, mais un avènement programmé impliquant un engagement certain. Pour qui veut réussir, l'affectivité, le social et le spirituel constituent des rocs indéniables. La réussite qui conserve toute sa légitimité s'écarterait ainsi de toute parodie et connaitrait une approche intelligente, raisonnée, équilibrée. La réussite de l'avenir n'est ainsi guère à confondre avec une quête égocentrique d' un bonheur insulaire, ni avec une accumulation de biens ;encore moins à une quête frénétique et désespérée du pouvoir sous toutes ses formes et par tous les moyens. Aucune réussite ne peut s'entreprendre effectivement sans Dieu comme Auteur et Maître de l'à-venir, comme source et principe du succès. Le jeune devra opérer un jugement responsable dans ses choix et aspirations pour un avenir de rêve.

Notes :
1-cf L'EXISTENTIALISME SARTRIEN
2: je ne décide pas d'être ou non engagé car je suis toujours déjà engagé, comme je suis jeté au monde. L'engagement et le délaissement sont un seul et même état de fait.
3-Cf. M. MERLEAU-PONTY, Phénoménologie de la perception,1945, pp. 180
4-A.D. Sertillanges, La vie intellectuelle, son esprit, ses conditions, ses méthodes, les éditions du Cerf, Paris 1966 ; P. 140.142
5- Ibidem P. 172
6-Ibidem P. 183
7-J. Compaoré SJ, se connaître pour mieux servir, éditions Paam Yöodo, Ouagadougou, 2009 ; p.14
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La crise de l'éducation au Bénin envisagée à partir du cas des séminaires catholiques : Approche anthropologique et philosophique d'un modèle d'éducation adapté.

Dans notre récente publication intitulée : l'être inachevé : réflexions sur l'éducation dans les séminaires catholiques béninois, (Cet essai est le tout premier du genre en Afrique et au Bénin sur l'éducation dans le milieu clérical. Il est issu d'une longue observation et d'une analyse sociohistorique, anthropologique et pédagogique des pratiques dans les milieux de formation cléricaux. Il a été lu et apprécié par le Préfet de la Congrégation pour l'éducation catholique et disponible dans les librairies en France. Il sera bientôt vendu dans certains établissements du Bénin.) nous avons amorcé une analyse philosophique et anthropologique de la réalité de l'éducation.
La gravité de l'éducation tenant de sa finalité, il convient de passer sa réalité contextuelle et phénoménale en Afrique et au Bénin au crible d'une évaluation. La tâche n'est guère une sinécure du fait de la mentalité du tabou très forte ainsi que des corollaires encore rigides d'un choc des civilisations mal assumé du point de vue de l'histoire. Que faire alors que cette réalité implacable ne fait plus l'ombre d'aucun doute ? La crise de l'être africain commencerait déjà au niveau même du modèle transmis, un modèle qui malheureusement reste éludé et balloté au gré des programmes politiques divers ; les institutions religieuses n'échappent même pas à cette situation manifestant d'ailleurs une complexité particulière due à la conception sociale du fait religieux. "La question de l'éducation et de son esprit se pose aujourd'hui avec acuité dans un contexte mondial complexe où le politique, le juridique, le médiatique deviennent de plus en plus des arènes de mise en scène où sont joués les comédies et les drames les plus sordides. Avec la crise sociale mondiale, sans être pessimiste, la crise du sacerdoce au sein de l'Eglise catholique marquée par divers scandales pose la problématique d'une Réforme des institutions, une Réforme de toute la Société, une Réforme des séminaires. Le développement intégral de toute société passe par une éducation optimale et excellente. Tout défaut dans le processus d'éducation engendre ainsi des crises et trace l'itinéraire le plus sûr vers le sous-développement. Envisager une réflexion sur la formation dans les séminaires, c'est œuvrer pour le développement"(Cf. DJEGUEDE V. Francis C. L'être inachevé : réflexions sur l'éducation dans les séminaires catholiques béninois ; L'Harmattan Paris, 2017, P. 8).Cet article se veut un approfondissement des réflexions émises dans notre récente publication.

