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Claude Luezior

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Claude Luezior

Descriptif auteur

Romancier, nouvelliste, poète, Claude Luezior est à la fois homme de plume et médecin, conférencier et professeur titulaire à l'Université (Facultés des Lettres et de Médecine). Son style concis, en constante recherche esthétique, cisèle un nouvel humanisme. Révolte et compassion, humour et insolite sont une trame de sa prose; l'amour orne les filigranes de ses poèmes et de ses aphorismes. Certains de ses ouvrages sont traduits en allemand, roumain ou italien et transcrits en braille.
Claude Luezior est un écrivain suisse d'expression française né en 1953. Parallèlement à ses études à Berne, Fribourg, Philadelphie, Genève, Lausanne et Rochester, puis à sa profession de neurologue, il ne cesse d'écrire des textes littéraires. Sa trentaine d'ouvrages a été couronnée par l'Ordre national des Arts et des Lettres (Ministère français de la Culture). Fragile a reçu un prix de poésie de l'Académie française et son roman Monastères a obtenu le prix de l'Association des Écrivains de langue française - Ville de Paris. Le prix Marie Noël lui a également été remis par l'acteur Michel Galabru, anc. sociétaire de la Comédie française.

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13 livres

Vous avez vu 11 livre(s) sur 13

AUTRES PARUTIONS

Monastères (ISBN : 2.7020.1620.0, Buchet/Chastel, 1995)
Impatiences (IBSN : 70.201621.9, Buchet/Chastel, 1995)
A pleines mains (ISBN : 7020.1702.9, Buchet/Chastel, 1996)
Dites-moi la vérité (ISBN : 7020.1560.3, Buchet/Chastel, 1996)
Terre d'exils (ISBN : 283.01741.6, Buchet/Chastel, 1997)
Fruit de nos désirs (ISBN : 283.01769.6, Buchet/Chastel, 1998)
furtive (ISBN : 877.44.461.9, La Bartavelle, 1998)
Secrets de famille (ISBN : 283.01804.8, Buchet/Chastel, 1999)
fragile, ISBN : 87744.538.0, La Bartavelle, 1999
Jacques Biolley, aux sources des légendes (ISBN : 904.201.26.2, Wallâda, 1999)
Venise (ISBN : 88295.291.0, Cabédita, 2000)
Chemin de rêves (ISBN : 84087.110.6, ACM, 2000)
Venise et autres contes fantastiques (ISBN : 283.01857.9, Buchet/Chastel, 2001)
fluide, ISBN : 87744.720.0, La Bartavelle, 2002

De l’oxydogravure à la mythologie des mots / Guy Breniaux (ISBN : 960-8247-08-X, Elix-Athènes, 2004)
La bible des chats-moines / Bruno Cortot (ISBN : 2-35073-092-1, Presses littéraires, 2006)
Niquille, maître de lumière, (ISBN : 978-2-88355-097-1, La Sarine, 2006)
Rebelles (ISBN : 978-2-88485-108-4, l'Hèbe, 2007)
Pavlina : espaces et transparences( ISBN : 9 782829 302626, Tricorne, 2009)
Épurer le doute (ISBN : 978-2-35845-079-9, L'Atlantique, 2011)
Flagrant délire (ISBN : 978-2-35845-082-9, L'Atlantique, 2011)
À la dérive (ISBN : 978-2-35845-085-0, L'Atlantique, 2011)
Armand Niquille, artiste-peintre au coeur des cicatrices (ISBN : 978-2-88906-089-4, L'Hèbe, 2015)
Mystères de cathédrale, avec photographies de Jacques Thévoz, Ed. BCU Fribourg, 2016
Une dernière brassée de lettres, Ed. tituli, Paris, 2016
Clames, Ed. tituli, Paris, 2017
Jusqu'à la cendre, Ed. Librairie-Galerie-Racine (LGR), Paris, 2018
Golgotha, Ed. Librairie-Galerie-Racine (LGR), Paris, 2020
Un Ancien Testament, déluge de violence, Ed. Librairie-Galerie Racine (Paris), 2020

LES CONTRIBUTIONS DE L’AUTEUR

Articles de presse

Un Ancien Testament, déluge de violence, de Claude Luezior (éd. LGR Paris)recension par Jeanne Champel-Grenier dans Mondes Francophones, 30 10 2020

