Que tous les êtres humains soient d’égale valeur et que le droit à l’égalité doive guider l’humanité, voilà une idée toute récente dans l’histoire humaine. Décrire le parcours sinueux du chemin occidental vers l’égalité qui aboutit aujourd’hui à ce nouveau principe conducteur est plus que nécessaire. La raison en est simple : nos trop confortables démocraties et, de nos jours, la survalorisation d’un présent omniscient ont tendance à voiler les acquis égalitaires et libertaires de l’histoire qu’a toujours portés la gauche et que nous partageons depuis les Lumières. Les courants antiracistes, diversitaires, féministes et écologiques de la mouvance égalitaire actuelle non seulement ne s’en réclament plus, mais se limitent à en dénoncer l’hypocrisie et la trahison tout en remettant à l’honneur ce qu’ils condamnent. On ne peut que saluer la nécessité et la générosité d’un nouveau récit égalitaire à l’ère de la mondialisation et de la multiculturalité croissante des démocraties, mais on peut aussi regretter qu’il cède si facilement à la tentation idéologique identitaire en tombant le plus souvent aveuglément dans les pièges de ce que la longue marche occidentale vers l’égalité a pourtant fini par condamner : un principe de domination qui remet de l’avant le référent racial, sexuel, religieux et abusivement individualiste. C’est du moins, en regard de ce nouveau progressisme actuellement prédominant dans la gauche politique, ce que nous révèlent ses argumentations dans l’évolution des courants philosophiques, sa mise en contexte sociohistorique et ses conséquences sur la démocratie d’aujourd’hui.