I-Histoire de l'éducation au Bénin/Dahomey et Analyse diachronique du contexte de la formation dans les séminaires catholiques béninois
I-1- De la période coloniale aux indépendances
Selon le Traité de législation scolaire à l'usage des enseignants (1983 P.43) : " L'école sous sa forme actuelle est une institution importée au 19ème siècle, d'abord par les missionnaires, ensuite par l'administration coloniale". La première école catholique aurait été installée à Ouidah en 1861 par le Père Borghero de la Société des Missions Africaines ; mais bien avant le 19ème siècle, les Missionnaires portugais présents à l'époque de la Traite avaient ouvert la première école à Ouidah en 1680(Cf. Traité de législation scolaire à l'usage des enseignants, Nouvelles Editions Africaines, 1983). D'un point de vue politico-administratif, ce serait finalement en 1903 que furent adoptés les premiers textes organisant l'instruction publique dans la Colonie du Dahomey et dans les colonies de l'Afrique Occidentale Française. L'arrêté n°806 du Gouverneur de cette colonie et des autres, en date du 24 Novembre 1903 avait instauré quatre sortes d'enseignements : primaire-élémentaire, les écoles régionales et les écoles urbaines, l'enseignement secondaire supérieur et commercial dispensé à l'école Faidherbe de Saint Louis au Sénégal(Cf. Michel-Robert GOMEZ et Adren HOUANNU, l'éducation au service du développement du Bénin ; Editions CAAREC 2009, P.9). Les objectifs du système éducatif colonial avaient et continuent de susciter des questionnements. Mis à part le fait d'un placage de système éducatif, "les finalités de l'enseignement laïc, c'était d'asseoir la colonisation en formant des cadres auxiliaires et de contribuer au développement des colonies et indirectement de la France. Cela se déclinait en un double objectif : diffuser dans les masses une instruction rudimentaire tout en formant une élite soigneusement triée" (Denise BOUCHE, l'enseignement dans les territoires Français de l'Afrique Occidentale de 1817 à 1920 : Mission civilisatrice ou formation d'une élite,Paris 1974). S'il est vrai que l'institution de l'école coloniale était advenue dans le contexte qui vient d'être décrit et qui est le sien, alors il serait bien réaliste de dire que l'école coloniale observait une vision éducative basée en partie sur les idéaux politiques de la colonisation. Plus précisément, les pionniers de l'éducation coloniale recevaient une éducation tournée vers un autre modèle, mais qui restait un processus rigoureux et linéaire.
Le système des séminaires catholiques fut l'un des premiers en termes d'éducation à prendre forme pendant la période coloniale dans l'esprit de l'enseignement catholique et d'une éducation cléricale. Et il est nécessaire d'un point de vue scientifique d'analyser ce noyau dur du système éducatif béninois dans sa genèse ainsi que dans son développement afin d'observer en lien avec le système éducatif national, les similitudes, particularités et archaïsmes(cf.Nombre d'archaïsmes restent observables dans le système des séminaires comparativement à l'éducation nationale : la forme de validation des semestres, la non intégration du système LMD avec la persistance de diplômes comme le baccalauréat philosophique, le baccalauréat théologique) D'une façon générale, pour cette période, la formation donnée dans les séminaires béninois selon le modèle français de type romain, donna ses meilleurs fruits pour le pays, l'Eglise locale et universelle. L'édification de la personne suivant le système des séminaires béninois depuis les Missionnaires en passant par le clergé local - même si elle s'est déployée selon un modèle européen et rendue intelligible par les facteurs endogènes d'efficacité dont nous avions fait cas - a fait ses preuves, laissant vestiges et marques de qualité. Tout d'abord quelques figures emblématiques du clergé Béninois : le père Thomas MOULERO, le Cardinal GANTIN, Monseigneur Isidore de SOUZA, pour ne parler que de ceux-là et ensuite la notoriété de la formation béninoise au sacerdoce qui donne lieu à une affluence extérieure vers le milieu des séminaires béninois.

I-2- L'étape de la Révolution de 1972
Au sortir de la colonisation, le Dahomey expérimenta la désillusion et le désenchantement d'une indépendance non encore acquise et d'une gestion calamiteuse. La révolution de 1972 sous l'égide du Général Mathieu Kérékou demeure un tournant important dans l'histoire de l'éducation au Dahomey. La période révolutionnaire a été celle de l'école Nouvelle instituée par l'ordonnance N°75-30 du 23 Juin 1975 portant Loi d'orientation de l'Education Nationale(Cf. Traité de législation scolaire à l'usage des enseignants, Nouvelles Editions Africaines, 1983 P. 182). Ainsi que le suggère déjà sa dénomination, cette école " Dahoméenne" et non plus "coloniale" était basée sur une nouvelle vision de l'enseignement. Nombre d'innovations sont à noter : le principe de participation de la communauté aux pratiques éducatives ; le principe de collégialité en ce qui concerne la gestion des établissements scolaires qui implique et amène la collaboration entre étudiants et enseignants. L'objectif central de la révolution fut d'établir une cohérence et une continuité entre école et vie sociale. Mais la noblesse des réformes n'a pu empêcher la débâcle que fut celle de l'école révolutionnaire.