Articles de presse

Golgotha (ed. LGR Paris), de C. Luezior : recension par Gérard Le Goff sur le site Traversées (Belgique)

Articles de presse

Golgotha, recension de la professeure d'université Sonia Elvireanu

Articles de presse

Jusqu'à la cendre, Ed. LGR, Paris, 2018

Articles de presse

Jusqu'à la cendre, Ed. LGR, Paris, 2018

Articles de presse

CLAMES, poèmes à dire, C. Luezior, Ed. tituli, Paris, 2017

Articles de presse

http://www.arcinfo.ch/articles/lifestyle/loisirs-et-culture/medecin-ecrivain-il-ferraille-contre-les-idees-recues-78659

Articles de presse

Armand Niquille, artiste-peintre au cœur des cicatrices, roman, de Claude Luezior, les Editions de l'Hèbe, Suisse, 2015.

Sur Internet

Niquille et Luezior par Nicolas Renevey

Articles de presse

MYSTÈRES DE CATHÉDRALE Saint Nicolas de Fribourg - Claude LUEZIOR - Photographies : Jacques THÉVOZ

Articles de presse

Poésie et images pour la cathédrale de Fribourg et ses mystères

Articles de presse

Claude LUEZIOR -Une dernière brassée de lettres-

Articles de presse

UNE DERNIERE BRASSEE DE LETTRES

Articles de presse

"Cette existence est tellement romanesque" Luezior et Niquille par Christophe Passer Le Matin Dimanche | 22 novembre 2015

Articles de presse

article Nicole Hardouin

Sur Internet

Recension de Michel Bernard

Sur Internet

Société Fribourgeoise des Écrivains

Sur Internet

Trilogie - Claude Luezior mercredi 22 juillet 2015, par Jean-Paul Gavard-Perret

LES ARTICLES DE L'AUTEUR

Médecine et Ecriture

Citation :
Amour ou méfiance entre la médecine et la littérature ? Entre les sciences dures et les sciences molles... Entre la technologie et les arts... Cerveau gauche face au cerveau droit ? Relations intimes, passionnantes : "le plus important, ce n'est pas la connaissance, c'est l'imaginaire" (Einstein)...

MEDECINE ET ECRITURE
(ou le métier d'écrire, vu par un médecin)











La confiance en panne



Essayez de vous mettre dans la peau d'un homme souffrant d'une tumeur cérébrale accessible au scalpel. Franchement, aimeriez-vous être opéré par un neurochirurgien-poète ? Sans hésitation, non, non, non, trois fois non. Le vocable poète étant pour la plupart de nos contemporains synonyme de rêverie, de flou artistique, de commerce avec des muses imprécises. Non, je ne me ferai pas fendre le crâne par un poète, fût-il chef de clinique ou professeur.
Pour ce qui concerne les chirurgiens, la chose est entendue. Qu'en est-il des médecins ? Entre nous, que diriez-vous d'un pneumologue auscultant vos chères alvéoles alors que vous le savez écrivain ou philosophe? Malaise ! Que va donc susurrer l'adepte de Platon au seuil de vos cavernes tuberculeuses ? Le compagnon de Virgile va-t-il prendre sa lyre pour accompagner vos râles ? L'ami de Cioran va-t-il faire son miel de vos insomnies alors que vous scandez vos quintes à tous vents ? Franchement, le doute est insupportable.
Restent les psychiatres. L'un de mes amis, compagnon de route de Freud, m'a confié : tout le monde sait que les psy sont fous ou qu'ils ont choisi cette branche par courtoisie envers la folie. En réalité, dit-il, le fait que j'écrive des "Krimis", en français, des "polars", redonne parfois confiance à mes patients ! Rechercher le coupable, c'est-à-dire poser un diagnostic différentiel dans une foule de symptômes, a quelque chose de noble, de louable et donne au thérapeute l'habit d'un Maigret. Qui débusque et arrête la criminelle maladie. On ne peut évidemment être tous psychiatres écrivant des polars !



Une littérature sauvée par l'ignorance de la médecine ?


