Après s’être hissé au-dessus de lui-même et de l’histoire de sa famille, Raphaël s’acheminait désormais vers la réconciliation de tous ces fragments existentiels, ses « éclats de voies » édifiants ou tranchants, comme il aimait à se le dire, dont l’image dessinait l’homme qu’il était devenu.
Le récent courrier de l’ambassade d’Espagne lui accordant la double nationalité le fit sourire. Son visage maigre, désormais adouci par sa courte barbe blanche, était tourné vers le plafond, sa tête reposant sur le dessus du fauteuil et regardant une gravure de Brassens suspendue au mur. De l’armoire de sa chambre d’enfant, longtemps demeurée close, rayonnait une lumière douce et nostalgique, comme une lettre s’échappant d’entre les pages. Il appréciait le silence, pour une fois ; l’air vibrait autour de lui, car il avait ouvert la grande porte de bois qui l’enfermait et l’empêchait d’accéder au jardin. Raphaël avait fait le travail ; il était heureux, apaisé. Et ce n’était que le début.