I-3- L'éducation scolaire de 1990 à nos jours

Vers la fin des années 80, le système éducatif béninois connut un grand ralentissement, nécessitant de profondes réformes. Le tournant de la Conférence des Forces Vives de la Nation favorisa un investissement des organismes internationaux comme le PNUD et l'UNESCO qui entreprennent une analyse du système afin de parvenir à un diagnostic de la crise de l'éducation. Le principe cardinal des nouveaux programmes fut : " faire ici pour apprendre à faire ailleurs" et la référence méthodologique devint capitale. L'Approche Par Compétence apparaît comme une méthode de formation qui se fonde sur le développement de compétences contrairement à l'Approche Par Objectifs. Les compétences recherchées et développées vont au-delà du savoir académique et s'enracinent dans la réalité quotidienne. La phase de l'apprentissage est marquée par quatre piliers : la présentation, le développement, l'application et l'intégration. Mais en dépit de l'originalité qu'apportent les Nouveaux Programmes d'Education, nombre de défis restent à relever.

II-L'état de l'éducation dans les séminaires catholiques béninois à partir de la deuxième relève ecclésiastique des années 1990 jusqu'à nos jours

L'analyse diachronique que nous avons envisagée consiste ainsi que nous avons commencé à le faire, à procéder à une comparaison de la première relève ecclésiastique de l'éducation avec la deuxième relève, afin d'en déceler les points d'ombre et les éléments d'une crise latente mais déjà en acte.
Une observation participante et attentive de la vie dans les milieux d'éducation et de formation cléricale, révéla d'une manière évidente que le séminariste n'est pas un surhomme et qu'il lui faut tendre vers un être-plus. Mais force est de relever l'existence d'un dualisme très prononcé qui entrave cette tension qualitative vers l'être plus dans tout processus d'éducation. La crise de l'être-séminariste consiste en un dualisme entre cette aspiration à être-plus et une tendance contraire de fait, engendrée par une disposition aléatoire viciée par un esprit peu commode de la formation. Ce dualisme dégénère en l'affirmation d'un modèle humain douteux marqué par le développement d'une conscience d'autodéfense et la persistance d'une certaine mentalité culturelle. Il se manifeste un trop humain chez le formé qui débouche sur des mécanismes contraires au processus d'édification de l'être. "Une chose est d'être homme, l'autre est d'être humain. Il y a une différence de degré entre ces états de réalisation, puisque l'être homme est un fait de nature et que l'être humain est un fait qualitatif. Une qualité soumise aux facteurs spatio-temporels, socioculturels et historiques. Chaque type de société impose sa qualité d'être humain qui approche le modèle originel divin ou s'en écarte systématiquement ; or la plupart des sociétés ne font que poursuivre un certain humanum taillé au gré du temps et trop aléatoire de sorte qu'on aboutisse souvent à un être humain sous mesure. Parler d'un trop humain, c'est envisager un autre degré en deçà de cet humanum taillé au gré du temps. (…). Le trop humain qui apparaît comme un autre degré en deçà de cet humanum sous mesure et taillé au gré du temps auquel nous avions fait allusion, demeure, en dernier ressort, un autre mode d'être différent de celui le plus commun. Et c'est justement à ce niveau-ci que se pose la question : pourquoi ce trop humain ? Quelle en est la signification et la cause ? Nous n'avons pas la prétention de donner réponse à ces questions, tant portent-elles des ramifications sociales, psychologiques et même historiques"(. L'être inachevé, réflexions sur l'éducation dans les séminaires catholiques P. 60)