L'on peut nourrir quelque amertume envers la Faculté quand on sait combien elle fut vaine dans le traitement d'un alcoolisme chez Verlaine et Hemingway, d'une dépendance chez l'opiomane Baudelaire ou d'une syphilis chez Kafka et Daudet.
Mais la maladie et la fée bleue n'ont-elles parfois joué un rôle créateur chez ces êtres exceptionnels, au même titre que la solitude, l'incompréhension ou le désespoir ? Et dans le domaine de la peinture, que serait-il arrivé si l'on avait distribué des neuroleptiques larga manu à Van Gogh, Utrillo ou Dali ?
Raisonnement éminemment non médical, je le concède bien volontiers. Relations difficiles, vous en conviendrez, avec ces disciples d'Esculape qui veulent stériliser, extirper, normaliser le terreau si morbide mais si fertile de la nature humaine.
Nous sommes ainsi devant des mondes largement incompatibles, celui des créateurs et celui des soignants, qui vivent côte à côte sous forme de classes, de castes, avec leurs langages différents, leurs hiérarchies, leurs valeurs, leurs réseaux. Et un secret médical réputé aussi inoxydable qu'un secret-défense se charge bien de conserver, pierre à pierre, la muraille de Chine entre les deux professions.


Le besoin d'entre-ouvrir la porte


Il y a, bien entendu, un besoin irrépressible du grand public pour les arcanes de la nature humaine. Autrefois, lors d'un décès, l'on s'assurait que l'âme fût bien lavée par une rémission préalable des péchés. Actuellement, la première question est toujours : de quoi est-il mort ?, comme si le secret médical n'existait plus post-mortem et comme si l'interlocuteur s'érigeait en spécialiste ou en médecin légiste. Etrange!
Il y a cette soif d'entre-ouvrir les portes d'un service d'urgences, à tel point qu'elle a fait les beaux jours d'une série télévisée du même nom. On n'y débusquera, bien entendu, ni art, ni littérature. Et l'on ne compte plus les bouquins de gare du type L'homme en blanc, la logorrhée facile de psy de tous poils, les régimes d'escrocs en goguette, les médecines douces qui n'ont de médecine que le nom et de doux que leur inutilité flagrante. Non, je ne vous parlerai pas de ces verbiages délétères pour la santé de nos forêts.
Il y a enfin une soif légitime de s'informer pour prendre en charge sa santé, des ouvrages didactiques ou des dictionnaires médicaux, des sites intelligents, des conseillers de bonne foi. Tant mieux ! Littérature dans le sens d'un ensemble d'ouvrages et de connaissances, oui. Pas dans le sens d'un corpus d'œuvres artistiques, comme nous le verrons plus tard.


Pourquoi si peu de médecins-écrivains ?


Ils sont pourtant si proches de la glaise humaine, en rapport si direct avec les confidences et les expériences de vie, en contact avec de si passionnants personnages ! Mais ils écrivent peu. Les muses ont-elles peur du serpent d'Esculape ? - Elles en ont vu d'autres ! Peur de transgresser le serment d'Hippocrate ? - Les noms, situations peuvent être malaxées à l'envi. Manque de temps ? La belle excuse : les apôtres eux aussi dormaient alors que le Christ était au jardin de Jetsemani.
Pensons malgré tout, pêle-mêle, à un Tchekhov qui n'a cessé de pratiquer, la plume d'une main et le pansement de l'autre.
Pensons à Céline qui va au bout de la nuit avec son écriture d'écorché vif et sa pensée indigente, à Duhamel et son immense empathie pour les blessés de la Grande Guerre.
Pensons à Rabelais, tout à la fois docte et charnel, à Conan Doyle avec ses descriptions minutieusement cliniques.
Pensons à Henri Mondor disséquant l'âme de Mallarmé, à Starobinski, le brillant critique de Rousseau, à l'humaniste et hématologue Jean Bernard.
Finalement, bien peu de médecins-écrivains dans l'immense cohorte d'hommes penchés sur nos guenilles. D'un côté, l'action et de l'autre, l'intime frottis des mots. D'un côté : la synthèse, le scalpel, la décision clinique ; de l'autre : l'intuition, la quête incessante de la beauté, le chant du barde. Décidément, les faces d'une même réalité humaine, mais des faces apparemment incompatibles pour un Janus morcelé.


Ecrivains et personnes qui écrivent


Bien sûr, tous, nous écrivons. A notre patron, à notre percepteur, à notre belle-mère. Nous commettons tous une sorte de littérature. Et nous avons, les uns et les autres, une âme de poète devant tel oiseau ou telle renoncule. Je dirais même que nous participons tous à l'acte de création artistique qui est dialogue entre l'artiste et celui qui perçoit l'œuvre. L'émotion dans une Chapelle Sixtine ou face aux Nymphéas n'existerait tout simplement pas sans spectateurs.
L'écriture-art n'est pas le fait de raconter une histoire. Selon Roland Barthes, l'écrivain (dans le sens de l'artiste du langage) est celui qui travaille sa parole et s'absorbe fonctionnellement dans ce travail. Un coucher de soleil est une belle chose en soi, sa photographie objective, aussi. Ce n'est pas pour autant de l'art, ce n'est pas un Turner. La cathédrale de Rouen, si élégante en elle-même, prend une autre dimension avec le cadrage en contre-plongée, la texture si singulière que lui confère, au gré des heures, un Monet accroché aux variations de ses reflets.
Donnez trois mots à un élève, à savoir "ciel", "pluie" et "bâche", il vous dira peut-être : La pluie tombait d'un ciel tout gris sur la bâche. Les gouttes ruisselaient. Tout était détrempé. Un technicien commettra : La pluie résulte d'un phénomène de condensation de l'humidité lorsque des gradients de pression se rencontrent dans le ciel. On peut s'en protéger de multiples façons. Certains emploient des bâches. Alors qu'un Tchekhov, dans La Steppe écrit : A gauche, comme si quelqu'un avait gratté une allumette contre le ciel, une bande pâle, phosphorescente apparut et s'éteignit. Très loin, on entendit quelqu'un se promener sur un toit de tôle (…). C'était la pluie. La pluie et la bâche, comme si elles s'étaient comprises, entamèrent un bavardage rapide, odieux et gai, comme deux pies (…). Tous les trois écrivent. Le premier retranscrit des lieux communs, le deuxième recopie son livre de météorologie, le troisième crée un monde, grâce à sa production d'images et au rythme qu'il confère à sa prose.
Est écrivain dans le sens artiste de la langue, non celui qui décrit des faits de manière académique, avec le plus d'objectivité possible tel un physicien, mais précisément celui qui exprime sa subjectivité, son inconscient, son intuition humaine à travers l'étincelle des mots. Cette chimère sur page blanche, ces nouvelles molécules verbales sont à la source même de ce que l'on appelle poésie. Et sans poésie, pas d'écriture vraie, qu'elle soit versifiée ou qu'elle soit de la prose. Le style d'un écrivain ne réside pas dans l'intrigue du roman (quelque part tous les romans sont, peu ou prou, une histoire d'amour), la rose devant laquelle on s'extasie ou l'injustice qui nous révolte (les journalistes sont bien plus efficaces dans cet exercice !), mais dans la manière avec laquelle il s'exprime. L'écrivain-poète réinvente un langage dans le langage, crée une alchimie singulière, comme le peintre réinvente le sujet devant lequel il a planté son chevalet.
Ecoutons le père Hugo. Brièvement, dans Les Contemplations:

Les mots heurtent le front comme l'eau le récif ;
Ils fourmillent, ouvrant dans notre esprit pensif
Des griffes ou des mains, et quelques-uns des ailes ;
Rêveurs, tristes, joyeux, amers, sinistres, doux,
Sombres peuples, les mots vont et viennent en nous ;
Les mots sont les passants mystérieux de l'âme.

Ou une bribe de prose épique dans sa charge des cuirassiers à Waterloo :

Ils se ruèrent sur les carrés anglais. Ventre à terre, brides lâchées, sabre aux dents, pistolets au poing, telle fut l'attaque. Il y a des moments dans les batailles où l'âme durcit l'homme jusqu'à changer le soldat en statue et où toute chair se fait granit. Les bataillons anglais, éperdument assaillis, ne bougèrent pas. Alors, ce fut effrayant. (…) Les carrés, rongés par cette cavalerie forcenée, se rétrécissaient sans broncher. Inépuisables en mitraille, ils faisaient explosion au milieu des assaillants. La figure de ce combat était monstrueuse. Ces carrés n'étaient plus des bataillons, c'étaient des cratères, ces cuirassiers n'étaient plus une cavalerie, c'était une tempête (…). La lave combattait la foudre.
Que l'on soit libre d'aimer ou de ne pas goûter au souffle épique de Victor Hugo, soit ! Mais par ces lignes si fortes, lequel d'entre nous ne se sent pas vivre, comme dans un Radeau de la Méduse de Géricault ou face à La liberté guidant le peuple d'un Delacroix ?