Le trop humain constitue un premier niveau de la crise dans le système éducatif des séminaires catholiques béninois de la deuxième relève ecclésiastique ; nous en avons distingués bien d'autres dans notre livre ; ainsi donc du point de vue du ministre du culte actuellement, se manifeste dans une logique de cause à effet cette crise de l'être. La crise de l'être, n'est pas le propre des milieux cléricaux d'éducation. Elle s'étend à tout le système éducatif béninois. On assiste à de nombreuses réformes du système béninois de l'éducation depuis l'école nouvelle en passant par les nouveaux programmes. Mais les échecs sont restés cuisants puisque l'élément culturel ainsi que les défis contextuels propres au profil de l'Homme béninois sont bâclés et éludés. Cette crise de l'être garde tout de même des résonnances particulières quant aux séminaires et ministres du culte sortis de ce milieu.
Sur le plan académique et intellectuel, le système éducatif des séminaires catholiques, souffre d'un manque de restructuration. Les contenus de formation n'ont guère été enrichis en fonction des nouvelles épistémologies et les pédagogies n'en sont pas moins archaïques. Par rapport aux contenus, les nécessités de notre époque dues aux mutations sociales ainsi que la complexité de toute la réalité sociale amènent pour l'éduqué l'exigence d'une bonne ressource intellectuelle, d'un vaste champ épistémologique. Le défi en termes de contenu réside dans la diversification et l'enrichissement des domaines de formation. Quant aux pédagogies, elles ne sont pas formalisées et sont centrées sur la personne de l'enseignant ; cet aspect a fait l'objet d'un traitement approfondi dans le cadre de notre essai. Les pédagogies et approches psycho-cognitives sont des outils importants, qui engagent l'équilibre et le développement psycho-affectif de l'éduqué. Dans ce sens, une approche centrée sur la personne de l'enseignant n'est pas nécessairement efficience pour l'éducation :"(….)Du point de vue de l'étudiant, le blocage dû à la féodalité du professeur annihile l'émulation et la personnalisation intellectuelle. Le professeur demeure le seul intelligent et surdoué dans la classe. Le dialogue, en effet, dans le contexte culturel qui est le nôtre, n'est pas un acquis, puisque le formateur revêt une autorité inaccessible au formé. Le formateur revêt un statut presque transcendant qui ne fait de lui qu'un maître qui dicte et ordonne. Son rôle lui confère un pouvoir condescendant qu'il exerce sur le formé ; un pouvoir de domination qui requiert soumission. Il soumet l'élève à un mécanisme qu'il nomme éducation ou formation, mais qui, en réalité, n'en est pas(…..) La qualité de la formation intellectuelle dans les conditions actuelles s'altère progressivement et s'écarte également du caractère excellent de la formation intellectuelle de jadis. La relève sur ce plan n'est pas non plus déjà gagnée quoique le clergé jouisse encore d'une bonne réputation intellectuelle."(Idem P. 70).
L'analyse diachronique de l'éducation dans le contexte béninois des séminaires révèle des points d'ombre frappants du point de vue de l'efficience et de la qualité de l'éducation, ce constat est le point de départ de notre réflexion dans l'être inachevé et reste ouvert à la critique.



Conclusion : Eléments de réflexion pour un modèle béninois d'éducation intégrant l'élément culturel

Depuis la rencontre avec l'Occident, les structures traditionnelles d'édification de l'Homme ainsi que de l'organisation sociale furent ébranlées et pire encore furent phagocytées par de nouvelles idéologies sociopolitiques. Traiter de la crise de l'être africain, béninois à partir du cas des séminaires catholiques, c'est avant tout envisager à l'issue du processus critique une autre piste d'appréhension de la formation et donc une autre manière de dire l'éducation. Nous avons adopté une approche holistique de l'éducation en rapport avec la pluri-dimensionnalité de l'Homme, et ici du séminariste, être en tension. Dans notre ouvrage, nous avons esquissé des éléments pour un modèle béninois adapté aux besoins socioculturels, donc un esprit, une méthode et une vision de l'éducation qui tiennent compte des réalités endogènes et du contexte sociohistorique. La vision de l'éducation comme terminus ad quem reste la finalité à moyen et long terme du modèle de formation. Et à ce niveau, nous tenons à ajouter un aspect de la vision de l'éducation que nous avons proposée(Théoanthropologique), à savoir, la sagesse. Dans les cultures africaines, il s'agit d'une notion très importante et d'une des finalités de l'éducation-initiation. Il faudrait revenir à la dimension humaine et holistique de l'éducation qui ne se borne pas qu'à une ingurgitation de savoir-faire, de notions, de concepts ; mais qui prend en compte l'aspect socio-éthique. Toute éducation reste un lieu de transmission, mais également de communion et d'action ; L'éduqué à long terme devient un sage, c'est-à-dire capable non seulement de comprendre la nature, la vie, l'histoire, mais de se positionner en société de manière harmonieuse en lien avec les autres et le Transcendant.
La sagesse à laquelle conduit l'éducation comme initiation à la vie, prend sa source dans l'épaisseur des relations au Transcendant et aux semblables ; à travers l'observation d'une éthique bien particulière. Ainsi cette éthique prend une double dimension : verticale et horizontale, l'une s'imbriquant dans l'autre. On pourrait dire que l'efficience de la relation au Transcendant se trouve dans l'excellence des relations sociales. La sagesse dans les cultures africaines garde une place centrale comme finalité de cette odyssée sacrée et mystique qu'est la Vie. L'éducation dite moderne, entendue comme en rapport avec les réalités actuelles, devra en ce qui concerne l'Afrique, le Bénin et le cas spécifique des séminaires, intégrer cet élément culturel en plus de ceux qui furent déjà proposés dans l'élaboration d'un modèle d'éducation inculturé qui fit l'objet de notre ouvrage. En clair l'éducation au Bénin et dans le milieu clérical en particulier devra s'humaniser, s'authentifier, s'adapter dans un va et vient épistémologique entre les nouvelles formes pédagogiques, didactiques et les structures socioculturelles et historiques en présence.