La valeur ajoutée de l'œil intérieur



Revenons à l'apparent divorce entre médecine et poésie, entre sciences "dures" et sciences humaines, entre surspécialisation et synthèse. Einstein nous ouvre la voie : L'imaginaire est plus important que la connaissance. Etonnant!
Se fait sentir un besoin de porosité, de fécondations mutuelles, de fusées spatiales entre des planètes qui ont tendance à s'ignorer. Tout d'abord, un principe de modestie, celui de notre ancien professeur de chimie inorganique von Zelewsky : le vrai scientifique n'est pas celui qui dit "je sais" mais celui qui dit "je ne sais pas". Phrase emblématique, difficile à comprendre pour les jeunes carabins que nous étions, mais qui a fait un long chemin dans nos têtes. Jean-Yves Leloup enchaîne : Le scientifique, c'est celui dont l'intelligence (de inter legere : choisir parmi) n'est pas arrêtée sur ce qu'il sait, mais celui qui demeure dans l'ouvert de ce qu'il cherche.
Nous pensons que la transculturalité est indispensable pour le monde infiniment complexe dans lequel nous vivons. Nous préférons d'ailleurs ce terme à interculturalité, le préfixe trans impliquant davantage de symbioses. Cette approche n'est pas à option, elle est indispensable. C'est d'ailleurs, sous forme d'un triple diagnostic-action entre les domaines neurologique, psychiatrique et éducatif, le cœur de notre enseignement à l'Université de Fribourg.
Cette approche transculturelle tire ses sources dans l'humanisme de la Renaissance et dans le concept de l'honnête homme du XVIIe siècle. Contrairement aux pures équations mathématiques :

• l'être est supérieur à l'ensemble de ses organes
• l'humanité est davantage que la somme de ses individus
• l'évolution est plus que l'addition de mutations
• la peinture dépasse la reproduction d'une réalité
• l'écriture artistique crée une langue symbolique, riche en images et émotions, au-delà du simple langage dit véhiculaire
• en d'autres termes, 1 + 1 > 2


Flux technologies-écriture


Nous sommes d'avis que la science n'a stérilisé ni l'art, ni l'écriture. Certes, les formes ont changé. D'un côté, la poésie s'exprime peut-être, à l'heure actuelle, davantage sous forme de graffitis, de slams, dans certaines chansons, sur certains sites et blogs. Nous ne sommes plus au temps des tricoteuses de vers ou de déclamations emphatiques pour majors de table. D'un autre côté, l'enterrement programmé de textes abscons, sans structure ni grammaire, pour intellos éthérés, fait place à des textes davantage lisibles.
Nous ne saurions par ailleurs trop insister sur la nécessaire collaboration de la poésie avec d'autres arts. Ces synergies avec des moyens d'expression tiers (arts plastiques, musique, oralité) tirent leurs racines dans le théâtre grec. L'apparition de CD, DVD, tablettes numériques, l'éclosion des technologies nouvelles (télématique, digitalisation, laser) donnent des possibilités de graphismes, de transmissions et de partages permettant de réinventer cette transculturalité née il y a trois millénaires.