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JUDA : Une approche théologique et anthropologique

La Tradition nous a légué un jugement à priori négatif et un stéréotype de catégorisation du personnage. Il serait malhonnête de ne point scruter l'Ecriture, les Evangiles en l'occurrence, de ne point considérer toute la psychologie en vogue à l'époque de leur rédaction et qui aurait influencé le jugement ou la vision de Juda. Il convient alors de se défaire de tous les présupposés rigides et de viser l'objectivité.Les arguments classiques avancés pour endiabler et accuser Juda demeurent ceux de : la cupidité et du destin. Aucun de ces arguments n'est plausible, tant ils manquent de fondement.
La cupidité de Juda est surtout avancée par l'évangéliste Jean (12,5-6) et timidement par Mathieu(26,15). Ce motif rencontre nombre de contre-arguments. Le premier est que le Christ ne pouvait pas confier la bourse commune à quelqu'un en qui il n'a pas confiance. La vision et la perception très parfaite du Christ ne pouvaient pas l'amener à assigner un voleur ou un cupide à la gestion des fonds du groupe. Le second contre-argument est que dans les versions marcienne(Mc 14,11) et lucanienne(Lc22,5) l'initiative de donner de l'argent à Juda vient des chefs des prêtres. Ainsi que nous le constatons ce motif connaît trop de réserves. Nous avancerons enfin comme contre-argument la probable hostilité du groupe due à la fonction délicate et anoblissant que tenait Juda.
D'un autre côté, nombre de personnes penchent plutôt pour l'argument de la fatalité du destin contre Juda.Dieu aurait conditionné et déterminé Juda. Cette vision est antichrétienne. Dieu ne crée personne pour le Mal. De plus cet argument, qui s'appuie sur des annonces explicites de la trahison de Juda au début des évangiles, manifeste une certaine ignorance due à un état précaire des recherches sur les évangiles. Aujourd'hui les sciences exégétiques prouvent que la troisième étape de la formation des évangiles (1ère la vie du Christ, 2ème la prédication des Apôtres, 3ème la rédaction) avait subi plusieurs opérations du point de vue littéraire, chaque écrivain a donné une orientation théologique à son évangile et y a associé des constructions littéraires. Ainsi toutes les allusions à la trahison de Juda au début des évangiles sont des additions post- factum c'est-à-dire après événement. Notons également que Jésus n'a jamais dit explicitement que c'était Juda qui le trahirait. Il disait bien : " c'est l'un des douze qui plonge avec moi la main dans le même plat" (Mc14,20), or tous mangeaient avec lui.
Nonobstant tous ces contre-arguments il faut remarquer que Juda avait fait une erreur de jugement sur la figure du Christ. Juda est un zélote c'est-à-dire l'un des résistants contre le joug romain et il était en l'attente d'un messie politique. Il avait dû assimiler la figure du Christ à celui d'un messie politique. La trahison ne serait alors qu'une astuce ou une tactique pour mettre Jésus devant le fait accompli afin de l'obliger à manifester sa puissance. Face à l'échec qu'il essuya et à la déception il sombra dans un grave remord et se suicida. Son suicide remet en cause tous les procès d'intentions faits à lui faits. La figure de Juda serait celle de l'homme, pris au piège de ses propres illusions. L'histoire de l'humanité ne manque pas de fournir des preuves de cette figure de Juda en tant qu'humanité en crise d'intentionnalité. La question du choix et de l'option fondamentale se posent encore ici avec acuité. De fait nos choix et nos options restent sans aucun doute des positionnements cohérents ou moins cohérents de notre conscience, entendu ici comme présence à soi, par rapport à l'Idéal du Bien. La conscience humaine se déploie d'une manière tâtonnante vers cet idéal à travers des choix et des options, qui la développent ou la déstructurent. La question de Juda n'est rien d'autre que celle du choix et de ses contradictions. Au-delà de l'héritage historique et théologique que porte cette figure, c'est également d'un lieu de réflexivité et de remise en cause théologique et philosophique qu'il est question.

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