Fécondation cerveau droit-cerveau gauche


L'hémisphère cérébral droit est décrit classiquement comme celui des arts, de l'intuition, alors que le gauche est davantage dévolu aux mathématiques. Toujours est-il que cette latéralisation n'est pas univoque et que la nature a prévu des interconnexions par des millions de fibres, dont la principale bandelette est le corps calleux. De même, dans nos sociétés, l'inventivité est parfois fille du hasard : la plupart des découvertes majeures (les micro-organismes par Pasteur, la pénicilline par Fleming, le rayonnement nucléaire par les Curie, etc.) ont été faites par l'intuition, puis ont été développées et mises au point par le travail acharné d'équipes transdisciplinaires.
Nous pensons également à l'urgence de réflexions éthiques : science sans conscience n'est que ruine de l'âme (Rabelais). Ou comme le dit, Kutudjian, ancien directeur à l'UNESCO, l'éthique, par essence domaine interculturel où cohabitent philosophes, théologiens, chercheurs etc., s'est affirmée comme une dimension essentielle des sciences et des techniques.
Quand nous disons écriture ou poésie, c'est bien une vision globale, artistique dont il s'agit. Mais aussi philosophique, sociale, culturelle dans le sens large du terme. Notre domaine d'expression est bien entendu la rencontre des mots. Mais ceux-ci sont sans doute au service de la créativité en général, d'une dimension supérieure à la logique marchande. Car, selon St-Exupéry, l'essentiel est invisible pour les yeux.
Cette vision n'est pas uniquement celle d'un poète en mal de souvenirs. Elle est en train d'être adoptée par des facultés de médecine prestigieuses qui ont introduit non seulement des cours d'éthique mais également d'humanities. Certaines équipes de recherche dans de très grandes entreprises engagent des titulaires de masters en lettres, philosophie ou sociologie pour avoir une conception différente et plus humaine de leurs produits. L'idée même de la réforme internationale des universités selon Bologne est basé sur des passerelles entre les facultés, avec d'infinies compatibilités d'échanges dits Erasmus. Nouvelle gouvernance de l'esprit ? Selon Leloup, il ne s'agit pas d'accumuler des savoirs inessentiels, mais de retenir de chaque discipline ce qui est utile à la vérité.


En une manière de post-sciptum… (à défaut de trop provisoire conclusion…)


Soyez donc raisonnables, Messieurs les Professeurs ! Pourquoi abattre des arbres pour imprimer ces petites choses grises que l'on nomme recueils ? Quant à vous, Mesdames les Libraires, rassurez-vous : vous allez survivre, jusqu'à votre retraite très anticipée, grâce à vos charmants livres de cuisine, de voyage et quelques bandes dessinées. Avant que les tablettes électroniques n'effacent toute cellulose restante ou presque.

Soyons réalistes, la muse est morte : paix à ses cendres !

Un gavroche cependant m'a fait remarquer, l'autre jour, que le nombre actuel de lecteurs en poésie était supérieur à celui des lettrés chez les Anciens, au Moyen-Age ou même au XIXe siècle. Que les éditions originales de grands écrivains étaient tirées à quelques centaines d'exemplaires et que Ramuz vendait ses livres au gré à gré dans la rue. Gavroche-Satan sans doute, dépavant son Quartier latin ! On ne peut être poète, selon Démocrite, sans un grain de folie. Derrière le soixante-huitard, horreur, un graffiti de sa main : métro, boulot, dodo. Antinomie de sa rage d'idées. Mais n'avons-nous déjà lu, sous la plume de Démosthène, que la race des poètes possède la liberté ? Grain qui nourrit et fait survivre.

Une âme erre. La sienne. Je l'ai bien connu, alors qu'il était devenu vieux sage et presque centenaire. C'était un grand poète contemporain, il s'appelait Pierre Béarn.


Claude Luezior (-Dessibourg)



Cette conférence, suivie d'une lecture de textes de et par l'auteur, a été donnée le 16.1.2013 pour Connaissance3, l'Université des Seniors (Uni de Lausanne, Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne, Hautes écoles spécialisées…).

Elle est basée, entre autres, sur 4 articles de Claude Luezior (Prof Dr med CA Dessibourg, de son nom civil :Tel/fax : 0041 26 481 12 38) :

• Médecine, sciences humaines et art : approche transculturelle, Rev. Med Suisse, 2009 ; 5 :851-5
• Ecrivains ou personnes qui écrivent, Poésie sur Seine, 2005 ; 6 : No 53
• Littérature et médecine : deux mondes incompatibles, Bull des médecins suisses, 2001 ; 82 : Nr 10
• De l'inutilité absolue de la poésie ; Art et Poésie, 2013, éditorial, 1er trim

… ainsi que sur son ouvrage médical, Handicap mental : approche transdisciplinaire somatique, psychiatrique, psychopédagogique préfacé par le professeur Laurent Schmitt de Toulouse, aux éditions Masson-Elsevier à Paris (2009)


Signature :
Claude Luezior

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